Séance en hémicycle du 16 juin 2015 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • médecin
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  • sédation

La séance

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La sé ance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Hervé Marseille.

Photo de Hervé Marseille

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gilbert Barbier.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, fallait-il légiférer à nouveau sur un sujet aussi sensible que la fin de vie ? Fallait-il exacerber de nouveau les antagonismes manifestes entre des conceptions bien différentes et très éloignées de la perception de l’être humain telles qu’elles existent au sein des différents courants de pensée de notre pays ?

Pour ma part, je n’en suis pas persuadé, dans la mesure où les lois en vigueur, et notamment la loi de 2005, ont contribué à l’établissement d’un équilibre relativement consensuel, qui est certes fragile, mais dont l’insuffisante application – pour diverses raisons, mais essentiellement par manque de moyens financiers – constitue le seul défaut.

La création des unités de soins palliatifs dans les grands hôpitaux et dans certains établissements ainsi que la mise en place de quelques unités ambulatoires avec des personnels consciencieux et admirables – auxquels il faut rendre hommage, car il s’agit là d’un domaine du soin particulièrement stressant et pesant pour les professionnels – ont démontré leur efficacité. Malheureusement, une couverture territoriale très insuffisante conduit à des situations inacceptables, qui sont encore beaucoup trop nombreuses.

À ce sujet, madame le ministre, il serait intéressant de connaître le montant des crédits dédiés aux soins palliatifs dans le nouveau plan triennal que vous avez lancé. La commission de réflexion sur la fin de vie avait été particulièrement sévère sur ce point, en estimant que « les moyens financiers des réseaux à domicile sont soumis à des changements incessants de modalité de répartition de crédits, ce qui entraîne souvent une baisse de leurs ressources » et que « tout se passe comme si l’encouragement répété en faveur des soins palliatifs n’était qu’incantatoire ».

Certes, il est intolérable qu’à l’hôpital, en EHPAD ou à son domicile, le malade en fin de vie imminente et inéluctable à bref délai ne soit pas pris en charge, de sorte qu’il trouve, en ses derniers instants, le calme, la sérénité et les conditions d’une fin de vie digne et apaisée, entouré de ses proches. Cependant, plutôt que de légiférer, ne serait-il pas préférable de rechercher les moyens financiers, matériels et humains nécessaires à la couverture de l’ensemble du territoire par ces unités spécialisées, qu’elles soient fixes ou ambulatoires ? En effet, comme le rappelait notre collègue député Jean Leonetti, « la loi ne peut pas être le verbe législatif incantatoire de l’impuissance publique qui dit la règle, le droit, la loi et ne les met pas en application ».

Pourtant, il en a été décidé autrement puisque nous allons légiférer : nouvelle loi, nouveaux débats, nouvelles confrontations.

Nos rapporteurs, qui ont réalisé un travail important, ont rappelé la réflexion menée sur ce thème par l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et par les auteurs de la proposition de loi. À l’aune de ces rapports ainsi que des travaux de la commission de réflexion animée par le professeur Didier Sicard, du Comité consultatif national d’éthique, de la conférence des citoyens, et de nombreuses contributions de toutes tendances – je ne saurai toutes les citer, qu’elles soient religieuses, philosophiques ou médicales –, un consensus existe sur la condamnation de l’acharnement thérapeutique, sur la nécessité de la formation des personnels et sur l’obligation de prendre en compte les directives anticipées du malade.

Toutefois, nous retrouvons très rapidement le clivage sociétal entre ceux qui considèrent – et j’en suis – que le rôle de la société n’est pas de provoquer la mort et ceux qui, au nom d’une prééminence décisionnelle de l’individu, appellent à l’euthanasie ou au suicide assisté. Notons d’ailleurs que le clivage ne s’établit pas uniquement sur le postulat du caractère sacré ou non de la vie humaine.

Comme l’écrit Axel Kahn, on peut aussi considérer que « lorsque la loi de notre République maintient qu’il est interdit de tuer, il n’apparaît pas satisfaisant qu’elle prévoie les conditions dans lesquelles ce principe – excellent – peut être battu en brèche en toute légalité » et que « les lois doivent se placer en amont des histoires individuelles et définir les principes dans lesquels se reconnaît une société ».

Or c’est bien souvent en se référant à un vécu personnel, dans sa famille ou parmi ses proches, que chacun d’entre nous aborde cette réflexion et se forge un jugement dans lequel l’aspect émotionnel domine inévitablement. C’est aussi, malheureusement, au travers de l’abominable médiatisation d’un certain nombre de cas douloureux à laquelle l’actualité nous confronte d’une manière lancinante. Le rôle de l’affectif dans notre relation avec les mourants ne fait du reste que nous renvoyer inconsciemment à notre propre mort. Dans un livre tout à fait remarquable intitulé La mort peut attendre, le professeur Maurice Mimoun raconte comment la mort de l’un de ses amis l’a fait changer de ton, alors qu’il s’apprêtait à écrire un livre en faveur de l’euthanasie, s’appuyant sur de belles théories et des principes solides. Il termine son livre en affirmant nettement qu’« il ne faut pas légaliser la mort ».

Je souhaiterais attirer votre attention, mes chers collègues, sur un certain nombre de points concernant le texte dont nous débattons ici. J’estime qu’ils méritent d’engager une réflexion, même si je me contenterai de les citer, car nous y reviendrons ultérieurement.

Tout d’abord, je soulignerai l’absence totale de reconnaissance et de place donnée à l’accompagnement affectif, qu’il soit réalisé par des bénévoles ou par des membres de la famille : il n’y a donc aucune place pour « parler et même simplement toucher », comme l’a si bien écrit Marie de Hennezel dans son livre La mort intime.

Ensuite, je signalerai le flou que représente l’utilisation des mots « court terme » lorsqu’il est question de l’engagement du pronostic vital.

Enfin, à mes yeux, le point crucial de ce texte, qui le fait quitter cette ligne de crête qui faisait consensus pour le faire pencher – n’ayons pas peur des mots – vers une euthanasie masquée, ce sont les termes de « sédation profonde et continue ».

Nous examinerons les conditions dans lesquelles le texte a été dévié de son sens initial, par l’introduction, à l’Assemblée nationale, de l’adjectif « profonde » derrière le mot « sédation », ce qui signifie que nous atteignons les niveaux 5 et 6 dans l’échelle de « score de Ramsey », conduisant inévitablement à un encombrement bronchique immédiat, à une hypotension, voire à une apnée fatale, en quelques instants, à défaut d’une assistance respiratoire. L’intention des auteurs de la proposition de loi n’était certainement pas d’en arriver là, de même qu’un certain nombre de parlementaires ayant contribué aux débats sur ce texte n’ont probablement pas vu non plus la portée et la gravité d’une sédation « profonde et continue ».

En réalité, les protocoles de recours à la sédation pour détresse en phase terminale sont au point dans les établissements de soins palliatifs. N’en rajoutons pas, ne prenons pas le risque de basculer là où je crois beaucoup de personnes ne veulent pas aller !

Sans ce malheureux amendement n° 76 déposé et adopté en séance publique à l’Assemblée nationale, je pense que nous aurions pu parvenir à un très large consensus sur ce texte, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, écrire ses directives anticipées, les concevoir, les formuler, indiquer clairement la manière dont on souhaite finir sa vie, ou plutôt la façon dont on ne veut pas mourir : être maintenu artificiellement en vie alors que le diagnostic vital a été établi, ou rêver de mourir en dormant ? Quels sont ceux qui n’ont pas évoqué ce sujet, notamment ces derniers temps, alors que l’actualité nous fait de nouveau entrer dans l’intimité tragique d’un homme jeune, enfermé dans son corps, sans aucun espoir de retour à une relation lui permettant de communiquer avec le monde qui l’entoure, d’un homme jeune dont la famille se déchire et le donne en spectacle, et alors que toutes les procédures collégiales, médicales et expertes prévues par la loi dite Leonetti ont été menées, conclues et avalisées ?

Si Vincent Lambert ne peut pas sortir de cette vie qui n’en est plus une, tranquillement, avec l’assistance de ses soignants, sous l’affectueuse attention de ses proches, c’est parce qu’il n’a pas exprimé clairement quelle était sa volonté en pareil cas, lorsqu’il était capable de le faire. Seule son épouse, soignante comme lui, témoigne aujourd’hui de son expression orale, issue de conversations intimes qui sont, en revanche, contestées par les parents. D’autres proches, parents ou amis, décrivent à leur tour l’état d’esprit de Vincent Lambert face à une vie végétative.

Les médecins peuvent attester être allés au bout de ce que la médecine pouvait faire pour le ramener à une conscience qui pourrait peut-être donner un sens au maintien d’une vie artificielle.

La délivrance de cet homme jeune fait désormais partie du débat public et, de fait, reste difficile à atteindre dans un délai raisonnable. Que n’a-t-il rédigé ses directives anticipées, déjà prévues dans la loi de 2005 et préconisées dans le texte examiné aujourd’hui ! Il aurait ainsi clairement indiqué, et de manière incontestable, qu’il refusait d’être maintenu en vie artificiellement en pareille situation.

Qui a déjà rédigé ses directives, exprimant ainsi de façon indiscutable ce qu’il souhaite et ce qu’il refuse ?

En 2009 et en 2010, l’équipe du centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin a questionné 186 personnes de plus de soixante-quinze ans sur leurs connaissances et leur perception des directives anticipées : neuf personnes sur dix n’en avait jamais été informée. Ciblant un public concerné par le vieillissement, cette étude indique bien la méconnaissance d’une telle possibilité.

Le texte dont nous débattons prévoit de modifier le statut des directives anticipées et de les rendre contraignantes. Cette nouvelle disposition qui concrétise le principe selon lequel « toute personne a droit à une fin de vie digne et apaisée » doit donc mettre réellement en œuvre le renforcement du droit des personnes à rester maîtres de leur vie jusqu’à son terme, sans être contraints d’abandonner leur corps malade, souffrant, agonisant à la décision d’autres individus, fussent-ils médecins !

Pour ce faire, une très forte évolution culturelle sera nécessaire au sein de la société tout d’abord, parmi les personnes qui seront les futurs sujets de ce nouveau droit ensuite, ou encore parmi les familles, les proches qui devront admettre la volonté du malade et ne pas faire de demandes de soins extravagantes, et enfin chez les soignants qui devront respecter la volonté du patient, exprimée dans une forme qui leur sera opposable.

Ce sera difficile, alors qu’existe un profond hiatus entre les attentes de nos concitoyens à l’égard de la médecine en matière d’accompagnement jusqu’à la mort et l’aide que la médecine se sent capable de fournir aux mourants.

C’est pourquoi l’article 8 de la proposition de loi est aussi important lorsqu’il dispose que « toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté », que « les directives anticipées s'imposent au médecin » et qu’« elles sont révisables et révocables à tout moment ».

Il a été établi que 2, 5 % des personnes décédées en 2009 avaient formalisé leurs directives, et que seulement 1, 8 % des patients n’avaient plus été en mesure d’exprimer leurs attentes.

Si nous voulons que ce droit soit exercé et qu’il s’impose, il faudra l’expliquer, le populariser, le socialiser ; mais pour qu’il devienne un droit actif, vivant et connu, la route sera longue – souvenons-nous du temps qu’il a fallu au don d’organe pour faire son chemin. Raison de plus pour inscrire dans la proposition de loi des éléments explicites, comme le signalement sur la carte Vitale du signataire de l’existence de ces directives, par ailleurs consignées dans un registre national, et l’inscription sur cette même carte du nom de la personne de confiance. Raison de plus aussi pour insister sur la sensibilisation et l’information, afin que toute personne majeure soit mise au courant, et pas seulement par son médecin traitant, de la possibilité de prendre des dispositions anticipées et des conditions de leur rédaction.

Enfin, pour bien faire entrer cette pratique de précaution dans nos mœurs, je défendrai un amendement tendant à assurer la sensibilisation des jeunes au moment de la Journée défense et citoyenneté. Cette circonstance est l’occasion d’un grand rassemblement de toute une classe d’âge, au cours duquel les jeunes sont informés de leurs droits et de leurs devoirs citoyens. Des informations leur sont déjà communiquées relativement à l’éducation à la santé, à la prévention, à l’intérêt du don du sang et au don d’organe ; je souhaite que, de la même façon, ils soient sensibilisés à leurs droits d’éventuels malades, et préparés à rédiger, lorsqu’ils seront majeurs, leurs directives anticipées.

En rompant avec l’idée que les directives anticipées concernent uniquement des personnes malades, âgées ou en fin de vie, voire en phase terminale, et en dédramatisant, à un âge où l’on se croit invincible, un acte de responsabilité susceptible d’être renouvelé et actualisé tout au long de la vie, nous inscrirons véritablement ce nouveau droit dans le quotidien du dialogue avec la médecine et dans l’évolution de notre société.

Mes chers collègues, comme nombre d’orateurs l’ont déjà fait observer, la question est universelle : tous nous serons confrontés un jour à la fin de vie, celle d’un proche ou la nôtre !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai par présenter deux observations, qui, peut-être, seront partagées par tous.

En premier lieu, ce débat intervient dans un contexte particulier, non seulement sur le plan juridique, puisque la Cour européenne des droits de l’homme a rendu ses conclusions dans l’affaire Lambert, mais aussi sur le plan émotionnel, tant chacun s’est senti interpelé ; des images, malheureusement, ont même été données en spectacle. Or nous savons, au Sénat, que, pour faire de bonnes lois, l’émotion est très souvent mauvaise conseillère. Comme François Bonhomme l’a souligné, si nous devons toucher à la législation sur la fin de vie d’une main tremblante, selon la formule de Montesquieu, notre raison, elle, ne doit pas trembler.

En second lieu, je constate un paradoxe français en ce qui concerne la façon de légiférer. Alors que pas une semaine ne passe sans que, sur toutes les travées, nous dénoncions le trop-plein de lois et l’habitude très française de les modifier incessamment sous l’effet d’une bougeotte législative, on nous propose de modifier une loi qui, en 2005, a été adoptée à l’unanimité, chose si rare, et dont chacun reconnaît qu’elle est mal connue, et peut-être mal appliquée. Pour qu’un texte soit bien connu et bien appliqué, il faut qu’il s’inscrive dans la durée. Or voilà qu’on veut modifier la loi Leonetti, qui a réalisé ce dont M. Barbier a parlé tout à l’heure : le consensus !

Pourquoi donc veut-on la modifier ? Sans doute pour cocher une case dans un programme présidentiel.

Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

… dans ce que certains appellent le droit à mourir dans la dignité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Comme si la dignité n’était pas une qualité ontologique ! La dignité, mes chers collègues, c’est à Paul Ricœur que nous en devons l’une des plus simples et des plus belles définitions : « quelque chose est dû à l’être humain du seul fait qu’il est humain ».

Pour comprendre le pas supplémentaire qu’on nous propose de franchir, il faut, je crois, revenir au point de départ, c’est-à-dire à la déclaration que le Président de la République a faite lorsque, voilà à peu près six mois, Alain Claeys et Jean Leonetti lui ont remis leur rapport : il a employé l’expression, sans doute juste, de « droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès ». Mes chers collègues, c’est de ce droit qu’il nous faut débattre, car il est la pièce centrale de la proposition de loi, celle qui détermine son économie générale.

Nous devons, plus précisément, nous poser deux questions : pourquoi ce droit et quelles seront son application, sa portée, sa signification ?

À propos de la première question, je tiens à insister sur des chiffres qui ont déjà été mentionnés à cette tribune, mais qui me paraissent de la plus haute importance. Madame la ministre, vous nous avez annoncé un plan pour les soins palliatifs. Tant de plans ont été annoncés qui sont restés des incantations que c’en est devenu une habitude ! Songez bien, mes chers collègues, que seulement 20 % de la population française a accès à des soins palliatifs, et que 70 % des lits palliatifs sont concentrés dans cinq régions. Au Sénat, nous parlons souvent de la fracture territoriale ; s’il y a bien une injustice territoriale, c’est celle qui tient à la politique palliative ! Ainsi, les régions de l’ouest, dont je suis issu, sont parmi les moins bien dotées.

Pourquoi ce nouveau droit ? Parce que 80 % des médecins n’ont pas reçu de véritable formation à la prise en charge de la douleur. Parce que, en définitive, nous avons échoué à garantir un droit pourtant inscrit dans la loi depuis 1999, et réaffirmé en 2002 puis en 2005. Par facilité, par fatalité, par incapacité à garantir ce droit, nous voilà sur le point d’instaurer un droit nouveau. Cette fuite en avant, cet engrenage, cette étape qui en prépare d’autres ne doivent pas nous conduire à une dérive éthique.

De là la seconde question que nous devons nous poser : celle des modalités du nouveau droit. Sera-t-il un droit à dormir avant de mourir ou un droit à endormir pour faire mourir ? Sera-t-il un moyen de soulager ou un moyen d’euthanasie qui ne dit pas son nom ? Ces questions sont troublantes, dérangeantes, brutales, mais il est légitime, je crois, de se les poser, quelque opinion qu’on ait.

Si les conditions de mise en œuvre de ce que j’appelle « la sédation terminale » sont importantes, c’est parce que cette sédation sera beaucoup plus qu’un geste palliatif : elle ne sera pas intermittente, mais sans doute définitive ; il s’agira d’un endormissement sans retour, conduisant à une mort certaine, d’autant plus que les traitements n’ont pas été séparés des soins. À cet égard, je tiens à remercier les rapporteurs et la commission des affaires sociales d’avoir dissocié la nutrition et l’hydratation des traitements.

Mes chers collègues, je vous invite tous, quelles que soient vos conceptions, à lire le très beau texte que Jean Clair a publié ce matin, dans lequel il cite l’injonction que Victor Hugo met dans la bouche de son père, sur un champ de bataille, à la vue d’un Espagnol qui se meurt : « Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé ». Ce mot est, en somme, une injonction universelle faite à l’humanité bien portante d’avoir souci de l’humanité souffrante.

Certains ont présenté la présente proposition de loi comme un texte de prolongement et de clarification de la loi Leonetti. Je pense, au contraire, qu’elle marque une rupture. En effet, la loi du 22 avril 2005 repose sur la notion, centrale, du double effet, bien connue de ceux qui s’intéressent à la question de la fin de vie. Je pense qu’il suffit tout simplement de revenir aux sources, par exemple en lisant Alain Claeys, qui le 17 novembre dernier, dans Libération, a écrit ceci : « Nous parlons d’une sédation forte dans le but d’aider à mourir ». Point n’est besoin d’en rajouter, tout est dit.

M. Gilbert Barbier opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Encore faut-il parler de l’opposabilité des directives anticipées, qui potentialisent, si je puis dire, les dérives euthanasiques. Pouvons-nous concevoir à l’avance, par anticipation, ces instants ultimes, ces instants extrêmes après lesquels les instants ne comptent plus ? Je n’apporte pas de réponse définitive à cette question, mais nous devons nous la poser.

En conclusion, madame la ministre, mes chers collègues, je crois que la présente proposition de loi est porteuse d’un risque : un risque de dérive euthanasique, que nous devons tenter d’éliminer en pesant chaque terme et en fixant un certain nombre de limites. Des précisions juridiques suffiront-elles pourtant à réduire la terrible complexité d’un texte qui a la prétention de protocolariser la fin de vie, comme pour essayer de régler une fois pour toutes la question de la mort, pour les autres et pour soi-même ? Telle est la grande question.

La mort, cette « monstruosité solitaire », cet événement « inclassable », selon Jankélévitch, mort il y a trente ans presque jour pour jour, nous effraie évidemment, qui que nous soyons. Face à elle, la loi ne peut pas tout, mais une chose est sûre : elle ne doit pas conduire à donner la mort !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC. – M. le président de la commission des affaires sociales applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

I. – L’article L. 1110-5 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) à la première phrase, après le mot : « soins », sont ajoutés les mots : « curatifs et palliatifs » ;

b)

Supprimé

c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« Ces dispositions s’appliquent sans préjudice ni de l’obligation de sécurité à laquelle est tenu tout fournisseur de produits de santé, ni de l’application du titre II du présent livre Ier. » ;

2° Les deuxième à dernier alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté. »

II. – La formation initiale et continue des médecins, des pharmaciens, des infirmiers, des aides-soignants, des aides à domicile et des psychologues cliniciens comporte un enseignement sur les soins palliatifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 54 rectifié, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre et Leleux, Mme Imbert, M. Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard, Raison, Portelli et Savary, Mme di Folco, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mmes Deromedi et Troendlé, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest, Saugey et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet et Charon, Mmes Deroche et Duranton, MM. Husson, Houel, Fouché et Gournac, Mme Debré, M. Lemoyne, Mme Lamure et MM. Kern, Cardoux, Gremillet et Guerriau, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) À la première phrase, après les mots : « de recevoir », sont insérés les mots : «, sur l'ensemble du territoire, » ;

La parole est à M. Dominique de Legge.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Tous les orateurs qui se sont succédé à la tribune dans la discussion générale se sont attachés à dire que la loi du 22 avril 2005 n’avait pas été bien appliquée, pour une raison simple : les soins palliatifs n’ont pas été mis en place ; chacun s’est accordé à reconnaître que 80 % environ de la population en fin de vie n’y a pas accès.

L’un de nos rapporteurs a dit très clairement – je le cite de mémoire, mais je ne crois pas trahir sa pensée – que la difficulté tenait aux moyens et à l’accès effectif aux soins palliatifs. Mme Bouchoux, quant à elle, a dit : il faut des soins palliatifs pour tous. Je pourrais rappeler les propos d’autres collègues ; qu’ils ne m’en veuillent pas de ne pas les citer.

Sur cet amendement au moins, mes chers collègues, nous devrions pouvoir nous retrouver, car il vise tout simplement à tirer les conséquences dans la loi des manquements de la loi de 2005. Vraiment, nous devrions tous tomber d’accord au moins sur ceci : il est nécessaire de développer les soins palliatifs, non pas seulement en quelques endroits, mais sur l’ensemble du territoire national !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Sur le fond, on ne peut qu’être d’accord avec le constat de l’inégalité d’accès aux soins palliatifs. Seulement, la loi ayant une portée générale, elle s’applique à l’ensemble du territoire. Par ailleurs, et même si ses auteurs dénoncent l’insuffisance des soins palliatifs, cet amendement n’entre pas directement dans le cadre de la loi. L’avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Même avis, pour les mêmes raisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Nous reconnaissons tous, sur l’ensemble des travées de cet hémicycle, l’existence d’une injustice territoriale flagrante qui dure et ne date pas de ce gouvernement. Il ne s’agit pas de faire de la politique politicienne.

Simplement, la Cour des comptes déclarait, il y a quelques mois, que seul un tiers des patients décédés lors d’un court séjour hospitalier, susceptibles de nécessiter des soins palliatifs en ont effectivement bénéficiés. En 2010, seuls 11, 25 % des patients décédés aux urgences susceptibles de bénéficier des soins palliatifs en ont effectivement bénéficié, 89 % n’en ont donc pas bénéficié. Selon le palmarès international établi par l’organisme international The Economist Intelligence Unit en 2010, la France se situe au 23e rang sur 40 des pays offrant le plus de soins de fin de vie.

Mes chers collègues, pouvons-nous donner corps à une volonté politique dans un texte ? Ne sommes-nous pas d’abord les représentants de la France territoriale ? Cette injustice territoriale ne nous touche-t-elle pas, quelles que soient nos convictions, au plus profond de nous-mêmes ?

Il me semble que ceux qui sont favorables à cette proposition de loi et qui la portent ne peuvent pas ne pas entendre le cri des territoires injustement traités avec cette kyrielle de malades qui ne peuvent pas avoir accès aux soins palliatifs alors que leur état devrait le leur permettre et qu’ils en souffrent. Merci de considérer qu’au Sénat les territoires, notamment lorsqu’ils prennent le visage de souffrants, peuvent encore compter !

Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Dès lors qu’une loi – quelle qu’elle soit – est votée, elle s’applique obligatoirement sur l’ensemble du territoire, que cela soit précisé ou non dans le texte même.

Le problème ne réside pas dans l’affirmation de la nécessité de soins palliatifs sur l’ensemble du territoire, car, dès lors que l’on précise dans la loi qu’il faut des soins palliatifs, cela s’applique sur l’ensemble du territoire. Le problème est de trouver la possibilité de financer la mise en application de la loi sur l’ensemble du territoire. Or la question des moyens financiers dépasse le cadre de cette proposition de loi, elle relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS.

C’est peut-être le travail du Gouvernement ou des gouvernements de trouver le moyen de donner satisfaction à l’ensemble des territoires. Comme cela a été souligné par tous ceux qui sont intervenus dans cet hémicycle, l’examen de cette proposition de loi a mis en évidence que la loi Leonetti n’était pas suffisamment connue et que la mise en application des soins palliatifs sur les territoires était insuffisante. Cependant, cette mise en application n’est pas un problème d’ordre législatif, c’est un problème d’ordre financier, qui relève du PLFSS.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Cet amendement me paraît important, dans la mesure où nous allons bientôt inscrire dans la loi la notion de sédation profonde et continue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Certes, cette notion n’est pas encore inscrite, mais il est probable qu’elle le soit.

La sédation profonde et continue sera sans doute plus simple à mettre en œuvre que les soins palliatifs, même si nous avons considéré qu’elle ne sera appliquée qu’une fois l’ensemble des soins palliatifs possibles de prolongation de la vie mis en œuvre. Cependant, je crains que la sédation profonde ne devienne une alternative aux soins palliatifs, plutôt qu’une continuité aux soins palliatifs, et donc qu’au lieu d’augmenter l’offre de soins palliatifs nous prenions le risque de les diminuer.

C’est la raison pour laquelle il me semble important que nous nous imposions à nous-mêmes de faire en sorte que partout sur notre territoire les soins palliatifs soient offerts avant de procéder à une sédation profonde et continue jusqu’à la mort.

MM. Charles Revet et Louis-Jean de Nicolaÿ applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Monsieur le rapporteur, c’est merveilleux et je vous en remercie, vous êtes d’accord sur le fond ; aussi, sont avancées des arguties. En effet, on nous explique que cet amendement ne relève pas du domaine de la loi. Seulement, cela fait dix ans que la loi de 2005 n’est pas appliquée ! Or vous êtes en train de nous expliquer qu’il n’est pas nécessaire d’inscrire une telle disposition dans la loi. Où serait alors le progrès ?

Monsieur le président Milon, je vous remercie de vos propos. Vous affirmez qu’un accès égal aux soins palliatifs sur tous les territoires relève du PLFSS. À ce sujet, j’ai lu avec intérêt le compte rendu de la commission des affaires sociales où j’ai déposé un amendement pour que le Gouvernement présente au Parlement un état des unités de soins palliatifs lors de l’examen du PLFSS. J’ai cru comprendre que même un tel amendement n’avait pas été accepté par la commission.

Mes chers collègues, les choses doivent être claires et nous devons sortir de l’ambiguïté. Je comprends les personnes qui souhaitent s’en tenir au texte de la commission, mais en refusant cet amendement, vous adressez un signal simple : les doutes que nous pourrions avoir sur ce texte et sur les intentions d’un certain nombre d’entre nous se trouveraient totalement confirmés.

Combien de textes de loi n’avons-nous pas voté avec des dispositions qui ne relevaient pas nécessairement du domaine de la loi, mais du domaine réglementaire ! Or, en l’occurrence, comme par hasard, ça gênerait, parce que ce serait reconnaître, tous ensemble, que le préalable de la présente loi c’est la mise en place des soins palliatifs.

Permettez-moi d’invoquer un dernier argument. Chacun d’entre nous sur toutes les travées a particulièrement à cœur de le rappeler, nous sommes – c’est la prérogative du Sénat – l’émanation des territoires et la République doit proposer un accès aux services publics de façon égale sur l’ensemble du territoire. Cet amendement vise justement à le réaffirmer. Refuser cet amendement en avançant de telles arguties, ce n’est digne ni du raisonnement, ni de notre objectif commun, ni même du Sénat !

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel et M. Yves Pozzo di Borgo applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Suite aux propos du président Milon, je rappelle que sur le terrain l’égalité territoriale n’existe malheureusement pas, tout particulièrement en matière sanitaire. En effet, l’ouverture de services spécialisés de soins palliatifs dépend très largement des orientations données par les agences régionales de santé, les ARS. Or, manifestement, entre les régions les orientations sont totalement différentes, même si, pour ma part, je suis assez satisfait des orientations mises en application dans ma région. Nous devons faire face à cette inégalité territoriale due à la relative autonomie dont dispose les ARS en matière de mise en place de soins palliatifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Je voulais déjà intervenir il y a trois minutes en ayant à l’esprit une volonté d’apaisement. Au risque de surprendre, cet amendement me paraît tout à fait pertinent, et pourtant il est rare que je soutienne un amendement du groupe Les Républicains. Cependant, en tant qu’élue de l’ouest de la France, il me semble relever d’une sorte d’évidence.

Je ne suis parlementaire que depuis 2011, mais je constate qu’il nous arrive tout de même très souvent d’inscrire dans la loi des mesures d’ordre réglementaire, je dirai même que cela représente les trois quarts de notre activité. De ce fait, je ne comprends pas pourquoi nous n’adopterions pas cet amendement, qui même s’il n’est que symbolique, envoie un message à tous les non Parisiens. Malgré le fait que je défende une position différente sur le reste de la proposition de loi, et je me sentais d’ailleurs un peu isolé tout à l’heure, il me semble qu’assurer un accès général aux soins palliatifs sur l’ensemble du territoire est un préalable, ensuite il est possible de discuter des exceptions.

Je m’apprêtais à soutenir cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Mme Corinne Bouchoux. Cependant, je m’aperçois avec stupéfaction que son adoption pose un problème. Or, pour le moment, inscrire une telle disposition dans la loi ne coûte rien, alors que le faire au moment du PLFSS coûtera cher. Cette disposition me semblait évidente et je pensais que nous pourrions tous voter en sa faveur.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mme Annie David. Au risque de vous étonner à mon tour, je soutiens cet amendement et ma position est par conséquent la même que celle qui vient d’être défendue par ma collègue Corinne Bouchoux.

Ah ! Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Yves Pozzo di Borgo et Jean Desessard applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Il me semblait aussi que cet amendement reprenait le souhait de l’ensemble des parlementaires présents dans cet hémicycle de généraliser les soins palliatifs sur l’ensemble du territoire. En ce début de soirée, je pensais que cet amendement nous permettrait justement de commencer les débats par un consensus, puisque certains ont beaucoup parlé de consensus, d’autant que nous aurons vraisemblablement l’occasion de nous affronter sur d’autres sujets sans doute un peu plus délicats que celui-ci.

Nous aurions pu avoir un consensus et voter tous ensemble cet amendement qui vise à assurer un accès aux soins palliatifs sur l’ensemble du territoire. Cette question relève bien sûr du PLFSS, mais lorsque nous examinerons ce texte nous disposerons du temps nécessaire pour chiffrer le coût de cet amendement. En attendant, la déclaration d’intention est là et elle est ferme : des soins palliatifs pour tous sur l’ensemble du territoire !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je voterai donc avec mes collègues en faveur de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mme Annie David. Peut-être que la suite de la discussion fera évoluer les positions des uns et des autres, mais je regretterais que nous ne parvenions pas à un consensus sur cet amendement.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe Les Républicains. – Mmes Corinne Bouchoux et Françoise Gatel ainsi que M. Yves Pozzo di Borgo applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Je rappelle l’intitulé du texte : « proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ». Ainsi, cette proposition de loi vise à aborder des questions précises pour essayer d’accompagner dans les meilleures conditions possibles la fin de vie.

Tout le monde s’accorde, bien entendu, pour pointer l’insuffisance des soins palliatifs sur le territoire. Cependant, contrairement à ce que vient de dire notre collègue, la généralisation des soins palliatifs coûte cher §et pose un problème de financement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

J’ajoute que, contrairement à ce que certains semblent penser, la sédation profonde et continue n’a pas vocation à devenir un substitut expéditif aux soins palliatifs sous prétexte que ceux-ci ne seraient pas assez développés. Nous reviendrons tout à l’heure sur cette question de la sédation profonde et continue, telle que les associations de soins palliatifs la préconisent et, surtout, sur les conditions dans lesquelles elle est censée être mise en œuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Monsieur Jean-Pierre Leleux, la sédation profonde, dont nous aurons l’occasion de reparler par la suite, n’a pas été inscrite dans cette proposition de loi pour éviter d’installer des soins palliatifs sur l’ensemble du territoire, ce serait inadmissible et intolérable, d’autant que ce n’est pas l’intention qui a animé les rapporteurs.

Je rappelle l’alinéa de l’article 3, réécrit par les rapporteurs et voté par la commission des affaires sociales, selon lequel la sédation profonde et continue n’est mise en place que « lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui présente une souffrance réfractaire à tout autre traitement – donc, les soins palliatifs –, exprime la volonté d’éviter toute souffrance ». Cet alinéa est la preuve que la volonté première c’est de mettre en place les soins palliatifs, de soigner les patients, d’essayer de guérir, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

… et de ne proposer la sédation profonde qu’en fin de vie lorsque plus aucun traitement n’est efficace.

Par conséquent, ce texte ne vise en aucun cas à remplacer les soins palliatifs par la sédation profonde ; nous devons être très clairs sur ce point, sinon on ne pourra pas s’entendre. Si on part de cette idée fausse, nous allons à l’évidence passer une très mauvaise soirée.

Enfin, concernant l’amendement de Dominique de Legge par lequel notre collègue demande que, dans le cadre de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement présente au Parlement un bilan de la formation et un état des unités de soins palliatifs, j’indique que la commission a émis un avis non pas défavorable, mais favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Le président la commission des affaires sociales a peu ou prou dit ce que je voulais dire.

L’un de nos collègues, tout à l’heure, a commencé son intervention en laissant supposer que des médecins pourraient se retrancher derrière l’absence de soins palliatifs pour procéder à une sédation terminale ; ces propos, je m’excuse de le lui dire ainsi, me semblent assez légers et sont une très mauvaise façon d’aborder ce débat.

En commission, le groupe socialiste et républicain a suivi le rapporteur parce qu’il nous a paru tout à fait évident qu’une loi s’appliquait sur l’ensemble du territoire national. Cela étant, sincèrement, si la mention à l’article 1er des mots « sur l’ensemble du territoire » permet de mettre fin à cette crispation à laquelle nous assistons en ce début de débat, je n’y vois pas d’inconvénient à titre personnel, même si cela est redondant.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Pierre Médevielle, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

On ne va tout de même pas faire tout le débat sur cette question !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Médevielle

Je m’étonne aussi que nous nous accrochions, au début de l’examen de ce texte, au sujet du mot « territoire ». Au cours de la discussion générale, nous avons dressé le constat des inégalités en matière de soins palliatifs. Nous savons également – soyons pragmatiques – que, en raison de la politique de concentration des établissements hospitaliers menée par les agences régionales de santé, nous n’avons pas les moyens de créer partout des lits de soins palliatifs. En revanche, il existe d’autres solutions comme les services d’hospitalisation à domicile autour des hôpitaux et d’autres encore, moins coûteuses, que nous pourrons mettre en place si nous parvenons à former de nouvelles équipes de médecins libéraux qui pourront intervenir dans les territoires ruraux.

Dispenser des soins palliatifs et recourir à la sédation profonde sur tout le territoire grâce à des équipes différenciées ne me paraît pas être un objectif impossible à atteindre.

De même, ajouter les mots « sur l’ensemble du territoire » à l’article 1er ne me gêne pas du tout.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

On ne va pas passer toute la soirée sur ce point !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Nous examinons un texte difficile qui peut nous diviser et nous opposer et qui, en même temps, doit nous rassembler autour de nos valeurs républicaines de liberté et d’égalité.

Au cours de la discussion générale, nous avons mis en évidence les inégalités territoriales en matière d’accès aux soins palliatifs : 70 % des lits de soins palliatifs sont aujourd’hui concentrés dans cinq régions.

Tout en ayant beaucoup de respect pour M. le président de la commission des affaires sociales et MM. les rapporteurs, il me semble important, dès lors que nous décidons que les soins palliatifs sont essentiels et prioritaires, que la loi oblige le Gouvernement à consacrer les moyens nécessaires pour satisfaire à cet objectif d’égalité entre les territoires. À défaut, ce seront encore les habitants des territoires ruraux qui seront les plus pénalisés.

Je soutiens avec une ferveur toute républicaine l’amendement de notre collègue.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Caroline Cayeux

À mon tour aussi de m’étonner de l’émotion qui semble saisir ceux de nos collègues qui ne souhaitent pas l’adoption de cet amendement.

Je m’étonne également des arguments financiers qui sont plus ou moins mis en avant. Or je considère que, dans la société moderne dans laquelle nous vivons, il est urgent que la loi consacre et même sacralise le principe de l’égalité des territoires en matière de soins, de soins palliatifs, et abolisse les inégalités dues à l’éloignement, source de difficultés pour le monde rural. Disant cela, je pense à mon département, à ma région.

Même si, comme je l’ai entendu en commission cet après-midi, telle disposition visée à tel amendement est du domaine réglementaire et non pas législatif, eh bien prenons date et faisons en sorte que le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale dégage des moyens pour assurer l’égalité des territoires !

Si ce n’est pas au Sénat que nous réclamons que soit assurée cette égalité, je me demande bien dans quelle autre assemblée cette requête pourra être défendue !

Moi aussi je voterai cet amendement.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Catherine Loisier et M. Yves Pozzo di Borgo applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Benoît Huré, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Benoît Huré

Faisons preuve un instant d’humilité et d’humanité. Opposer à cet amendement des arguments de procédure et des arguties législatives, c’est vraiment être en décalage avec les réalités douloureuses telles qu’elles sont vécues.

Qu’on se départe de ces postures législatives, car c’est un texte d’humanité qu’il s’agit, un texte qui rassemble, qui nous touche tous.

Affirmer cela dans le cadre d’un texte de loi me paraît nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

M. André Trillard. Depuis quelque temps, on assiste à un décalage entre le monde rural et le monde urbain

M. Roland Courteau s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

, entre les régions. J’invite chacun ici présent à lire, s’il en a le temps, un ouvrage d’Emmanuel Vigneron, professeur à l’université de Montpellier, consacré aux inégalités de santé en fonction des territoires et paru voilà près de dix ans. Depuis lors, rien n’a changé et, pire que cela, tout s’aggrave. Et nous ne voudrions pas affirmer que nous avons conscience de ce problème ? Ce n’est pas possible !

MM. Dominique de Legge et Yves Pozzo di Borgo ainsi que Mmes Anne-Catherine Loisier et Françoise Gatel applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

Je me permets de prendre la parole après le président de la commission des affaires sociales tout simplement pour recadrer un peu les choses.

Nous sommes tenus, dans notre travail de rédaction des lois, quelles qu’elles soient, à faire preuve d’une certaine rigueur ; à défaut, le Conseil constitutionnel, la plupart du temps, les retoque. Dans le cas présent, c’est bien de cela qu’il s’agit.

Pour ce qui me concerne, j’ai été rapporteur ici même, voilà dix ans, de la loi Leonetti, qui, déjà, demandait que soient développés les soins palliatifs. Chaque fois, cette demande a été reformulée.

Je ne suis pas juriste, je suis simplement pharmacien et biologiste. Néanmoins, j’ai appris que certaines lois traitent de sujets et mettent en place des mesures dont le financement est par la suite assuré par les lois de finances et les lois de financement la sécurité sociale. Nous avons tenu à nous conformer à ce principe.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet de créer de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Nous avons pris soin, dans notre travail de réécriture du texte, de préciser qu’il était indispensable que des soins palliatifs soient assurés sur l’ensemble du territoire puisque, nous en convenons tous, tout le monde doit être traité de la même manière.

Je veux juste vous poser une simple question : dans vos territoires, disposez-vous d’autant d’appareils d’imagerie par résonance magnétique, l’IRM, que vous le souhaiteriez ? Sûrement pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

Monsieur Hyest, c’est exactement la même chose !

Un appareil IRM est aujourd’hui indispensable avec le développement des techniques ; tout le monde est prêt à en installer un chez soi, mais encore faut-il que son financement soit prévu par la loi de financement de la sécurité sociale. Or il n’est pas encore prévu d’en installer sur l’ensemble du territoire.

Il en va de même pour les soins palliatifs. En ce moment, nous examinons une proposition de loi visant à créer de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ; lorsque nous sera soumis le projet de loi de financement la sécurité sociale, nous réclamerons les moyens financiers nécessaires pour assurer le développement des soins palliatifs sur l’ensemble du territoire.

Maintenant, s’il s’agit simplement d’inscrire dans ce texte le souhait que les services de soins palliatifs soient présents sur l’ensemble du territoire – dans une collectivité, ce souhait aurait fait l’objet d’une motion qui aurait été votée à l’unanimité –, eh bien pourquoi pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

M. Gérard Dériot, corapporteur. Monsieur Hyest, vous qui êtes un spécialiste de la rédaction des lois, dites-moi si, dans cette affaire, j’ai tort ou raison ?... Vous ne me répondez pas.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

Je le répète, si l’objectif des auteurs de cet amendement est d’inscrire dans la loi le souhait de voir se développer les services de soins palliatifs sur l’ensemble du territoire, tout le monde est d’accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

Inscrivons-le dans la loi, même si cela ne sert à rien, chacun sera content et l’on pourra enfin discuter du fond de cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Nous abordons là une question extrêmement profonde et importante, à savoir la fin de vie.

Le premier problème est d’ordre philosophique et touche nos convictions profondes : lorsqu’il sera question de la sédation profonde, parlera-t-on d’euthanasie ou d’accompagnement de la fin de vie, qui doit s’imposer ? Voilà le fond du débat qui doit nous occuper aujourd’hui.

Mme Caroline Cayeux opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Si nous passons cette première étape, philosophique et idéologique, un deuxième débat nous occupera : comment seront formées les équipes qui accompagneront les médecins, le personnel paramédical et notamment les infirmiers ? L’accompagnement de la fin de vie est un travail d’équipe et il existe des réseaux PAD – présence à domicile – à cet effet.

Dans un troisième temps, il faudra harmoniser sur l’ensemble du territoire les conditions d’accès à cette fin de vie.

Cette dernière étape se réglera de préférence dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, la deuxième dans le projet de loi de santé, tandis que la première étape fait l’objet du présent texte.

Ce qui m’ennuie un peu, c’est que nous trébuchions dès le premier amendement, alors que le troisième point aurait dû être examiné en fin de discussion, avant même d’aborder le problème idéologique et philosophique que soulève la fin de vie. C’est ce débat qui fera la grandeur de notre assemblée.

Applaudissements sur de nombreuses travées de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Mme Marisol Touraine, ministre. À dire vrai, si l’on m’avait dit qu’il y aurait un débat aussi long sur cette question, je ne l’aurais pas cru.

Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

J’ai écouté attentivement les interventions des uns et des autres en discussion générale et plusieurs d’entre vous ont souhaité une plus grande efficacité législative, que la loi soit moins bavarde, plus précise.

Nous sommes là en présence d’un sujet qui n’a pas de contenu politique ; on n’a pas, d’un côté, ceux qui sont favorables à ce qu’il y ait des soins palliatifs partout et, de l’autre côté, ceux qui ne le seraient pas. La question – et je ne vais pas rouvrir le débat – est de savoir s’il faut l’inscrire dans la loi.

Quelqu’un parmi vous, de façon inutilement désagréable, a reproché au président de la commission des affaires sociales de recourir à des arguties. C’est inexact : la question porte sur les principes de l’égalité républicaine ; or la loi s’applique pour tous.

S’il suffisait d’inscrire dans la loi ce qui va de soi pour que les choses se réalisent, ce serait tellement simple ! J’ai annoncé tout à l’heure que je proposerai la semaine prochaine à un comité de pilotage un plan triennal de développement des soins palliatifs et des unités de soins palliatifs, dont un des axes majeurs sera la réduction des inégalités sur les territoires, et non pas simplement entre les territoires.

Le débat ne porte pas tant sur les différences entre les territoires que sur les différences au sein d’un même territoire selon l’endroit où l’on est malade. Ainsi donc, au sein d’un même territoire, les soins palliatifs ne sont pas suffisamment développés dans les maisons de retraite, …

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

… ils n’existent pas à domicile, cependant qu’ils sont plus présents dans les hôpitaux.

Par conséquent, le simple fait de faire référence à la question des territoires ne suffit pas.

Il s’agit non pas d’opposer ceux qui veulent qu’on puisse partout bénéficier de soins palliatifs aux autres, mais tout simplement d’apprécier ce qui doit être inscrit dans la loi et ce qui n’a pas besoin de l’être.

M. André Trillard s’exclame.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

On n’imagine pas écrire dans la loi que les soins palliatifs ne seront pas assurés sur tout le territoire.

Au-delà du débat juridique, qui vous paraît justifié, mais qui vous permet, au fond, de marquer une volonté politique, il semble que certains veuillent, par l’ajout de ces termes, prendre position contre l’évolution législative proposée, en opposant les soins palliatifs à une démarche d’accompagnement de la fin de vie. Cela me paraît préoccupant. Il s’agit là d’une vraie différence d’appréciation, d’une divergence de fond, comme l’a très clairement souligné M. le président Milon.

Cette proposition de loi ne marque pas notre volonté d’empêcher le développement des soins palliatifs. Bien au contraire, ceux-ci sont un des piliers du texte ! N’opposons donc pas les soins palliatifs à la sédation profonde et à l’accompagnement de la fin de vie.

Aussi, je maintiens mon avis défavorable sur cet amendement, pour des raisons juridiques.

M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Les amendements n° 103 et 113 ne sont pas soutenus.

Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 55 rectifié, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre et Leleux, Mme Imbert, M. Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard, Raison, Portelli et Savary, Mme di Folco, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mmes Deromedi et Troendlé, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest, Saugey et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet, Charon, Husson, Houel et Gournac, Mmes Debré et Lamure et MM. Kern, Cardoux, Gremillet et Guerriau, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à toute personne une fin de vie entourée et apaisée. »

La parole est à M. Dominique de Legge.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Mes chers collègues, je veux d'abord vous remercier pour la conclusion heureuse du débat ouvert par l’amendement n° 54 rectifié.

L’amendement n° 55 rectifié porte sur un sujet plus sensible. Son objet est de rappeler que la proposition de loi doit être abordée avec énormément d’humilité, comme beaucoup l’ont déjà dit.

Le texte consacre une obligation de moyens : les professionnels de santé doivent tout mettre en œuvre pour assurer une fin de vie accompagnée, entourée et apaisée. J’aimerais que nous puissions aller plus loin et consacrer une obligation de résultat.

Cependant, si, compte tenu de la discussion que nous venons d’avoir, la loi ne doit pas être bavarde, à un moment donné, elle doit permettre de sanctionner. Aussi, la consécration d’un droit à une fin de vie digne et apaisée m’incite à poser deux questions.

Premièrement, qui apprécie la dignité ou l’indignité de la fin de vie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Deuxièmement, qui prononce la sanction ? En effet, si le droit n’a pas été respecté, il ne suffit pas d’en faire le constat : il faut aussi sanctionner ceux et celles qui l’ont enfreint.

C’est la raison pour laquelle, au travers de cet amendement, nous proposons une formulation un peu différente du texte de la commission, qui ne change rien au fond ni au fait que nous souhaitons promouvoir une fin de vie entourée et apaisée.

L’amendement n° 56 rectifié, que je défends dès à présent, monsieur le président, est un amendement de repli. Sa rédaction reprend l’expression d’« une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance », qui figure actuellement dans le texte de la commission.

Par cet amendement, nous voulons rappeler que la question qui nous est posée est bien celle des moyens et que créer un droit qui ne serait pas assorti de sanctions n’aurait sans doute pas beaucoup d’effets.

Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, cela renvoie à la discussion que nous venons d’avoir. La loi ne peut pas être bavarde : elle doit être précise et tirer les conséquences de ses dispositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 56 rectifié, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre et Leleux, Mme Imbert, M. Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard, Raison, Portelli et Savary, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet, Charon, Husson, Houel et Gournac, Mmes Debré et Lamure et MM. Kern, Cardoux, Gremillet et Guerriau, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à toute personne une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance.

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 104 n'est pas soutenu.

L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Gilles et Vasselle, Mme Imbert, MM. D. Laurent, Grand, Dufaut, de Legge, Lefèvre et Saugey, Mmes Cayeux et Deroche, M. Husson, Mme Mélot et MM. Houel et Lemoyne, est ainsi libellé :

Alinéa 8, première phrase

Remplacer le mot :

digne

par le mot :

sereine

La parole est à M. Bruno Gilles.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Gilles

Madame la ministre, messieurs les rapporteurs, dans la lignée de ce qui vient d’être dit par notre collègue, nous sommes plusieurs à souhaiter remplacer le mot « digne » par le mot « sereine ».

En fait, l’expression de mort « digne » pour les uns pourrait faire penser que la mort peut être « indigne » pour les autres et renvoie donc à la vision que va laisser la personne en fin de vie.

Mais la mort d’un être souffrant serait-elle moins digne que celle d’un être dont les souffrances, les tourments sont apaisés dans cette phase ultime ?

C’est pourquoi on préférera l’expression « une fin de vie sereine ». Tel est le sens de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Les amendements n° 99 rectifié et 105 ne sont pas soutenus.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements n° 55 rectifié, 56 rectifié et 1 rectifié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Comme cela a été dit il y a quelques instants, la « dignité » est une notion ontologique, attachée à la qualification d’être humain.

Pour ce qui est de la « sérénité », l’expérience clinique montre qu’il est bien difficile, en cas de douleur ou d’angoisse, de mourir dans la sérénité. Toute l’architecture du texte vise d'ailleurs à permettre d’apaiser les souffrances physiques et les douleurs psychologiques, par des solutions que nous développerons tout à l'heure.

Concernant l’obligation de moyens qui s’impose aux professionnels de santé, elle n’est pas modifiée par la proposition de loi. La formulation du texte est cohérente avec ses objectifs.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Je ne vois pas en quoi la référence à la « dignité » présenterait en elle-même un risque de judiciarisation. On pourrait considérer que la référence à la « sérénité » comporte, elle aussi, une part d’appréciation et donc un risque de judiciarisation. L’enjeu n’est pas là.

La « dignité » renvoie également à la conception que chacun se fait de la manière dont doit se dérouler la fin de sa vie. De ce point de vue, la proposition de loi part de la personne malade, et pas seulement du regard extérieur que l’équipe médicale peut porter sur celle-ci. À cet égard, la « dignité », notion ontologique qui renvoie à une conception individuelle, est un terme important, qui doit figurer dans le texte.

Le Gouvernement est donc défavorable aux trois amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Avec l’article 1er, qui porte sur le droit des malades et le devoir des médecins, on touche véritablement au cœur du problème.

Lors de leur soutenance de thèse de doctorat, les médecins prêtent le serment d’Hippocrate. Par celui-ci, ils s’engagent en ces termes : « Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion ». Cela montre bien que les devoirs des médecins doivent pouvoir être maintenus par rapport aux droits des malades !

Tout le monde constate qu’il y a un certain nombre d’inégalités sur les territoires et que les personnes très âgées entrent désormais dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, ce qui n’est pas sans poser problème.

Dans mon département, les personnes entrant en EHPAD sont, en moyenne, âgées de 86 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

La durée moyenne de séjour y est de 3, 4 ans. Elle peut être légèrement inférieure ou supérieure dans d’autres départements.

On sait que les personnes sortent des EHPAD quand l’heure fatale est venue, mais qu’elles n’y passent malheureusement pas leurs tout derniers moments, puisque, pour différentes raisons – faute de soins palliatifs, faute de personnel ou de formation de celui-ci, peut-être, parfois, par habitude ou par peur –, elles sont alors transférées dans les services d’urgence des hôpitaux et finissent malheureusement leur vie à l’hôpital.

On voit bien qu’il s’agit d’une question de moyens et de formation.

C'est la raison pour laquelle les amendements n° 55 rectifié et 56 rectifié visent à préciser les droits et les devoirs que consacrent les dispositions de l’article 1er, et c’est pourquoi je les ai cosignés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux soutenir l’amendement n° 55 rectifié de M. de Legge.

Aux termes de l’article L. 1110–10 du code de la santé publique en vigueur, « les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. » Cette rédaction permet à un médecin généraliste d’assumer les conséquences de l’absence de soins palliatifs.

En revanche, si on demande à ce médecin d’appliquer le présent texte, qui consacre la possibilité d’une « sédation profonde et continue », il se heurtera sûrement à des difficultés. En effet, il devra vraisemblablement recourir à l’avis ou à l’aide d’un professionnel, puisque la sédation profonde et continue doit être adaptée et dosée de manière à n’entraîner ni trouble respiratoire ni, a fortiori, le décès de la personne qui en bénéficie, ce qui est assez difficile pour un médecin qui n’y est pas entraîné.

Je pense donc qu’il convient de privilégier la rédaction proposée par M. de Legge. Les professionnels de santé mettent en œuvre les moyens à leur disposition non pas pour respecter un droit, mais pour assurer à toute personne une fin de vie entourée et apaisée. Sinon, il faudrait que tous les départements, tous les CHR, même en milieu rural, soient équipés de services de soins palliatifs à même d’intervenir ou de conseiller le médecin qui pourra rencontrer des difficultés pour appliquer ce droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Madame la ministre, mes chers collègues, soyez assurés que j’ai bien lu les textes et bien écouté les professionnels de santé.

Aux termes des amendements de M. de Legge, « les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à toute personne » ou « une fin de vie entourée et apaisée », ou « une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance ».

D'abord, je veux rappeler que les professionnels de santé ont une obligation de moyens, et non de résultat. Heureusement, d'ailleurs ! J’espère qu’il ne viendra jamais à un parlementaire l’idée de consacrer une obligation de résultat pour les professionnels de santé… Sinon, nous risquons d’avoir des problèmes !

Mme la ministre sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Ensuite, pour mettre en œuvre « tous » les moyens à sa disposition, quand le patient est en fin de vie et continue de souffrir et quand il n'y a, au bout du compte, plus rien à faire, le professionnel devra recourir à la sédation profonde. Sinon, il risquera de se faire attaquer en justice. Je tenais à souligner ce point de manière très claire.

J’ajoute, monsieur le président, que la commission demande le vote par priorité de l’amendement n° 56 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable, étant précisé qu’il maintient son avis défavorable sur ces amendements.

Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La priorité est de droit.

La parole est à M. Michel Amiel, corapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

La notion de domicile a été abordée à deux reprises, notamment au travers du sujet des EHPAD.

Dans ses travaux, la commission a particulièrement insisté sur la nécessité que la prise en charge en matière de soins palliatifs dépasse le seul cadre des structures hospitalières. C’est là qu’intervient la formation des médecins, en particulier des médecins généralistes, prévue à l’alinéa 9 de l’article 1er.

Pour autant, comme l’a dit Daniel Chasseing, la sédation profonde ne pose pas que des problèmes de formation : elle suscite également des questionnements sur la façon dont les médecins pourront se procurer les substances adéquates.

À cet égard, l’intervention d'unités mobiles, dont on n’a peut-être pas suffisamment parlé, a au moins autant d’importance que la création de lits de soins palliatifs

M. Daniel Chasseing opine.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

En conséquence, les amendements n° 55 rectifié et 1 rectifié n’ont plus d’objet.

L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Gilles, Vasselle, Cardoux, Karoutchi, D. Laurent, Grand, Dufaut, de Legge, Lefèvre et Saugey, Mmes Cayeux et Debré, MM. Leleux, Chasseing et Mayet, Mmes Gruny, Deroche et Mélot et MM. Houel, Lemoyne et Revet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ces moyens consistent en particulier en des unités de soins palliatifs équitablement réparties sur le territoire national. Ces soins nécessitent le développement du nombre de lits dans les services hospitaliers et des unités mobiles destinées à œuvrer dans le cas d’hospitalisation à domicile ou dans les établissements visés aux 6° et 7° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles. »

La parole est à M. Bruno Gilles.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Gilles

Je vous prie de m’excuser de relancer presque immédiatement le débat sur les moyens et les territoires.

Toutefois, cela permet d’en débattre un peu, et de prévoir déjà le futur PLFSS ; j’ai bien compris.

Comme l’ont souligné les rapporteurs en commission, la grande misère des soins palliatifs est l’une des failles majeures de notre système de santé.

Il est urgent d’aller plus loin, car aujourd’hui on parle d’environ 20 000 lits nouveaux qui seraient nécessaires, et des unités mobiles dont on vient effectivement de parler.

Selon les derniers chiffres, ceux de 2008, environ 60 % des décès se produisent à l’hôpital, contre seulement 27 % à domicile et 11 % en maison de retraite. Pourtant, tous les sondages, et même toutes les questions posées, montrent bien que les Français souhaiteraient très majoritairement finir leur vie dans le lieu qui leur est le plus familier, c’est-à-dire leur domicile.

Afin que le développement des soins palliatifs soit mieux réparti sur le territoire national et que l’on prenne en charge l’évolution des unités mobiles, nous proposons cet amendement, qui tend à insérer un alinéa supplémentaire après l’alinéa 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Nous n’allons pas rouvrir le débat qui nous a longuement opposés voilà quelques instants. L’avis est défavorable.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Même avis.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 29, présenté par MM. Gorce, Godefroy et Labazée, Mme Emery-Dumas, MM. Madec et Poher, Mme Riocreux, M. Berson, Mmes Bonnefoy et Campion, MM. Cabanel, Vergoz, Delebarre et Desplan, Mmes Monier et D. Gillot, M. Frécon, Mme Durrieu et MM. Filleul et Courteau, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 8

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

...° Sont ajoutés cinq alinéas ainsi rédigés :

« Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne en phase avancée et non terminale d’une affection grave et incurable, qui exprime le souhait d’une mort médicalement assistée, il peut saisir une commission ad hoc afin d’obtenir un avis éthique médical et juridique sur la situation à laquelle il est confronté.

« Cette commission ad hoc est constituée à l’échelon régional. Elle est composée de médecins, de psychologues, de juristes praticiens et de représentants de la société civile. Les modalités de désignation des membres de la commission ad hoc sont définies par décret en Conseil d’État.

« L’avis rendu par la commission ad hoc doit permettre de caractériser la maladie dont souffre le patient, le caractère libre et réitéré de sa demande, l’absence de l’issue juridique à cette demande. Le rapport de la commission est inscrit dans le dossier médical à toutes fins utiles.

« Si la commission ad hoc considère qu'il n'existe en l'état du droit aucune solution satisfaisante pour répondre à la demande du malade fondée sur le caractère incurable de la maladie et la perspective prochaine de souffrances psychologiques ou physiques insupportables reconnus par la commission, le médecin qui l'a saisie peut apporter son assistance à mourir au malade.

« Dans ce cas, il en informe sans délai la commission dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Cet amendement, qui aurait pu être déposé à un autre endroit du texte, vise à faire le point sur l’état du droit des malades et ses évolutions possibles.

La loi de 1999 puis celle de 2002 ont posé le principe du droit des malades. Il s’agissait d’une avancée considérable. En 2005, la loi dite Leonetti a précisé que ce droit des malades s’appliquait y compris lorsque l’interruption du traitement que le malade peut demander pouvait entraîner la mort.

Ce texte a précisé non seulement les conditions et les cas très particuliers dans lesquels ce droit pouvait presque être opposable aux médecins – évidemment, si le malade n’était pas inconscient –, mais aussi, ce qui relativise beaucoup le débat sur la sédation profonde, que le médecin était alors appelé à prendre toutes les mesures nécessaires pour soulager le malade et assurer sa qualité de vie au moment de son agonie.

Cette loi a constitué un progrès. J’étais président de la commission spéciale, dont Jean Leonetti était le rapporteur. Nous l’avons votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale. Elle constituait, de mon point de vue, une étape. Pourquoi ? Parce que la question qui nous est posée n’est pas tant de savoir si les uns ou les autres ont raison d’un point de vue idéologique ou philosophique sur le fait de savoir si l’on a le droit ou non de disposer de sa vie. C’est une question qui intéresse chacun d’entre nous, mais qui ne relève pas, à mon sens, du législateur.

La question qui nous est posée est celle de savoir si nous pouvons accepter qu’une personne en fin de vie, qui souffre, soit laissée sans solution.

La loi Leonetti a essayé de répondre à cette question pour un très grand nombre de cas, à savoir ceux qui sont en fin de vie et qui dépendent d’un traitement. Elle ne l’a pas fait pour ceux qui n’entrent pas dans ce cadre. Il s’agit de personnes qui, sans dépendre d’un traitement, souffrent d’une manière atroce, insupportable. Il s’agit de malades auxquels ne peut être apportée aucune solution, ni juridique ni médicale.

