Intervention de Claire-Lise Campion

Réunion du 2 juin 2015 à 21h30
Accessibilité pour les personnes handicapées — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Claire-Lise CampionClaire-Lise Campion :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici parvenus à la dernière étape d’un processus entamé depuis plusieurs années pour nous donner les moyens d’atteindre les objectifs d’accessibilité fixés dans la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005, dite « loi handicap ».

En consacrant la notion d’accessibilité universelle, ce texte a posé les fondements d’un changement d’état d’esprit qui est aujourd’hui pleinement ancré. L’accessibilité est bien évidemment physique, mais elle concerne plus largement l’ensemble des domaines de la vie en société. Si les personnes handicapées, quel que soit leur type de handicap, sont les premières concernées par l’accessibilité, celle-ci vise également toute personne pouvant être confrontée, un jour ou l’autre, à une difficulté de déplacement, qu’elle soit temporaire ou durable. Au regard du vieillissement de la population, cette approche transversale revêt un enjeu considérable.

L’accessibilité n’est pas une contrainte. Elle est l’un des éléments indispensables au fonctionnement d’une société plus inclusive.

La loi du 11 février 2005 a posé un principe fort : l’ensemble du cadre bâti et des transports devait être rendu accessible à l’horizon 2015. Une véritable dynamique s’est engagée et des progrès tangibles ont pu être constatés. Pourtant, nous savons depuis plusieurs années que cet objectif ne pourra pas être atteint dans les délais prévus. Isabelle Debré et moi-même l’avions constaté dans notre rapport du mois de juillet 2012 sur l’application de la loi handicap, comme Mme la secrétaire d’État l’a rappelé voilà un instant. Nous appelions alors à ne pas repousser l’échéance de 2015 et à prendre le problème à bras-le-corps en commençant par établir un état des lieux exhaustif du chantier de la mise en accessibilité.

Le rapport intitulé Réussir 2015, que j’ai remis au mois de mars 2013 au Premier ministre Jean-Marc Ayrault, a été suivi d’une large concertation au cours de l’hiver 2013-2014.

L’ensemble de ces travaux a permis d’aboutir à des préconisations concernant deux grands chantiers : d’une part, la définition d’agendas d’accessibilité programmée devant permettre aux propriétaires ou exploitants d’établissement recevant du public, ainsi qu’aux autorités organisatrices de transport ne respectant pas leurs obligations de mise en accessibilité de s’engager sur un échéancier précis de travaux, sur le financement de ces derniers et sur leur suivi ; d’autre part, l’adaptation des normes d’accessibilité existantes lorsque celles-ci se révèlent trop rigides ou trop peu opérationnelles.

Au cours de la concertation qui s’est alors déroulée et que certains acteurs ont qualifiée d’« historique », chacun a su agir de façon constructive et responsable. Il était impensable de renoncer aux principes de la loi du 11 février 2005. Mais il n’était pas non plus souhaitable de prendre le risque de voir se multiplier les condamnations pénales de collectivités territoriales et d’acteurs économiques n’ayant pu remplir leurs obligations une fois passée l’échéance du 1er janvier 2015.

La loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées du 10 juillet 2014 s’inspire très largement des travaux de la concertation. Elle est allée plus loin sur un point, en rendant les Ad’Ap obligatoires pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, alors qu’il était à l’origine envisagé de leur laisser un caractère facultatif. Des orientations fixées par la loi d’habilitation découlent l’ordonnance du 26 septembre 2014 et les nombreux textes réglementaires publiés depuis pour sa mise en œuvre. Dans sa majorité, la commission a estimé que le texte de l’ordonnance respectait le cadre de l’habilitation qui avait été défini par le Parlement.

