Intervention de Gaëtan Gorce

Réunion du 3 juin 2015 à 14h30
Renseignement et nomination du président de lacommission nationale de contrôle des techniques de renseignement — Article 1er A

Photo de Gaëtan GorceGaëtan Gorce :

M. Bas a raison de dire que l’énoncé est, d’une certaine manière, redondant. Toutefois, disant cela, il ne prend pas en compte l’évolution actuelle de la notion de protection des données personnelles.

Cette notion, développée notamment sur l’initiative de la France au travers de la loi du 6 janvier 1978, s’est progressivement précisée selon trois composantes essentielles : le caractère transversal de sa définition, qui recouvre toutes les données personnelles, quel que soit le statut de l’auteur du traitement, public ou privé ; la reconnaissance à la personne de droits sur ses données, tels que le droit d’accès, le droit d’information, le droit de rectification, la collecte loyale des données, la proportionnalité et la finalité de l’utilisation de celles-ci ; enfin, la nécessité de l’intervention d’une autorité indépendante pour contrôler le respect de ces principes.

Tout cela a été énoncé : pourquoi alors le répéter ? Justement parce que le poids et la valeur juridique de ces principes méritent d’être en permanence rappelés et confortés. On les retrouve dans de nombreux textes internationaux, tels que la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte des droits fondamentaux, dont les articles 7 et 8 introduisent une distinction entre respect de la vie privée et protection des données personnelles.

J’observe d’ailleurs que le Conseil constitutionnel a déduit la notion de protection des données personnelles de celle de respect de la vie privée, qu’il avait elle-même déduite de la notion de liberté personnelle.

Cela fragilise indiscutablement l’énoncé de l’article, alors que le champ du traitement des données ne cesse de s’étendre et que l’application des principes que j’ai évoqués est de plus en plus contestée. Ainsi, aujourd'hui, de grands opérateurs comme Google considèrent que, dans le cadre du big data, invoquer un principe de finalité dans l’utilisation des données et de protection de ces dernières est contreproductif sur le plan économique. Ils contestent le contenu même du principe de protection des données personnelles dont j’ai rappelé les trois composantes.

Pour ces raisons, il me semble tout à fait utile de rappeler l’importance que revêt cette notion et de la faire figurer dans un texte qui, on le sait bien, doit trouver un équilibre délicat entre la sécurité, au travers du renforcement des moyens des services de renseignement, et la liberté, dont l’une des dimensions modernes est justement la protection des données personnelles.

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