Commission mixte paritaire

Réunion du 10 juin 2015 à 13h45

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La réunion est ouverte à 13 h 45

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la réforme du droit d'asile s'est réunie au Sénat le mercredi 10 juin 2015.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de M. Philippe Bas, président, M. Jean-Jacques Urvoas, vice-président, M. François-Noël Buffet, sénateur, étant désigné rapporteur pour le Sénat, Mme Sandrine Mazetier, députée, étant désignée rapporteure pour l'Assemblée nationale.

La commission examine ensuite les dispositions restant en discussion.

Debut de section - Permalien
Sandrine Mazetier, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale

Nous voici réunis pour confronter nos deux approches sur ce projet de réforme du droit d'asile. J'ai pris connaissance avec un grand intérêt des travaux du Sénat sur ce texte, tant sur le fond que sur la forme. Je ne doute pas un seul instant que bon nombre des rédactions adoptées par le Sénat figureront dans le texte définitif de la loi réformant le droit d'asile, à commencer par son titre ; je pense aussi aux conditions d'habilitation des associations aptes à participer aux entretiens personnels devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), prévues à l'article 7 et à la motivation des refus de visas des membres de la famille des bénéficiaires de la protection subsidiaire, prévue à l'article 19 bis. Nous pourrons nous inspirer de la simplification de la procédure de recours en cas d'asile en rétention opérée par le Sénat à l'article 9, sous réserve de quelques compléments permettant de la rendre opérationnelle.

Avec François-Noël Buffet, nous avons donc eu plusieurs échanges, dont une réunion de près de quatre heures hier, pour examiner les possibilités de compromis. Malgré notre bonne volonté et l'excellent climat qui a prévalu, nous sommes parvenus à la conclusion évidente que, sur un nombre important de sujets, les positions étaient irréductiblement opposées.

Ainsi, à l'article 5 bis, le Sénat veut donner une majorité de voix aux représentants de l'État au conseil d'administration de l'OFPRA, où l'Assemblée nationale veut que les parlementaires et les personnalités qualifiées aient une place au moins équivalente.

À l'article 7, le Sénat a prévu que l'OFPRA devait statuer dans un délai de trois mois sur les demandes d'asile, ce que notre assemblée refuse ; et il a fixé le délai au-delà duquel une demande est considérée comme tardive et peut entraîner le placement en procédure accélérée à quatre-vingt-dix jours contre cent-vingt jours, délai pourtant très en retrait par rapport à des amendements finalement écartés à l'Assemblée nationale. Le Sénat est favorable, contrairement à l'Assemblée nationale, à une déconcentration de l'OFPRA à titre expérimental. L'abandon par le demandeur d'asile de son lieu d'hébergement constitue pour le Sénat un cas de clôture du dossier, ce que l'Assemblée nationale a écarté.

Aux articles 8 et 10, je reste totalement opposée au transfert du contentieux des refus d'entrée sur le territoire à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), en lieu et place du tribunal administratif, tant pour des raisons de fond que pour des raisons opérationnelles.

À l'article 13, le délai accordé au demandeur dont la demande relève d'un autre État membre de l'Union européenne, dit « dubliné », pour former un recours contre la décision de transfert vers un autre État membre avait été fixé par l'Assemblée nationale à quinze jours tandis que le Sénat est revenu à la proposition initiale du Gouvernement, soit sept jours.

À l'article 14, le Sénat souhaite que le rejet définitif vaille obligation de quitter le territoire français sans possibilité de solliciter le maintien sur le territoire à un autre titre, tandis que l'Assemblée nationale reste particulièrement attachée au fait de laisser la possibilité à l'étranger débouté de solliciter un titre de séjour pour un autre motif : il peut être parent d'un enfant français, ou gravement malade par exemple.

À l'article 15, la sortie immédiate des déboutés de leur lieu d'hébergement, adoptée par le Sénat, n'est pas possible : en pratique, un délai - le plus bref possible - est indispensable pour leur proposer un retour volontaire et l'organiser, dans l'esprit de la directive Retour. Nous n'avons pas trouvé d'accord non plus sur l'entretien personnel d'un agent de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) avec le demandeur d'asile ou sur la compétence - liée pour le Sénat, discrétionnaire pour l'Assemblée - de l'administration s'agissant des décisions de retrait, de refus ou de limitation des conditions matérielles d'accueil.

L'article 19 bis A, qui réduit le délai pour le retour volontaire de trente à sept jours, ainsi que l'article 19 quater, qui restreint l'accès des déboutés à l'hébergement d'urgence, constituent deux autres sujets de divergence profonde.

Même s'ils s'accordent sur la nécessité et l'urgence d'une réforme, les textes du Sénat et de l'Assemblée nationale obéissent à des logiques différentes et inconciliables. Je suggère donc que la commission mixte paritaire constate l'impossibilité de proposer un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L'issue de notre réunion est désormais connue. Le Sénat a agi avec pragmatisme en partageant l'objectif du texte d'accélérer la procédure, mais le désaccord est majeur sur le sort à réserver aux « déboutés », comme on les désigne communément.

