Monsieur le ministre de l’intérieur, je vais brièvement essayer de vous faire part du trouble que ressentent un certain nombre d’entre nous.
Sur le fond, il n’est pas question de mettre en doute ni la bonne foi ni la compétence des auteurs du texte ni l’efficacité des dispositifs proposés. Bien évidemment, face à l’accroissement de l’insécurité et aux dangers qui apparaissent ici ou là, notamment par le biais de l’informatique, vous avez raison de prendre des dispositions législatives qui, d’une part, légalisent un certain nombre de pratiques anciennes et, d’autre part, recadrent ou encadrent les nouvelles technologies que le Gouvernement souhaite mettre en place pour notre sécurité.
Toutefois, je veux souligner une cause du malaise que nous éprouvons. Sous toutes les Républiques, singulièrement sous les deux dernières, nous avons toujours vu des dérapages. §Ce sont ces dérapages qui sont en cause et qui, bien évidemment, représentent le danger.
Nous n’imaginons pas que le Gouvernement décide d’écouter le président du Sénat ou de sa commission des affaires étrangères, tel ou tel responsable ou même l’un d’entre nous. Ce n’est pas là qu’est le risque ! Le risque est que des officines privées puissent s’emparer des dispositifs créés par ce texte, qui n’a rien à voir avec leur activité puisqu’elles ne sont évidemment pas concernées par les demandes d’autorisation, pour se libérer de certaines contraintes pesant sur elles.
Je ne suis pas un éminent spécialiste du sujet, mais je dois dire que les informations que nous a données notre collègue Claude Malhuret sur les algorithmes et les métadonnées – j’ignorais ce qu’était une métadonnée dans ses aspects les plus concrets – me font un peu peur. Parmi les métadonnées, l’adresse IP, le numéro de téléphone sont des informations qui peuvent entraîner beaucoup de conséquences. Pas une semaine ou un mois ne s’écoule sans que l’on voie des consommateurs dont les données ont été piratées… Je pense notamment à ces sympathiques abonnés à la FNAC dont les données relatives à leur compte, à leur domicile, à leur âge ou à leurs préférences ont disparu dans la nature !
Dès lors, on peut se dire que des technologies beaucoup plus pointues et beaucoup plus avancées peuvent amener à des dérapages. De tout temps, il y a eu des barbouzes et des officines. Ceux qui prétendraient le contraire seraient ou mal informés, ou d’assez mauvaise foi !
Dans ces conditions, monsieur le ministre de l’intérieur, votre responsabilité, ce soir, est de nous éclairer sur le fond des choses. Ce débat est très important pour lever les doutes et les craintes, qui sont à l’honneur du Sénat. Depuis dix ans que j’y suis élu, le Sénat s’est toujours fait le défenseur des libertés. Nous avons donc raison de nous poser ces questions.
D’ailleurs, je veux dire à mon collègue Jean-Pierre Sueur, qui ne semble pas toujours comprendre la motivation de nos interrogations, que je n’ose imaginer les réactions qu’aurait suscitées un tel projet, dans un passé récent, s’il avait émané de la droite, …