Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 16 juin 2015 à 14h30
Malades et personnes en fin de vie — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Pour moi, il s’agit bien là d’une assistance médicale pour mourir, mais passive, qui n’admet pas complètement ce qu’elle est. D’ailleurs, la distinction morale entre une assistance médicale active pour mourir et une sédation profonde et définitive passive menant à la mort me paraît bien ambiguë.

L’aide active à mourir s’effectuerait par un acte délibéré et exécuté à la demande du patient. Elle serait un acte de compassion, un acte de solidarité, un acte de fraternité ! Elle permettrait aussi à la personne qui le souhaite de quitter la vie en pleine conscience, entourée par ses proches, comme le souhaitait le philosophe Paul Ricœur qui avait écrit souhaiter « mourir en tenant la main d’un ami ».

Par ailleurs, reconnaître un droit à une assistance médicalisée pour mourir dans des conditions strictement encadrées répondrait, à mon avis, à certains problèmes qui se posent et que la proposition de loi telle qu’elle nous est présentée ne règle pas. Avec un cadre juridique clair, au sein duquel ils pourraient exercer leur clause de conscience, les médecins seraient protégés. Il en serait de même pour les proches, à qui les malades réclament parfois ce geste ultime, qui les expose à des sanctions pénales ; une situation que nous rencontrons souvent chez les personnes très âgées. Cela satisferait aussi les juges qui ont parfois à trancher des cas bien délicats et qui, finalement, n’appliquent pas la loi dans une lecture stricte et font preuve de compassion.

Madame la ministre, si le texte qui nous est proposé est adopté, je souhaite attirer votre attention sur un point, évoqué précédemment par notre collègue Georges Labazée.

La loi du 2 mars 2010 a créé une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie. Cette allocation n’est ouverte que lorsque la personne accompagnée se trouve à domicile, dans une maison de retraite ou un EHPAD, un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Pourtant, en France, près de 60 % des décès ont lieu dans des établissements de santé, et ces personnes ont tout autant besoin d’être accompagnées par leurs proches ; et elles en auront encore plus besoin si la présente proposition de loi est adoptée. J’avais déposé un amendement visant à étendre le champ d’application de cette allocation aux personnes qui accompagnent des malades en milieu hospitalier, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Aussi, dans l’esprit de cette proposition de loi, ne serait-il pas légitime et cohérent que le Gouvernement prenne des mesures permettant aux personnes en fin de vie d’être accompagnées dans leurs tout derniers moments quel que soit l’établissement dans lequel elles se trouvent ?

Le droit à une assistance active pour mourir n’est pas un choix entre la vie et la mort, c’est un choix entre deux façons de mourir !

Nous considérons que cette proposition de loi ne va pas assez loin dans la mesure où elle n’ouvre pas de droit à une aide active pour mourir. Les avancées de ce texte sont très limitées. On note une évolution positive concernant les directives anticipées les rendant contraignantes – c’est une très bonne chose ! –, mais avec des exceptions qui risquent de les vider partiellement de leur sens. Nous le savons bien, la sédation profonde ne fait que formaliser légalement des pratiques courantes. Elle est protectrice pour les médecins, mais change peu la condition des patients.

À cet égard, il est regrettable que l’avis de la conférence citoyenne remis en décembre 2013 au Comité consultatif national d’éthique ne soit pas entendu. J’aurais souhaité un texte plus audacieux et plus conforme aux souhaits de nos concitoyens. Cette loi aurait pu marquer la reconnaissance de la primauté du respect de la volonté de la personne dans la mise en œuvre des soins, l’aide active à mourir étant considérée comme l’ultime soin à prodiguer à la personne qui va mourir. Mais nous aurons bien sûr l’occasion d’engager ce débat lors de l’examen des amendements déposés sur ce sujet, comme l’a souligné mon collègue Georges Labazée.

En conclusion, permettez-moi de saluer, à mon tour, la qualité du travail réalisé par les rapporteurs ainsi que leur sens de l’écoute, et de remercier le président de la commission des affaires sociales de l’écoute dont il fait traditionnellement preuve.

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