Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 3 juin 2015 à 14h30
Renseignement et nomination du président de lacommission nationale de contrôle des techniques de renseignement — Article 1er, amendement 131

Christiane Taubira, garde des sceaux :

Confier à l’ensemble des personnels pénitentiaires la responsabilité d’assurer la surveillance d’un détenu à l’intérieur de l’établissement, de ses relations, de l’ensemble des parties prenantes à l’objet de cette surveillance, autrement dit confier à tel service le soin d’exercer la surveillance à l’intérieur et à tel autre celui d’exercer la surveillance à l’extérieur, c’est prendre le risque de nuire à l’efficacité de celle-ci et de multiplier les erreurs.

Ensuite, charger éventuellement le renseignement pénitentiaire d’effectuer directement, en tant qu’opérateur, cette surveillance nécessite de l’équiper d’une plate-forme d’écoute, de moyens techniques, de lui fournir une logistique, de lui donner la capacité d’exploiter les données qu’il recueillera.

Afin de pouvoir tirer un renseignement intéressant d’une information isolée, afin d’exploiter intelligemment, utilement, efficacement et dans des délais brefs les données recueillies, celles-ci doivent pouvoir être croisées avec toute une masse d’informations.

En clair, comme je l’ai expliqué tant devant l’Assemblée nationale que, me semble-t-il, devant la commission des lois du Sénat, si le législateur, devant le choix duquel le Gouvernement s’inclinera évidemment, décide de faire du renseignement pénitentiaire un service de renseignement spécialisé à l’image de la DGSI et la DGSE, qu’il lui en en donne les moyens ! Qu’il ne se contente pas d’écrire dans la loi que le renseignement pénitentiaire peut devenir un opérateur, mais qu’il lui permette de le devenir pleinement.

Il ressort de l’étude d’impact que nous avons fait effectuer que cette opération nécessiterait le recrutement au minimum de trois cents personnes et un budget supplémentaire de 70 millions d’euros. En outre, il faudrait bien sûr dispenser rapidement à ces agents une formation spécialisée aux techniques de renseignement de manière qu’ils deviennent aussi spécialisés que ceux de la DGSI et de la DGSE.

Telles sont les raisons qui me conduisent, en ma qualité de garde des sceaux, ministre de la justice, au nom du Gouvernement, au nom de l’État de droit et en responsabilité face à la société, à arrêter cette position.

D’une part, je rappelle que le ministère de la justice doit assumer ses missions constitutionnelles et veiller à ce que celles-ci ne se confondent pas avec celles d’autres ministères ayant autorité directe sur ces services de surveillance.

D’autre part, le fait de charger le renseignement pénitentiaire – et donc les personnels pénitentiaires – de ces actions de surveillance directe n’apporte aucune garantie d’une meilleure efficacité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je m’excuse d’avoir été aussi longue, d’avoir ainsi abusé de votre capacité d’écoute – grande, si j’en juge la vive attention dont vous avez fait preuve –, mais il me paraissait indispensable d’apporter ces éclaircissements.

J’en viens maintenant aux différents amendements en discussion commune.

Les dispositions de l’amendement n° 131 rectifié de M. Sueur nous siéraient si elles n’étaient entachées d’un léger défaut.

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