Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission entend une communication de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur un projet de décret d'annulation de crédits transmis par le Gouvernement.
Mes chers collègues, je vous invite à être attentifs car presque chacun d'entre vous est concerné, en tant que rapporteur spécial - à l'exception notable de Dominique de Legge, rapporteur spécial de la mission « Défense », qui a été préservée.
Le Gouvernement m'a transmis, ce lundi, ainsi qu'à la présidente, un projet de décret portant annulation de crédits qui a été publié ce matin au Journal officiel - mais désormais, il y a mieux que le Journal officiel : Les Échos publiaient hier un article détaillé à ce sujet.
Ce décret, accompagné d'un rapport de motivation, prévoit l'annulation de 617,9 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 676,9 millions d'euros en crédits de paiement (CP).
Ces annulations s'inscrivent dans le cadre du plan d'économies annoncé dans le programme de stabilité d'avril pour les années 2015 à 2018 : pour l'année 2015, comme vous le savez, 4 milliards d'euros supplémentaires doivent être économisés sur l'ensemble des administrations publiques. Cet engagement résultait de l'abaissement des prévisions d'inflation, qui sont passées de 0,9 % dans le projet de loi de finances pour 2015 à 0 % en avril, comme le ministre de l'économie et des finances nous l'avait expliqué. En effet, les économies étant calculées par rapport à un tendanciel - ce que nous savons bien pour en avoir débattu de nombreuses fois -, la diminution de l'inflation conduit à réduire le rendement de certaines mesures du plan d'économies de 50 milliards d'euros portant sur la période 2015-2017.
Je rappelle que le programme de stabilité prévoyait que ces 4 milliards d'euros d'économies porteraient pour plus d'un quart sur la charge de la dette (1,2 milliard d'euros), pour 1 milliard d'euros sur les administrations de sécurité sociale, pour environ 700 millions d'euros sur l'État et 500 millions d'euros sur ses opérateurs. Pour atteindre le solde de 4 milliards d'euros, 600 millions d'euros de recettes supplémentaires seraient également nécessaires. Le décret d'annulation correspond donc à la part des économies reposant sur le budget de l'État, hors charge de la dette : 700 millions d'euros étaient annoncés, les annulations sont à peu près en ligne avec ce chiffre.
Ces économies doivent permettre au Gouvernement de répondre à la recommandation adressée par le Conseil européen à la France le 10 mars dernier dans le cadre de la procédure pour déficit excessif, dans laquelle il demandait d'une part, de mettre fin à la situation de déficit excessif au plus tard en 2017 et, d'autre part, d'engager « une action suivie d'effet » et de remettre un rapport détaillé sur la stratégie envisagée pour atteindre les objectifs fixés, dans un délai de trois mois.
Ce délai expire aujourd'hui : le Gouvernement remet donc sa copie et présente les mesures nouvelles, dont font partie ces annulations, qui doivent permettre de porter l'ajustement structurel à 0,5 % du produit intérieur brut pour l'année 2015, comme cela est exigé par nos engagements européens.
Il faut souligner que si des crédits ont pu être annulés de manière importante en cours d'année dans le cadre de lois de finances rectificatives, sans attendre la fin de l'exercice - cela a été le cas, par exemple, au printemps 2012 -, le recours à des décrets d'annulation pour des montants aussi importants et à des fins de respect des objectifs budgétaire n'a pas, à ma connaissance, été utilisé depuis l'entrée en vigueur de la LOLF. C'est une première.
Il s'agit donc d'une procédure inédite. Au lieu d'une loi de finances rectificative, le choix a été fait d'un décret d'annulation, pour des montants conséquents.
Je rappelle que la LOLF a prévu la possibilité d'annuler des crédits pour prévenir une « détérioration de l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances afférente à l'année concernée ». Nous n'en sommes pas tout à fait là : c'est, aujourd'hui, le dialogue avec la Commission européenne qui conduit à ces annulations de crédits en cours d'année. La LOLF prévoit une condition : le montant des crédits annulés ne doit pas dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours.
Dans le cas présent, les annulations conduisent à réduire la cible de dépense de 667 millions d'euros en 2015 dans le champ de la norme en valeur, c'est-à-dire hors charge de la dette et dépenses de pensions. Près de 45 % des crédits de paiement annulés étaient déjà « gelés » dans la réserve de précaution. Vous vous souvenez qu'en loi de finances, nous nous étions émus, pour certains, de la tentation d'augmenter la réserve de précaution : ce « gel » permet ensuite au Gouvernement de bénéficier d'une marge de manoeuvre supplémentaire, qui pourrait remettre en cause l'autorisation parlementaire si elle venait à prendre une ampleur trop importante.
Le caractère exceptionnel du recours à cette procédure et les montants en jeu justifient cette communication. Je n'ai pas pu expertiser, à ce stade, les justifications des annulations, au demeurant extrêmement peu précises dans le rapport de motivation du Gouvernement. Je me bornerai à un très bref commentaire.
Les annulations portent sur la quasi-totalité des missions du budget général, à l'exception de quelques-unes, comme la mission, « Défense » mais aussi les missions « Régimes sociaux et retraites » et « Conseil et contrôle de l'État ».
Les autres missions qui avaient fait l'objet d'ouvertures de crédits dans le cadre du décret d'avance du 10 avril sont concernées par les annulations. Parmi ces dernières, la mission « Justice » fait partie des plus importantes contributrices, avec 47 millions d'euros de crédits annulés, tant en crédits de paiement qu'en autorisations d'engagement. La mission « Recherche et enseignement supérieur » connaît également des annulations importantes - les collègues rapporteurs spéciaux, qui s'étaient émus des réductions de crédits à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, regarderont sans doute de plus près la justification des annulations qui s'élèvent à 93 millions d'euros (en crédits de paiement), dont 45 millions d'euros sur le CNRS. La mission « Écologie » voit ses crédits réduits à hauteur de 84 millions d'euros dont 59 millions d'euros sur le programme « Infrastructures de transport ». La mission « Enseignement scolaire » - dont je croyais qu'elle constituait une priorité du Gouvernement - connaît des annulations à hauteur de 64 millions d'euros, dont 39 millions d'euros sur les crédits de personnel. Enfin, 46 millions d'euros sont annulés sur la mission « Travail et emploi ».
Un peu moins de 8 % du total des annulations portent sur des crédits de personnel (titre 2), soit 48 millions d'euros. À ce titre, la mission « Enseignement scolaire » est la plus importante contributrice : 39 millions d'euros de crédits de titre 2 sont annulés sur le programme « Enseignement scolaire public du second degré ».
Le rapport de motivation, qui ne fournit pas toujours des explications très convaincantes sur les différentes annulations, précise de manière générale que celles-ci portent « essentiellement sur des dépenses modulables, afin de ne pas remettre en cause la soutenabilité des dépenses obligatoires (en particulier les rémunérations et prestations versées par l'État) ». La plupart des annulations semblent correspondre à des ajustements des besoins de décaissement ou des prévisions de consommation de crédits et ne paraissent pas constituer de véritables économies au sens où elles traduiraient un renoncement à certaines actions. Il s'agit de régulation budgétaire plus que de véritables économies, semble-t-il.
Voilà mes chers collègues, les quelques points rapides que je souhaitais présenter afin d'attirer votre attention sur cette mesure. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions, mais mes réponses risquent d'être singulièrement brèves au regard du court rapport de motivation transmis par le Gouvernement.
Je vous invite à vous rapprocher des administrations dont vous assurez le contrôle pour obtenir davantage de précision sur la portée des annulations dont elles font l'objet.
Nous observons ce matin la suite de ce que le ministre nous avait annoncé : ces annulations découlent d'un engagement pris. Il ne s'agit pas d'une surprise. Chacun d'entre nous va examiner soigneusement, au sein de la mission dont il a la responsabilité, le détail des annulations.
Vous avez raison : ces annulations ne sont pas une surprise, d'autant plus que la hausse du taux de mise en réserve impliquait déjà des annulations de crédits substantielles.
Mais les annulations ne sont pas toutes documentées. Or, la logique voudrait que les justifications soient claires pour tous les programmes.
En outre, on est manifestement ici dans une technique du « rabot » : souvenons-nous des propos tenus, ici même, par le Premier président de la Cour des comptes il y a quelques semaines, expliquant que cette méthode avait atteint ses limites... Il faudra avoir en tête ces annulations lors de l'examen du projet de loi de règlement pour 2014, et bien plus encore du projet de loi de finances pour 2016. En effet, ces annulations portent pour une grande part sur des dépenses d'investissements : il s'agit plutôt de reports d'opérations d'investissements que de véritables économies sur des dépenses de fonctionnement, en dehors du cas de la mission « Enseignement scolaire ».
Je m'interroge sur les 12 millions d'euros annulés sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Quels en sont les motifs ?
Par ailleurs, on annonce 5 milliards d'euros d'économies supplémentaires prévues en 2016, qui s'ajoutent au plan d'économies de 16,5 milliards d'euros déjà annoncé. J'ai cru comprendre que la contribution des collectivités territoriales à ces économies supplémentaires s'élèverait à 1,2 milliard d'euros. Ce montant s'ajoute-t-il à la baisse de leurs dépenses déjà prévue pour 2016 et qui s'élève à 3,7 milliards d'euros ? Si c'est le cas, ces coupes sont inquiétantes.
