Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 3 juin 2015 à 14h30
Renseignement et nomination du président de lacommission nationale de contrôle des techniques de renseignement — Article 1er

Bernard Cazeneuve, ministre :

Les sujets que M. Mézard aborde ont, à l’évidence, vocation à être traités. Débattre au Parlement, ce n’est pas éluder les questions !

D’ailleurs, comme je l’ai indiqué devant la représentation nationale, le Gouvernement – cela vaut également pour Mme la garde des sceaux ou M. le ministre de la défense, qui sont présents – tient à apporter les réponses aux interrogations qui s’expriment dans la société civile et l’opinion publique sur le sujet.

Monsieur Mézard, le Conseil d'État se positionne sur les autorités administratives indépendantes qui interviennent dans les matières relevant des compétences régaliennes de l’État. En l’espèce, ce que j’ai indiqué quant à la constitutionnalité des propositions qui nous sont soumises reste tout à fait vrai.

Il peut exister des autorités administratives indépendantes qui interviennent dans d’autres domaines, comme la régulation économique ou la régulation sociale. Dans ces matières, il est vrai que de nombreuses autorités administratives indépendantes, comme l’Autorité de la concurrence ou le Conseil supérieur de l’audiovisuel, disposent d’un pouvoir de décision.

Toutefois, pour les matières qui relèvent des compétences régaliennes de l’État, par exemple l’ordre public ou la sécurité nationale, le Conseil d'État considère que la règle ne peut pas être celle de l’avis conforme de la part d’autorités administratives indépendantes. Il l’a affirmé en 1991 à propos de la loi relative au secret des correspondances et confirmé dans un avis rendu en 2001.

Il n’y a donc pas de désaccord entre nous. Mes analyses sur l’inconstitutionnalité des dispositions proposées au Sénat concernent uniquement les hautes autorités administratives qui interviennent dans des domaines relevant des compétences régaliennes de l’État. Les écrits du Conseil d'État à cet égard sont sans équivoque.

Dans la suite de son raisonnement, M. Mézard s’interroge sur l’utilité d’une haute autorité administrative indépendante dont les avis n’auraient pas vocation à être suivis, suggérant implicitement que le rôle d’une telle instance se limiterait alors à la publication annuelle de rapports rendant compte de son inutilité.

Or ce n’est pas ce qui se passe en pratique ! En pratique, le Gouvernement suit les avis de la CNCIS. Et lorsqu’il ne les suit pas, ce qui est très rare, voire marginal, le président de cette autorité le fait savoir. Vous avez d’ailleurs remarqué comme moi qu’il avait une certaine liberté de ton, preuve qu’il est à la tête d’une autorité véritablement indépendante.

Par conséquent, je suis certain que le président d’une haute autorité administrative indépendante dont le Gouvernement ne suivrait jamais les avis prendrait les décisions qui s’imposent pour remédier à cette situation.

Tout à l’heure, quelqu’un a cité Tocqueville. Permettez-moi de citer à présent Montesquieu, qui écrivait ceci : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. » Dans une démocratie, quand les pouvoirs de certains sont bafoués par les pouvoirs d’autres, cela se voit !

À en juger par les interventions des différents orateurs, je doute que l’on puisse – d’ailleurs, je ne le souhaite pas, et je me battrai même pour que cela n’arrive pas – mettre la poussière sous le tapis sur un tel sujet. Car la poussière finirait par être plus épaisse que le tapis, et cela se verrait !

Je ne partage donc pas les inquiétudes du président Mézard, même si je salue la pertinence des questions qu’il soulève et qui doivent appeler de la part du Gouvernement des réponses argumentées et précises.

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