Nous voterons l’amendement n° 100, qui vise à supprimer les alinéas 10 à 22 de l’article 2, comme l’a indiqué notre collègue Esther Benbassa.
Je ne m’engagerai pas dans le commentaire d’un article du Monde dont on peut retrouver la teneur dans n’importe quel autre journal, en version papier ou numérique. Je souhaite simplement rappeler quelques éléments.
Tout d’abord, personne ne prétend ici que le Freedom Act voté par le Sénat américain apporte une solution définitive ni qu’il règle tous les problèmes liés à l’intrusion dans la vie privée des citoyens américains. Il me semble l’avoir dit dans mon intervention sur l’article 2, à la reprise de la séance.
En revanche, ce Freedom Act s’inscrit à l’inverse de la tendance suivie par les États-Unis depuis les attentats de 2001 et vise à stopper la généralisation de la surveillance de masse en adoptant le principe d’un contrôle a posteriori limité aux auteurs potentiels d’actes terroristes et aux personnes en lien avec eux. Un certain nombre d’entre nous, dans cet hémicycle, estiment que ce projet de loi ne vise pas à imiter ce qui se fait aujourd’hui de l’autre côté de l’Atlantique, mais s’engage dans une voie contraire en généralisant et en légalisant les méthodes de surveillance collective.
Lors des auditions, mais aussi en séance plénière, on nous a expliqué qu’il fallait autoriser ces méthodes, puisqu’elles étaient déjà utilisées. Nous sommes nombreux à répondre que le recours à ces pratiques ne suffit pas à justifier leur autorisation. Au contraire, il faut s’interroger sur leur nécessité.
Ensuite, si les propos tenus par certains de nos collègues sont graves, il faut veiller à ne pas caricaturer les discours des uns et des autres. Tout le monde, dans cet hémicycle, est évidemment contre le terrorisme. Personne ne se félicite de l’existence de sites internet qui font l’apologie du terrorisme et peuvent donner envie à certains de rejoindre les réseaux terroristes : personne n’a tenu de tels propos. En revanche, cher Jean-Pierre Sueur, il existe des moyens pour s’attaquer à ces sites terroristes.
Ce qui me pousse à réagir, dans la description des méthodes qui pourraient être utilisées par les services de renseignement, c’est l’idée qu’il faudrait laisser ces sites prospérer pour détecter les personnes qui les fréquenteraient, dans la mesure où elles seraient de potentiels terroristes. Si ces sites sont dangereux, il faut trouver des solutions pour les interdire et empêcher qu’ils puissent être consultés, mais on ne peut pas admettre qu’il faudrait les laisser fonctionner pour repérer les personnes qui les fréquenteraient. Sinon, toute personne fréquentant ces sites, même involontairement, deviendrait un suspect potentiel. Nous ne sommes donc pas d’accord sur ce point, mais ne nous faites pas dire que nous n’avons pas dit.
Nous sommes à la recherche d’un équilibre subtil et difficile, qui vise à assurer la sécurité collective tout en garantissant la liberté individuelle de chacun. À la recherche de cet équilibre, nous pouvons nous trouver en accord, mais nous pouvons aussi nous trouver en désaccord. C’est sur ce point que porte notre désaccord.