Nous prenons ces amendements très au sérieux, car l’article 4 traite de la qualité, de la crédibilité et de l’efficacité du contrôle juridictionnel.
Nous sommes tous conscients qu’il s’agit là d’un texte de loi autorisant la mise en œuvre de techniques de surveillance très sophistiquées et dont l’usage peut être massif. Celles-ci sont susceptibles de porter atteinte à la vie privée et à la vie familiale, ainsi qu’à l’inviolabilité du domicile et au secret des correspondances, dont la protection est garantie par notre droit civil. Le Conseil constitutionnel a même conféré à cette protection une valeur constitutionnelle. De surcroît, elle relève des engagements internationaux, notamment conventionnels, de la France. Cet article est donc d’une importance extrême.
Il est incontestable que les citoyens admettent la nécessité de ces services de surveillance. Tout le monde comprend que nous donnons enfin un cadre juridique à leurs missions.
Dans le même temps, tout le monde est attaché à la préservation des libertés, par culture juridique et philosophique. La demande d’assurances concernant la qualité et la crédibilité du contrôle juridictionnel est constante. Elle est légitime.
Nous avons donc beaucoup travaillé sur cette dimension et nous avons pu introduire des améliorations, y compris durant les débats à l’Assemblée nationale.
Les avis émis par le Gouvernement sur les amendements qui lui sont présentés doivent se comprendre à la lumière de ces éléments. Certains amendements peuvent en effet, tout en étant motivés par le souci d’améliorer le contrôle, conduire à le fragiliser ou à en restreindre le champ.
Ainsi, l’amendement n° 22 rectifié ter vise à limiter à la CNCTR la saisine du Conseil d’État pour décider d’un sursis à exécution. La rédaction actuelle est plus large : en référence au code de justice administrative, le texte permet à tout requérant de saisir la CNCTR.
Le Gouvernement vous demande donc très respectueusement, monsieur Hyest, de bien vouloir retirer cet amendement. Vous conviendrez, je n’en doute pas, qu’il est préférable que tout requérant puisse saisir la CNCTR.
Par votre amendement n° 106, madame Benbassa, vous entendez modifier le droit commun administratif. Celui-ci prévoit que le requérant peut demander une indemnité. Or il ne revient pas au juge de décider d’autorité du droit à indemnisation. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
D’une manière générale, notre préoccupation a justement été d’éviter, dans ces situations exceptionnelles, l’institution de procédures d’exception. Compte tenu des pouvoirs qui sont reconnus aux services de renseignement, dans le champ de leur mission, nous avons donc préféré, autant que possible, faire prévaloir des procédures de droit commun.
Je dois dire qu’en la matière M. Jean-Pierre Raffarin a suscité chez moi une frustration immense. J’espérais en effet, au vu de la sensibilité de cette chambre sur les questions de droit, que nous aurions ici un débat sur la question de l’habilitation au secret-défense ès qualités ou par la procédure de droit commun. Vous avez choisi, monsieur le Premier ministre, de ne pas le susciter ce débat cette nuit. Je m’incline donc.
Madame Benbassa, avec l’amendement n° 107, vous demandez qu’une personne qui a fait l’objet d’une surveillance non respectueuse des procédures ne puisse subir une condamnation. Ce débat aussi est important, car la démocratie se définit également par les garanties procédurales qui sont offertes au justiciable.
On peut comprendre votre position de principe. Toutefois, s’agissant de la police administrative, les éléments qui peuvent être recueillis n’ont pas valeur de preuve. En tout état de cause, pour engager une procédure judiciaire, il faudra une enquête, et donc la mise en œuvre des procédures nécessaires pour collecter les éléments qui auraient valeur de preuve et qui seraient soumis à l’examen contradictoire, ce qui implique qu’ils soient mis à la disposition de toutes les parties.
Par ailleurs, je vous rappelle que nous avons introduit dans le texte une possibilité de recours préjudiciel, avec un délai de décision imposé au Conseil d’État d’un maximum d’un mois. Ce recours préjudiciel fonctionne ainsi : lorsque, dans une procédure judiciaire, il est besoin de savoir si une technique de renseignement a bien été mise en œuvre dans des conditions régulières, le Conseil d’État peut être saisi d’office par le juge pénal ou à la demande du justiciable. Donc, ce recours préjudiciel permet de savoir, au cours d’une procédure judiciaire, s’il y a eu, ou non, respect des procédures de mise en œuvre des techniques de surveillance.
L’amendement n° 162 rectifié tend à suivre la même logique. Comme le Gouvernement préfère en rester au droit commun, il sollicite le retrait.