Les Ad’Ap doivent être déposés dans les préfectures d’ici au 27 septembre prochain et les demandes de prorogation des délais de dépôt devront avoir été transmises au plus tard le 27 juin. Nous sommes donc appelés à nous prononcer sur la ratification d’un texte ayant déjà remporté l’adhésion des acteurs qui souhaitent pouvoir se mettre en conformité avec leurs obligations légales dans les délais impartis. À la mi-mai, plus de 1 300 Ad’Ap avaient déjà été déposés.

Ces éléments doivent nous conduire à être responsables. Telle est la raison pour laquelle Philippe Mouiller et moi-même n’avons pas souhaité proposer à la commission des affaires sociales d’amendements dont l’adoption aurait bouleversé l’équilibre de l’ordonnance. Il nous a malgré tout semblé qu’il était possible d’en renforcer plusieurs points, dans le respect des préconisations issues de la concertation, tout en prenant en compte certaines des attentes des organisations dont nous avons auditionné les représentants.

L’ordonnance précitée a fixé à trois ans la durée de principe des Ad’Ap pour les établissements recevant du public et pour les transports publics urbains. Les agendas pourront malgré tout porter sur deux, voire trois périodes de trois ans en cas de situations plus complexes délimitées par l’ordonnance. Dans tous les cas, des progrès de mise en accessibilité devront pouvoir être mesurés dès la première année d’exécution de l’agenda : il s’agit non pas de reporter de trois, six ou neuf ans la mise en accessibilité exigée, mais d’échelonner, sur une période plus ou moins longue, les travaux programmés dans les agendas. Dans l’hypothèse où un allongement exceptionnel de la durée des Ad’Ap paraîtrait nécessaire, la commission des affaires sociales a exigé qu’il ne puisse être autorisé que par une décision expresse de l’autorité administrative compétente.

Elle a également davantage encadré les possibilités de prorogation des délais de dépôt des Ad’Ap. Fixés à trois ans par l’ordonnance, elle les a ramenés, comme vous venez de le rappeler, madame la secrétaire d’État, à douze mois en cas de difficultés techniques liées à l’évaluation et à la programmation des travaux, et à six mois lorsqu’un premier projet d’agenda a été rejeté. Le délai de trois ans continue de s’appliquer en cas de difficultés financières pour évaluer et programmer les travaux. Dans chacune de ces trois hypothèses, seule une décision expresse et motivée du préfet permettra d’allonger les délais de dépôt.

Par ailleurs, tous les travaux effectués sur la question de l’accessibilité font état de l’insuffisance des données statistiques en la matière. De ce point de vue, la mission que confie l’ordonnance aux commissions communales et intercommunales pour l’accessibilité aux personnes handicapées de tenir, par voie électronique, un répertoire des Ad’Ap et des établissements accessibles à ces personnes est essentielle. Ces commissions, dont l’ordonnance étend également la composition aux représentants des personnes âgées et des acteurs économiques, seront ainsi pleinement en mesure de jouer le rôle d’observatoire que leur a confié la loi du 11 février 2005.

Pour compléter mon intervention, j’évoquerai deux points qui me tiennent particulièrement à cœur.

Le premier concerne la mise en accessibilité des services de transport scolaire. Aux termes de l’ordonnance, lorsque le projet personnalisé de scolarisation prévoit l’utilisation du réseau de transport scolaire, les représentants légaux d’un élève scolarisé à temps plein peuvent demander la mise en accessibilité des points d’arrêt les plus proches de l’établissement fréquenté par l’élève et de son domicile. Cette disposition concerne la très grande majorité des élèves en situation de handicap, dans la mesure où près de 90 % d’entre eux sont aujourd’hui scolarisés à temps complet. Pour ceux qui le sont à temps partiel, des solutions de transport individualisé existent. Elles leur permettent de se rendre dans leur établissement scolaire et dans la structure spécialisée chargée de les accueillir. Faire coexister ce service de transport individualisé avec la mise en accessibilité du réseau de transport collectif serait inévitablement source de lourdeurs et ne correspondrait pas nécessairement aux souhaits des parents, qui privilégient bien souvent les transports individualisés.

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