Intervention de Laurence Tubiana

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 27 mai 2015 à 15h00
Audition de Mme Laurence Tubiana ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique représentante spéciale pour la conférence paris climat 2015 cop21

Laurence Tubiana :

Seuls quelques accords régionaux prévoient des sanctions à l'égard des pollueurs. Malheureusement, pour des raisons politiques, nous n'avons pu imposer à l'Arctique le statut de bien public mondial, comme ce fut le cas pour l'Antarctique. On ne pourra pas punir ceux qui exploitent le pétrole en Arctique mais ces exploitations étant très coûteuses et risquées - d'où l'absence de Total - il est possible d'espérer le retrait de ces groupes qui iront gagner de l'argent ailleurs. La pression de l'opinion publique et des scientifiques est indispensable pour arrêter cette exploitation, d'autant que la renégociation du traité de l'Arctique a confirmé la propriété du sous-sol à certains États qui pourront continuer à le ravager en toute impunité.

En tant que présidente de la conférence de Paris, la France doit trouver le ton juste, savoir écouter, sans arrogance, tout en gardant le cap pour répondre aux questions posées. Les États souverains devront néanmoins être entendus et encouragés à être plus entreprenants.

La responsabilité historique pose un problème majeur : elle doit être reconnue mais ne pas occulter le fait que des pays en développement sont devenus de très gros pollueurs. La Chine est ainsi le premier émetteur mondial. Il est donc difficile de ne prendre en compte que le passé alors que les pays vont s'engager pour les vingt prochaines années. Pour trouver une formule juste, il faut qu'elle soit acceptable. Comment se développer en ayant très peu d'émissions ?

Le G7 fera probablement une déclaration significative, notamment grâce à l'Allemagne.

Les Nations Unies s'occupent des réfugiés climatiques mais nous sommes loin d'un statut.

Le Canada reste fermé, mais certaines de ses provinces, comme l'Ontario, le Québec ou la Colombie britannique, sont extrêmement volontaires. En Alberta, pays des sables bitumineux, le nouveau gouvernement a déclaré qu'il veut une politique environnementale forte. En Australie, le mouvement est identique : le gouvernement s'oppose à toute politique climatique alors que beaucoup d'Australiens sont préoccupés par l'avenir de la grande barrière de corail et par les vagues de chaleur qui sont parmi les plus fortes du monde. Cela bouge partout, dans le bon sens, mais il ne faut pas que le soufflé retombe.

Oui, Madame Keller, il est vrai que les pays les moins avancés évoquent davantage le financement du développement que le climat, mais il est souvent difficile de distinguer les deux, sauf pour l'éducation et la santé.

De nombreux pays vont instaurer un prix du carbone. Quant aux financements innovants, la taxe sur les transactions financières va enfin produire ses effets. Les compagnies aériennes se sont engagées à compenser leurs émissions. Il est en revanche difficile d'instaurer une taxe sur le transport maritime, qui affecterait les pays en développement : le blocage est total.

Plus les pays mèneront une politique climatique active, plus les questions du prix du carbone et de la taxation aux frontières se poseront. Les conflits commerciaux risquent donc de se multiplier devant l'OMC dans les prochaines années, en raison des politiques divergentes qui seront menées en la matière. La taxe sur les billets d'avion fonctionne, même si peu de pays ont adhéré, les compagnies aériennes peuvent-elles faire quelque chose de leur côté ? Ces questions demeurent sur la table pour les semaines qui viennent.

Nous nous battrons contre des accords a minima et le succès ne se mesurera pas qu'à la photo.

Oui, Monsieur Dantec, beaucoup d'acteurs civils demandent à leurs gouvernements d'aller plus loin et plus vite. Leur rôle doit être encouragé.

La Californie, huitième économie mondiale, envisage son futur comme totalement décarboné. Qui ne voudrait lui ressembler ?

Enfin, je ne sais si les conflits actuels vont favoriser ou empêcher les accords de Paris. Quel seront les rôles de la Russie, de l'Arabie Saoudite ? Les signaux qu'ils envoient sont contradictoires. L'activisme politique de la France est plutôt un atout.

Le traité de libre-échange transatlantique aura-t-il un impact sur les politiques climatiques ? De nombreuses ONG posent la question depuis plusieurs semaines et j'ai présenté à M. Fabius des suggestions à ce propos. Les négociations s'accélèrent car l'administration Obama veut parvenir à un accord avant son départ. Il semble en tout cas que les deux soient liés, puisque les effets de ces accords ont des répercussions directes sur les politiques intérieures de chaque pays.

Le rôle des parlementaires est essentiel : ils doivent encourager les gouvernements, constituer le relais de l'opinion publique mais aussi des expériences étrangères couronnées de succès et surveiller le respect des engagements pris.

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