Intervention de Cécile Cukierman

Réunion du 9 juin 2015 à 14h30
Renseignement et nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement — Explications de vote sur l'ensemble

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

secrétaire d’État, mes chers collègues, comme je l’ai évoqué en introduction de nos discussions, le sujet en cause aurait largement justifié que la navette parlementaire laisse aux deux assemblées le temps nécessaire pour parvenir à un équilibre, certes délicat à trouver, entre sécurité et liberté. La complexité de cette question et la nature même des activités de renseignement méritent un débat de fond à la hauteur de l’enjeu que la procédure accélérée ne permet pas.

Sur la forme, nous regrettons que le débat que nous avons eu ait été morcelé entre différentes séances, ce qui nous a obligés à jongler d’un article à l’autre – voire d’un alinéa à l’autre au sein d’un même article – et qu’il ait été intercalé, la semaine passée, entre la discussion d’autres textes.

Sur le fond, malgré toute la détermination du Gouvernement à nous démontrer le bien-fondé des dispositions qu’il souhaite mettre en place, nous ne sommes pas convaincus.

Les modifications que la commission des lois a apportées au projet de loi n’en modifient pas l’état d’esprit. En intégrant techniques de profilage et algorithmes de prédiction, le paradigme est inversé en matière de surveillance : au lieu de partir de la cible pour trouver les données, on part des données pour trouver la cible.

Le présent projet relatif au renseignement est essentiellement légitimé par sa référence au terrorisme, mais il a un contenu beaucoup plus large, puisqu’il permet une surveillance dans de multiples champs : les intérêts économiques et scientifiques français, ceux de la politique étrangère, la criminalité et la délinquance organisée, les fameuses violences collectives.

Dans sa rédaction actuelle, le texte ouvre la voie à de potentielles dérives de surveillance de groupes ou d’individus entendant contester les politiques publiques ; on peut penser, dès lors, aux organisations syndicales, mais pas seulement.

En dénonçant certaines pratiques illégales ou amorales d’entreprises nationales touchant à des questions environnementales ou de santé publique, par exemple, ainsi qu’à tout ce qui a trait à l’énergie, à la distribution de l’eau, aux nouvelles technologies ou à l’armement, les groupes de consommateurs et les lanceurs d’alerte sont également dans le collimateur, car susceptibles, de fait, de nuire aux « intérêts économiques […] de la France ».

À l’inverse, « la prévention de l’espionnage économique, industriel et scientifique dans le respect du droit de l’information » que nous vous proposions d’introduire par voie d’amendement comme raison justifiant l’usage de techniques de surveillance intrusives était un motif précis et légitime, qui aurait permis de prévenir largement les risques de dérives vers la surveillance politique illégitime des citoyens. Hélas, cet amendement, comme tous les autres du groupe CRC, n’a pas trouvé d’écho, ou alors a reçu un écho très faible, dans cet hémicycle.

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