Vous avez aussi indiqué que nous irions trop vite. Hier, à l’occasion de la séance des questions d’actualité au Gouvernement, un parlementaire de votre sensibilité, M. Éric Ciotti, qui a présidé la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes, me reprochait d’aller trop lentement ! §
Pour ma part, je déduis de toutes ces critiques que nous avançons au juste rythme. Notre texte n’est pas un texte de circonstance. Nous le faisons adopter dans l’urgence, car une grande partie des dispositions concernent la lutte antiterroriste, qui ne peut pas attendre. À cet égard, notre projet de loi est équilibré.
Vous arguez aussi des griefs que notre texte suscite. Mais, monsieur le sénateur, connaissez-vous beaucoup de textes qui ne récoltent que des louanges ? Il y en a très peu ! Avec un tel raisonnement, il faudrait renoncer à quasiment tous les textes !
Certes, la CNIL a formulé des observations sur le texte. Mais son analyse portait sur la première mouture, celle qui n’avait pas encore été examinée par le Conseil d'État. C’est donc sur une version non finalisée qu’elle s’est exprimée.
La CNCDH a également fait un rapport. Je considère que tous ceux qui s’expriment sur le contenu du texte méritent une réponse précise. J’ai donc répondu en quatorze pages au rapport de la CNCDH. Le courrier figure sur le site du ministère de l'intérieur. Si vous le souhaitez, je vous en fournirai une version ce soir. Vous constaterez alors qu’il apporte des réponses extrêmement précises à toutes les interrogations formulées par la CNCDH.
Par ailleurs, notre texte va beaucoup plus loin que celui de 1991 en matière de contrôle. Cela tient à l’évolution des techniques : à l’époque, les téléphones portables, la numérisation de la société et les risques terroristes auxquels nous sommes confrontés n’existaient pas. Nous mobilisons donc d’autres techniques. La technologie ayant évolué, les services de renseignement s’adaptent.
En même temps, nous augmentons considérablement le niveau du contrôle. Nous allons donner des pouvoirs supplémentaires à la CNCTR ; nous y reviendrons au cours du débat. Ces pouvoirs supplémentaires sont bien plus importants que ceux dont bénéficiait la CNCIS. Cela permettra à la CNCTR d’intervenir à tout moment du processus, avant, pendant et après l’utilisation d’une technique. Si la Commission constate que cette utilisation n’a pas été respectueuse du droit que nous votons, elle pourra saisir le juge administratif, qui exercera un contrôle juridictionnel. Cela n’existait pas dans le texte de 1991. Certes, un citoyen pouvait toujours saisir un juge administratif, comme pour toute décision prise par l’administration. Mais le contrôle juridictionnel exercé sur les décisions de l’administration s’agissant des techniques de renseignement n’était pas prévu.
Vous regrettez que la disparition du juge judiciaire. Mais, monsieur le sénateur, il n’est quasiment jamais fait appel au juge judiciaire pour des mesures de police administrative, à l’exception de domaines très spécifiques déterminés par le Conseil constitutionnel. Vous ne pouvez donc pas reprocher au Gouvernement de prévoir que le contrôle juridictionnel sur des décisions de l’État, s’agissant de mesures de police administrative, soit exercé par le juge habilité à connaître de telles matières.
Il ne peut pas y avoir de juge autre que le juge administratif, hormis pour quelques sujets que le Conseil constitutionnel a identifiés en interprétant l’article 66 de la Constitution et qui ne correspondent pas au contenu du présent projet de loi.
Au demeurant, le contrôle parlementaire peut s’exercer. La délégation parlementaire au renseignement s’est vu reconnaître pendant cette législature un véritable pouvoir de contrôle dont elle ne bénéficiait pas auparavant.