Intervention de Isabelle Debré

Réunion du 2 juin 2015 à 21h30
Accessibilité pour les personnes handicapées — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Isabelle DebréIsabelle Debré :

Le texte de l’ordonnance dont nous parlons aujourd’hui vise plus particulièrement l’accessibilité dans la cité, aux bâtiments, qu’ils soient publics ou privés, à la voirie, aux transports. Dix ans après la loi handicap, il s’agit de poursuivre le travail entrepris. Certes, nous avions alors fait preuve d’optimisme en fixant une date butoir à l'échéance de dix années, mais n’était-ce pas nécessaire pour lutter contre le poids des inerties et une certaine indifférence ?

Mes chers collègues, je vous engage à vous reporter aux conclusions du rapport que Claire-Lise Campion et moi-même avons publié en 2012, à l’issue d’une mission de contrôle de l’application de la loi handicap. Mon sentiment est que la fixation d’un délai était indispensable pour tirer les leçons des mauvais résultats précédents, notamment de l’absence d’incidence de la loi de 1975.

Seul un objectif ambitieux de portée universelle pouvait éveiller les consciences et créer une nouvelle dynamique en faveur de l’accessibilité. Même si les réalisations se sont trouvées limitées par un ensemble de contraintes techniques, financières et administratives, nous avons réellement changé de logique, et nul ne remet en question la poursuite de la démarche engagée.

Il faut à présent tirer les leçons de dix années d’application de la loi susvisée et des difficultés qui ont été rencontrées sur le terrain, mes chers collègues élus.

Il y a lieu de distinguer les retards liés à une mauvaise volonté des acteurs et ceux qui sont imputables à des problèmes de financement ou à des considérations de nature technique. En cela, les agendas d’accessibilité programmée créés par l’ordonnance, qui fixeront des échéanciers et des programmations financières, sont une réponse satisfaisante, que nous appelions de nos vœux dès 2012.

De même, le travail sur l’ajustement de certaines normes d’accessibilité était nécessaire, car nombre d’entre elles se sont révélées trop rigides et peu opérationnelles. En tant qu’élus locaux, nous connaissons tous des exemples de situations ubuesques où l’accessibilité est venue emprunter des chemins tortueux. L’ordonnance maintient des objectifs exigeants répondant aux attentes des personnes handicapées, tout en faisant preuve de réalisme : certes, l’accessibilité doit être universelle, mais le bon sens doit prévaloir. Le travail des rapporteurs a précisé et ajusté les dispositifs mis en place. Je tiens à les féliciter pour leur recherche d’un équilibre difficile à atteindre en raison d’exigences souvent contradictoires.

Si je me réjouis que nous fassions avancer les choses aujourd’hui concernant l’accès des personnes handicapées aux établissements publics et privés, à la voirie et aux transports, mon propos visera également d’autres enjeux.

Sans vouloir établir une hiérarchie parmi les nombreux sujets liés à l’accessibilité, tous cruciaux pour les personnes en difficulté ou handicapées, l’un des chantiers qui me semble absolument prioritaire et me tient le plus à cœur est l’accès à l’éducation et à l’instruction.

En effet, l’accession à une vie « normale » et riche passe avant tout par la possibilité d’accéder à la connaissance. Or, aller à l’école, faire des études représente toujours un parcours du combattant pour les jeunes en situation de handicap et leur famille, malgré les engagements pris en 2005.

Certes, la loi du 11 février 2005 a permis une augmentation importante de la scolarisation des enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire : en 2010, celle-ci avait augmenté d’un tiers. Cet objectif a pu être atteint en partie grâce à la reconnaissance de nouvelles catégories de handicap, comme les handicaps cognitifs et psychiques. Un rapport de notre ancien collègue Paul Blanc a toutefois relevé que 20 000 enfants étaient encore sans solution de scolarisation, dont 5 000 demeuraient chez leurs parents, en attente d’une aide.

Certains enfants ne sont pas scolarisables en raison de la gravité de leur handicap. Mais, d’une manière générale, les associations signalent les nombreuses difficultés rencontrées par les familles : manque d’accompagnement, problèmes d’aménagement des locaux ou de places dans des classes de proximité. Lors de nos travaux, nous avions par ailleurs constaté de grandes différences de situation selon les départements, concernant notamment la durée des temps de scolarisation.

Je voudrais attirer votre attention, madame la secrétaire d’État, sur l’absence d’un outil statistique national qui nous permettrait de déterminer précisément le nombre d’enfants non scolarisés, mais scolarisables, sur l’ensemble du territoire. Il faudrait également pouvoir apprécier plus précisément la suite du parcours de ces jeunes. Moins nombreux au collège et au lycée, ils accèdent difficilement aujourd’hui à un parcours universitaire.

Les parcours chaotiques imposés aux jeunes handicapés révèlent deux failles du système actuel : l’évaluation insuffisante des besoins et l’absence de suivi des situations individuelles. Nous n’avons pas progressé sur ces points, alors que nous recommandions une large concertation sur la création d’un service spécialisé d’accompagnement scolaire et social à l’échelon départemental.

Toute la difficulté de l’intégration de ces enfants et adolescents réside dans leur singularité : à chaque handicap doit correspondre une réponse personnalisée.

Pour les jeunes, l’accès à un premier emploi constitue un véritable défi, tant professionnel que personnel, au regard du handicap qu’ils cherchent à dépasser. Le taux de chômage des personnes handicapées demeure en effet deux fois plus important que celui du reste de la population. Pourtant, la capacité et la motivation des personnes handicapées exerçant un emploi ne sont plus à démontrer, surtout lorsque toutes les mesures appropriées ont été prises pour adapter le poste et l’organisation du travail. Ainsi faut-il poursuivre l’aménagement des postes de travail, outil indispensable à l’insertion et au maintien dans l’emploi.

En conclusion, la condition pour mener à bien le projet d’une société ouverte à tous réside dans la mise en place d’une politique transversale et universelle, que je souhaitais rappeler en évoquant les thèmes de l’éducation et de l’emploi.

Le groupe Les Républicains a regretté le recours à la procédure autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnance devenu nécessaire en raison du retard du Gouvernement à présenter un texte en vue de l’échéance de 2015. Cependant, malgré notre désaccord sur ce point, nous répondrons à l’attente de nos concitoyens en votant le présent projet de loi, nouvelle étape nécessaire sur le chemin de l’accessibilité.

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