Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 3 juin 2015 à 14h30
Renseignement et nomination du président de lacommission nationale de contrôle des techniques de renseignement — Article 1er

Bernard Cazeneuve, ministre :

L’objectif, ici, est de garantir que les services de renseignement placés sous la responsabilité de quelques ministres fonctionnent en respectant les droits de l’homme, qui sont aussi des principes éminemment républicains.

Si nous traitions d’autres sujets que ceux que nous évoquons à l’instant – je pense par exemple à l’éducation nationale, aux services de santé, à ceux de l’administration du travail ou aux services préfectoraux –, un tel amendement n’aurait pas été proposé. Il ne serait venu à l’esprit de personne dans cet hémicycle de considérer que ces services puissent ne pas respecter les droits de l’homme. On jugerait même inutile de rappeler de tels principes puisqu’ils figurent dans le bloc de constitutionnalité et doivent inspirer tant le Gouvernement que le Parlement lorsqu’ils font la loi. Néanmoins, dès lors qu’il s’agit des services de renseignement, on éprouve le besoin d’apporter la précision que vous souhaitez introduire dans le texte.

En complément des propos de M. le rapporteur, Philippe Bas, je souhaite m’interroger sur les raisons pour lesquelles ce besoin est ressenti.

Certes, on a observé de la part des services de renseignement des manquements, mais quel service n’en commet pas ? Par ailleurs, ces services ont beaucoup évolué : leurs activités ont été contrôlées, et ils remplissent, comme les services de police qui font d’ailleurs l’objet de la même suspicion, des missions éminemment régaliennes et républicaines. Depuis que je suis ministre de l’intérieur, j’ai vu un très grand nombre de fonctionnaires de police perdre la vie pour assurer la protection des Français. Rien que cette année, je me suis rendu à de nombreuses obsèques de gendarmes et de policiers victimes de violences. J’ai vu des familles brisées, des enfants orphelins devant le cercueil d’hommes et de femmes morts pour assurer la sécurité de nos concitoyens.

Pourtant, cela n’empêche pas certains de continuer à s’employer à conceptualiser la consubstantialité de la relation entre police et violence. Telle n’est pas ma position. De même, je ne considère pas, et je tiens à le dire aux parlementaires rassemblés ici, toutes sensibilités confondues, qu’il aurait des services publics « à part entière » et des services publics « entièrement à part », à savoir ceux qui sont chargés du renseignement, sur lesquels pèse toujours nécessairement une suspicion.

Pourquoi devrions-nous davantage nous méfier de la capacité des services de renseignement à garantir les libertés que nous ne nous méfions de ceux qui veulent y porter atteinte ? Ce n’est pas, mesdames, messieurs les sénateurs, mon raisonnement. J’estime qu’il est tout à fait normal que les services de renseignement se conforment, à tout instant, aux principes de la République ; il est même de leur devoir de s’y conformer encore plus que tout autre service, comme l’exige le bloc de constitutionnalité. Je ne conçois pas qu’ils puissent agir autrement ; si tel était le cas, ils feraient l’objet en retour de sanctions de la plus grande sévérité de la part de leur tutelle, c’est-à-dire de leur ministre.

Un tel amendement fait peser sur eux une suspicion de principe que je ne partage pas. Je considère que les services de renseignement sont, je le redis, des services publics à part entière, et non entièrement à part. Ils ne sont pas composés de barbouzes, mais de fonctionnaires épris de l’esprit de la République et du respect du droit. Je tenais à le dire au moment où nous engageons la discussion sur ce projet de loi.

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