Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons au terme du parcours législatif de cette ordonnance, née de trois années de concertation entre tous les acteurs de l’accessibilité et le Gouvernement. Je voudrais à mon tour remercier les deux rapporteurs de leur travail, notamment celui que Claire-Lise Campion a accompli sur cette question depuis des années, ainsi que de leur écoute attentive et de leur recherche de solutions concrètes.
L’objectif d’accessibilité universelle au 1er janvier 2015 fixé par la loi de 2005 est loin d’être atteint, nous le savons tous. Les mois précédant l’échéance n’ont évidemment pas permis de rattraper le retard pris en neuf ans. Selon un sondage de l’IFOP datant du début de cette année, près d’une personne handicapée sur deux estime que son quotidien ne s’est pas amélioré depuis dix ans ; près d’un quart des personnes handicapées jugent même que leur quotidien s’est dégradé !
Face à la gravité du problème, nous avons accepté l’année dernière de faire confiance au Gouvernement en lui accordant la possibilité, pour accélérer les choses, de légiférer par ordonnance. Même si ce mode de fonctionnement est très loin d’être satisfaisant, car il court-circuite le travail parlementaire, le principe des agendas d’accessibilité programmée était, sur le papier, un bon moyen de rendre les travaux effectifs tout en tenant compte de la réalité des coûts des travaux de mise en accessibilité. L’ordonnance est parue au mois de septembre.
Sans minimiser nos réserves, sur lesquelles je reviendrai, nous nous réjouissons, d'une part, que la commission ait adopté un certain nombre d’amendements qui nous paraissent aller dans le bons sens, et, d'autre part, que deux des mesures que les écologistes avaient proposées l’année dernière sous forme d’amendements figurent bien dans le texte.
La première disposition est la publication de la liste des établissements recevant du public qui ont effectué les travaux de mise en accessibilité ou qui prévoient de les réaliser dans le cadre d’un agenda d’accessibilité programmée, pour que toute personne qui s’interroge sur sa capacité à accéder à une infrastructure puisse avoir la réponse immédiatement. La seconde est le droit de regard des parlementaires sur l’avancée des mesures prévues par l’ordonnance.
Cependant, je voudrais le rappeler brièvement, plusieurs points posent problème, car nous estimons qu’ils ne sont pas conformes aux positions adoptées par le Parlement au mois d’avril 2014.
Tout d’abord, l’introduction d’une quatrième possibilité de dérogation, sans véritable justification, pour les copropriétés qui ne souhaitent pas faire les travaux de mise en accessibilité ne nous paraît pas justifiée. Le texte nous semble trop vague. Nous avons donc déposé un amendement visant à préciser les justifications recevables.
La mise en accessibilité ne doit pas être considérée comme une contrainte, même si, bien sûr, elle nécessite des investissements souvent importants. C’est le principe des agendas que de planifier les dépenses dans le temps. Les possibilités de dérogation ont déjà été rappelées. Il faut définir des priorités.
Par ailleurs, les petites communes ou les petites structures, qui ont des budgets limités, peuvent être amenées à demander des dérogations. Les arguments financiers doivent également être maniés avec précaution. L’étalement des dépenses est possible. Des prêts existent ; ceux de la Caisse des dépôts et consignations ont été cités. De plus, comme cela a été souligné en commission, la mise en accessibilité peut être un atout économique pour certains commerces, comme ceux du secteur hôtelier.
L’accessibilité des établissements scolaires est un deuxième point fondamental qui n’a pas été suffisamment mis en avant dans l’ordonnance. Selon une étude récente de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement, un quart des écoles construites après 2008 ne sont pas accessibles. Nous proposons donc, à travers l’un de nos amendements, que les établissements scolaires et universitaires, qui, selon nous, doivent montrer l’exemple, rendent accessible leur rez-de-chaussée avant la fin de la première année de leur agenda d’accessibilité programmée.
Enfin, comment penser l’accessibilité sans aborder le sujet des transports ? C’est pour nous le point le plus problématique de cette ordonnance. La possibilité de se déplacer, quelle que soit la nature de son handicap et de ses difficultés, doit être garantie à tous. Il serait juste et pertinent d’inscrire dans la loi le principe de l’obligation de mettre en accessibilité ou de prévoir des services de substitution pour tous les points d’arrêt, prioritaires ou non. Nous avons déposé un amendement en ce sens.
Nous ne pouvons plus nous cacher derrière des arguments techniques, financiers ou économiques quarante ans après la première loi d’orientation en faveur des personnes handicapées – la loi du 30 juin 1975 –, dix ans après la loi du 11 février 2005 et neuf ans après la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées. Le temps écoulé témoigne bien des difficultés et des blocages que nous rencontrons. Selon nous, il faut y faire face.
Mes chers collègues, le groupe écologiste a voté le projet de loi d’habilitation l’année dernière. Il est pour l’instant réservé concernant le présent projet de loi de ratification, qui ne lui paraît pas refléter totalement l’esprit de ce qu’il avait voté au mois d’avril 2014. Le cours des débats de ce soir déterminera son vote final.