Intervention de Sandrine Mazetier

Commission mixte paritaire — Réunion du 10 juin 2015 à 13h45
Commission mixte paritaire sur la réforme du droit d'asile

Sandrine Mazetier, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale :

Nous voici réunis pour confronter nos deux approches sur ce projet de réforme du droit d'asile. J'ai pris connaissance avec un grand intérêt des travaux du Sénat sur ce texte, tant sur le fond que sur la forme. Je ne doute pas un seul instant que bon nombre des rédactions adoptées par le Sénat figureront dans le texte définitif de la loi réformant le droit d'asile, à commencer par son titre ; je pense aussi aux conditions d'habilitation des associations aptes à participer aux entretiens personnels devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), prévues à l'article 7 et à la motivation des refus de visas des membres de la famille des bénéficiaires de la protection subsidiaire, prévue à l'article 19 bis. Nous pourrons nous inspirer de la simplification de la procédure de recours en cas d'asile en rétention opérée par le Sénat à l'article 9, sous réserve de quelques compléments permettant de la rendre opérationnelle.

Avec François-Noël Buffet, nous avons donc eu plusieurs échanges, dont une réunion de près de quatre heures hier, pour examiner les possibilités de compromis. Malgré notre bonne volonté et l'excellent climat qui a prévalu, nous sommes parvenus à la conclusion évidente que, sur un nombre important de sujets, les positions étaient irréductiblement opposées.

Ainsi, à l'article 5 bis, le Sénat veut donner une majorité de voix aux représentants de l'État au conseil d'administration de l'OFPRA, où l'Assemblée nationale veut que les parlementaires et les personnalités qualifiées aient une place au moins équivalente.

À l'article 7, le Sénat a prévu que l'OFPRA devait statuer dans un délai de trois mois sur les demandes d'asile, ce que notre assemblée refuse ; et il a fixé le délai au-delà duquel une demande est considérée comme tardive et peut entraîner le placement en procédure accélérée à quatre-vingt-dix jours contre cent-vingt jours, délai pourtant très en retrait par rapport à des amendements finalement écartés à l'Assemblée nationale. Le Sénat est favorable, contrairement à l'Assemblée nationale, à une déconcentration de l'OFPRA à titre expérimental. L'abandon par le demandeur d'asile de son lieu d'hébergement constitue pour le Sénat un cas de clôture du dossier, ce que l'Assemblée nationale a écarté.

Aux articles 8 et 10, je reste totalement opposée au transfert du contentieux des refus d'entrée sur le territoire à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), en lieu et place du tribunal administratif, tant pour des raisons de fond que pour des raisons opérationnelles.

À l'article 13, le délai accordé au demandeur dont la demande relève d'un autre État membre de l'Union européenne, dit « dubliné », pour former un recours contre la décision de transfert vers un autre État membre avait été fixé par l'Assemblée nationale à quinze jours tandis que le Sénat est revenu à la proposition initiale du Gouvernement, soit sept jours.

À l'article 14, le Sénat souhaite que le rejet définitif vaille obligation de quitter le territoire français sans possibilité de solliciter le maintien sur le territoire à un autre titre, tandis que l'Assemblée nationale reste particulièrement attachée au fait de laisser la possibilité à l'étranger débouté de solliciter un titre de séjour pour un autre motif : il peut être parent d'un enfant français, ou gravement malade par exemple.

À l'article 15, la sortie immédiate des déboutés de leur lieu d'hébergement, adoptée par le Sénat, n'est pas possible : en pratique, un délai - le plus bref possible - est indispensable pour leur proposer un retour volontaire et l'organiser, dans l'esprit de la directive Retour. Nous n'avons pas trouvé d'accord non plus sur l'entretien personnel d'un agent de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) avec le demandeur d'asile ou sur la compétence - liée pour le Sénat, discrétionnaire pour l'Assemblée - de l'administration s'agissant des décisions de retrait, de refus ou de limitation des conditions matérielles d'accueil.

L'article 19 bis A, qui réduit le délai pour le retour volontaire de trente à sept jours, ainsi que l'article 19 quater, qui restreint l'accès des déboutés à l'hébergement d'urgence, constituent deux autres sujets de divergence profonde.

Même s'ils s'accordent sur la nécessité et l'urgence d'une réforme, les textes du Sénat et de l'Assemblée nationale obéissent à des logiques différentes et inconciliables. Je suggère donc que la commission mixte paritaire constate l'impossibilité de proposer un texte commun.

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