Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur le projet de loi relatif à La Poste et aux activités postales a montré l’empressement de la majorité à mettre en œuvre les politiques communautaires de libéralisation totale du secteur postal.
Le projet de loi va même plus loin que les exigences bruxelloises, puisque son article 1er impose le changement de statut de l’exploitant public, alors que les traités européens ne le demandent pas.
Vous avez affirmé le contraire, monsieur le ministre. Pourtant la lecture des textes ne laisse guère de place au doute. Ainsi, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dispose que « les traités ne préjugent en rien le régime de la propriété dans les États membres ». Je vous ferai grâce de la lecture de la jurisprudence Höfner, que vous connaissez fort bien et qui va dans le même sens.
Non seulement le changement de statut n’est juridiquement pas nécessaire, mais il ne règle pas la question de la violation des règles de la concurrence.
En effet, au regard du droit applicable aux aides d’État, nous pouvons nous demander s’il existe vraiment une différence entre l’apport de l’État en capital de la société anonyme et l’apport en dotations budgétaires à l’exploitant public. Il aurait été utile de saisir la Commission européenne de ces questions, surtout si le projet de loi a pour but d’éviter toute condamnation de la France.
Le débat nous a également donné l’occasion de découvrir de nouveaux concepts qui ne recouvrent aucune réalité, ni politique ni juridique. Ainsi, M. le ministre nous a expliqué, la main sur le cœur, que La Poste serait « imprivatisable ».
Nous savons bien qu’un service public national se caractérise, mais ne se décrète pas ! Or, monsieur le ministre, vous dépossédez l’entreprise de ses missions de service public, supprimant, avec ce projet de loi, les caractéristiques qui en font un service public national.
Sur ce point également, il suffit de lire la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à GDF pour comprendre que les garanties que vous prétendez apporter ne sont que des chimères.
Pour faire face à la concurrence, qui mettrait en danger La Poste – concurrence que vous avez encouragée dans des secteurs fondamentaux de l’économie –, il faudrait, selon vous, sacrifier le service public postal et les salariés. D’ailleurs, le mouvement a déjà été largement amorcé par la direction de l’entreprise.
Il est vrai que les solutions de substitution au bureau de poste de plein exercice offrent, du point de vue de la direction de La Poste, un avantage majeur, avantage incomparable dans l’univers concurrentiel que vous voulez nous vendre, à savoir la diminution du coût que représentent ces bureaux de poste, tout en limitant les services offerts.
Depuis 2002, La Poste a multiplié les solutions pour remplacer les bureaux de poste de plein exercice. Le nombre des relais poste a été multiplié par quatre depuis 2005 et le nombre des agences postales communales a augmenté de manière significative, puisque l’on compte aujourd’hui 4 446 agences postales communales dans notre pays.
Pour ce faire, les élus locaux ont subi, et subissent toujours, un chantage honteux à la présence postale. L’État, quant à lui, se décharge de ses missions en termes d’aménagement du territoire.
Dans ce contexte, le Gouvernement se réjouit quand la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale propose que « les horaires d’ouverture des points de contact s’adaptent aux modes de vie de la population desservie ». C’est tout dire de votre conception du service public, monsieur le ministre : un service qui s’adapte à l’offre et la demande, un service public qui n’est autre qu’un service commercial !
Pour Léon Duguit, que vous connaissez sans aucun doute, monsieur le ministre, pour son analyse du service public, l’existence du pouvoir d’État ne se justifie que ponctuellement en vue de garantir la possibilité de rendre des services à la collectivité. Vos politiques, en niant l’intérêt général au profit des intérêts particuliers, en visant les bénéfices financiers au détriment des bénéfices sociaux, remettent chaque jour un peu plus en cause ce rôle fondamental de l’État.
Le projet de loi relatif à La Poste constitue une nouvelle atteinte aux intérêts de la collectivité. Voilà pourquoi nous avons mené la lutte dans cet hémicycle, voilà pourquoi nous continuons de la mener dans nos territoires.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen et du parti de gauche voteront évidemment contre ce projet de loi.