Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 3 juin 2015 à 14h30
Renseignement et nomination du président de lacommission nationale de contrôle des techniques de renseignement — Article 1er

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Je n’interviendrai que sur un point de l’article 1er, à savoir la place et le rôle du ministère de la justice.

Il s’est trouvé une majorité à l’Assemblée nationale pour inscrire le ministère de la justice dans la liste des ministères et organismes pouvant avoir recours à des techniques de renseignement. Je me réjouis que la commission des lois du Sénat ait marqué son désaccord total avec cette conception, suivant en cela des amendements déposés par le groupe socialiste et par d’autres groupes, mais aussi par M. le rapporteur.

Nous sommes en effet profondément attachés à la spécificité des différents ministères. Le ministère de l’intérieur et le ministère de la défense ont, bien entendu, à œuvrer directement avec les services de renseignement. C’est pour nous un point très clair : il y a une commission de contrôle, dont les pouvoirs doivent être étendus, ce que nous allons faire ; mais les services de renseignement travaillent sous l’autorité de ces deux ministères.

Le ministère de la justice, quant à lui, a clairement une autre mission : il veille à ce que la justice soit rendue dans les meilleures conditions dans notre pays. Mais il n’a pas à être un intervenant dans la technique du renseignement.

Certes, je me réjouis de l’amendement adopté en commission. Néanmoins, vous le savez, je l’ai dit hier et je le rappelle aujourd’hui, nous sommes en désaccord avec l’alinéa qui a été ensuite ajouté au présent article afin de prévoir que le ministère de la justice peut solliciter la mise en œuvre de techniques de renseignement.

Le ministère de la justice, et par conséquent l’administration pénitentiaire, peut tout à fait signaler des situations ou des personnes aux services de renseignement. C’est même un point essentiel. Par ailleurs, un dialogue doit être possible avec les services de renseignement pour connaître le résultat de ces signalements. C’est très important, notamment pour que chacun exerce exactement sa mission.

C’est ainsi, d’ailleurs, que nous serons fidèles à vos propos, madame la garde des sceaux. Le renseignement pénitentiaire est légitime ; il faut donc accroître ses moyens, le rapport du Sénat sur les filières djihadistes l’a souligné avec beaucoup de force. Toutefois, il convient que le renseignement pénitentiaire relève pour l’essentiel de personnels du renseignement, et que les agents de l’administration pénitentiaire ne puissent être suspectés d’exercer leurs missions en même temps qu’ils jouent le rôle d’agents de renseignement. §Il ne doit pas y avoir d’ambiguïté sur ce point, faute de quoi nous serions en contradiction avec la loi pénitentiaire votée par le Sénat.

Il n’empêche qu’un dialogue doive s’instaurer entre les chefs d’établissement pénitentiaire et les services de renseignement ou les représentants des différents ministères, tout particulièrement du ministère de l’intérieur.

Nous devons développer une position clairement contraire à celle de l’Assemblée nationale, je le dis avec beaucoup de force. Pour que cela soit totalement clair, il ne faut pas qu’il y ait la moindre ambiguïté dans la rédaction qui sera adoptée par le Sénat.

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