Intervention de Claude Malhuret

Réunion du 3 juin 2015 à 21h45
Renseignement et nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement — Article 2, amendement 24

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Avant de présenter cet amendement, je souhaite m’adresser au ministre de l’intérieur.

Monsieur Cazeneuve, vous m’avez déclaré que je cherchais, si j’ai bien retenu, mais j’ai sans doute oublié une partie de ce que vous avez dit, à susciter la peur et à diffuser de fausses informations. Vous m’avez accusé de pratiquer la malhonnêteté intellectuelle, et je crois même que vous m’avez reproché de me livrer à des attaques individuelles.

Je vous mets au défi de relever dans le compte rendu de cette séance la moindre trace de ce que vous alléguez. Je n’ai prononcé contre vous aucune injure, aucun propos diffamatoire ou insultant. J’ai même indiqué, vous vous en souvenez sans doute, que M. le ministre de la défense et vous-même étiez, à mes yeux, de vrais démocrates.

En revanche, j’ai dit, et je le dis depuis le début, que vous vous trompez. Ai-je ou non le droit de dire que vous vous trompez ? Je vous reconnais le droit de me dire que je me trompe et je vous demande de me laisser le droit de dire que vous vous trompez. Nous sommes ici dans une assemblée où ce genre de propos est non seulement permis, mais également nécessaire.

Vous m’accusez de malhonnêteté intellectuelle, alors que, depuis hier, point par point, j’évoque des exemples précis s’appuyant sur mon expérience de professionnel de l’internet, ce qui me donne, je pense, quelques raisons de parler de ce sujet très technique sans trop me tromper. J’estime donc que vos propos à mon égard sont inacceptables. Vous n’aimez peut-être pas qu’on vous résiste, monsieur le ministre de l’intérieur. C’est pourtant la règle de base du débat démocratique, et je continuerai à le faire.

J’en viens à l’amendement n° 24 rectifié.

J’ai écouté avec intérêt les débats qui se sont déroulés à l’Assemblée nationale. Les députés ont eu recours à des métaphores halieutiques telles que « pêche au harpon » ou « pêche au chalut », pour évoquer les algorithmes. Or, avec l’IMSI catchers, c’est plutôt la pêche à la grenade ! En effet, on place l’IMSI catcher et on s’empare de tout ce qui remonte : poissons, baigneurs, passants et, éventuellement, terroristes.

Les dispositifs techniques tels que les IMSI catcher peuvent intercepter l’intégralité des correspondances émanant des équipements terminaux à leur portée. Or lesdits équipements appartiennent très majoritairement à des personnes étrangères à l’enquête. Si vous placez un IMSI catcher à la gare du Nord, en une heure vous avez deux terroristes et 50 000 personnes qui passent des communications téléphoniques.

Il est donc primordial que le contenu des conversations des personnes étrangères à l’enquête ne puisse être accessible à l’opérateur du dispositif d’interception, du fait même de la conception de celui-ci. C’est le principe du privacy by design, que l’on peut traduire approximativement par « respect intrinsèque de la vie privée », et qui deviendra une obligation réglementaire au sein de l’Union européenne. Il est énoncé notamment à l’article 23 de la proposition de règlement 2012/0011.

Cet amendement prévoit donc que le dispositif garantit que seules les correspondances dont l’interception a été autorisée sont effectivement rendues accessibles aux agents chargés de leur recueil.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion