Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 16 juin 2015 à 21h30
Malades et personnes en fin de vie — Article additionnel après l'article 2, amendement 9

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Je souhaite expliquer pourquoi je vais voter l’amendement n° 9 rectifié, que j’ai cosigné.

Madame la ministre, je ne partage pas votre analyse de l’état de l’opinion publique française, laquelle me semble consciente que le libre choix doit revenir aux individus, dans le cadre de la loi. Les consciences ont beaucoup progressé sur ce sujet, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, les expériences étrangères y ont contribué. Certes, comme toujours, des dérapages se sont produits ici ou là. Notre système actuel en est-il vraiment exempt ? La sédation n’en connaîtra-t-elle pas ? Les lois humaines ont toujours, hélas ! emporté des conséquences non souhaitées. Il faut continuellement améliorer les dispositifs afin que les dérapages se raréfient plutôt qu’ils ne se généralisent. Rien de cela ne disqualifie ces expériences.

Ensuite, l’espérance de vie ayant augmenté, les Français sont de plus en plus confrontés à des proches en fin de vie qui souffrent. Sans moyens financiers, sans quelqu’un de compréhensif, nos compatriotes se retrouvent dans une situation personnelle difficile à gérer.

Les consciences ont évolué dans notre société, en même temps que les libertés. Nous luttons continuellement pour gagner notre liberté face aux aléas de l’existence et face à la mort, l’aléa ultime.

Les propos de nos collègues Néri et Madec rappelant le courage qu’il a fallu pour voter contre la peine de mort sont doublement significatifs. J’ai toujours été frappée par les discours de ceux qui considèrent, au nom du caractère sacré de la vie – au sens laïque –, qu’il ne faut jamais donner la mort et qui n’ont pourtant pas beaucoup d’états d’âme quand il s’agit de condamner à mort des individus au nom de la justice des hommes. À mes yeux, les individus sont libres de leur mort, de la même manière que nous essayons de les rendre libres dans leur vie.

Je pense qu’il est courageux, vis-à-vis de l’opinion, d’ouvrir de temps en temps des champs nouveaux. Et pourquoi fais-je cette comparaison avec d’autres lois ? On doit en effet toujours se poser la question suivante : la liberté individuelle donnée à quelqu’un est-elle de nature à nuire à l’intérêt général ? Notre rôle de législateur est de trouver un équilibre propice à l’intérêt général. Mais quelle est la personne qui va voir ses droits ou ses libertés réduits par le fait de donner à chacun le libre choix de pouvoir, de manière encadrée, organiser la fin de sa vie ? Comme on ne fait reculer en rien les droits des autres, l’intérêt général n’est pas affecté par l’accroissement de la liberté individuelle qui est proposé dans cet amendement.

Je ne vois donc aucun argument qui s’y oppose, sauf à penser qu’une transcendance, qui ne serait pas humaine, définit ce qu’est la vie. Or ceux-là même qui ont cette croyance reconnaissent qu’il y a toujours un équilibre entre la conscience de la personne et ces transcendances que certains peuvent juger réelles et que leurs convictions religieuses peuvent considérer comme importantes.

Pour ma part, je ne vois pas au nom de quoi la société, dont l’intérêt général doit être défendu au regard de l’état actuel de l’opinion et du progrès permanent des libertés qui doivent être données à chacun, devrait s’opposer à l’amendement que nous avons présenté ; je pense que son adoption serait un grand progrès pour notre République.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion