Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’accord qui vous est soumis aujourd’hui est particulièrement important dans le contexte sécuritaire actuel international et européen.
Cet accord vise au renforcement de la coopération en matière d’enquêtes judiciaires en vue de prévenir et de lutter contre la criminalité grave et le terrorisme entre la France et les États-Unis.
En effet, depuis les attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis ont fait de la sécurité intérieure une priorité absolue. Bien entendu, la lutte contre le terrorisme, la sécurisation des frontières, la gestion de crise et la cybercriminalité relèvent de cette priorité.
Dans ce cadre, la coopération judiciaire et opérationnelle est très intense avec les États-Unis. Toutefois, outre le canal de l’Organisation internationale de police criminelle, ou Interpol, cette coopération n’est pas institutionnalisée au travers d’un service centralisé, en raison d’une multiplicité d’acteurs fédéraux appartenant à différents ministères : département de la sécurité intérieure, ou DHS, département de la justice, ou DOJ, département de la défense, ou DOD, tous chargés, selon leur juridiction, de l’application de la loi.
Une fois ratifié, cet accord renforcera indéniablement les échanges opérationnels entre nos deux pays.
On peut s’en étonner, mais il n’existait jusqu’ici aucun accord bilatéral de coopération entre la France et les États-Unis en matière d’enquêtes judiciaires en vue de prévenir et de lutter contre la criminalité grave et le terrorisme. Cet accord sera donc le premier du genre. J’ajoute qu’à ce jour une vingtaine d’autres États membres de l’Union européenne ont signé un accord du même type.
J’en viens maintenant plus précisément au contenu de cet accord.
Vous le savez, les filières et réseaux criminels sont désormais multinationaux, et les individus concernés sont particulièrement mobiles, menant des opérations ou des actions sur les continents tant européen qu’américain. Les mouvements extrémistes violents et des groupes criminels organisés sont capables de contourner les nouvelles méthodes et techniques d’investigations mises en œuvre par les services d’enquête.
C’est la raison pour laquelle les outils internationaux sont devenus indispensables pour lutter contre la criminalité grave et transfrontalière et contre le terrorisme. Dans ce contexte, le renforcement de la coopération transatlantique est devenu une nécessité. À titre d’exemple, c’est un renseignement américain qui a permis en juin 2012 la saisie de 113 kilos de cocaïne dans le port du Havre.
Or – et c’est là-dessus que je souhaite insister –, seules les données dactyloscopiques et génétiques permettent aujourd’hui d’établir de façon certaine l’identité des personnes et de procéder à des identifications lors de l’utilisation par un même individu d’états civils différents.
Il est donc essentiel que toutes ces vérifications puissent être établies par la consultation des fichiers existants, dans le respect bien évidemment des libertés et des droits fondamentaux.
L’accord qui vous est soumis, mesdames, messieurs les sénateurs, vise précisément à renforcer la coopération entre la France et les États-Unis en matière d’échange d’informations sur les profils génétiques et les empreintes dactyloscopiques, ainsi que par la transmission spontanée d’informations à titre préventif.
L’objectif est de permettre aux points de contact nationaux d’accéder mutuellement aux bases de données dactyloscopiques et génétiques pour une consultation automatisée, au cas par cas.
Il est important de bien comprendre les principales modalités de mise en œuvre de l’accord, même si elles sont un peu techniques, afin d’avoir une vision concrète des avancées qu’il contient.
Le point de contact national de l’État requérant est informé par voie automatisée de l’absence de concordance ou des données indexées pour lesquelles une concordance a été constatée.
Les consultations de données dactyloscopiques s’opèrent dans le respect de la législation nationale de l’État à l’origine de l’interrogation.
La consultation automatisée de données génétiques n’est permise, pour procéder à des comparaisons sur la base d’une interrogation « concordance ou pas de concordance », que lorsque chaque législation nationale l’autorise et selon le principe de réciprocité.
Pour la France, les fichiers interrogés sont le fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG, pour les profils ADN, et le fichier automatisé des empreintes digitales, le FAED, dont la finalité est exclusivement judiciaire.
À ce stade, cette information ne constitue pas une donnée à caractère personnel. La seule information qui parvient alors à l’État à l’origine de l’interrogation est la confirmation que l’empreinte de l’individu figure dans la base de données interrogée par la transmission des données indexées, lesquelles ne permettent toutefois pas l’identification directe de la personne concernée.
En effet, cette identification n’est en aucun cas automatique. Elle n’intervient que lors d’une seconde étape.
Il s’agit là, à nos yeux, d’un point essentiel.
Les dispositions de cet accord limitent les droits de consultation aux fins de prévention et de détection des infractions entrant dans son champ d’application, ainsi qu’aux enquêtes, exclusivement dans le domaine du terrorisme et de la criminalité organisée.
Par ailleurs, toujours dans le domaine du terrorisme et de la criminalité organisée, cet accord permet, en application de la législation nationale de chaque État, des échanges d’informations d’initiative, dont des données à caractère personnel, pour prévenir la commission d’infractions.
Enfin, je tiens à rappeler le contexte dans lequel s’inscrit le présent accord.
Dès 1986, le gouvernement fédéral des États-Unis a mis en place un programme d’exemption de visas à destination des pays développés. Le but était alors de faciliter le tourisme et les voyages d’affaires sur le territoire américain, pour des séjours n’excédant pas trois mois.
Or, vous le savez, depuis les attaques terroristes de septembre 2001, pour continuer à bénéficier de ce programme d’exemption de visas, les pays concernés doivent développer des échanges d’informations avec les États-Unis, plus particulièrement pour la prévention et la lutte contre la criminalité grave et le terrorisme.
Dès lors, les États-Unis ont proposé la conclusion d’accords de coopération en matière de prévention et de répression de la criminalité organisée et du terrorisme aux États membres de l’Union européenne qui bénéficiaient du programme d’exemption de visas et se montraient désireux de le conserver.
À ce jour, seuls la Bulgarie, la Roumanie, la Pologne, la Croatie et Chypre n’en font pas partie.
Nos principaux partenaires européens – je songe à l’Allemagne, à l’Italie et à l’Espagne – ont ratifié un tel accord pour continuer à bénéficier du programme d’exemption de visas. Il s’agit là, en outre, d’un enjeu pour l’attractivité économique de notre pays.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les principales dispositions de l’accord relatif au renforcement de la coopération en matière d’enquêtes judiciaires en vue de prévenir et de lutter contre la criminalité grave et le terrorisme, qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui soumis à votre approbation.