J’aimerais pouvoir vous suivre sur la totalité de votre raisonnement, monsieur le ministre.
Autant je souscris à vos propos sur la forme républicaine du Gouvernement, qui fait partie de notre tradition et qui constitue une disposition non révisable de notre Constitution, autant je suis sceptique devant l’explication qui vient d’être donnée au sujet des atteintes graves pouvant être portées à la paix publique ou de la rédaction proposée par notre collègue Jean-Pierre Sueur, qui vise les atteintes à la sécurité nationale.
Les atteintes graves à la paix publique ne peuvent viser que des cas de manifestations ou d’émeutes, et non des éléments relatifs à la paix publique relevant de l’intervention du maire ou du préfet dans des conditions ordinaires de protection de l’ordre public. Nous nous trouvons alors dans le cadre d’un régime juridique bien connu, celui du droit de manifestation, qui fonde alors l’action administrative ou policière.
Si une manifestation déclarée dégénère, une intervention est naturellement nécessaire.
Si les services de police recueillent des informations laissant craindre des dérapages lors d’une manifestation, celle-ci peut être interdite et des moyens peuvent être déployés pour empêcher que la manifestation ait lieu.
Si ces informations ne sont pas disponibles, ou si la manifestation n’a pas été déclarée, là encore, une intervention préventive des services de police est possible – les compagnies républicaines de sécurité et la garde mobile sont conçues pour cela.
J’ajoute qu’il s’agit bien, en l’occurrence, d’évoquer l’utilisation de moyens exceptionnels comme la géolocalisation, la captation d’images ou de paroles prononcées dans des lieux privés, mais aussi l’intervention sur les ordinateurs ou sur les réseaux pour pouvoir recueillir un certain nombre d’informations.
Au regard de la possibilité pour la puissance publique de prévenir ou de réprimer ces manifestations, l’usage de ces techniques est disproportionné.
J’ai donc le sentiment que la proposition de la commission des lois de conserver la notion de paix publique est relativement dangereuse. Faut-il pour autant y substituer la celle de sécurité nationale ? Cette dernière me paraît plutôt redondante puisque la sécurité nationale figure déjà dans le texte, ainsi que les éléments qui la constituent : l’indépendance nationale, la sécurité du territoire, son intégrité ou la forme républicaine du Gouvernement.
En revanche, en entendant l’intervention du ministre, je songeais qu’il manquait peut-être la protection des intérêts de la population. On peut en effet imaginer des menaces graves pour la santé publique, liées par exemple à l’utilisation de produits toxiques. Dans ce cas, pourquoi ne pas introduire par voie d’amendement une définition plus précise permettant le recours à ces techniques pour assurer la protection de la population dans des circonstances où la santé serait menacée de manière grave et précise ? Nous éviterions ainsi toutes les interprétations douteuses auxquelles pourraient donner lieu les notions de paix publique ou de sécurité nationale.