Nos deux nations partagent depuis longtemps des valeurs et un idéal de paix qui les engagent bien souvent sur la scène internationale. Certains de ces engagements en faveur de la liberté exposent nos concitoyens, notre territoire et nos intérêts au risque terroriste.
Au début de cette année, l’attaque contre Charlie Hebdo est une illustration tragique de cette menace qui met au défi notre pays par rapport à la sécurité de nos concitoyens. Visant un symbole de la liberté d’expression, cet attentat a eu un retentissement planétaire, tout comme celui contre le World Trade Center en 2001, dont la dimension spectaculaire avait frappé d’effroi le monde entier.
Aussi, la lutte contre le terrorisme est un combat international qui mobilise fortement la France et les États-Unis. L’accord relatif au renforcement de la coopération judiciaire qu’il nous est proposé d’approuver aujourd’hui participe de ce combat commun. Il est le prolongement d’une coopération transatlantique déjà à l’œuvre dans le domaine de la criminalité grave et du terrorisme. En effet, comme l’a rappelé Mme la rapporteur, deux accords existent déjà, concernant l’un, l’extradition, l’autre, l’entraide judiciaire. Mais, au regard des événements dramatiques qui ponctuent régulièrement l’actualité, ainsi que de l’évolution des méthodes des organisations terroristes, il est nécessaire de renforcer la coopération entre la France et les États-Unis.
Effectivement, il faut rapidement approfondir cette coopération pour l’adapter aux nouvelles menaces. Je pense en particulier aux filières djihadistes, qui se jouent des frontières et des techniques d’investigation pour perpétrer leurs funestes opérations. M. le Premier ministre l’a rappelé mardi dernier devant le Sénat, lors de l’examen du projet de loi relatif au renseignement : « Il est en effet indispensable que notre dispositif de lutte contre le terrorisme s’adapte en permanence à une menace particulièrement mouvante qui ne cesse d’évoluer et de s’intensifier. »
Il est aujourd’hui évident que la localisation et l’identification, à l’échelle internationale, de personnes suspectées de préparer un attentat ou d’appartenir à une organisation criminelle sont un axe important de la lutte contre le terrorisme. Les sénateurs de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe l’ont d’ailleurs souligné dans leur rapport en proposant de lever les obstacles aux coopérations judiciaires bilatérales.
À cet égard, il était donc urgent d’examiner le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord relatif au renforcement de la coopération en matière d’enquêtes judiciaires entre les États-Unis et notre pays, cet accord ayant été signé dès 2012.
Comme vous le savez, mes chers collègues, cet accord s’inspire du traité de Prüm. Dans cette ville d’Allemagne, d’ailleurs peu éloignée des Ardennes françaises, sept États membres de l’Union européenne ont signé en 2005 ce traité, qui permet l’échange de données génétiques, d’empreintes digitales et de données à caractère personnel. Dans la même optique, il s’agit ce jour d’encadrer la consultation automatisée de données dactyloscopiques et de profils ADN dans le cadre de l’entraide franco-américaine. Le champ d’application d’une telle mesure est bien sûr limité aux infractions relatives à la criminalité grave et au terrorisme.
Si le contenu de cet accord ne pose pas de problème de principe pour l’ensemble des membres du groupe du RDSE, je soulignerai seulement notre attachement au respect de la protection des données à caractère personnel. Comme nous avons eu l’occasion de le rappeler encore tout récemment dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif au renseignement, dans le domaine touchant au recueil et à l’analyse d’informations personnelles, il importe bien évidemment de toujours rechercher l’équilibre entre sécurité et liberté.
En l’espèce aussi, nous devons faire montre d’efficacité sans pour autant porter atteinte aux droits fondamentaux et aux libertés individuelles pour lesquelles la France et l’Union européenne ont des exigences fortes, probablement plus fortes qu’outre-Atlantique. En effet, certaines dispositions du Patriot Act autorisant la collecte massive et indiscriminée de données témoignent de cette différence ; le USA Freedom Act, adopté mardi dernier par le Congrès des États-Unis, semble encore timide en matière de respect de la vie privée.
Cependant, malgré les réserves que nous pouvons avoir sur la politique générale de recueil de données aux États-Unis, nous pouvons être satisfaits des garde-fous qui ont été apportés au sein de l’accord qui nous intéresse.
Parmi ces garanties, citons le système de l’accès aux données de type concordance / pas de concordance, ou encore la consultation de celles-ci uniquement au cas par cas dans le respect de la législation nationale. On peut également apprécier les dispositions de l’article 10 de l’accord relatives à l’utilisation des données, s’agissant notamment des principes de sécurité liés à leur manipulation.
Les mesures d’information des personnes concernées et celles qui visent le droit de recours vont naturellement dans le bon sens : la protection de la vie privée. Mon groupe défend ce droit depuis toujours, ou plutôt depuis plus d’un siècle : à défaut d’être le plus nombreux, c’est en effet, mes chers collègues, le groupe le plus ancien du Sénat !