Je suis surpris par les annulations sur la mission « Sécurités » : elles interviennent dans un contexte où tout le monde s'accorde à mettre la sécurité au premier plan, notamment avec la loi « Renseignement » que nous venons de voter ! En outre, les explications données ne sont pas très éclairantes.
La question des loyers des gendarmeries, que l'État tarde toujours à payer aux collectivités, doit également être soulevée.
Si je ne suis pas surprise par ce décret, je n'en reste pas moins interrogative sur certains éléments. Je trouve que les crédits de personnel sont fortement touchés, en particulier dans l'éducation nationale, qui a pourtant des besoins importants en termes de recrutement.
Il me semble important que nous disposions de davantage de précisions sur les orientations budgétaires retenues dans le cadre de la préparation de la loi de finances initiale. L'ampleur de ces annulations nécessite davantage d'explications. Sans cela, il nous sera difficile d'apprécier les choix budgétaires exprimés dans le projet de loi de finances pour 2016.
Concernant les annulations sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », je ne peux que citer le rapport d'information qui indique qu'elles sont permises par « la révision des échéanciers de paiement des dotations d'investissement (dotation d'équipement des territoires ruraux, dotation globale d'équipement des département et dotation politique de la ville) tenant compte de l'exécution 2014 et du rythme de décaissement observé sur 2015 ». Il ne s'agit donc pas d'abandon de projets, mais de modification du calendrier de décaissement.
Les annulations sur la mission « Sécurités » portent majoritairement sur des crédits mis en réserve. 2 millions d'euros sont annulés sur le titre 2 « en raison de l'actualisation du taux de GVT positif » du programme 152 « Gendarmerie nationale » : cela signifie-t-il que l'avancement va moins vite que prévu dans la Gendarmerie ? Concernant les crédits hors titre 2 de ce même programme, les annulations sont pour partie justifiées par « la prise en compte de la baisse de l'inflation sur les dépenses de loyers et d'énergie ».
Les économies supplémentaires demandées aux collectivités territoriales sont clairement prévues par le programme de stabilité tel qu'adressé par la France à la Commission européenne : « les dépenses de fonctionnement des collectivités ralentiraient de 1,2 milliard d'euros grâce aux marges offertes par le ralentissement de l'inflation. » Le quota d'économies pesant sur les collectivités correspond à peu près à leur poids dans les dépenses des administrations publiques. Ces économies correspondent-elles à une baisse des dotations ? Tout est possible ! Le doute ne pourra que nous inciter à être présents lors du débat d'orientation des finances publiques, en juillet, qui sera l'occasion d'interroger le Gouvernement.
Je voudrais souligner que les missions fortement ponctionnées l'avaient déjà été par le décret d'avance d'avril : les missions « Recherche et enseignement supérieur », « Écologie » et « Travail et emploi » font donc l'objet de coupes importantes et répétées, alors que la logique voudrait que les annulations supplémentaires soient réparties sur d'autres secteurs qui ceux qui ont déjà beaucoup contribué.
Ces missions connaissent des annulations importantes car, par rapport à d'autres missions, elles représentent une masse très conséquente de dépenses d'intervention, c'est-à-dire de dépenses « modulables ». Le Gouvernement diminue les dépenses d'intervention avant de s'attaquer aux dépenses de personnel...
La commission donne acte de sa communication au rapporteur général.
Puis, la commission procède à l'audition de Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, responsable des programmes 102 « Accès et retour à l'emploi » et 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », sur les contrats aidés et de génération.
Nous poursuivons notre série d'auditions préparatoires à l'examen du projet de loi de règlement. Je vous rappelle que nous avons souhaité entendre, cette année, des responsables de programme sur des sujets bien identifiés et à fort enjeu budgétaire. Je vous précise en outre que ces auditions sont ouvertes à la presse.
Nous accueillons notre collègue Michel Forissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Travail et emploi ».
Aux termes de l'article 70 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, les responsables de programme sont chargés de trois missions principales : établir le projet annuel de performances prévu à l'article 51 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), dans lequel il leur est demandé de préciser les orientations stratégiques ainsi que les objectifs du programme et de justifier des crédits et des autorisations d'emplois demandés ; assurer le pilotage du programme dont ils ont la charge ; établir le rapport annuel de performances prévu à l'article 54 de la LOLF.
Nous recevons aujourd'hui Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle du ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, afin d'examiner l'exécution des crédits du programme 102 consacrés aux contrats aidés et du programme 103 consacrés au contrat de génération.
Le programme 102 « Accès et retour à l'emploi », sur lequel sont financés les contrats aidés, était doté pour 2014 de 7,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 7,2 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).
La loi de finances initiale pour 2014 prévoyait la conclusion de 430 000 contrats aidés, dont 340 000 contrats d'accompagnement dans l'emploi dans le secteur non-marchand (CUI-CAE), 40 000 contrats d'initiative emploi dans le secteur marchand (CUI-CIE) et 50 000 emplois d'avenir.
Ces objectifs ont été dépassés puisque 495 000 contrats aidés ont été conclus en 2014, dont 350 000 CUI-CAE, 50 000 CUI-CIE et 95 000 emplois d'avenir, dont 10 000 emplois d'avenir professeur.
La dépense en faveur de ces contrats s'est élevée à 3,7 milliards d'euros en AE, soit un écart de 3,5 % par rapport aux prévisions, qui s'explique notamment par la décision prise au mois de juin 2014 d'augmenter l'enveloppe de contrats aidés.
Par ailleurs, 256 millions d'euros en AE et 83,5 millions d'euros en CP ont été consacrés aux contrats de génération.
Mes premières questions portent sur les contrats aidés. La performance de ces dispositifs n'est plus mesurée depuis l'exercice 2013. Il serait pourtant utile pour le Parlement de connaître l'impact de ces dispositifs sur l'emploi. Pourriez-vous nous indiquer les raisons pour lesquelles les indicateurs de performance ne sont plus renseignés ? Disposez-vous de statistiques, même provisoires, sur les taux d'insertion dans l'emploi après la sortie d'un contrat aidé ?
Par ailleurs, le rapport annuel de performance ne dit rien sur la qualité de l'emploi. Pourriez-vous nous préciser quelle est la répartition entre CDD et CDI pour chacun de ces types de contrats ?
Enfin, dans une note de septembre 2014, la DARES relevait que moins d'un tiers des bénéficiaires de contrats aidés avaient suivi une formation. Or, cette même étude rappelait que « le fait d'avoir suivi une formation s'accompagne d'une probabilité supérieure d'être en emploi six mois après la sortie de contrat aidé et ce quel que soit le contrat ». Pourriez-vous nous indiquer si ces chiffres sont toujours d'actualité et si des mesures sont envisagées pour améliorer l'accès à la formation de ces personnes ?
S'agissant du volet performance, dans un souci de précision, nous nous appuyons sur les données produites par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES). La précédente étude portait sur la cohorte de bénéficiaires de contrats aidés sortis en 2012. La DARES réalisant ce type d'enquêtes tous les quatre ans environ, la prochaine devrait avoir lieu l'an prochain.
La DARES a en outre publié, au premier semestre 2015, une enquête qualitative dans laquelle il est précisé que près de 90 % des personnes ayant bénéficié d'un contrat aidé ou qui ont été accueillies par des structures d'insertion économique étaient satisfaites de cette expérience et considéraient qu'elle avait constitué une aide dans leur processus de réinsertion. Il ressort également de cette étude que l'accompagnement est modulé en fonction de l'intensité des difficultés des personnes.
Par ailleurs, il me semble nécessaire de distinguer la performance de chacun des types de contrats. S'agissant de l'accès à l'emploi à l'issue d'un contrat aidé dans le secteur marchand, le taux d'insertion est compris entre 60 et 70 %. Ce taux est de 30 % pour le secteur non-marchand. Je précise cependant qu'un effet d'aubaine existe dans le secteur marchand, que la DARES estime à deux tiers des recrutements en contrats aidés environ.
Au cours des trois dernières années, la politique du ministère s'est concentrée sur deux actions visant à améliorer les caractéristiques qualitatives de ces contrats :
- allonger la durée des contrats afin de permettre aux bénéficiaires d'avoir un parcours d'insertion plus solide. La durée moyenne des contrats est ainsi passée de 6 ou 7 mois en 2012 à 11 ou 12 mois aujourd'hui ;
- développer la formation des bénéficiaires de contrats aidés, avec un effort particulier pour les emplois d'avenir, conformément aux engagements du Gouvernement. Plus des deux tiers des emplois d'avenir bénéficient ainsi d'un engagement de formation, qui se réalise dans la première année. Pour répondre à votre question sur la répartition entre CDI et CDD, environ un tiers des emplois d'avenir sont conclus en CDI pour deux tiers en CDD.
