Intervention de Michelle Meunier

Réunion du 2 juin 2015 à 21h30
Accessibilité pour les personnes handicapées — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Michelle MeunierMichelle Meunier :

Voilà maintenant plus de dix ans que la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a vu le jour : une loi utile et juste ; une loi extrêmement attendue, après tant de combats, tant de luttes, tant de promesses.

Il s’agissait d’un texte censé traiter de façon globale la question de l’accessibilité dans les dix ans, en joignant notamment la question des transports à celle de l’urbanisme et de la voirie, mais également en prenant en compte les différentes contraintes liées aux différents handicaps, qu’ils soient physiques, mentaux, sensoriels ou psychiques.

Malheureusement, dix ans après, force est de constater, pour le regretter, que cette loi de 2005 n’a pas été suffisamment soutenue sur le plan politique et n’a pas bénéficié des moyens nécessaires à sa mise en œuvre complète.

Combien de mairies, de stades, de commerces, d’hôtels, de restaurants, de salles de spectacle, de locaux associatifs, de préfectures, de caisses d’allocations familiales, de moyens de transport ou d’éléments de voirie sont toujours inaccessibles, voire dangereux ? Les défis de l’accessibilité à la vie sociale et professionnelle pour les personnes porteuses de handicap sont encore nombreux.

En 2011, sentant pointer l’échec dans l’application de sa propre loi, la majorité UMP d’alors a tenté, par la plume de notre collègue Éric Doligé, auteur de la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales, de substituer, dans l’article 1er de ce texte, au principe d’accessibilité des bâtiments publics un simple principe d’accès au service public. Or cette disposition portait en elle un risque grave de rupture d’égalité entre les citoyens et entre les collectivités territoriales.

Le Conseil national consultatif des personnes handicapées estimait alors que la liberté d’aller et de venir n’avait pas à être sacrifiée en intériorisant des contraintes qui résultaient indirectement de choix de politique économique et sociale. Heureusement, cet article 1er de la proposition de loi n’a jamais passé le cap du Sénat.

Quelques mois plus tard, Claire-Lise Campion s’est saisie du sujet, d’abord au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, puis à la demande du Premier ministre d’alors, Jean-Marc Ayrault. Que ressort-il de ses travaux ?

Il est clair que la dynamique était lancée et que des efforts considérables avaient été faits. Les logements nouvellement construits étaient désormais accessibles, conformément à la loi, ainsi que les nouveaux établissements recevant du public. Cependant, seulement 15 % de l’ensemble des travaux nécessaires avaient été réalisés à l’époque, c’est-à-dire à trois ans de l’échéance.

Ce constat n’était malheureusement pas une surprise, tant le chantier était important et tant les engagements des collectivités étaient variables en la matière.

Plutôt que de rester les bras ballants en théorisant notre impuissance collective ou de tenter un impossible et injuste retour en arrière, Claire-Lise Campion a préféré formuler quarante propositions concrètes pour débloquer la situation, pour mobiliser la société et nous permettre de progresser tous ensemble, coûte que coûte.

Le principe est clair : il s’agit de poursuivre une démarche réaliste et efficace en ciblant les priorités et en s’engageant concrètement sur la mise en place d’agendas d’accessibilité programmée en trois ou quatre ans. Autrement dit, il s’agit de se donner un délai supplémentaire, mais de l’utiliser à bon escient pour avancer réellement.

Parmi les autres propositions du rapport Réussir 2015, citons la mise en place de tables rondes des acteurs de l’accessibilité, l’organisation d’états régionaux rassemblant les collectivités locales et les secteurs d’activité concernés par la réglementation, ou encore l’élaboration d’un plan transversal de formation pour les acteurs chargés de la mise en accessibilité.

Parce qu’il s’agit véritablement d’un enjeu démocratique et d’un enjeu de société, il fallait aller vite et nous y sommes ! La loi d’habilitation du 10 juillet 2014 a d’abord autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi et destinées à rendre effective l’obligation de mise en accessibilité de la cité aux personnes en situation de handicap. L’ordonnance a été publiée le 26 septembre 2014. Il nous appartient aujourd’hui de la ratifier.

Cette ordonnance vise à simplifier les normes d’accessibilité, tout en sécurisant le cadre juridique de leur mise en œuvre par la création des agendas d’accessibilité programmée. On peut résumer l’état d’esprit qui a guidé cette démarche en reprenant les propos de Mme la ministre Marisol Touraine, pour qui la volonté du Gouvernement, en accordant des délais supplémentaires pour la mise en accessibilité des lieux publics et des transports, constitue non pas un recul, mais un choix pragmatique, dès lors qu’il n’est pas possible de faire en deux ans et demi ce qui n’a pas été réalisé depuis 2005.

Concrètement, que dit ce texte ? Le chapitre 1er aborde la mise en œuvre du dispositif des agendas d’accessibilité programmée. Soyons clairs : tous les établissements recevant du public sont et restent soumis à l’obligation d’accessibilité, car il n’existe pas de dérogation possible en la matière. Dès lors, ils doivent faire connaître leur situation, soit en attestant du respect des règles d’accessibilité, soit en déposant un agenda d’accessibilité programmée. L’absence de dépôt de l’agenda expose à des sanctions financières, administratives et pénales, tout comme le non-respect de cet agenda, après son dépôt.

Ce chapitre institue également un fonds national d’accompagnement de l’accessibilité universelle, alimenté par le produit des sanctions et destiné à financer la recherche et le développement en matière d’accessibilité. Ce fonds sera aussi mobilisable pour la remise aux normes d’établissements recevant du public dont la situation financière freine les travaux de mise en accessibilité.

Le chapitre II concerne, quant à lui, les obligations d’accessibilité en matière de transport public et les schémas directeurs d’accessibilité des services. Les points d’arrêt identifiés prioritaires sont précisés, ainsi que les mesures de substitution prévues en cas d’impossibilité technique avérée.

Le chapitre III prévoit, enfin, des mesures telles que l’extension de l’autorisation d’accès des chiens guides d’aveugle ou d’assistance dans les transports et lieux publics au bénéfice des détenteurs de la carte de priorité pour personne handicapée, ou encore la formation des professionnels appelés à être en contact avec les usagers et clients dans les ERP.

Le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui, à l’issue des travaux de la commission, est un texte de consensus, d’équilibre et de progrès. Il a d’ailleurs été adopté à une très large majorité, tout comme les amendements présentés par les deux rapporteurs, dont je salue la qualité du travail.

Les amendements votés par la commission des affaires sociales ont amélioré le texte, tout en respectant son équilibre général, issu du long travail de concertation mené à l’automne 2013 avec l’ensemble des associations d’élus, des représentants d’usagers et des acteurs économiques. Les dispositions qu’ils comportent apportent des précisions utiles en réponse à des interrogations ou à des inquiétudes légitimes exprimées par les associations.

On pourrait à juste titre vouloir aller plus loin, plus vite, plus fort, au risque de rompre cet équilibre fragile, mais indispensable, au risque de ne pouvoir aller au bout de la démarche et de devoir tout reprendre à zéro.

Je le répète : le texte issu des travaux de la commission est pragmatique. Il encadre mieux les délais de dépôt des agendas d’accessibilité programmée et les modalités de prorogation ; il prévoit une meilleure alimentation du fonds national d’accompagnement de l’accessibilité universelle en lui allouant l’ensemble du produit des sanctions financières prévues par l’ordonnance en matière de règles de dépôt, de suivi et d’exécution des Ad’AP et des schémas départementaux d’accessibilité des services.

Ce texte renforce les règles applicables lorsqu’une assemblée générale de copropriétaires refuse des travaux de mise en accessibilité d’un ERP. Il élargit à la formation continue des professionnels en contact avec les usagers d’un établissement recevant du public l’acquisition de compétences dans les domaines de l’accueil et de l’accompagnement des personnes handicapées.

Ce texte prévoit, enfin, de faciliter l’accès au service civique des jeunes en situation de handicap en leur ouvrant, jusqu’à l’âge de trente ans, la possibilité de s’y engager. Au lendemain de la mise en place du service civique universel, cette mesure prend tout son sens, chère Claire-Lise Campion.

Je n’oublie pas non plus, parmi les apports de la Haute Assemblée, l’amendement qui sera présenté en séance par les rapporteurs concernant les points d’arrêt du réseau de transports scolaires pour les élèves handicapés.

Mes chers collègues, notre responsabilité est grande aujourd’hui, car nous sommes très attendus : le texte qu’adoptera le Sénat aura des conséquences directes sur la vie de milliers de personnes et de leurs familles, de milliers de collectivités et de leurs habitants. Il n’aurait jamais dû exister. Quoi qu’il en soit, il nous amène aujourd’hui à prendre nos responsabilités et à continuer d’avancer vers l’accessibilité universelle, et à avancer vraiment !

Certains voudraient reculer, mais pour faire quoi ? Certains voudraient aller plus vite, mais comment faire ? Certains voudraient prendre un peu de temps, mais nous sommes déjà en 2015 ! La démarche proposée aujourd’hui est la bonne : elle est équilibrée, pragmatique, concrète, ambitieuse. Elle est surtout la seule qui puisse fonctionner efficacement et apporter des solutions, dans tous les cas de figure et sur l’ensemble du territoire.

Mes chers collègues, au nom de tous les sénateurs et sénatrices socialistes, je vous appelle donc à soutenir la dynamique proposée par les rapporteurs et à voter ce texte, enrichi par le Sénat.

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