ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. - Ce projet de loi de progrès social répond à une exigence démocratique et à un impératif d'efficacité économique, afin de contribuer à notre effort en faveur de l'emploi. Le dialogue social n'est pas seulement source de progrès pour les salariés, c'est aussi un gage de meilleur fonctionnement de l'entreprise et d'efficacité économique. De nombreuses études le soulignent, ainsi que les exemples de nos voisins européens. La capacité qu'ont eue certains leaders de la DGB allemande à prendre leur part dans les décisions stratégiques, par exemple dans l'industrie automobile, est un modèle qui devrait nous inspirer. Un dialogue social qui fonctionne, c'est le gage d'un climat apaisé et d'une motivation plus forte des salariés. Cela participe à ce que certains appellent la compétitivité hors coût. Ce projet de loi renforce donc la démocratie sociale.
Il garantit la représentation de l'ensemble des salariés de notre pays. J'ai entendu des critiques, mais comment peut-on admettre, notamment au regard du principe constitutionnel de participation des travailleurs posé par le préambule de la Constitution de 1946, l'exclusion de millions de salariés des TPE et de leurs employeurs du dialogue social ? Le projet de loi met fin à une situation inacceptable, tout en tenant compte de la spécificité des TPE. Pour celles-ci, le dialogue se fera donc dans le cadre de commissions paritaires régionales, qui seront des lieux de dialogue et de conseil. Un amendement à l'Assemblée nationale a introduit un rôle de médiation pour ces commissions. J'ai demandé que la médiation ne soit ouverte que si les deux parties le souhaitent. On a dit que le projet de loi allait trop loin en conférant un droit universel pour les membres des commissions d'avoir accès aux locaux des entreprises. C'est faux. La première rédaction, qui leur en interdisait l'accès, nous a semblée déplacée. Nous avons donc prévu un accès sur autorisation expresse de l'employeur. Enfin, je salue l'ajout, par l'Assemblée nationale, de la possibilité pour ces commissions de développer des activités sociales et culturelles. Au total, il me semble que le projet de loi atteint un bon équilibre entre la nécessaire représentation des salariés des TPE et la prise en compte des spécificités de ces petites entreprises.
Il vise aussi à rendre le dialogue social plus vivant dans l'entreprise, par des simplifications et des regroupements : on passe ainsi de dix-sept obligations d'information et de consultation du comité d'entreprise à trois consultations annuelles et de douze obligations de négociation dans l'entreprise à trois blocs cohérents. Le texte ouvre également la possibilité de mieux adapter les institutions représentatives à la situation des entreprises. C'est pourquoi la faculté de mettre en place une délégation unique du personnel est étendue aux entreprises comptant jusqu'à 300 salariés. Cette délégation comprendra aussi le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Au-delà de 300 salariés il sera possible, par accord majoritaire, c'est-à-dire conclu par les syndicats qui ont obtenu au moins 50 % des suffrages exprimés lors du premier tour des dernières élections professionnelles, de regrouper les instances représentatives du personnel. Un accord d'entreprise, majoritaire là encore, pourra modifier la périodicité des négociations. Il reviendra ainsi aux partenaires sociaux de définir eux-mêmes une partie des règles de leur dialogue, au plus près du terrain. Nous clarifions également les compétences entre instances centrales et locales afin d'éviter les consultations multiples sans aucune valeur ajoutée.
Enfin, le texte valorise l'engagement syndical, qui ne saurait être un frein à la carrière. Il prévoit pour les personnes exerçant un mandat lourd une garantie de maintien de salaire, un entretien de fin de mandat pour mieux anticiper la suite de la carrière, et pour tous les titulaires d'un mandat, un système de valorisation des compétences acquises dans l'exercice de leurs fonctions.
Sur l'ensemble de ces volets, les débats à l'Assemblée nationale ont fait évoluer le texte, pour l'essentiel dans un sens positif. Certains ajouts ont suscité des réserves de la part du Gouvernement, tout en suscitant des débats intéressants.
Plusieurs ajouts renforcent les moyens des représentants du personnel à travers la mutualisation et l'annualisation des heures de délégation ou l'institution d'un secrétaire adjoint au sein de la délégation unique du personnel. Cela va dans le bon sens. J'ai en revanche exprimé des réserves sur la réintroduction de la présence des suppléants à toutes les réunions des instances. Leur rôle est, comme leur nom l'indique, de remplacer les titulaires en leur absence. Cette disposition revient sur un point d'équilibre du texte concernant les entreprises de 50 à 300 salariés. Il serait paradoxal d'alourdir leurs obligations, alors que l'objectif était de les simplifier.
Un second ajout concerne les représentants des salariés dans les conseils d'administration. La participation des salariés à la stratégie de l'entreprise passe également par ce biais. La loi sur la sécurisation de l'emploi a introduit une vraie avancée en généralisant cette présence dans les plus grandes entreprises. Certains aménagements étaient nécessaires. En particulier, il n'était pas normal que les holdings soient écartées de cette règle. Un amendement y a mis bon ordre, c'est une très bonne chose.
En revanche, l'augmentation du nombre d'administrateurs salariés à deux et l'abaissement du seuil, de 5 000 à 10 000 salariés en France et de 10 000 à 5 000 à l'international, reviennent sur l'équilibre décidé par les partenaires sociaux dans l'accord national interprofessionnel sur la sécurisation de l'emploi. J'ai donc exprimé les réserves du Gouvernement.
Un des apports majeurs concerne enfin l'égalité entre les femmes et les hommes. Cette préoccupation était déjà au coeur du projet de loi initial, en cohérence avec l'engagement du Gouvernement en faveur des droits des femmes. Elle se traduisait par l'obligation d'une composition équilibrée des listes aux élections professionnelles, assortie d'une sanction forte : son non-respect induit la perte de sièges pour les organisations réfractaires. Vingt-sept amendements du Gouvernement et des députés ont fait progresser encore ce thème, avec plusieurs avancées fortes : l'alternance entre femmes et hommes dans les listes aux élections professionnelles, ce qui garantira que les femmes soient en position éligible ; l'introduction de la parité pour les salariés dans les conseils d'administration et dans les commissions paritaires régionales ; les données de l'actuel rapport de situation comparée intégrées dans la base de données unique afin de servir de base à la consultation et la négociation.
Le projet de loi traite aussi des conditions de travail, et il a sur ce point été fortement enrichi. Il opère une simplification drastique du compte personnel de prévention de la pénibilité, qui est à nos yeux un acquis social majeur. Il met l'accent sur la prévention et répond à une exigence de justice : les inégalités inacceptables d'espérance de vie en bonne santé doivent être prises en compte. Cependant, des craintes se sont exprimées ces derniers mois sur la complexité du dispositif. Or, un droit effectif pour les salariés, c'est d'abord un droit qui peut être mis en oeuvre. Il fallait passer d'un consensus sur le principe à un consensus sur la méthode. Sur la base du rapport de la mission confiée à Christophe Sirugue, Gérard Huot et Michel de Virville, le Gouvernement a présenté plusieurs amendements qui ont été adoptés. Ils suppriment notamment la fiche individuelle. Seule subsiste la déclaration obligatoire de l'employeur à la caisse de retraite, qui informera les salariés, ce qui garantit l'opposabilité des décisions. L'évaluation individuelle des risques est remplacée par un référentiel collectif établi au niveau des branches professionnelles, afin de prémunir l'employeur contre tout reproche sur la nature de ses déclarations.
Le Gouvernement s'est opposé aux propositions qui conduisaient à revenir sur les six facteurs qui font partie du socle essentiel. J'espère que nous pourrons avoir un débat constructif sur ces propositions, qui répondent au souhait de simplification que vous aviez exprimé et que le Gouvernement partage.
Le projet de loi fait un pas important en matière de burn out, ou syndrome d'épuisement professionnel, qui entre dans le débat public au Parlement et qui est inscrit dans la loi. Ces avancées iront de pair avec des actions volontaristes de prévention, réponse la plus appropriée sur ce sujet. Nous avons ainsi établi un guide d'aide à la prévention.
Le texte comporte également des mesures pour renforcer la médecine du travail dans les métiers les plus dangereux, conformément aux préconisations du rapport du député Michel Issindou. Parmi les autres avancées, je citerai la pérennisation du régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle, avec l'introduction dans la loi des annexes 8 et 10, le traitement amélioré du chômage de longue durée, l'association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) transformée en établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), ou encore le compte personnel d'activité, qui est une réforme sociale majeure conforme aux annonces du Président de la République.
Telles sont les ambitions de ce projet de loi : améliorer la qualité du dialogue social, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail, sécuriser les parcours des salariés, pour développer l'emploi et donner aux entreprises une plus grande efficacité économique. Je souhaite travailler avec vous dans un esprit d'écoute et d'ouverture.