Il s'agit donc d'une procédure inédite. Au lieu d'une loi de finances rectificative, le choix a été fait d'un décret d'annulation, pour des montants conséquents.
Je rappelle que la LOLF a prévu la possibilité d'annuler des crédits pour prévenir une « détérioration de l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances afférente à l'année concernée ». Nous n'en sommes pas tout à fait là : c'est, aujourd'hui, le dialogue avec la Commission européenne qui conduit à ces annulations de crédits en cours d'année. La LOLF prévoit une condition : le montant des crédits annulés ne doit pas dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours.
Dans le cas présent, les annulations conduisent à réduire la cible de dépense de 667 millions d'euros en 2015 dans le champ de la norme en valeur, c'est-à-dire hors charge de la dette et dépenses de pensions. Près de 45 % des crédits de paiement annulés étaient déjà « gelés » dans la réserve de précaution. Vous vous souvenez qu'en loi de finances, nous nous étions émus, pour certains, de la tentation d'augmenter la réserve de précaution : ce « gel » permet ensuite au Gouvernement de bénéficier d'une marge de manoeuvre supplémentaire, qui pourrait remettre en cause l'autorisation parlementaire si elle venait à prendre une ampleur trop importante.
Le caractère exceptionnel du recours à cette procédure et les montants en jeu justifient cette communication. Je n'ai pas pu expertiser, à ce stade, les justifications des annulations, au demeurant extrêmement peu précises dans le rapport de motivation du Gouvernement. Je me bornerai à un très bref commentaire.
Les annulations portent sur la quasi-totalité des missions du budget général, à l'exception de quelques-unes, comme la mission, « Défense » mais aussi les missions « Régimes sociaux et retraites » et « Conseil et contrôle de l'État ».
Les autres missions qui avaient fait l'objet d'ouvertures de crédits dans le cadre du décret d'avance du 10 avril sont concernées par les annulations. Parmi ces dernières, la mission « Justice » fait partie des plus importantes contributrices, avec 47 millions d'euros de crédits annulés, tant en crédits de paiement qu'en autorisations d'engagement. La mission « Recherche et enseignement supérieur » connaît également des annulations importantes - les collègues rapporteurs spéciaux, qui s'étaient émus des réductions de crédits à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, regarderont sans doute de plus près la justification des annulations qui s'élèvent à 93 millions d'euros (en crédits de paiement), dont 45 millions d'euros sur le CNRS. La mission « Écologie » voit ses crédits réduits à hauteur de 84 millions d'euros dont 59 millions d'euros sur le programme « Infrastructures de transport ». La mission « Enseignement scolaire » - dont je croyais qu'elle constituait une priorité du Gouvernement - connaît des annulations à hauteur de 64 millions d'euros, dont 39 millions d'euros sur les crédits de personnel. Enfin, 46 millions d'euros sont annulés sur la mission « Travail et emploi ».
Un peu moins de 8 % du total des annulations portent sur des crédits de personnel (titre 2), soit 48 millions d'euros. À ce titre, la mission « Enseignement scolaire » est la plus importante contributrice : 39 millions d'euros de crédits de titre 2 sont annulés sur le programme « Enseignement scolaire public du second degré ».
Le rapport de motivation, qui ne fournit pas toujours des explications très convaincantes sur les différentes annulations, précise de manière générale que celles-ci portent « essentiellement sur des dépenses modulables, afin de ne pas remettre en cause la soutenabilité des dépenses obligatoires (en particulier les rémunérations et prestations versées par l'État) ». La plupart des annulations semblent correspondre à des ajustements des besoins de décaissement ou des prévisions de consommation de crédits et ne paraissent pas constituer de véritables économies au sens où elles traduiraient un renoncement à certaines actions. Il s'agit de régulation budgétaire plus que de véritables économies, semble-t-il.
Voilà mes chers collègues, les quelques points rapides que je souhaitais présenter afin d'attirer votre attention sur cette mesure. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions, mais mes réponses risquent d'être singulièrement brèves au regard du court rapport de motivation transmis par le Gouvernement.
Je vous invite à vous rapprocher des administrations dont vous assurez le contrôle pour obtenir davantage de précision sur la portée des annulations dont elles font l'objet.