Intervention de Michel Teston

Réunion du 23 décembre 2009 à 14h30
Entreprise publique la poste et activités postales — Article 1er

Photo de Michel TestonMichel Teston :

Ce projet de loi répond à une double logique, qui conduit à mettre en danger le service universel postal : d’une part, il avalise pleinement l’ouverture totale à la concurrence prévue par la troisième directive postale et, d’autre part, il procède à la transposition de celle-ci en en retenant les dispositions les plus libérales.

Procédant directement de cette double logique, ce projet de loi met fin à l’existence du secteur réservé qui faisait la force du service universel postal à la française et transforme La Poste, actuellement établissement public industriel et commercial, en société anonyme. Ce texte vise donc bien à une libéralisation du secteur postal.

À titre d’exemples, le financement du service universel sera assuré par un fonds de compensation dont on connaît les limites ; peu de contraintes pèseront sur les concurrents de La Poste, alors que celle-ci aura seule à assumer les missions de service public sur l’ensemble du territoire ; les autres opérateurs auront les mains libres pour se positionner sur les niches les plus rentables et pourront même effectuer seulement la collecte et le tri, laissant au facteur de La Poste le soin d’aller distribuer le courrier, y compris dans les zones les moins denses du territoire.

Enfin, l’ARCEP, qui a toujours fait prévaloir les lois de la concurrence au détriment du service public et des opérateurs historiques, voit ses prérogatives encore étendues.

Tous ces éléments ne créent pas un environnement très favorable à l’opérateur historique, pourtant chargé des missions de service public.

Quant à la première partie du texte, c’est-à-dire le titre Ier, elle ne consiste qu’en une déclinaison et traduction des conséquences de l’article 1er transformant La Poste en société anonyme. Autant dire que le rejet de l’article 1er, phare du projet de loi, emporterait suppression de cette première partie et de la douzaine d’articles qui la composent. C’est ce que nous proposions.

Mais chacun devra prendre ses responsabilités, sur cet article comme sur l’ensemble du projet de loi !

On nous explique que la transformation en société anonyme serait incontournable, qu’il n’y aurait pas d’autres solutions, que l’actuel statut d’EPIC serait un obstacle au développement de La Poste – c’est ce que M. le ministre vient de nous dire –, que celle-ci aurait besoin de capitaux sans lesquels elle ne pourrait faire face à ses concurrents européens.

La Poste aurait donc besoin de capitaux – personne ne sait exactement à combien ils s’élèvent, plusieurs chiffres ayant été évoqués – pour moderniser son outil industriel et son réseau, pour développer ses activités de distribution de colis, voire de logistique, dans un environnement plus concurrentiel et marqué par la baisse de l’activité de courrier.

Enfin, ce changement de statut n’aurait aucune conséquence sur les missions de service public et sur l’entreprise elle-même, dont le capital demeurera, nous dit-on, intégralement public.

Or, que constate-t-on ?

La Poste a déjà consacré 3, 5 milliards d’euros à la modernisation de son réseau, avec, en toile de fond, d’un côté, la suppression de milliers de bureaux de poste au profit d’agences postales communales ou de relais poste chez les commerçants, et, de l’autre, la mise en place d’équipements automatisés. Elle a également modernisé ses centres de tri, devenus de véritables plates-formes industrielles dotées de grandes capacités de traitement.

Nous en déduisons que les capitaux dont La Poste aurait besoin seraient essentiellement destinés à lui permettre de mettre en œuvre sa stratégie à l’international. Comme le soulignait un communiqué du groupe, il s’agirait d’acquérir ou de développer des opérateurs alternatifs de courrier en Europe, de compléter le dispositif Express européen, notamment en Allemagne, en Espagne et en Italie, et de procéder à quelques acquisitions ciblées hors d’Europe.

Au final, 2, 7 milliards d’euros de fonds publics seraient essentiellement mis au service de la stratégie d’internationalisation et de croissance externe de La Poste.

Mes chers collègues, s’il n’est pas question de s’opposer à un développement des activités de La Poste, il ne faut pas que cette orientation, qui n’a fait l’objet d’aucun débat public et citoyen, se traduise au plan national par un appauvrissement de nos services publics avec, à la clé, des milliers de suppressions d’emplois.

Nous considérons que la meilleure garantie contre ce risque réside dans le maintien du statut actuel. C’est pourquoi nous sommes formellement opposés à l’adoption de l’article 1er, comme d’ailleurs à celle de l’ensemble de ce projet de loi.

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