Par ailleurs, au cours de l'année 2014, il a été décidé de basculer une partie de la dotation destinée aux contrats aidés vers des aides au poste dans le cadre de l'insertion par l'activité économique. Il est en effet plus structurant pour ces employeurs de bénéficier d'un financement par poste plutôt que d'une enveloppe de contrats aidés dont la taille varie en fonction des décisions prises en la matière.
Nous avons lancé une expérimentation dans sept ou huit régions destinée à développer une logique de contractualisation de moyen terme avec les employeurs de contrats aidés « classiques », associations et collectivités territoriales, afin de leur permettre de bénéficier d'une meilleure visibilité sur le volume de contrats aidés qui leur sera octroyé. En contrepartie, ces employeurs doivent prendre des engagements en matière de qualité de l'accompagnement des personnes en contrats aidés.
S'agissant de votre question relative à la formation, les actions à destination des bénéficiaires d'emplois d'avenir sont financées par une contribution exceptionnelle des employeurs publics versée au centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), par des crédits issus des fonds de la formation professionnelle « classique » pour les personnes bénéficiant d'un contrat dans le secteur privé et par des crédits mutualisés de la formation professionnelle, du fonds paritaire dédié à la formation des emplois d'avenir et des crédits communautaires de l'initiative pour l'emploi des jeunes.
Cette question du financement de la formation des bénéficiaires de contrats aidés est une question majeure pour les structures d'insertion, qu'il s'agisse des structures d'insertion par l'activité économique ou des employeurs « classiques » de contrats aidés. Des discussions sont en cours avec les partenaires sociaux sur une éventuelle participation des fonds mutualisés de la formation professionnelle, au-delà de l'effort qui a été consenti pour les emplois d'avenir.
Une autre solution pourrait consister à étendre le principe d'une contribution versée par les employeurs au CNFPT, comme cela est déjà le cas pour les emplois d'avenir, à l'ensemble des employeurs de contrats aidés du secteur public.
Un nouveau type de contrat aidé a été mis en place depuis le 14 avril 2015 : le CIE starter à destination des jeunes de moins de trente ans rencontrant des difficultés particulières d'insertion professionnelle. Pourriez-vous nous en préciser les modalités ainsi que les objectifs ? Ce dispositif ne figurait pas dans la loi de finances pour 2015 : quel en sera le coût ? Sur quelle enveloppe ce nouveau dispositif sera-t-il financé ?
De manière plus prospective, 170 millions d'euros supplémentaires pourraient être consacrés aux contrats aidés en 2015. Pourriez-vous nous confirmer cette information ? À quelles actions précises sera consacrée cette enveloppe et comment sera-t-elle financée ?
Le CIE starter repose sur la même base juridique que le CUI-CIE. Il vise à majorer le taux d'aide pour les entreprises employant un jeune rencontrant des difficultés. En moyenne, le taux normal s'élève, je le rappelle à 30,7 %. Dans le cadre du CIE starter, ce taux sera porté à 45 %. Ce dispositif doit bénéficier aux jeunes diplômés issus des quartiers de la politique de la ville ou aux jeunes rencontrant des difficultés particulières. Il est donc complémentaire aux emplois d'avenir, qui sont destinés aux jeunes sans qualification.
La dépense au titre de ce nouveau dispositif est estimée à 10 millions d'euros en 2015. Elle s'ajoutera à celle destinée au financement des 100 000 contrats aidés supplémentaires déjà prévus pour 2015, dont 70 000 CUI-CAE et 30 000 emplois d'avenir. Comme vous le rappeliez, cette dépense supplémentaire n'était pas inscrite en loi de finances pour 2015. Elle sera donc financée par les mécanismes traditionnels de « dégel » de la réserve de précaution ou de décret d'avance.
Enfin, ma dernière série de questions porte sur le contrat de génération. La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale a facilité l'accès à l'aide pour les entreprises de 50 à 299 salariés qui ne sont plus soumises à l'obligation de négociation préalable. Par ailleurs, le décret du 12 septembre 2014 a porté le montant de l'aide versée à 8 000 euros pour les entreprises qui recrutent un jeune de moins de 26 ans en CDI et embauchent, simultanément un salarié d'au moins 55 ans. Ces mesures se sont-elles traduites par une accélération du nombre de contrats signés ?
S'agissant du volet collectif, pourriez-vous nous indiquer combien d'accords et plans ont été conclus ainsi que leur contenu ?
Enfin, pourriez-vous nous indiquer le nombre de pénalités prononcées par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) à l'encontre d'entreprises employant plus de 300 salariés non couvertes par un accord collectif ou un plan d'action intergénérationnel ?
La mesure à laquelle vous faites référence, qui était prévue par la loi du 5 mars 2014, vise à ouvrir le dispositif du contrat de génération afin qu'il soit plus favorable à l'emploi des jeunes comme des séniors. L'aide du contrat de génération est ainsi doublée lorsqu'une entreprise recrute simultanément un jeune et un sénior. Je ne dispose pas de chiffres sur le nombre de recrutements qui ont eu lieu dans ce cadre. Au niveau agrégé, le ministère a recensé 45 000 demandes d'aides et 38 500 contrats en cours, à la fin du mois de mai 2015. Ces chiffres sont inférieurs aux estimations du Gouvernement, qui prévoyait la conclusion de 40 000 contrats en 2014, alors que 20 000 seulement ont été signés. Cet écart est dû à une difficulté de prévision initiale, qui reposait sur une hypothèse plus optimiste de reprise économique.
S'agissant de votre question sur le nombre d'accords, toutes les grandes entreprises sont désormais couvertes par des accords, qu'ils soient spécifiques sur le contrat de génération ou plus globaux, et il n'y a pas eu, à ma connaissance, de pénalités prononcées.
Lors de l'examen de la loi de finances pour 2015, le Sénat a adopté plusieurs amendements visant notamment à diminuer le nombre de contrats aidés dans le secteur non-marchand tout en préservant les crédits destinés aux contrats aidés dans le secteur marchand. Le Sénat a en effet considéré, d'une part, que le taux d'insertion dans l'emploi des contrats dans le secteur marchand était plus élevé et, d'autre part, que les employeurs publics, en particulier les collectivités territoriales, avaient atteint leurs limites en termes de recrutements de contrats aidés.
Ne pensez-vous pas que, dans un contexte de réduction du budget des collectivités territoriales, le programme de stabilité prévoyant une baisse supplémentaire de leurs dépenses de 1,2 milliard d'euros, celles-ci auront de plus en plus de difficultés à s'engager dans ce type de contrats ?
Par ailleurs, pourriez-vous nous indiquer pourquoi le ministère est encore réticent à avoir davantage recours aux contrats aidés dans le secteur marchand alors que ceux-ci ont de meilleurs résultats en matière d'accès à l'emploi durable ?
Je souhaiterais tout d'abord rappeler que l'enveloppe de contrats aidés dans le secteur marchand pour 2014, qui s'élevait en loi de finances initiale à 40 000, a été portée en cours d'année à 50 000. Par ailleurs, 80 000 contrats de ce type sont programmés pour 2015. Le Gouvernement a donc suivi votre raisonnement en faisant le choix de doubler le nombre de CUI-CIE entre les deux lois de finances.
S'agissant des contrats aidés dans le secteur non marchand, la budgétisation était en effet élevée. En 2014, après débasage lié au basculement d'une partie de la dotation vers l'aide au poste des chantiers d'insertion, 300 000 contrats ont ainsi été conclus.
Il me semble néanmoins nécessaire de s'intéresser à l'intégralité de l'effort consenti en faveur de l'insertion, qu'il s'agisse de l'insertion par l'activité économique comme des contrats aidés pris en charge par les collectivités territoriales et certaines associations. Nous nous trouvons en effet dans une situation paradoxale où les structures d'insertion par l'activité économique, je pense notamment aux chantiers d'insertion et aux entreprises d'insertion, souhaiteraient une augmentation du nombre d'aides au poste, alors que, dans le même temps, les collectivités territoriales ou les associations semblent atteindre les limites de leurs capacités en matière de recrutements de contrats aidés.
C'est la raison pour laquelle, le ministère souhaite développer une fongibilité entre ces deux secteurs. Un basculement de crédits destinés aux contrats aidés vers l'insertion par l'activité économique a eu lieu pour la première fois en 2014. Cela devrait aussi être le cas en 2015. Concrètement, les DIRECCTE, sous l'autorité des préfets, pourront, en fonction des situations locales, privilégier le recours à des contrats aidés ou à des aides au poste. Je rappelle d'ailleurs que les structures d'insertion par l'activité économique sont des employeurs dits « de transition », dont le métier est précisément d'accompagner ce type de personnes.
Enfin, s'agissant de l'impact sur l'emploi de ces dispositifs, les taux d'insertion dans l'emploi six mois après la sortie d'un contrat aidé sont, en effet, plus élevés dans le secteur marchand que dans le secteur non-marchand : 68 % pour les CIE contre 48 % pour les CAE. Je souhaiterais néanmoins apporter deux précisions. Tout d'abord, si le CIE permet de « contourner la file d'attente », il n'est pas à l'origine de la décision d'embaucher, l'effet déclencheur de ce dispositif étant, en réalité, relativement faible. A contrario, les contrats aidés dans le secteur non marchand constituent des créations nettes d'activité. Ils permettent en outre à des personnes souvent éloignées de l'emploi de renouer avec le marché du travail. En effet, pour les chômeurs de longue durée, plus l'expérience professionnelle est ancienne, plus le recrutement est difficile, quelle que soit d'ailleurs la nature du recruteur. Dès lors, même si la création d'emploi n'est pas pérenne, il convient de conserver ces opportunités pour maintenir l'employabilité.
Mes collègues ont déjà abordé les aspects budgétaires et comptables. Je souhaiterais, pour ma part, poser une question d'ordre général, relative à l'esprit du système. Je vous l'ai déjà indiqué lors d'une précédente audition, je suis, pour ma part, favorable à un contrat unique d'insertion pour renforcer la lisibilité de ce dispositif.
Par ailleurs, l'effort consenti dans le secteur marchand est logique dans la mesure où les taux d'insertion sont plus élevés.
S'agissant du recours aux contrats aidés par les collectivités territoriales, il me semblerait préférable que les recrutements répondent à un besoin réel et non au « plaisir de faire du contrat », comme cela est parfois le cas.
Sur la question de la formation de ces personnes, nous gagnerions à adopter une approche plus globale. J'ai conduit une délégation sénatoriale en Allemagne et en Autriche en avril dernier et nous avons été surpris de la grande cohérence des actions menées en faveur de la formation dans ces deux États pourtant fédéraux. Cela contraste avec la situation en France, pays de tradition jacobine, où il n'existe pas de pilotage homogène et cohérent de la formation dans l'ensemble des régions.
Enfin, je rejoins mes collègues sur la nécessité pour les parlementaires de pouvoir s'appuyer sur des indicateurs de performance renseignés chaque année. Il n'est, en effet, pas normal le budget soit voté alors que les résultats de l'année précédente ne sont pas connus. De ce point de vue, l'État devrait respecter les mêmes contraintes que celles qu'il impose aux collectivités.
Il me semble important de différencier le suivi budgétaire, qui est déjà effectué par le ministère, et l'analyse de l'efficacité. Sur ce dernier aspect, le déploiement de la déclaration sociale nominative devrait permettre un meilleur suivi des parcours des bénéficiaires de contrats aidés.
S'agissant de l'utilisation des contrats aidés par les collectivités territoriales, les deux approches existent. Certaines considèrent ces contrats comme une forme de pré-recrutement. D'autres les perçoivent davantage comme un appui à un parcours professionnel individuel. Cette utilisation est en outre variable selon le type de contrats. Les collectivités privilégient plutôt le recours aux emplois d'avenir lorsqu'elles envisagent un recrutement pérenne.
D'une manière générale, le sujet de formation des personnes en insertion ne me semble pas suffisamment traité. Les efforts consentis par le CNFPT sont, à cet égard, encourageants, mais les moyens consacrés demeurent limités. Le financement de la formation pour ce type de personnes, qui ne sont pas des demandeurs d'emploi et qui n'ont donc pas accès à la formation des demandeurs d'emploi, mais dont les besoins sont supérieurs à ceux des autres salariés, est un vrai sujet.
Cette question devrait être abordée dans le cadre de la gouvernance nationale quadripartite, qui rassemble l'État, les organisations syndicales et patronales, et les régions, afin de parvenir à une meilleure articulation entre les fonds destinés à la formation des demandeurs d'emplois et ceux destinés à la formation des salariés.
Je partage les observations de François Patriat : nous ne pouvons-nous satisfaire de l'absence de documentation sur un certain nombre d'indicateurs depuis maintenant trois ans. Ce n'est ni l'esprit, ni la lettre de la LOLF. Nous savons, certes, que la DARES est performante. Mais ce qui m'inquiète le plus, c'est sans doute l'indication du rapport annuel de performance selon laquelle l'indicateur relatif au contrat unique d'insertion ne serait pas pertinent : un commentaire précise que « sans comparaison avec les individus témoins, l'indicateur ne constitue pas une mesure d'efficacité du passage en contrat aidé ». Dans ce cas, quels sont les travaux entrepris pour obtenir un indicateur qui soit non seulement renseigné mais aussi judicieux ?
J'aimerais aussi connaître la part des crédits du fonds social européen (FSE) dans l'action menée par l'État. Nous ne disposons pas, au travers des documents budgétaires, d'éléments sur ce sujet. Quelle évolution connaissent-ils ? Quel est le taux de mobilisation ?
Il est fait état, dans le rapport annuel de performance, de consommations de crédits imputées par erreur sur l'action 01 « Amélioration de l'efficacité du service public de l'emploi » dans l'applicatif Chorus : s'agit-il d'une simple erreur technique ou est-ce un problème qui porte sur le système lui-même ?
Je m'interroge également quant aux contrats d'insertion par l'activité : initialement, ils ont été créés pour favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Les départements et Pôle Emploi étaient ainsi responsables de la mise en oeuvre de ces contrats. En 2014, l'enveloppe allouée à ce dispositif, d'environ 3,5 millions d'euros, n'a pas du tout été consommée : aucun département, aucune structure de Pôle emploi n'a fait de demande. Cela signifie-t-il que ce dispositif est abandonné ? Sait-on pourquoi ?
Enfin, j'aimerais savoir quand est prévue la signature du contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence de services et de paiement (ASP) et si les observations et recommandations de la Cour des comptes seront prises en compte.
J'aimerais souligner les difficultés que peuvent rencontrer les collectivités territoriales dans la mise en oeuvre des contrats aidés. Il existait, il y a une petite dizaine d'années, un accord-cadre avec l'Unédic, qui permettait aux collectivités d'adhérer au régime d'assurance chômage pour la seule prise en charge de l'indemnisation des anciens bénéficiaires de contrats aidés. Ce dispositif, qui est arrivé à échéance au 31 décembre 2007 et qui n'a pas été reconduit ensuite, avait, certes, un coût, mais cela permettait aux collectivités territoriales, qui sont normalement leur propre assureur en matière d'indemnisation du chômage, d'accepter de prendre en charge et de donner leur chance à des personnes en difficulté, ce qu'elles ont arrêté de faire. Face au coût de l'assurance chômage pendant un ou deux ans, les avantages procurés pendant la période du contrat aidé n'apparaissent pas suffisants pour emporter la décision. En effet, aujourd'hui, le risque de devoir payer, à la suite d'un contrat aidé, un voire deux ans de chômage, est trop élevé pour que les collectivités territoriales acceptent de le prendre. En tant que maire, je sais que nous avions à une époque, dans ma commune, jusqu'à trente contrats aidés ! Ces recrutements étaient, pour certains, liés à l'anticipation de départs en retraite, mais il s'agissait aussi d'essayer de former des publics en difficulté et de leur remettre le pied à l'étrier. Aujourd'hui, nous n'en avons plus un seul, dans un souci de limiter les risques financiers qui en découlent. L'État nous demande de faire des économies, notamment en matière de dépenses de personnel : nous ne pouvons pas être schizophrènes ! Je veux bien jouer le jeu en matière de formation, mais la collectivité territoriale ne peut assumer seule le risque financier.
Avez-vous évoqué, dans le cadre de vos travaux, la possibilité de revenir à un système comparable à ce qui existait auparavant ? Le sujet est-il sur la table ? Dispose-t-on d'une évaluation des coûts que cela impliquerait ? Il me semble qu'une telle solution conduirait à une plus forte implication des collectivités territoriales sur ces dispositifs.
Vous nous avez expliqué que les emplois d'avenir concernent des jeunes sans qualification. Il me semble essentiel de se demander pourquoi ces personnes sortent du système scolaire sans qualification. L'éducation nationale ne fonctionne pas correctement, et au lieu d'essayer d'améliorer son organisation, on supprime peu à peu toute forme de sélection, de note, d'examen...
La formation professionnelle des jeunes est la clé de leur intégration sur le marché du travail. Sans elle, les contrats aidés ne servent à rien !
Je voudrais faire remonter quelques informations et questions du terrain. Après un an, subsistent beaucoup d'incompréhensions, auprès des partenaires, autour de la réforme intervenue dans le domaine des contrats d'insertion. Les DIRECCTE ont souvent des difficultés à répondre à nos interrogations. La période transitoire a été un peu compliquée, puisque les informations ne sont parfois arrivées qu'après la signature des contrats... On sent que la réforme n'est pas encore tout à fait « digérée ».
En outre, je m'interroge quant aux difficultés administratives de gestion des dispositifs, notamment du fait du logiciel de paiement de l'ASP : la différenciation du suivi entre contrat unique d'insertion (CUI) et CDD d'insertion (CDDI) par l'ASP complexifie considérablement la gestion de ces contrats et conduit à des problèmes de suivi des remboursements.
Une piste consisterait peut-être à mutualiser un certain nombre d'outils entre les maisons départementales de l'emploi et de la formation et Pôle emploi, notamment en termes de base de données d'offres, de profils de candidats, de subventions... La création d'une plate-forme départementale serait judicieuse pour aider les petites communes, qui ne disposent pas de l'expertise nécessaire pour utiliser, seules, le dispositif.
La meilleure gestion possible des financements doit bien entendu être recherchée et il faut garantir l'efficacité des contrats aidés. Mais leur effet positif ne doit pas seulement être apprécié en termes d'emploi et d'insertion sur le marché du travail. Il faut aussi tenir compte des effets psychologiques majeurs qui découlent de ces contrats : comme j'ai pu le constater sur le terrain, il est très important de « mettre le pied à l'étrier » de personnes en difficulté. Il faut tenir compte de tous les avantages et de tous les inconvénients du dispositif. Ces dépenses peuvent, certes, paraître lourdes pour les collectivités, mais en intégrant tous les bénéfices du dispositif, elles me semblent pleinement justifiées.
J'aimerais savoir si vous suivez plus particulièrement les personnes handicapées. En période de crise économique et de chômage élevé, celles-ci sont encore davantage fragilisées. En 2011 déjà, la Cour des comptes recommandait de porter une attention particulière à ces publics. Comment s'organise et se matérialise votre suivi sur ces questions ?
S'agissant des indicateurs, il est en effet important de poursuivre nos efforts en vue de renseigner plus rapidement et de façon plus précise les données concernées, par exemple sur le nombre de personnes qui rentrent dans les parcours, tout en les renforçant par des enquêtes réalisées par la DARES.
En ce qui concerne le Fonds social européen (FSE), il me paraîtrait pertinent de rendre compte dans les documents budgétaires de l'usage des crédits communautaires qui en sont issus. Il est vrai qu'actuellement, les systèmes sont relativement segmentés. Au sein de la DGEFP, nous nous efforçons de faire en sorte que les équipes qui mobilisent des crédits européens travaillent de concert avec les équipes chargées des dispositifs classiques. On essaie aussi d'adopter cette démarche au niveau des DIRECCTE, sachant que le FSE est désormais géré, pour un tiers des crédits, par les régions. On pourrait donc tout à fait introduire des innovations dans les prochains documents budgétaires, en y ajoutant au moins quelques éléments de contexte et des données macroéconomiques sur la place du FSE.
S'agissant de l'erreur d'affectation dans Chorus, je ne suis pas capable de vous répondre maintenant, mais je pourrai vous apporter une réponse plus précise par écrit.
Monsieur Bouvard, vous avez évoqué les contrats d'insertion - je pense que vous faites allusion à des dispositifs en extinction, datant d'avant le contrat unique d'insertion, qui existent encore dans les DOM.
Je voudrais également attirer votre attention sur un sujet qui pourrait s'avérer rapidement préoccupant, et qui concerne les partenariats avec les conseils départementaux en matière de contrats aidés. En effet, comme vous le savez, les textes prévoient que l'État signe une convention avec chacun des conseils départementaux, qui précise une cible d'entrée dans les dispositifs de contrats aidés des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Cette disposition permet un co-financement de ces contrats, lequel mobilise l'allocation qui aurait été versée au bénéficiaire du RSA s'il n'était pas en contrat aidé. De mémoire, le taux doit être à 80 % de l'allocation versée à cette occasion.
Cette contractualisation existe pour les contrats aidés ; elle devrait aussi exister pour les structures d'insertion par l'activité économique. Or, on se heurte à des difficultés, certains conseils départementaux ne souhaitant pas contractualiser, ou bien sur des volumes très faibles. Alors que le taux de co-contractualisation devrait être de 15 % à 20 % pour les contrats aidés, il oscille plutôt entre 5 % et 10 %. Toutes choses égales par ailleurs, cette situation renchérit le coût de prise en charge des contrats aidés pour l'État et contribue au dépassement de l'enveloppe en cours d'exercice budgétaire.
Pour des raisons presque éthiques, nous ne souhaitons pas bloquer l'entrée des bénéficiaires du RSA dans tous les dispositifs d'insertion. Je me refuse absolument à le faire, car on ne peut évidemment pas répercuter sur les publics en difficulté les problèmes de contractualisation existant entre l'État et les conseils départementaux.
En conséquence, le nombre réel de bénéficiaires du RSA dans les contrats aidés ou dans l'insertion par l'activité économique est supérieur à celui qui est affiché dans les contractualisations entre les conseils départementaux et État.
Par exemple, si l'on décide, au niveau d'un département, que le conseil départemental financera 100 contrats aidés, on ne va pas pour autant renvoyer la 101e personne, que l'on intégrera de fait dans les dispositifs. Or, il est évident que l'écart croissant entre le nombre de personnes qui bénéficient des contrats aidés ou de l'insertion par l'activité économique et la contractualisation sous-jacente financière entre le conseil départemental et l'État finira par nous poser une vraie difficulté.
À cet égard, je voudrais insister sur un progrès acquis sur la période précédente, qui me paraît très important, et qui concerne le nouveau mode de contractualisation entre Pôle Emploi et les départements sur les modalités d'accompagnement.
En effet, Pôle emploi a accepté d'internaliser, avec des crédits du FSE, la prise en charge professionnelle renforcée des bénéficiaires du RSA. Nous sommes ici en amont de la prescription des contrats. Pôle Emploi requiert simplement des départements, en retour, qu'ils s'engagent sur l'accompagnement et la prise en charge sociale, qu'il s'agisse des bénéficiaires du RSA ou des autres publics en difficulté.
Ce mécanisme, dénommé accompagnement global, est proposé par Pôle emploi à tous les départements, dont environ un sur deux y a actuellement souscrit. Cette démarche constitue une véritable avancée dans la mesure où, auparavant, l'opérateur facturait aux départements l'accompagnement professionnel renforcé.
En ce qui concerne le contrat de performance de l'ASP, il devrait être examiné lors du conseil d'administration de cette dernière fin juin ou début juillet.
La question relative au financement de l'assurance-chômage des personnes en contrats aidés n'est pas revenue récemment sur la table, mais je comprends qu'elle constitue une difficulté et un sujet de préoccupation. Il est vrai que l'on demande désormais à chaque collectivité d'être son propre assureur ou de contractualiser avec Pôle Emploi pour qu'il joue le rôle d'assureur, moyennant un coût. Cette question pourrait donc être reposée à la suite de votre intervention.
En réponse aux questions de Serge Dassault, je peux vous indiquer que nous travaillons de plus en plus en partenariat avec l'éducation nationale pour effectuer la meilleure prise en charge précoce possible des jeunes. Nous avons ainsi systématisé les plateformes de lutte contre le décrochage, action qui nous permet, dans la France entière, d'identifier tous les jeunes qui quittent en cours ou en fin d'année le système scolaire sans qualification, à travers une gestion des données entre l'éducation nationale et le service public de l'emploi - à commencer par les missions locales. Nous sommes donc capables de faire des propositions à tous les jeunes en situation de décrochage. L'éducation nationale a par ailleurs mis en place un droit au retour à la formation initiale sous statut scolaire.
En outre, le Gouvernement a mis en place un conseil national école-entreprise actuellement présidé par Pierre Ferracci. Cet organe, qui regroupe à la fois des entrepreneurs et des personnels de l'éducation nationale, travaille à une meilleure connaissance du monde de l'entreprise dans le cadre des parcours des jeunes et des scolaires, à travers la multiplication d'expériences innovantes du type « mini entrepreneurs ». Nous structurons donc du mieux que nous le pouvons des passerelles avec l'éducation nationale.
En ce qui concerne la réforme de l'insertion par l'activité économique (IAE), il est vrai que l'année de transition a été une année difficile en matière de contractualisation avec les structures. La situation me paraît meilleure cette année que l'an dernier. Nous étudions cela très attentivement dans le cadre du comité de suivi de la réforme, présidé par la sénatrice Christiane Demontès. On se heurte toutefois à un problème de système d'information. En effet, tout cela est géré par l'ASP dans deux systèmes d'information distincts, mais la refonte du système d'information de l'IAE est en cours et devrait être livrée début 2016.
Enfin, en réponse à la remarque de Maurice Vincent, il est vrai que le fait de donner une opportunité aux jeunes par les emplois d'avenir change assez fondamentalement leur manière d'évoluer par la suite, et l'on a des retours qualitatifs extrêmement positifs à cet égard.
S'agissant des personnes en situation de handicap, nous faisons preuve d'une grande vigilance au niveau des indicateurs de pilotage des différents types de contrats aidés : nous suivons ainsi à la fois les volumes d'entrée mais aussi la situation qualitative. Nous nous efforçons de ne pas piloter ces dispositifs que par les chiffres, mais également en prenant en compte des éléments qualitatifs, tels que la durée. En effet, il est plus facile de réaliser 300 000 contrats aidés de six mois que 300 000 contrats aidés de douze mois. Nous suivons aussi les personnes issues des quartiers prioritaires de la politique de la ville, pour nous assurer que les personnes les plus fragiles ne sont pas évincées des dispositifs au moment où l'on mène un effort particulier.