À l'issue de la première lecture au Sénat, le projet de loi relatif à la réforme du droit d'asile comporte 38 articles, contre 23 dans le projet de loi initial : 5 ont été ajoutés à l'Assemblée nationale et 10 au Sénat. Seuls 5 ont été adoptés conformes ; 33 restent donc en navette.

Certaines dispositions ne soulèvent aucune difficulté : dispositions de coordination aux articles 1er bis et 16 ter ; communication de l'OFPRA au procureur de la République à l'article 6 bis ; accès du Haut-Commissariat aux réfugiés aux centres de rétention administrative à l'article 9 B ; motivation des refus de visa à l'article 19 bis.

La réunion d'hier avec Mme Mazetier nous permet de classer les autres dispositions restant en navette en trois catégories.

Tout d'abord, nous avons rapproché nos points de vue sur douze articles moyennant des concessions réciproques, voire des rédactions que l'on pourrait qualifier de communes : article 4 sur l'asile interne, article 4 bis sur l'apatridie, article 5 pour lequel j'ai proposé une nouvelle rédaction sur le rapport d'activité de l'OFPRA ; article 6 sur l'établissement de la liste des pays d'origine sûrs ; article 7 bis sur la cessation de la protection ; article 8 sur l'asile à la frontière ; article 9 sur l'asile en rétention ; article 10 sur la CNDA ; article 12 sur l'enregistrement de la demande d'asile ; article 18 sur le titre de séjour des réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire ; article 19 sur le contenu de la protection accordée ; article 19 ter sur les centres provisoires d'hébergement où la notion d'insertion pourrait être remplacée par celle d'intégration, comme me l'a proposé Mme Mazetier.

Il demeure des divergences, malgré de réelles avancées, sur 4 articles : articles 2 et 3 sur l'asile et la protection subsidiaire, où nous sommes d'accord pour confier au ministre chargé de l'asile la faculté de saisine de l'OFPRA ou de la CNDA plutôt qu'au préfet, sur l'article L. 711-6 où nous sommes d'accord sur la cessation du statut de réfugié pour motif de sécurité publique et sur une rédaction concernant la notion de violence « aveugle », mais en désaccord sur la compétence liée de l'OFPRA ; article 7 sur l'instruction par l'OFPRA, où nous sommes d'accord sur la vidéoconférence et l'examen de recevabilité des demandes de réexamen, mais en désaccord sur le délai de trois mois, la déconcentration de l'OFPRA et la clôture pour abandon de l'hébergement, souhaités par le Sénat ; article 15 sur le dispositif national d'accueil, où nous sommes d'accord sur la domiciliation des demandeurs ne bénéficiant pas d'un hébergement stable, sur la consultation des collectivités pour le schéma régional, sur l'expulsion des personnes ayant un comportement violent, sur la suppression de la faculté pour le juge de prononcer des astreintes, sur le rétablissement des dispositions relatives à l'accès au marché du travail compte tenu de la directive « Accueil », mais en désaccord sur la distinction entre déboutés et réfugiés pour le maintien dans un lieu d'hébergement, sur l'entretien personnel à l'OFII et la compétence liée de ce dernier.

Enfin, sur neuf dispositions, il n'a pas paru possible de converger : article 5 bis sur la composition du conseil d'administration de l'OFPRA, où persiste une difficulté sur les équilibres entre représentants du Gouvernement et les autres membres ; article 13 sur les dispositions relatives aux « dublinés », où nous sommes en désaccord sur le délai de recours contre la décision de transfert ; article 14 sur le droit au maintien sur le territoire ; article 14 bis sur les centres de retour pour les déboutés ; article 14 ter sur l'obligation de quitter le territoire, le plus symbolique de tous ; article 16 sur la réglementation des centres d'accueil pour les demandeurs d'asile (CADA) où nous sommes en désaccord sur le maintien ou la suppression de leur évaluation externe ; article 17 où nous sommes en désaccord sur la présence de parlementaires au conseil d'administration de l'OFII et la délibération de son conseil d'administration sur son rapport annuel ; article 19 bis A sur la réduction du délai de départ volontaire ; article 19 quater sur l'hébergement d'urgence des déboutés.

Je suis donc en concorde avec les propos de Mme Mazetier et ne crois pas que cette CMP puisse échapper à son destin funeste. Je souhaite cependant que certains de nos apports subsistent dans le texte qui sera finalement adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

À l'écoute des rapporteurs, nous revivons les discussions sur le texte. Si le Sénat et l'Assemblée nationale sont en désaccord sur l'équilibre entre les membres du conseil d'administration de l'OFPRA, le Sénat avait pourtant introduit une approbation par nos deux commissions des lois des personnalités qualifiées nommées par les présidents des deux chambres ; j'espère que cela sera conservé. Sur le marché du travail, le Sénat avait supprimé toutes les dispositions ajoutées par l'Assemblée nationale. Insuffisantes, elles méritent pourtant de subsister.

La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la réforme de l'asile.

La réunion est levée à 14 h 05