Intervention de Cécile Cukierman

Réunion du 4 juin 2015 à 21h45
Renseignement et nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement — Article 4

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

M. le ministre de l’intérieur est parti mais, madame la garde des sceaux, je ne doute pas que vous lui ferez part de mes propos.

Tout d’abord, je tiens à préciser qu’il n’y a aucune complaisance narcissique à défendre tel ou tel amendement un jeudi soir à vingt-trois heures, sur un texte où il reste beaucoup à faire et alors que nous avons subi une discussion un peu chaotique, en tout cas fort éloignée de sa logique initiale.

Je tenais donc à rassurer M. Cazeneuve sur ce point-là : personne ici n’est narcissique, non plus que toutes celles et tous ceux qui, à travers des collectifs citoyens ou des associations professionnelles, expriment depuis plusieurs mois leur inquiétude au sujet de ce projet de loi.

Je ne veux évidemment pas faire une division entre les défenseurs des libertés publiques et ceux qui ne les défendraient pas : ce serait inacceptable. Il existe pourtant des divergences quant à la possibilité de défendre ces libertés.

Par ailleurs, M. le ministre de l’intérieur a cité une déclaration de M. Octave Klaba faite le 16 avril dernier. En réponse, je citerai sa déclaration du 5 mai, donc postérieure, où le fondateur du site OVH.com exprime son point de vue sur le présent projet de loi.

À la question : « Qu’allez-vous faire maintenant ? », M. Klaba répond : « Cette loi n’est pas bonne pour notre pays. » Je ne développerai pas ici les diverses raisons qu’il invoque pour justifier cette position. L’essentiel est qu’il exprime une crainte, parce que cette loi met en œuvre et légalise bien des pratiques secrètes de surveillance. Ces pratiques, peut-on redouter, amèneront la population à modifier ses comportements en matière de téléphonie ou de numérique.

Bien entendu, cet entrepreneur se félicite de l’amendement qui a été adopté à l’Assemblée nationale sur les activités d’hébergement, mais il précise bien qu’il s’agit d’un amendement a minima. Voici ses mots exacts : « OVH avec d’autres hébergeurs – AFHADS, Gandi, IDS, Ikoula, Lomaco, Online – ont alerté le Gouvernement que, si la loi renseignement passait telle quelle, elle serait extrêmement néfaste pour l’activité économique des data centres en France. Nous avons des clients qui ne sont pas uniquement français. […] Nous avons été invités par le Gouvernement à discuter de la loi pendant deux jours. La première journée, il nous a été dit que les intérêts économiques ne primaient pas sur les problématiques antiterroristes. Le Gouvernement ne voulait rien changer du tout. Les choses ont évolué le lendemain et nous avons pu rédiger l’amendement pour l’activité d’hébergement. C’est a minima, c’est-à-dire que la loi n’allait pas être retirée et nous n’avons pas pu y inclure tout ce que nous voulions. »

C’est ce que, au Parlement, on appelle un amendement de repli : il n’y a pas de pleine satisfaction, il reste des inquiétudes et des incertitudes. On peut les balayer d’un revers de manche, mais on peut aussi s’interroger collectivement sur le fait que ce projet de loi, aujourd’hui, fait peur. En dépit de son objectif premier, qui est d’assurer la sécurité de la population face à différentes menaces intérieures ou extérieures, ce projet peut également engendrer une anxiété, liée non plus à une menace extérieure, mais à un contrôle et à une mainmise de l’État.

Je tenais à rétablir très précisément ce que nous avions voulu exprimer dans nos interventions sur l’article 4. Je reste à la disposition de M. le ministre de l’intérieur pour analyser, si nécessaire, les différentes déclarations que l’on peut citer, et ce sans aucun penchant narcissique.

Quoi qu’il en soit, notre groupe votera contre cet article.

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