Enfin, nous développons peu à peu les postes en entreprises adaptées et nous veillons à faire en sorte que l'on consomme bien 100 % des enveloppes budgétaires, notamment en mettant en place une sorte de bourse aux postes entre les régions et les départements. Ainsi, si l'on constate que, dans une région, les postes ne peuvent pas être consommés, cela permet de les réallouer dans les régions qui en ont besoin.
- Présidence de Mme Michèle André, présidente, puis de M. Yvon Collin, vice-président -
Enfin, la commission entend M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale, responsable du programme 103 « Protection maladie », sur l'aide médicale d'État.
Je vous propose de poursuivre cette matinée d'auditions préparatoires à l'examen du projet de loi de règlement en entendant le directeur de la sécurité sociale, Thomas Fatome, qui a participé à notre audition de la semaine dernière consacrée au fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie (fonds CMU), et que nous recevons ce matin en sa qualité de responsable du programme 183 « Protection maladie » de la mission « Santé ». Comme précédemment, cette audition est ouverte à la presse.
Ce programme regroupe quasi-exclusivement les crédits finançant l'aide médicale d'État (AME). Comme vous le savez tous, l'AME apporte une couverture médicale gratuite aux étrangers qui se trouvent de façon irrégulière sur le sol français depuis plus de trois mois et qui sont sans ressources. Cette dépense a très fortement augmenté ces dernières années, et pose des problèmes récurrents de dépassement des crédits prévus en loi de finances initiale. L'année passée, nous avions d'ailleurs entendu la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, sur l'exécution des crédits de la mission « Santé » et plus particulièrement de ceux relatifs à l'AME. Constatant une nouvelle sur-exécution - de plus de 25 % - des crédits du programme 183 dédiés à l'AME, nous avons souhaité inviter le responsable du programme, Thomas Fatome, afin qu'il nous explique plus en détails les causes de cette augmentation.
Je salue la présence parmi nous de notre collègue René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Santé ». Sans plus attendre, je donne la parole au rapporteur spécial de la mission « Santé », Francis Delattre.
Nos questions seront ciblées sur le programme 183 qui regroupe les crédits de l'AME.
L'AME comporte trois volets. Premièrement, l'AME de droit commun, financée en intégralité sur les crédits du programme 183, et ouverte à tous les étrangers en situation irrégulière, résidant depuis au moins trois mois en France, et possédant des ressources inférieures au plafond d'éligibilité à la couverture maladie universelle (CMU). Deuxièmement, l'AME pour soins urgents, qui est financée à hauteur de 40 millions d'euros par l'État et ne pose pas de véritables problèmes. Troisièmement, l'AME dite « humanitaire », dont le ministre chargé de la santé dispose en fonction de critères laissés à leur appréciation.
Ma première question porte sur les crédits du programme 183 : le projet de loi de finances pour 2014 avait prévu une dépense de 560 millions d'euros pour l'AME de droit commun, alors que l'exécution constatée en 2013 s'élevait à 702 millions d'euros. Quels sont les éléments qui expliquent cette prévision ? Nous n'avions pas obtenu d'explication en première lecture du projet de loi de finances. Cela est d'autant plus gênant que ce sont les crédits du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » qui sont de ce fait sollicités, et notamment les crédits des agences sanitaires.
Ma deuxième question porte sur les causes de la hausse des dépenses de l'AME. Au-delà de l'augmentation du nombre de bénéficiaires, avez-vous observé une évolution du profil des bénéficiaires en 2014 ? Quelle est la proportion des jeunes mineurs ? Quelles sont les pathologies les plus souvent relevées ?
Ma troisième question porte sur le délai moyen d'instruction des dossiers : l'un des indicateurs de performances fait apparaître une nette hausse de ce délai moyen, qui passe de 31 jours en 2012, à 40 jours en 2013, puis 50 jours en 2014. Cette hausse est-elle liée à l'augmentation du nombre de demandeurs ? Ou aux difficultés à instruire les dossiers, notamment dans certains départements ?
Enfin, les comparaisons européennes font apparaître la grande générosité de l'AME française. Elle offre un accès gratuit à un panier de soins très large. En Allemagne, où un système comparable mais moins coûteux existe, la situation ne me semble pas être aussi difficile. Avez-vous réfléchi à une éventuelle modification du panier de soins, afin de le rapprocher de celui utilisé en Allemagne ?
La prévision des dépenses de l'AME est un exercice délicat, et ceci de longue date puisque les ouvertures de crédits en loi de finances rectificative sont récurrentes. Nos difficultés à anticiper précisément les dépenses de l'année à venir au moment de l'élaboration de la loi de finances initiale s'expliquent par le fait que nous ne disposons, à ce moment-là, que des résultats du premier semestre de l'année en cours. L'année 2014 n'a pas échappé à la règle et des ouvertures de crédits relativement importantes - 155 millions d'euros - sont intervenues.
Pour autant, la dépense d'AME effectivement supportée par l'Assurance maladie, soit 722 millions d'euros, n'a augmenté que de 1,1 % par rapport à l'année 2013. C'est l'indicateur qui permet d'appréhender l'évolution de la dépense de la manière la plus fine possible. Ce résultat est le fruit de deux tendances contraires. D'une part, une augmentation du nombre de bénéficiaires de 4 % sur l'année 2014, et plus précisément une augmentation de 5,6 % du nombre de bénéficiaires qui consomment des soins. D'autre part, et dans le sens inverse, une meilleure maîtrise de la dépense du fait de la modification de la tarification hospitalière. Nous avons depuis trois ans adapté les règles de la tarification hospitalière, qui étaient auparavant assise sur 100 % des tarifs journaliers de prestation, pour les aligner sur les tarifs du régime général - c'est-à-dire 80 % pour les groupes homogènes de séjour et 20 % pour le tarif journalier de prestation. Nous avons également supprimé progressivement les coefficients de majoration pérennes et transitoires, qui avaient été mis en place pour accompagner cette réforme. Ces différentes mesures ont permis, sur l'année 2014, des économies à hauteur de 95 millions d'euros liées à la pleine montée en charge de la réforme de la tarification, auxquelles s'ajoutent 26 millions d'euros d'économies liées à la suppression des coefficients de majorations - en année pleine, à partir de 2015, cette suppression permettra d'économiser 55 millions d'euros. Ces mesures permettent de baisser la dépense hospitalière, et donc de maîtriser l'augmentation des dépenses d'AME aux alentours de 1 % sur l'année 2014.
Ce n'était pas ma question ; pourquoi avoir inscrit 560 millions d'euros en loi de finances initiale, pour l'AME de droit commun, et non pas un montant plus proche de 700 millions d'euros ?
Il est difficile d'estimer la réalité de la dynamique de la dépense sur l'année à venir, dans la mesure où, au moment de la construction budgétaire, nous ne disposons que des six premiers mois de l'année en cours.
L'écart est tout de même considérable entre le montant inscrit en loi de finances initiale et la dépense réelle constatée... Mais au moins peut-on se réjouir que la dépense globale soit presque stabilisée en 2014 par rapport à 2013.
En ce qui concerne le profil des bénéficiaires de l'AME, nous n'observons pas d'évolution. Les bénéficiaires sont à plus de 60 % des hommes, plutôt jeunes. Un sixième d'entre eux sont des enfants. En ce qui concerne les profils de dépense, le recours à l'hôpital représente les deux tiers des dépenses pour un peu moins d'un tiers de soins de ville ; le recours à l'hôpital est donc beaucoup plus important que pour la population générale. Par ailleurs, les dépenses d'AME sont très concentrées sur quelques caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), l'essentiel des bénéficiaires relevant de Paris, Bobigny et Marseille.
Je signale que la hausse des bénéficiaires de l'AME que j'évoquais tout à l'heure, soit 4 % pour les bénéficiaires de l'AME et 5,6 % pour les bénéficiaires « consommants », est en nette décélération par rapport à 2013. Nous retrouvons maintenant le rythme moyen d'augmentation des années 2008-2013.
S'agissant des comparaisons européennes effectuées régulièrement, à la fois par les travaux des deux assemblées et les inspections, elles me semblent devoir être prises avec beaucoup de prudence. Il importe de distinguer entre ce qui relève des règles nationales et de la pratique. L'Espagne, par exemple, a introduit des dispositions très restrictives en 2012, qu'elle est aujourd'hui en train de modifier. En Allemagne, nos travaux montrent que, dans la plupart des cas, les municipalités complètent les dispositifs d'accès aux soins, pour des raisons de santé publique. Par rapport à la Belgique, à l'Italie ou aux Pays-Bas, le panier de soins offert par la France est sans doute dans la moyenne supérieure, mais tout de même proche de la moyenne.
Nous ne sommes pas restés inactifs pour autant. Ces dernières années, nous avons procédé à quelques ajustements du panier de soins. En 2011, les cures thermales et la procréation médicalement assistée (PMA) en ont été retirées. En 2015, nous avons supprimé de la liste, pour les bénéficiaires majeurs de l'AME, les médicaments à service médical rendu faible, remboursés à 15 %.
