Cet article crée un nouveau fichier, le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes ou FIJAIT, qui a pour but de prévenir la récidive des infractions terroristes et de faciliter la recherche d’auteurs d’infractions en lien avec le terrorisme.
Ce fichier est certes distinct du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, le FIJAISV, mais il est, en réalité, presque calqué sur celui-ci. J’en veux pour preuve que leurs champs d’application sont presque identiques.
Ce nouveau fichier vise donc à imposer à l’ensemble des personnes condamnées et mises en examen sur décision d’un juge d’instruction de déclarer leur adresse tous les trois mois, ainsi que tout départ à l’étranger pendant cinq à dix ans, tout cela sous peine de sanction pénale. Les données ainsi recueillies pourraient même être conservées pendant une durée encore plus longue.
Or il faut rappeler que les personnes condamnées pour des faits de terrorisme sont déjà fichées ! Elles le sont, en effet, à la fois dans le « traitement d’antécédents judiciaires », le « TAJ », pour lequel la durée de conservation des données est plus longue, et dans le fichier de « centralisation du renseignement intérieur pour la sécurité du territoire et des intérêts nationaux », dit « fichier CRISTINA ».
De la même façon, les personnes qui sortent de prison ou celles qui sont condamnées pour des faits de terrorisme font déjà l’objet d’une surveillance spécifique de la part des services de renseignement. Quel sera donc l’apport de ce nouveau fichier pour les services compétents en matière de terrorisme ? N’aura-t-il d’autre effet que d’obliger les individus concernés à déclarer leur adresse ?
Comme le montre l’expérience du fichier des infractions sexuelles, les mesures relatives au FIJAIT risquent, en revanche, d’avoir rapidement des effets disproportionnés par rapport à l’objectif recherché. Je pense, en particulier, aux personnes les plus fragiles au niveau psychologique ou social, qui auraient véritablement cessé tout contact ou toute activité terroriste et sur lesquelles pèsera une pression très lourde.
Il me semble, d’ailleurs, nécessaire de supprimer dans cet article la référence à l’« irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental », car il est injustifié d’assimiler une personne atteinte d'une maladie psychique à un terroriste en puissance.
A contrario, les terroristes chevronnés et toujours impliqués dans des activités dangereuses trouveront aisément le moyen de contourner cette obligation. En effet, de même qu’il existe de vrais faux papiers, ils trouveront assurément les moyens de déclarer une vraie fausse adresse et d’organiser clandestinement leur sortie du territoire. Tout cela risque donc de conduire à une pénalisation aggravée des actes commis par ceux qui auraient rompu avec les réseaux et que la loi soumettrait à des obligations importantes et de nature à les stigmatiser, sans effet réel sur la prévention du terrorisme.
Bien sûr, quelques aménagements à la marge, quoique non négligeables, pourraient être apportés à ce dispositif.
Compte tenu de l’importance des contraintes qui peuvent peser sur les personnes inscrites dans le FIJAIT, il serait intéressant, par exemple, que seul le procureur de la République puisse d’office demander l’effacement ou la rectification des données. On pourrait également limiter l’accès aux informations contenues dans ce fichier aux seuls maires et présidents des collectivités, en lieu et place des exécutifs dans leur ensemble, et inscrire dans la loi que la communication de l’intégralité des informations concernant la personne condamnée et figurant dans le fichier doit intervenir dans un délai de deux mois.
Toutefois, à nos yeux, ce nouveau fichier constitue, pour l’essentiel, une réponse inadaptée et illusoire dans le cadre de la prévention du terrorisme. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l’article 11 bis.