Intervention de Claude Malhuret

Réunion du 3 juin 2015 à 21h45
Renseignement et nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement — Article 2

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Je voudrais terminer en répondant à la dernière question que j’ai posée tout à l’heure. Ces traitements transformeront-ils la France, pays des droits de l’homme, en la démocratie la moins respectueuse de la vie privée de ses citoyens ? Jusqu’à ce jour, un seul pays démocratique utilisait le traitement de masse des données en matière de terrorisme : les États-Unis. Aucune autre nation démocratique n’a introduit cette pratique dans son arsenal juridique. Les États-Unis l’ayant supprimée, la France, pays des droits de l’homme, sera demain la seule, si nous votons cet article, à instaurer la pratique de la surveillance généralisée.

C’est un gouvernement de gauche qui restera dans l’histoire comme celui qui l’a introduite dans notre droit – enfin, un gouvernement dont une partie est pour le moins hésitante ! En effet, peu après l’adoption du projet de loi par l’Assemblée nationale, Mme Taubira, la garde des sceaux, a expliqué au micro d’Europe 1 qu’elle aurait pu manifester contre le projet de loi si elle ne faisait pas partie du Gouvernement. Christian Cambon nous disait tout à l’heure que, si une majorité de droite avait présenté ce projet de loi, trois millions de personnes auraient défilé dans la rue : Mme Taubira en aurait fait partie !

Messieurs les ministres, je ne suis pas de gauche, mais je respecte la tradition républicaine de la gauche française qui se prévaut depuis longtemps de la défense des libertés, même si elle n’en a pas, bien sûr, le monopole. Combien de fois n’ai-je pas entendu les membres de ce gouvernement et, auparavant, ceux d’autres gouvernements de gauche, invoquer les mânes de Jaurès et de Blum ? Il y a quelques jours, à deux pas d’ici, le Président de la République a accompagné au Panthéon trois grands résistants et une victime de la barbarie totalitaire. Or vous nous proposez aujourd’hui, sous le couvert d’un renforcement de la lutte contre le terrorisme, de déposer les armes devant les terroristes – et je pèse mes mots ! Quel est le but des terroristes ? Il est, par leurs crimes et leurs provocations, de nous amener à céder sur les fondamentaux de notre démocratie, c’est-à-dire l’équilibre qui n’a pu être trouvé qu’après tant de décennies et de difficultés entre les nécessités de la sécurité et l’exigence de la liberté.

Messieurs les ministres, vous qui êtes de vrais démocrates, il n’est pas permis d’en douter, en proposant des mesures disproportionnées et attentatoires aux libertés, sans vous en rendre compte, sous le coup de l’émotion, de la crainte des attentats et de ce que vous pensez être vos responsabilités, vous ouvrez la première brèche dans le système de libertés et de checks and balances qui font notre démocratie, comme l’a fait George Bush aux États-Unis en 2001.

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