Faut-il aller plus loin ? Il s'agit avant tout d'une question politique. Toutefois, nous observons qu'un resserrement supplémentaire du panier de soins risquerait de retarder la prévention et la prise en charge de proximité dans le cadre des soins de ville, et donc d'aboutir à un transfert des dépenses de cette population vers des soins hospitaliers plus coûteux. Il faut également regarder avec attention les effets de bord entre l'AME et les dépenses au titre des soins urgents. Quoi qu'il en soit, au niveau technique, nous n'avons pas, à ce stade, instruit de nouvelles hypothèses d'évolution du panier de soins pour les bénéficiaires de l'AME.
Il pourrait être opportun d'étudier la possibilité d'un recours aux assurances privées, pour les personnes étrangères en situation irrégulière qui disposent de ressources.
L'AME est placée sous condition de ressource : en théorie, une personne dont les revenus dépasseraient le plafond de la CMU de base, soit environ 9 600 euros, par an n'a pas accès à l'AME et doit souscrire une assurance privée.
Vous faisiez allusion aux éléments permettant de vérifier l'admission à l'AME. J'ai un doute à ce sujet. Il me semble que la loi de finances rectificative pour 2003 avait prévu une obligation de produire certains documents justificatifs, dont la liste devait être fixée par décret. Pouvez-vous me confirmer que le décret n'est jamais sorti, et que le système est par défaut déclaratif ?
Ce que prévoit la loi depuis 2002 ou 2003, c'est la possibilité pour le pouvoir réglementaire de mettre à la charge des bénéficiaires de l'AME un ticket modérateur. Ce décret n'a effectivement pas été pris depuis maintenant plus de douze ans, les gouvernements successifs étant attachés à ce que les bénéficiaires de l'AME continuent à bénéficier de soins gratuits.
J'ajoute que les CPAM vérifient bien la réalité des ressources des bénéficiaires de l'AME, sur le fondement du décret du 28 juillet 2005 qui fixe la liste des pièces justificatives nécessaires. Celles-ci sont contrôlées de manière semblable à ce qui se fait pour d'autres prestations placées sous condition de ressources.
Le décret de 2011, que vous avez évoqué, restreint quant à lui l'accès à un certain nombre de soins, dont le plus choquant était sans doute le thermalisme. Lors de son audition devant la commission des affaires sociales l'année dernière, la ministre avait affirmé qu'il existait encore des abus et des fraudes. Par exemple, des sites étrangers continuent à vendre des cartes d'AME, des publicités proposent des « packs » de tourisme médical, des personnes qui ne sont pas résidentes en France font des allers retours pour bénéficier de soins, etc. Ces cas existent-ils toujours ? Pourquoi le décret de 2011 a-t-il fixé un seuil d'accord préalable aux soins coûteux hospitaliers, à 15 000 euros ? Ce seuil n'est-il pas trop élevé, au regard du risque de tourisme médical sur des soins lourds ?
Je ne m'aventurerais pas à nier la réalité de tentatives de fraudes, mais celles-ci sont largement à mettre en relation avec la politique migratoire, qui ne relève pas du ministère de la santé. Quoi qu'il en soit, depuis 2010, les titres d'admission à l'AME sont sécurisés, comportent une photo d'identité pour les adultes, et sont systématiquement remis en main propre par les agents des CPAM.
Des contrôles réguliers sont menés sur l'activité de certains professionnels de santé qui peuvent éventuellement s'inscrire dans une logique de filière ou de consommation excessive ou anormale de soins pour les bénéficiaires de l'AME. Ces contrôles ont abouti en 2014 à près d'une dizaine de procédures pénales engagées par les CPAM - on peut juger que c'est peu mais c'est l'aboutissement de procédures de contrôle qui sont relativement lourdes.
S'agissant du dispositif d'accord préalable que vous avez évoqué, il a été abrogé en même temps que le droit de timbre en 2012, le gouvernement considérant qu'il était en réalité inopérant et difficile à mettre en oeuvre, et qu'il ne répondait pas à son objectif. Par ailleurs, depuis 2011, le bénéfice de l'AME est subordonné à la vérification de la stabilité de la condition de résidence, ce qui entraîne également des contrôles menés par les CPAM.
Existe-t-il un seuil d'accord préalable pour les soins hospitaliers coûteux des assurés du régime général ?
Non, il n'en existe pas pour les soins hospitaliers, mais des seuils existent pour certains types de soins, par exemple les soins dentaires ou de kinésithérapie. Les procédures d'accord préalable pour ces soins s'appliquent de la même façon pour les assurés du régime général que pour les bénéficiaires de l'AME.
Je comprends que l'effet de la hausse des bénéficiaires de 4 % en 2014 soit estompé par l'impact de la réforme de la tarification hospitalière. Mais si le rythme de progression des bénéficiaires se maintient et que les mesures d'économies cessent de produire leurs effets, les crédits de l'AME augmenteront nécessairement après 2015.
J'ai une question concernant l'AME pour soins urgents. L'État finance ce dispositif à hauteur de 40 millions d'euros. Quel est le montant des dépenses prises en charge par l'assurance maladie en 2014 ?
Nous sommes attentifs à l'évolution de la dépense sur l'année 2015, même si l'exercice est difficile. Je souhaiterais préciser que la réforme de la tarification hospitalière finira de produire ses effets en 2015, ce qui représentera une économie de 55 millions d'euros. L'hypothèse sous-jacente d'évolution du nombre de bénéficiaires est d'un peu moins de 4 % en 2015. Par ailleurs, nous estimons que l'évolution des règles en matière de droit d'asile, et l'accélération du traitement des demandes, pourrait permettre de limiter la progression du nombre de demandeurs d'AME.
Concernant les soins urgents, le montant total de la dépense d'AME dépasse un effet le forfait de 40 millions d'euros pris en charge par l'État. Le total de la dépense s'est élevé à 129 millions d'euros en 2013 et à 105 millions d'euros en 2014. L'assurance maladie a donc financé le différentiel, soit près de 90 millions d'euros en 2013 et 65 millions d'euros en 2014.
La commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la réforme du droit d'asile se tiendra au Sénat ce jour-même. Monsieur le directeur, vous dites que la situation actuelle concernant l'AME est une conséquence de la politique migratoire, qui ne dépend pas de votre ministère, et que l'accélération des procédures de demande d'asile devrait réduire la progression des demandes - alors qu'en réalité la durée des procédures s'allongera, du fait de la création de nouvelles possibilités de recours. Cela signifie, qu'en réalité, nous allons continuer de voir les dépenses d'AME progresser. Comme l'a dit le rapporteur général, nous savons bien qu'il existe, dans un certain nombre de pays, et pas seulement en Chine, des réseaux et des filières proposant d'aller en France pour se faire soigner. Les hôpitaux franciliens sont submergés. D'ailleurs, il y a quelques années, certains grands médecins hospitaliers avaient lancé une pétition contre le tourisme médical en Île-de-France. La seule chose que l'on nous dit est, qu'en effet, le nombre de bénéficiaires de l'AME augmente de 4 % à 5 % par an, qu'en effet, les dépenses sont sous-évaluées chaque année, que si une autre politique migratoire était mise en place, les choses changeraient... Et le système continue de tourner, tout en sachant pertinemment qu'il implosera tôt ou tard. Pourquoi n'y a-t-il pas de réflexion, au sein du ministère des affaires sociales et de la santé, sur la définition de l'AME et les possibilités de la recentrer sur une aide pour les cas urgents et non pas un système général et générique, qui attire un nombre croissant de personnes.
La France n'a plus les moyens d'assurer une politique sociale, vis-à-vis de qui que ce soit, y compris des étrangers. Nous dépensons trop ; les déficits budgétaires augmentent. Le jour où les taux d'intérêt augmenteront, nous ne pourrons plus rembourser - comme les Grecs ! Je suis contre le dispositif de l'AME tel qu'il existe et je suis très inquiet de la progression des dépenses des hôpitaux.
Nous connaissons le coût de l'AME. Il est possible de la présenter, à l'instar de certains collègues, comme une aide indue aux étrangers en situation irrégulière. Mais on oublie souvent qu'il s'agit d'un instrument de santé publique, qui met en oeuvre des mesures de prophylaxie. Disposez-vous d'une évaluation des conséquences financières et sanitaires d'une suppression ou d'une réduction du périmètre de l'AME ? Il faut en effet tenir compte des bénéfices que l'AME procure à la société dans son ensemble, en termes de prévention et de prophylaxie.
Peut-être avez-vous déjà donné ces chiffres, mais je souhaiterais connaître la progression du nombre de demandeurs d'AME ainsi que la situation dans d'autres pays européens - ont-ils une AME ou un équivalent ? Aura-t-on encore longtemps les capacités d'assumer une dépense sociale d'une telle ampleur sans surcroît de recettes ?
Je souhaiterais que vous nous éclairiez sur la façon dont se déroule la conférence budgétaire pour déterminer le montant des crédits dévolus à l'AME. Il y a une sous-budgétisation chronique du programme 183 ; ceci n'est pas une nouveauté et remonte à avant 2012. Quels chiffres fournissez-vous et comment s'opère l'arbitrage lors de la conférence budgétaire ? Tenez-vous compte de l'exécution des crédits de l'année précédente ? La sous-budgétisation est-elle délibérée ?
Tout d'abord, je souhaiterais poser la même question qu'André Gattolin sur l'incidence, en termes sanitaire et financier, d'une suppression de l'AME. Ensuite, j'aimerais avoir des explications complémentaires concernant l'évolution des dépenses : les conséquences financières de la progression des bénéficiaires semblent avoir été en partie compensées par des mesures d'économies importantes. Ces mesures ont-elles seulement un effet ponctuel ? Avez-vous d'autres mesures d'économies dans votre besace ? Comment devrait évoluer la dépense dans les trois à quatre prochaines années ?
Je ne reviendrai pas sur les propos d'André Gattolin, que je partage pleinement. Nous entendons beaucoup parler d'un soi-disant tourisme médical, lié à l'AME. Avez-vous des outils pour mesure ce phénomène ? Je souhaite également rappeler que, de temps à autres, lorsque l'AME ne peut pas être utilisée, ce sont les collectivités territoriales et leurs centres communaux d'action sociale qui sont sollicités. Il faut donc être vigilant. Nous avons besoin de l'AME au niveau national pour éviter des répercussions très lourdes au niveau local.
Tout d'abord, l'année 2014 ne marque pas une dérive des dépenses d'AME. La progression de 1,1 % est inférieure au rythme d'accroissement des dépenses de l'assurance maladie. Il n'y a donc pas de dérapage de l'AME de ce point de vue.
Cela résulte des mesures mises en oeuvre par le ministère des affaires sociales et de la santé, qui ne reste pas inactif face à cette situation. Ces mesures ont concerné le panier de soins, la tarification à l'activité à l'hôpital... À l'issue de leur montée en charge, fin 2015, l'ensemble de ces mesures représenteront au total près de 155 millions d'euros d'économies. Ceci n'est pas négligeable pour le programme 183 « Protection maladie ». Je rappelle également, compte tenu de la nature des dépenses en cause, que nous attachons une attention particulière à la vérification des droits et à la juste dépense. Néanmoins, 722 millions d'euros représentent moins de 0,5 % de la dépense publique de santé, qui est supérieure à 180 milliards d'euros. Par ailleurs, l'ensemble des actions que nous menons en matière de maîtrise des dépenses de santé ont un effet sur l'AME. Lorsque nous baissons les prix de médicaments, que nous encourageons l'utilisation des génériques, ceci a un effet sur l'ensemble des utilisateurs du système de santé, qu'ils bénéficient ou non de l'AME.
S'agissant des éventuelles conséquences sanitaires et financières d'une suppression de l'AME, les deux rapports successifs de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF), rendus il y a plus de cinq ans, indiquent qu'une restriction importante du panier de soins de l'AME pourrait créer des risques en matière de santé publique. Ceux-ci ne sont pas quantifiés mais ils sont néanmoins soulignés, à la fois par l'IGAS et par l'IGF.
Je souhaiterais compléter les éléments chiffrés : à la fin de l'année 2014, il y avait 294 000 bénéficiaires de l'AME. Ce chiffre était de 215 000 en décembre 2010 et de 155 000 en décembre 2004. La hausse n'est donc pas nouvelle.
Les économies annoncées ne sont pas « one shot » mais viennent bien minorer de façon pérenne l'évolution de la dépense.
Comme toutes les conférences budgétaires concernant des dépenses de guichet telles que le revenu de solidarité active (RSA) « activité » ou l'allocation pour adulte handicapé (AAH), celle concernant l'AME est compliquée. Nous échangeons avec les services de la direction du budget, de l'assurance maladie et les équipes statistiques de la direction de la sécurité sociale, pour évaluer le tendanciel des dépenses, et nous discutons de la faisabilité des mesures d'économie. Ces réunions préparatoires se traduisent ensuite par des réunions entre les ministres en charge du budget et de la santé - je suis d'ailleurs sous l'autorité des deux ministres concernés.
La réalité est simple : nous sommes incapables d'anticiper quel sera le nombre réel de bénéficiaires de l'AME car il s'agit d'une population en situation irrégulière et dont l'évolution dépend de multiples facteurs ! À titre d'exemple, en 2010, nous avons enregistré une hausse de 8 % des bénéficiaires et en 2011, une baisse de 5 %. Il est effectivement difficile de déterminer le tendanciel d'évolution de la dépense, en raison de l'évolution très erratique du nombre de bénéficiaires. Par ailleurs, je rappelle que les hypothèses techniques de budgétisation sont fournies au Parlement dans les projets annuels de performances.
Je souhaiterais également compléter mon propos concernant la situation en Allemagne. Les personnes en situation irrégulière se voient appliquer la législation relative aux demandeurs d'asile, ce qui signifie qu'elles ont droit à des prestations médicales dites « de base », en cas de grossesse, de maladie grave et lorsque leur état nécessite une intervention urgente. Nous avons interrogé les services de l'ambassade de France à Berlin. Il s'avère que les professionnels de santé ont, dans la plupart des cas, des difficultés à différencier les différents types de soins, notamment pour des raisons éthiques et déontologiques. Par ailleurs, un certain nombre de municipalités - Munich, Berlin, Francfort, Cologne - mettent en place des dispositifs complémentaires à travers des centres de santé ou des aides financières.
Enfin, concernant l'éventuel tourisme médical lié à l'AME, par définition, face à une population en situation irrégulière, nos outils statistiques sont limités. Nous menons beaucoup d'enquêtes sur la population du régime général mais ceci est nettement plus compliqué pour les bénéficiaires de l'AME. Il n'y a pas de fichier national, vous comprendrez bien pourquoi... Même si les échanges que nous avons avec les hôpitaux, y compris avec l'assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), confirment qu'il existe des filières d'accès aux soins, qui peuvent entraîner des arrivées sur le territoire français.
Le rapporteur spécial vous a adressé un questionnaire récemment, dans lequel il était demandé de fournir des éléments de comparaison avec les autres pays européens. Je constate que vous avez cité une note préparée par les services des ambassades. Pourriez-vous nous transmettre ces éléments afin d'éviter d'avoir, à notre tour, à solliciter ces services ?
Bien entendu. Je vous transmettrai ces éléments par écrit.
J'avais cru comprendre que, dès lors qu'un demandeur d'asile déposait son dossier, il avait droit à la CMU de base et complémentaire. L'augmentation du nombre de demandeurs d'asile ne peut donc pas avoir un impact sur l'AME. Je ne comprends pas le lien que vous faites avec la réforme du droit d'asile.
Vous avez raison sur le fait que les demandeurs d'asile se voient attribuer le droit à la CMU.
Mais à partir du moment où le demandeur d'asile est débouté, il peut recourir à l'AME. C'est le lien entre la gestion du droit d'asile et la reconduite à la frontière des déboutés qui joue sur le flux de bénéficiaires potentiels de l'AME.
- Présidence de M. Yvon Collin, vice-président -
Monsieur le directeur, je sais que vous ne disposez pas d'outil statistique très performant. Je souhaiterais rebondir sur la question d'André Gattolin : a-t-on une estimation du rôle de prophylaxie de l'AME, bénéficiant à l'ensemble de la population ? Nous constatons en ce moment des épidémies de rougeole en Alsace, ce qui entraîne la fermeture de certaines écoles. Grâce à l'AME, ne protège-t-on pas aussi notre population des maladies infectieuses ? Certains spécialistes d'épidémiologie seraient peut-être capable de concevoir un modèle de développement de certaines maladies en l'absence d'AME.
Vous avez évoqué le fait que l'assurance maladie supportait un « reste à charge » important au titre des dépenses d'AME pour soins urgents. N'est-il pas envisagé que l'État finance l'intégralité des dépenses effectivement constatées ? Sinon, ce seront les entreprises, par le biais des cotisations sociales, qui devront financer cette dépense.
À ma connaissance, aucun travail n'a été engagé pour développer un modèle de prévision du coût, notamment en termes de dépenses de santé, de la suppression ou de la réduction du champ de l'AME. Nous allons tout de même vous transmettre les extraits des rapports de l'IGAS et de l'IGF sur un certain nombre de pathologies. Si l'on analyse de plus près les pathologies au titre desquelles les bénéficiaires utilisent l'AME, on constate que 20 % des cas concernent des accouchements. Il existe également de nombreux cas d'infections, hépatiques, de l'appareil respiratoire ou de l'appareil circulatoire, dont certaines peuvent être contagieuses, parmi les dépenses hospitalières des bénéficiaires de l'AME. Nous compléterons notre réponse sur ce point par écrit.
S'agissant de l'AME pour soins urgents et de son financement forfaitaire par l'État, cette situation résulte d'une décision prise en 2008. On peut s'interroger sur la logique consistant à mettre une partie de ces dépenses à la charge de l'assurance maladie. Pour autant, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 a transposé les mesures de réforme de la tarification hospitalière, prises précédemment pour l'AME de droit commun, à l'AME pour soins urgents. Ceci se traduira par une économie substantielle en 2015, estimée à 50 millions d'euros, ce qui devrait permettre de diminuer très fortement le reste à charge de l'assurance maladie.
La réunion est levée à 11 h 39.
- Présidence de Mme Michèle André, présidente -