Intervention de Yann Fichet

Commission d'enquête coût économique et financier de la pollution de l'air — Réunion du 18 mai 2015 à 15h00
Audition de Mm. Yann Fichet directeur des affaires institutionnelles et industrielles et matthieu beaulaton directeur de la production des semences de grandes cultures de monsanto

Yann Fichet, directeur des affaires institutionnelles et industrielles de Monsanto :

Monsanto est une société semencière avec trois activités principales en France : les semences de grandes cultures comme le maïs et le colza, les semences maraîchères ou potagères et la protection des plantes, à savoir l'utilisation des produits phytosanitaires. Elle comprend également des activités annexes ou en cours de développement comme le biocontrôle, c'est-à-dire la recherche et la mise sur le marché de produits naturels utiles à l'agriculture. Monsanto est présente en France depuis quarante ans, et se consacre à 100 % à l'agriculture. L'entreprise compte six cents personnes en France sur onze sites, principalement des stations de recherche, et deux sites industriels de production de semences. Elle possède des implantations dans 57 pays. Entreprise de recherche et de développement, elle a investi en 2014 1,7 milliard de dollars, soit 11 % de son chiffre d'affaires mondial, et cet investissement est réalisé à 95 % dans le domaine des semences. Dans le domaine des phytosanitaires, elle propose des produits anciens et connus mais n'effectue plus de recherches.

M. Beaulaton présentera les outils industriels en France et leur impact éventuel sur l'air, tandis que j'évoquerai les produits phytosanitaires, et en particulier le glyphosate, deux sujets qui intéressent particulièrement votre commission d'enquête.

Le règlement européen 1107-2009, extrêmement exigeant, requiert le dépôt d'une demande d'homologation par les entreprises de production de produits phytosanitaires avant toute commercialisation. L'autorisation de mise sur le marché est ensuite délivrée pour dix ans. La demande de ré-homologation du glyphosate a été soumise en 2012, avec un dossier de renouvellement décennal. Ce dernier contient des centaines d'études scientifiques, qu'elles émanent d'entreprises ou de sources publiques. En l'espèce, environ 25 entreprises sont pétitionnaires car la matière active étant tombée dans le domaine public, plusieurs entreprises sont intéressées et ont déposé un dossier commun. Chacune devra ensuite présenter un dossier concernant spécifiquement la préparation ou la formulation qu'elle souhaite commercialiser.

La procédure d'autorisation de mise sur le marché comprend donc deux niveaux : l'autorisation de la matière active à l'échelle européenne et l'autorisation de commercialiser un produit qui est déposée par chaque entreprise dans tout Etat-membre concerné. Un rapporteur examine scientifiquement l'ensemble du dossier soumis à autorisation de l'Union européenne ; en l'espèce, c'est l'Allemagne avec le Bundesinstitut für Risikobewertung (BFR), l'institut fédéral d'évaluation des risques, qui a réalisé l'évaluation des matières actives et a soumis son compte rendu à l'Efsa, l'autorité européenne de sécurité des aliments chargée de produire un rapport.

Récemment le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a publié dans le journal anglais The Lancet un article de deux pages sur plusieurs matières actives dont le glyphosate - soit peu de choses sur le glyphosate en tant que tel ! L'article le classe en catégorie 2A, soit cancérigène « probable » selon les normes du Circ. Cette opinion doit être resituée par rapport au processus de renouvellement décennal européen. Le document du BFR du 23 mars 2015 - j'en cite la traduction française réalisée par une experte traductrice assermentée auprès de la Cour d'appel - établit que « dans le cadre de la réévaluation de la substance du glyphosate par l'Union européenne, l'Allemagne étant l'Etat-membre rapporteur, l'Institut fédéral allemand pour l'évaluation des risques a été chargé de l'évaluation des risques pour la santé humaine et a déclaré que le glyphosate n'était pas cancérogène ». Il est appuyé en ce sens par d'autres institutions compétentes nationales, européennes et internationales d'évaluation sanitaire, notamment la réunion conjointe FAO-OMS sur les résidus de pesticides, qui a évalué le glyphosate à un autre moment.

Par ailleurs, le BFR indique que « la classification du glyphosate en tant qu'agent cancérogène du groupe 2A, telle que publiée le 20 mars 2015 dans la revue Lancet est surprenante » et que « la base de données sur laquelle repose l'évaluation par le Circ n'est malheureusement pas connue », car la publication du Lancet, seulement deux pages, comporte très peu d'éléments pour juger des bases de l'évaluation. Selon le BFR, pour l'heure, un examen global et scientifiquement sain des données et des arguments ayant débouché sur la conclusion du Circ est donc tout simplement impossible.

Le BFR a compilé « la base de données toxicologiques la plus complète au niveau mondial » concernant le glyphosate. Il estime qu'aux fins d'évaluation toxicologique et des risques d'une substance « il convient de prendre en compte l'ensemble de la base de données et non une sélection plus ou moins arbitraire d'études ». Selon lui, le risque évalué par le Circ s'appuie sur trois études épidémiologiques, alors que, « fondé sur l'évaluation de plus de trente études épidémiologiques, le rapport actuel du BFR à l'Union européenne est parvenu à la conclusion globale qu'il n'existe aucune relation validée ou significative entre l'exposition au glyphosate et un risque accru de lymphome non hodgkinien ou d'autres types de cancer ». Je ne suis pas cancérologue, je ne commenterai donc pas ces conclusions. Le BFR termine en indiquant qu'il procèdera à « un examen rigoureux de la classification publiée par le Circ une fois que la monographie sera mise à disposition ».

Quant à la présence de produits phytosanitaires dans l'air, les mesures de pollution de l'air ne sont pas systématiques dans les dossiers d'autorisation de mise sur le marché. Nos informations proviennent de l'interprofession. Depuis 2002, sur environ 150 000 analyses relatives à la présence de phytosanitaires, 90 % n'ont révélé aucune trace de produit dans l'air. Le syndicat interprofessionnel indique que dans les 10 % restants, le niveau s'élevait entre 0,01 et 0,04 nanogramme par mètre cube, sachant qu'un nanogramme correspond à un milliardième de gramme. Le taux est donc très faible, entre cent à mille fois plus faible que les taux des polluants existant par ailleurs dans l'air.

Plus spécifiquement, le glyphosate a quelques propriétés physico-chimiques mentionnées dans le dossier d'homologation comme la non-volatilité et la solubilité dans l'eau. Les chances d'en retrouver des traces dans l'air sont par conséquent très minces, à moins d'effectuer un relevé à proximité immédiate d'une pulvérisation sur un champ, car le produit se dégrade par oxydation photochimique. La demi-vie, mesurée par le temps de dégradation de la moitié de la quantité de glyphosate initialement présente, est d'une heure et six minutes, selon le dossier. Ces sujets sont également discutés dans le contenu même du dossier d'homologation soumis aux autorités compétentes européennes, allemandes en l'occurrence. Toutes les autorités compétentes des divers Etats-membres ont également la possibilité de consulter le dossier et de formuler leurs remarques pour enrichir le dossier et pour que nous y répondions, opportunité qu'a saisie l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) pour la France.

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