Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 3 juin 2015 à 21h45
Renseignement et nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement — Article 2

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

À ce stade de nos débats, mes chers collègues, il nous appartient, en tant que législateurs, de trancher, dans le respect de la cohérence de la loi, et de décider soit d’entériner la surveillance automatique et massive de la population en abrogeant les dispositions protectrices de l’alinéa 2 de l’article 10 de la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, soit de refuser l’instauration des dispositifs dont nous avons longuement discuté il y a quelques instants – c’est ce que nous proposons au travers de cet amendement.

Forts de la réflexion qui est actuellement menée outre-Atlantique, après quinze ans d’expérience des dispositions d’exception du PATRIOT Act, nous pensons qu’il est pour le moins paradoxal, pour ne pas dire ironique, que la France s’apprête aujourd'hui à emprunter le chemin inverse de celui des Américains.

L’article 2 du projet de loi prévoit bien l’installation de boîtes noires en des points déterminés des infrastructures d’internet situées sur le territoire national. Ces équipements d’analyse du trafic sont censés permettre la détection, au moyen d’algorithmes, on l’a dit, de signaux faibles permettant d’identifier les terroristes et leurs soutiens parmi la masse des internautes.

J’insiste sur le fait que, selon les spécialistes de cette question, ces équipements sont indubitablement des matériels de surveillance de masse puisqu’ils ont vocation à analyser l’ensemble du trafic qui transite par eux, de façon indiscriminée, afin de procéder ensuite à un ciblage.

J’ai écouté avec attention ce qu’ont dit M. le ministre de la défense et M. le ministre de l’intérieur, et je les pense sincères dans leur souhait qu’il soit procédé à un ciblage et qu’une anonymisation soit effectuée. Cet argument n’a cessé de nous être martelé, que ce soit à l’Assemblée nationale ou lors des auditions qui ont eu lieu ici au Sénat. Toutefois, depuis les révélations de l’affaire Snowden, nous savons que les traitements automatisés, qui ont été mis en place aux États-Unis, sont non seulement inefficaces, mais également sources de dérives avérées. Le présent amendement a donc tout simplement pour objet de dire non à ce type de dispositif.

Je rappelle qu’il y a quelques semaines, à l’Assemblée nationale, un ancien ministre de la défense, faisant preuve de responsabilité face à la menace terroriste, a mis en garde contre cette pêche au chalut, qui, de toute façon, constitue une réalité, pour aller chercher les terrorismes.

Que les choses soient bien claires : nous nous sentons tous responsables face aux menaces terroristes et aux exigences de sécurité, mais nous souhaitons que, dans l’État de droit qu’est la France, il soit possible de mettre en place un dispositif que nous puissions contrôler…

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