Le professeur Sicard avait souligné, notamment en tant que président du Comité consultatif national d’éthique, la nécessité dans ce contexte, pour éviter tout débat idéologique, de réfléchir à une exception d’euthanasie. Autrement dit, il s’agissait d’offrir au malade, auquel l’équipe médicale la famille et les proches ne pouvaient apporter aucune solution, une alternative, une opportunité face à la souffrance.

Pour les auteurs de cet amendement, sans rien trancher du débat sur le droit à mourir ou sur le refus de ce droit, la souffrance est la seule solution qui soit insupportable. C'est la raison pour laquelle ils préconisent qu’une commission nationale ou régionale puisse constater la volonté du malade, ainsi que l’absence d’issue médicale favorable et de solution juridique.

Cela me rappelle le cas de Chantal Sébire, femme atteinte d’une maladie d’une extrême gravité qui n’a pas souhaité affronter les souffrances qui l’attendaient, tout du moins cette déchéance, cette perte de dignité, et qui n’a eu d’autre solution que le suicide. On imagine ce qu’ont pu être la solitude et la souffrance de cette personne.

Cet amendement tend donc à créer une situation exceptionnelle pour faire face à des demandes exceptionnelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

La sédation profonde et continue nous paraît apporter la meilleure solution au cas que vous avez évoqué. Au travers de cet amendement, nous sommes là clairement dans l’exception d’euthanasie, chose que la commission n’a pas souhaité retenir.

Je voudrais non pas ouvrir le débat, mais apporter une précision concernant la sédation profonde et continue versus euthanasie. Comme j’ai pu le développer en commission, deux concepts permettent de les distinguer : la notion de temporalité et la notion d’intentionnalité.

Concernant l’intentionnalité, en aucun cas – nous en parlerons peut-être dans quelques instants – la sédation profonde ne cherche à provoquer la mort ; elle cherche simplement à apaiser les douleurs et souffrances qui accompagnent les derniers instants de la vie.

S’agissant de la temporalité, elle est tout à fait différente en matière de sédation et d’exception d’euthanasie. Ce n’est pas du tout la même chose, ni sur un plan juridique ni sur un plan émotionnel : une sédation profonde et continue va durer quelques heures, voire quelques jours, au moyen d’une perfusion ; l’exception d’euthanasie va s’opérer par le biais d’un geste létal, telles une injection ou l’absorption d’une substance dans le cas d’un suicide assisté.

Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement qui ne s’inscrit pas du tout dans le cadre qu’il a retenu en soutien de cette proposition de loi.

Vous défendez cette position de manière constante, monsieur le sénateur. Vous la défendiez déjà voilà quelques années dans un autre hémicycle.

Cette proposition de loi a choisi une autre option, celle de la sédation continue et terminale pour les situations dans lesquelles il n’y a pas de solution satisfaisante avec les moyens dont on disposait jusqu’à présent.

Si l’on veut aller au-delà, on ouvre alors le débat – il le sera d’ailleurs à travers d’autres amendements – non pas d’un choix plus radical, mais d’une évolution plus forte. Il n’est plus ici question d’exception d’euthanasie, mais de choix entre euthanasie et suicide assisté, c’est-à-dire d’une aide active à mourir, proposée de manière plus volontaire.

La voie médiane que vous proposez, qui avait un sens extrêmement fort voilà quelques années, est aujourd’hui quelque peu vidée de son contenu par la sédation continue. Nonobstant le fait que l’exception d’euthanasie va à l’encontre des choix du Gouvernement, il me semble qu’elle n’a pas sa place dans le texte tel qu’il est désormais élaboré.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Évitons de mélanger tous les problèmes qui peuvent se poser.

Le cas de Chantal Sébire, mon cher collègue, n’entre pas du tout dans le cadre de cette proposition de loi. Il ne s’agissait pas d’une question de fin de vie, mais de malaise, de souffrance. Cela n’a rien à voir.

Par ailleurs, va-t-on discuter dès à présent, comme l’a fait M. le rapporteur, de la sédation profonde et continue ? Je remercie Mme la ministre de ne pas avoir, dans son intervention, employé l’adjectif « profonde » – c’est tout de même un bon point.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

On ne peut dire que cet amendement n’entre pas dans le cadre de la loi.

Le problème n’est pas d’entrer ou non dans le cadre de la loi, mais de savoir si l’on entre ou non dans le cadre des situations que vivent les familles, les malades, les équipes médicales.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Une loi qui s’arrête à la frontière des problèmes posés aux hôpitaux, aux familles et aux patients n’a pas beaucoup de sens et ne peut prétendre apporter de réponses. Je ne dis pas que c’est le cas de cette proposition de loi ; je dis simplement que la discussion doit pouvoir s’étendre à ces interrogations.

Madame la ministre, s’il est vrai que la sédation profonde et continue peut apporter une réponse aux situations nouvelles évoquées dans ce texte, il est toutefois précisé qu’il n’y est recouru que si le pronostic vital est engagé à court terme. On est donc là tout à fait à la fin d’une existence marquée par la maladie et qui va se terminer de la manière qu’on imagine.

La situation de Chantal Sébire était différente. Je crois qu’il faut s’appuyer sur des exemples précis, concrets. Je redoute les prises de position abstraites sur ce sujet. On peut même dire qu’elles m’effraient.

Chantal Sébire souffrait d’un cancer des sinus qui avait évolué de manière très grave, en partie parce qu’elle avait refusé certains traitements – peut-être avait-elle été mal conseillée.

Elle n’était pas hospitalisée, ne dépendait pas d’un traitement et son pronostic vital n’était pas engagé à court terme. Toutefois, elle savait qu’elle allait subir une dégradation de son état physique, et par conséquent de sa situation psychologique, d’une particulière gravité, qu’elle serait contrainte à l’hospitalisation, à la perte d’autonomie, à la prise en charge médicale d’une manière de plus en plus contraignante et étroite.

Elle a donc demandé au Président de la République de l’époque de trouver une solution pour la soulager. Il ne pouvait naturellement rien faire, faute d’une législation adaptée.

Elle s’est alors tournée vers son médecin, lequel n’avait pas non plus de solution légale à lui proposer. Accompagnée de sa famille, quelle solution a-t-elle dû mettre en œuvre ? Le suicide, en pleine nuit, seule, chez elle, dans des conditions terribles.

Personne ne peut encourager ou favoriser ce type de fin de vie. J’entends les uns et les autres dirent qu’il faut faire preuve d’humanité, de sérénité, d’attention… Or il s’agit d’une situation qui peut se reproduire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

On peut y répondre d’une façon beaucoup plus directe. Certains de mes collègues défendront l’idée qu’il faut reconnaître le droit de demander une injection létale, la personne ayant le droit de décider. Philosophiquement, je suis assez d’accord avec cette idée.

Toutefois, j’entends aussi les réticences qui peuvent exister dans notre société. Je vois aussi les risques que cela peut représenter dans le fonctionnement de nos hôpitaux, où, nous le savons, tout ne se passe dans des conditions telles qu’on pourrait le souhaiter. Lisez le rapport remis au Président de la République en 2012 par le professeur Sicard. Celui-ci montre qu’en dépit de la loi Leonetti toute une série d’équipes médicales en hôpitaux continuent de pratiquer des euthanasies sans le consentement des personnes, sans même en avoir informé les malades ou leur famille. Telle est la réalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Je veux bien que l’on emploie les adjectifs « digne » ou « sereine », je veux bien que l’on nous dise plein de choses, mais, encore une fois, telle est la réalité !

Notre devoir est de soulager ceux qui sont confrontés à ces situations. Dans le cas de Chantal Sébire, il n’y aurait pas eu d’autre solution que celle que je préconise, c’est-à-dire de lui permettre de se tourner vers une commission à même d’évaluer la situation médicale sans issue dans laquelle elle se trouvait – tout du moins la perte d’autonomie et les souffrances terribles qui l’attendaient –, ainsi que l’absence de solution juridique, faute d’entrer dans le cadre de la loi – pour reprendre la formule de mon collègue Barbier.

Que faire ? La laisser souffrir ? La condamner au suicide isolé, dans la nuit, comme elle l’a connu ? Puisqu’il est question de dignité, cette solution vous paraît-elle digne et acceptable ? Non, c’est insupportable !

Nous devons mettre de côté nos a priori juridiques, philosophiques, idéologiques pour considérer la situation des personnes telle qu’elle est réellement. C'est pourquoi je défends cet amendement et je continuerai à le défendre.

J’entends vos arguments, madame la ministre. Toutefois, je ne crois pas que cet amendement soit rendu obsolète par ce texte, précisément parce que celui-ci ne s’adresse qu’à des personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme.

Je pense que nous devons progresser par étapes. La situation qui me paraîtrait la plus satisfaisante serait celle où la personne en fin de vie, qui va mourir ou qui veut mourir, peut choisir la solution qui lui convient le mieux parmi toutes celles que peut offrir une société avancée comme la nôtre.

Elle peut vouloir des soins palliatifs pour prolonger sa vie dans des conditions décentes afin de connaître, par exemple, les résultats de son petit-fils au baccalauréat – très bien !

Au contraire, elle peut vouloir mettre fin à ses jours pour des raisons philosophiques ou pratiques par l’interruption du traitement, accompagnée d’une sédation profonde et continue pour éviter de souffrir. Toute la question est là : il s’agit de faire en sorte que la personne ne souffre pas, que l’agonie ne soit pas trop longue et insupportable. Là encore, si tel est le choix de la personne et que la société le lui permet, fort bien !

Si cette personne souhaite, par une injection létale, en finir plus tôt, cela ne me poserait pas de problème à terme, à supposer, bien évidemment, que la culture des hôpitaux ait évolué et que nous soyons prêts à assumer ce type de responsabilité. Je doute en effet que tel soit le cas aujourd'hui en observant la pratique médicale, le rapport à la mort et la façon dont nous abordons encore ces questions dans la réalité de nos établissements.

Progressons par étapes ! La loi Leonetti en a été une, la sédation profonde et continue en est une autre, complémentaire. Avant d’aller peut-être plus loin un jour, je propose que nous franchissions une étape nouvelle, qui nous fasse progresser dans ce débat.

MM. Jean-Jacques Filleul et Éric Jeansannetas ainsi que Mme Corinne Bouchoux applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Je serai très bref, monsieur le président.

Nous avons déposé d’autres amendements qui viendront bientôt en discussion. Pour autant, nous soutiendrons l’amendement défendu par notre collègue Gaëtan Gorce, qui a le mérite de bien poser le problème.

Nous allons discuter tout à l’heure de la sédation profonde, à l’ultime moment de la vie. Mais le cas absolument dramatique de Chantal Sébire, qui a fait la une des journaux, n’est pas isolé. Il existe en effet un grand nombre de cas identiques dont on ne parle pas. Face à de telles situations, nous sommes sans réponse. Or M. Gorce propose une réponse appropriée.

Pour ma part, je ne suis pas très favorable à l’expression « exception d’euthanasie », même si M. Sicard et le Conseil national de l’ordre des médecins l’ont utilisée voilà déjà une dizaine d’années, car elle peut se heurter à certains problèmes juridiques. Toutefois, je pense qu’il n’est pas possible de laisser sans solution les personnes confrontées aux situations que vient de décrire notre collègue.

Je le rappelle, on y reviendra tout à l’heure, certaines personnes savent très bien que leur fin de vie se fera dans une souffrance intense, qu’elles ne sont pas sûres de pouvoir supporter. Sachant qu’il n’existe pour elles aucune solution, elles préfèrent anticiper. N’attendons donc pas qu’elles soient à l’article de la mort ! Nous devons leur apporter une réponse, laquelle, pour le moment, n’existe pas.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 96 rectifié, présenté par Mme Garriaud-Maylam et MM. Grand et Guerriau, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

et en médecine de la douleur

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Si tout médecin doit pouvoir soulager la douleur aiguë, la prise en charge des douleurs chroniques nécessite des compétences spécifiques.

Aussi serait-il à nos yeux utile de créer un diplôme d’études spécialisées complémentaires – DESC – « douleur », qui offrirait une formation spécifique de qualité et permettrait une régulation de la filière et une meilleure adéquation de l’offre aux besoins.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Actuellement, la prise en charge de la douleur chronique et l’apprentissage de cette prise en charge s’effectuent dans le cadre des diplômes universitaires de soins palliatifs.

Par ailleurs, à l’article 1er du texte, nous rappelons la nécessité d’une formation en la matière pour les professions médicales et les psychologues cliniciens.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, non pas sur l’objectif visé, mais parce que l’article 1er, que nous examinons, comporte déjà un alinéa prévoyant la formation non seulement des médecins, mais aussi des professionnels de santé à la prise en charge de la douleur et aux soins palliatifs.

Je vous ai par ailleurs indiqué tout à l’heure que, dans le cadre du plan qui sera présenté, des dispositions seront prises pour ce qui concerne la formation de l’ensemble des professionnels de santé.

Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Grand, dans la mesure où il n’existe pas de désaccord sur le fond. Simplement, le Gouvernement estime qu’il est soit déjà satisfait, soit redondant par rapport à ce qui existe.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L’amendement n° 96 rectifié est retiré.

L'amendement n° 57 rectifié, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre et Leleux, Mme Imbert, M. Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet, Gilles et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard, Raison et Portelli, Mme di Folco, MM. Huré, Kennel et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mmes Deromedi et Troendlé, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest, Saugey et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet, Charon, Husson, Houel et Gournac, Mme Debré, M. Lemoyne, Mme Lamure et MM. Kern, Cardoux, Gremillet et Guerriau, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Dans le cadre de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement présente au Parlement un bilan de cette formation et un état des unités de soins palliatifs.

La parole est à M. Dominique de Legge.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Cet amendement se situe dans le prolongement de l’amendement n° 54 rectifié, qui a retenu notre attention en début de soirée en posant le principe d’un développement des soins palliatifs sur l’ensemble du territoire. Or vous avez fait valoir au cours de la discussion que le développement des soins palliatifs nécessitait des moyens.

Par conséquent, au travers de cet amendement, nous proposons que, à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement présente le bilan du développement des soins palliatifs. J’ai cru comprendre tout à l’heure que le président Milon n’était pas hostile à cette suggestion et qu’il voyait même une certaine cohérence entre l’amendement n° 54 rectifié et l’amendement n° 57 rectifié que je suis en train de présenter.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 58 rectifié, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre, Leleux et Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard, Raison et Portelli, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet et Charon, Mme Deroche, MM. Husson, Houel et Gournac, Mme Debré, M. Lemoyne, Mme Lamure et MM. Kern, Cardoux, Gremillet et Guerriau, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Tout établissement d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes est tenu de mettre en place un plan de formation spécifique de son personnel à l'accompagnement de la fin de vie.

La parole est à M. Dominique de Legge.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Nous avons tous insisté au cours du débat sur la nécessité de développer une « culture palliative ». Au travers de cet amendement, nous proposons donc que les établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes mettent en place un plan de formation spécifique de leur personnel à l’accompagnement à la fin de vie.

Je formulerai deux observations.

Premièrement, il s’agit bien d’une formation à l’accompagnement à la fin de vie visant l’ensemble des personnels, et non d’une formation aux soins palliatifs, qui concernerait plus particulièrement le personnel soignant.

Deuxièmement, ce plan de formation s’inscrivant dans le plan de formation auquel est tenu tout établissement accueillant des personnes âgées dépendantes, il ne prévoit donc pas une dépense supplémentaire. Il s’agit simplement de veiller à ce que ces plans prennent en compte la dimension de l’accompagnement à la fin de vie, toujours dans la logique du développement des soins palliatifs, de l’accompagnement à la fin de vie et, d’une façon plus générale, de la culture des soins palliatifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

M. Michel Amiel, corapporteur. La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 57 rectifié. J’entends avec plaisir que cela entre dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Dominique de Legge s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

En revanche, la commission est défavorable à l’amendement n° 58 rectifié, qui paraît redondant. En effet, nous avons déjà précisé l’importance des formations des praticiens, des professions paramédicales, qu’ils exercent à l’hôpital, en EHPAD ou à domicile.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote sur l'amendement n° 57 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Je souhaite simplement apporter certaines précisions, à la suite d’un malentendu intervenu tout à l’heure.

Monsieur le rapporteur, madame la ministre, je n’ai certainement pas voulu dire que les auteurs de la proposition de loi auraient comme intention que la sédation profonde devienne une alternative aux soins palliatifs. Je souhaitais simplement souligner le fait que, si on n’adopte pas une attitude très volontariste, sur tout le territoire, pour développer la culture palliative, on court en effet un tel risque. D’où mon soutien particulier au développement massif de la culture palliative et de la formation en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

J’entends mieux ce que dit maintenant M. Jean-Pierre Leleux. Au demeurant, je ne reviendrai pas sur les propos intervenus tout à l’heure.

En effet, il faut à tout prix développer les soins palliatifs, nous sommes tous d’accord sur ce point. À cet égard, je vous rappelle que vous avez adopté tout à l’heure, mes chers collègues, un amendement prévoyant la création de 20 000 lits en soins palliatifs.

Puisque c’est voté, il faudra que les gouvernements qui suivront mettent cette disposition en place. Toutefois, je vous mets au défi de créer, dans les trois, quatre ou cinq ans qui viennent, ces 20 000 lits !

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote sur l'amendement n° 58 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

J’ai bien entendu votre réponse, monsieur le rapporteur, dont je vous remercie. S’agissant des plans de formation, je pourrais vous rejoindre, mais à un détail près qui a tout de même son importance.

Dans le texte actuel, il est question d’une formation initiale et continue s’intégrant au plan de formation des médecins, des pharmaciens, des infirmiers, des aides-soignants, des aides à domicile et des psychologues cliniciens. Elle ne concerne pas l’ensemble des personnels des EHPAD.

Or il me semble dangereux d’instaurer une telle dichotomie entre les personnels appartenant aux équipes soignantes, qui recevraient une formation aux soins palliatifs, et les personnels ayant vocation non pas à donner des soins, mais à être présents auprès des personnes âgées, y compris en fin de vie.

Il me semble donc qu’il y a là une petite incompréhension. J’aurais en effet souhaité que l’ensemble des personnels bénéficient de ce plan de formation à l’accompagnement à la fin de vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Je vais m’efforcer de lever cette incompréhension. Aujourd'hui, en matière de soins palliatifs, il existe un diplôme universitaire et un diplôme interuniversitaire de niveau II. Que les équipes qui travaillent dans les endroits dédiés aux soins palliatifs – je pense aux unités de soins palliatifs et aux EHPAD – aient une sensibilité à ces questions, cela me semble tout à fait normal. En revanche, la formation, c’est autre chose : elle doit déboucher sur des questions d’ordre technique et décisionnaire.

Or, si des personnes appartenant à une unité de soins palliatifs en tant que personnels administratifs ou techniques peuvent être sensibilités à ces questions, il ne leur est pas possible d’intervenir dans les décisions qui sont prises. C’est la raison pour laquelle la formation doit être réservée, selon moi, aux personnels dédiés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

À titre personnel, je soutiendrai l’amendement de notre collègue Dominique de Legge. Il me semble en effet que, dans les EHPAD, dont certains résidents sont en fin de vie, il est nécessaire que l’ensemble du personnel soit formé. Il n’est pas suffisant de former aux soins palliatifs le personnel médical, qui a suivi des études universitaires. Car c’est tout un processus d’accompagner les personnes ! Cela concerne également l’aide-soignante et la personne qui fait la toilette.

Ayant présidé un hôpital auquel était rattaché un EHPAD, j’ai souvent constaté que les jeunes gens affectés à l’EHPAD, qui se retrouvaient dans des positions un peu compliquées, rencontraient des difficultés. Ils ne savaient pas comment s’y prendre dans ces situations, qui demandent une formation, de l’expérience et des contacts particuliers. Ainsi, une formation spécifique, qui ne soit pas obligatoirement médicale, pour les personnes amenées à accompagner des personnes âgées en fin de vie me semble une bonne chose.

Plus on formera les personnels, quel que soit leur niveau, à l’accompagnement, mieux ces établissements se porteront.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je reviens sur les termes « ensemble du personnel », M. le rapporteur ayant fait preuve de délicatesse dans sa réponse.

On peut imaginer qu’une équipe médicale, à la rigueur de l’aide-soignante jusqu’au médecin, puisse participer à des soins palliatifs. Mais M. le rapporteur a évoqué les personnels techniques : il s’agit, notamment, des cuisiniers et des femmes de ménage. Doivent-ils être formés aux soins palliatifs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

À un moment donné, il faut tout de même avoir certaines compétences pour exercer ce genre d’activités.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je voudrais revenir sur les propos de Mme la ministre, qui me semblent assez exacts. Elle rappelait en effet que, sur un territoire, il peut y avoir d’énormes différences en termes de traitement et d’offre de soins palliatifs entre les maisons de retraite, les EHPAD, les hôpitaux et le domicile.

À cet égard, permettez-moi de vous faire part d’une expérience que j’ai menée en tant que président d’un conseil général. Découvrant l’étude publiée en 2013 par l’Observatoire national de la fin de vie, j’avais été absolument effaré par les chiffres donnés.

J’ai alors commandé une étude précise, qui donne la moyenne, EHPAD par EHPAD, des résidents qui décédaient dans leur établissement plutôt qu’à l’hôpital. J’ai été stupéfait de voir que cette moyenne variait de 6 % à plus de 60 %.

J’ai donc demandé que l’on recherche les critères objectifs pouvant expliquer cet écart énorme. Cela dépendait-il de la localisation – à la mer ou dans le bocage, à la campagne ou dans la ville –, du statut – public ou non –, du taux de dépendance, lourd ou non ?

Même si la présence d’infirmiers de nuit peut jouer, je n’ai finalement trouvé qu’un critère explicatif, celui de la culture d’établissement et de la formation.

Avec Marie de Hennezel, nous avons donc mis en place un plan de formation spécifique destiné aux médecins coordonnateurs, aux infirmiers, bref – sur ce point, je rejoins la remarque formulée par M. le président de la commission – au personnel qui encadre les résidents. Je vous assure, mes chers collègues, que tout n’est pas qu’une question de moyens financiers. La culture, l’environnement, l’ambiance, la pratique, cela compte aussi.

Mieux nous formerons le personnel, mieux nous l’accompagnerons, mieux cela ira. Je le dis d’expérience ; je ne vous livre pas là un point de vue idéologique. Nous devrions donc accorder un peu de crédit à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Mme Corinne Bouchoux. Les membres du groupe écologiste vont soutenir cet amendement, pour des raisons qui ne sont pas très éloignées de celles qui ont été mobilisées à l’instant par Bruno Retailleau, et qui ont trait à l’expertise d’usage. Peut-être existe-t-il un tropisme dans l’ouest de la France

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Nous tenons en tout cas à ce que tout le monde soit formé. Peut-être avons-nous des expériences très différentes les uns les autres, mais je tiens à dire que, dans certaines régions, la pénurie de personnes formées explique que des bénévoles, évoluant au sein d’associations, suivent des formations pour accompagner les personnes en fin de vie.

Il nous semble donc extrêmement important que le gardien, l’aide-soignant, le cuisinier des établissements dont nous discutons puissent être sensibilisés de manière systématique à cette culture.

Dès lors, il est fondamental, pour nous aussi, que la notion de soins palliatifs soit partagée par tous. Cela n’enlève rien aux divergences de vue que nous aurons peut-être lors de nos prochains échanges.

Nous soutiendrons donc cet amendement, qui va dans le bon sens.

M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Je voudrais réagir aux propos de M. Retailleau sur les EHPAD. On peut faire tout ce que l’on veut en matière de formation, former les médecins et les infirmiers coordonnateurs des EHPAD, par exemple ; mais il se peut très bien que ces derniers ne soient pas présents quand les choses tournent mal. Tout le problème est là.

Pour prendre un exemple caricatural, une détresse respiratoire, une insuffisance cardiaque à un stade terminal peut très bien requérir leur présence à la veille d’un week-end, vers vingt heures-vingt heures trente. Dans ce cas, une formation en soins palliatifs permettrait peut-être d’assumer la fin de vie sur place.

Dans la réalité, cela ne va pas se passer ainsi. Émotionnellement, les choses ne sont pas faciles à gérer, sans compter que le personnel présent peut avoir des arrière-pensées d’ordre juridique, motivées par des dispositions médicolégales. Dès lors, dans ces conditions, la personne âgée sera hospitalisée. Les textes ne prévoient pas, en effet, qu’un médecin ou un infirmier, formés ou non, soient présents et permettent le maintien du patient sur place.

Le problème n’est donc pas lié à la ruralité ou à la formation – l’expérience que j’en ai montre que c’est exactement la même chose dans un département qui n’a rien de rural – ; il est lié à la présence de personnels qualifiés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Une confusion est faite. L’alinéa 9 de l’article 1er prévoit que « la formation initiale et continue […] comporte un enseignement sur les soins palliatifs ». Le dispositif de l’amendement dont nous discutons tend quant à lui à introduire un « plan de formation spécifique […] à l’accompagnement de la fin de vie », ce qui est un autre problème.

On ne peut pas mélanger ces deux types de formation. Qu’une formation soit prodiguée aux personnels des EHPAD, d’accord. Mais il est totalement différent d’administrer des soins palliatifs.

Dès lors, pour une fois, monsieur de Legge, je ne soutiendrai pas l’amendement que vous présentez, qui tend à autoriser le personnel non seulement à accompagner la fin de la vie, mais encore à pratiquer des soins palliatifs, dont il faut réserver la mise en œuvre à certaines catégories d’acteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je partirai du même constat que Gilbert Barbier mais je n’arriverai pas tout à fait à la même conclusion. Je pense en effet que les deux formations qu’il a évoquées sont complémentaires.

L’article 1er mentionne « la formation initiale et continue » pour l’« enseignement sur les soins palliatifs », qu’il faut davantage, j’en suis tout à fait d’accord, diriger vers le personnel soignant.

Le dispositif de l’amendement traite, en revanche, de la « formation spécifique » à « l’accompagnement de la fin de vie », à laquelle, pour le coup, l’ensemble du personnel intervenant dans un EHPAD doit pouvoir accéder.

Nous l’avons vu lors de l’examen du premier amendement présenté par M. Dominique de Legge, plus les personnels formés à l’accompagnement de la fin de vie et aux soins palliatifs seront nombreux, plus cette culture pourra se diffuser sur tout le territoire et dans l’ensemble des établissements, des EHPAD, des hôpitaux, et même au domicile des personnes âgées.

Pour la deuxième fois ce soir, nous soutiendrons donc un amendement déposé par Dominique de Legge, dont le dispositif semble complémentaire avec les dispositions du présent texte. Nous voulons vraiment que cette culture des soins palliatifs et de l’accompagnement de la fin de vie se généralise.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Je suis intervenu en ce sens tout à l’heure : il est sûr que les EHPAD deviendront – certains le sont déjà – des hôpitaux de fin de vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Les soins palliatifs qui y sont prodigués s’inscrivent donc totalement dans cette logique. C’est leur vocation. On entre en EHPAD à 85 ans et, touché par la maladie, la vieillesse, on y achève sa vie.

Cette évolution est inéluctable. Mais former des personnels à l’accompagnement de fin de vie implique de former non seulement les médecins coordonnateurs, les infirmiers, mais également le personnel paramédical, qui peut relever du tarif dépendance, et tous ceux qui travaillent dans l’EHPAD, afin qu’ils acquièrent une culture palliative.

Tout cela coûte de l’argent. Or je rappelle que le reste à charge, pour les patients des EHPAD, est trop lourd. Il y a urgence à traiter cette question : les personnes, une fois qu’elles ont touché l’aide personnalisée au logement et mangé une partie de leur bien, ne peuvent plus payer. En Haute-Loire, département rural, la moyenne des retraites s’établit à 883 euros par mois, quand le tarif d’un EHPAD est de 1 800 euros par mois. Comment font les résidents dont les enfants touchent le SMIC ?

On ne peut pas imposer aux EHPAD la prise en charge d’un coût de formation supplémentaire, notamment pour le personnel non soignant.

J’adhère tout à fait à l’esprit du présent texte, qui correspond à la vocation des EHPAD, mais nous discutons actuellement de la mise en œuvre de dispositions alors que celle-ci doit relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et il reviendra alors à Mme la ministre de nous présenter le détail de l’application sur plusieurs années, eu égard aux contraintes budgétaires. Ce faisant, nous déplaçons le débat, car nous discutons des modalités de mise en œuvre d’une loi dont nous n’avons pas encore abordé le fondement essentiel, idéologique, ce que nous allons faire dans les heures qui viennent.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

L’objet de cet amendement mentionne la « culture palliative ». Pallier quoi ? La question est importante. Il faut pallier, me semble-t-il, l’absence de parole. Il faut donc des lieux de parole.

En tant que médecin, je peux vous dire que les personnes en fin de vie ont besoin de dire au revoir à leurs proches, à ceux qui les aiment. Il faut des lieux de parole pour entendre la douleur, la souffrance.

Je suis donc très heureux que l’on parle, dans cet hémicycle, de « culture palliative ».

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Je suis d’accord avec Mme David : la formation du personnel n’est pas nécessairement lourde ; elle peut avoir lieu en cours d’emploi.

Il est totalement différent de prodiguer des soins palliatifs en maison de retraite, qui incombent au médecin coordonnateur, au médecin généraliste ou à l’infirmier. Un amendement dont nous discuterons bientôt tend également à prévoir l’intervention d’une équipe de soins palliatifs pour la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue.

Je voudrais évoquer la question des résidents en EHPAD, dont certains peuvent avoir besoin d’une intervention urgente. Les pathologies étant très nombreuses, on est alors obligé de les hospitaliser. On ne peut pas tout faire dans un EHPAD ! Malheureusement, il peut donc arriver que certains résidents décèdent à l’hôpital.

Les résidents qui doivent rester en EHPAD et s’y voir prodiguer des soins palliatifs sont ceux dont le diagnostic fait état d’une maladie grave, pour laquelle un transfert à l’hôpital n’apportera rien de mieux. En cela, la loi Leonetti était bonne. Aller plus loin et autoriser les familles à demander la sédation profonde et continue est plus complexe : il faudrait absolument que des équipes de soins palliatifs mobiles se rendent dans les EHPAD pour ce faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Nous avons un peu de difficultés à nous entendre, mes chers collègues, car nous ne parlons pas tout à fait de la même chose.

Il faut avant toutes choses saluer ce qu’a permis la loi adoptée sur l’initiative de Paulette Guinchard-Kunstler : le maintien à domicile via l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA. Tout le monde s’accorde sur ce point, grâce à ce dispositif, nous avons gagné dix ans de maintien à domicile. En effet, en 1993, lorsque j’ai ouvert un EHPAD dans la commune dont je suis l’élu, l’entrée dans ces établissements se faisait plutôt vers 75 ans ; elle se fait désormais à 85 ans environ.

Quand les personnes âgées entrent en EHPAD, c’est parce qu’elles sont dans un état de dépendance qui ne leur permet plus de rester à domicile et qui requiert un accompagnement particulier. Malheureusement, il faut regarder la vérité en face, ces personnes ne quittent pas l’EHPAD pour retourner chez elles, sauf cas vraiment exceptionnel. L’EHPAD est donc l’endroit où l’on finit sa vie.

Dès lors, je partage tout à fait l’avis exprimé par Daniel Chasseing : il faut permettre aux résidents des EHPAD d’y terminer leur vie, et ne les conduire qu’exceptionnellement à l’hôpital, lorsqu’ils sont atteints d’une affection que l’on ne peut pas prendre en charge sur place.

Les EHPAD emploient des personnels de qualité, dont certains seulement ont déjà été formés aux soins palliatifs. Il faut donc renforcer les équipes en leur offrant une telle formation.

Il ne faut pas confondre les soins palliatifs et l’accompagnement de la fin de vie. Le personnel de service et le personnel aide-soignant n’ont pas nécessairement les compétences techniques qu’ont le médecin ou l’infirmier, mais ils jouent un rôle social d’accompagnement irremplaçable. Ils doivent donc recevoir une formation qui leur permette de jouer pleinement leur rôle et d’apporter à ces personnes âgées une présence affective et leur compréhension.

Les EHPAD de la Haute-Loire, cher Gérard Roche, comme le mien dans le Puy-de-Dôme, ont certainement une enveloppe réservée à la formation. C’est sur cette enveloppe qu’il faut prélever les crédits nécessaires pour former à l’accompagnement en fin de vie l’ensemble du personnel, y compris le personnel de service.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit au sujet de la formation. En tout état de cause, la formation initiale ou continue ne peut être dispensée qu’à des personnels qui bénéficient déjà d’une certaine spécialisation dans les métiers de la santé. Elle ne peut être accordée à tous les types de personnels. On pourrait à la rigueur admettre que les autres personnels, dans le cadre des EHPAD, soient sensibilisés à la question, mais il serait quelque peu compliqué de leur dispenser une formation spécifique.

Par ailleurs, j’alerte l’ensemble de nos collègues sur un point. Nous venons d’aborder et de voter un ensemble d’amendements qui sont passés à travers les griffes de l’article 40 et de la commission des finances. Si d’aventure nous en faisions autant au moment de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, comment ferions-nous pour boucler le budget ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Effectivement, ne confondons pas formation et sensibilisation, qui ne relèvent pas de la même logique ni de la même approche et qui ne dépendent pas du même financement. La formation doit concerner le personnel médical ou paramédical, et la sensibilisation le reste du personnel intervenant dans les EHPAD.

J’ajoute que je ne suis pas certain que le sens du contact humain puisse s’apprendre par quelque formation que ce soit…

L'amendement est adopté.

L'article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 26 rectifié bis est présenté par Mme Duranton, M. Laufoaulu, Mme Deromedi, M. Kennel, Mmes Mélot et Deroche et MM. Chasseing, Husson, G. Bailly, Houel et Lemoyne.

L'amendement n° 107 est présenté par MM. Rachline et Ravier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tout établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes conclut une convention avec une unité mobile de soins palliatifs afin d’organiser les modalités de son intervention dans l’établissement.

La parole est à Mme Nicole Duranton, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Le développement des soins palliatifs en maisons de retraite constitue un réel défi et doit être encouragé.

Cet amendement vise à mettre en place des partenariats entre les EHPAD et les unités mobiles de soins palliatifs existantes. En se généralisant, ces partenariats auront pour vertu de favoriser le développement encore trop faible de ces unités mobiles de soins palliatifs, de coordonner leur action et de permettre leur déploiement sur le territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 107 n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 26 rectifié bis ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Bien évidemment, les EHPAD ont besoin des unités de soins palliatifs. Pour autant, cela doit-il figurer dans un texte de loi ? Je ne le pense pas, d’autant qu’une convention spécifique existe déjà. La commission a donc émis un avis défavorable, non sur le principe – puisque, je le répète, ces conventions spécifiques entre EHPAD et unités de soins palliatifs se pratiquent déjà –, mais sur un plan strictement juridique.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Le Gouvernement émet un avis défavorable, non sur le principe, mais parce que de telles conventions existent déjà. Je vous demande donc, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer cet amendement.

Le code de l’action sociale et des familles prévoit déjà une convention pluriannuelle entre l’EHPAD, l’Agence régionale de santé et le conseil départemental qui doit identifier les services au sein desquels sont dispensés les soins palliatifs. Il est prévu que cette convention définisse le nombre de référents en soins palliatifs qu’il convient de former, ainsi que le nombre de lits.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 26 rectifié bis est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 28 rectifié est présenté par Mme Duranton, M. Laufoaulu, Mmes Deromedi et Morhet-Richaud et MM. Husson, G. Bailly, Houel et Lemoyne.

L'amendement n° 110 est présenté par MM. Rachline et Ravier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport détaillant les modalités de la mise en place d’une filière universitaire de médecine palliative.

La parole est à Mme Nicole Duranton, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

En l’état actuel, l’offre en matière de formation universitaire concernant les soins palliatifs est hétérogène et insuffisante, comme le dénonce la Cour des comptes dans son rapport public annuel de 2015. C’est pourquoi la Cour propose la mise en place d’une filière dédiée aux soins palliatifs. Tel est le sens de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 110 n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 28 rectifié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission demande le retrait de cet amendement. La mise en place de réseaux de soins palliatifs départementaux tombe sous le sens.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 28 rectifié est retiré.

Les amendements n° 108 et 109 ainsi que les amendements identiques n° 93 et 106 ne sont pas soutenus.

Après le même article L. 1110-5, il est inséré un article L. 1110-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1110 -5 -1. – Les actes mentionnés à l’article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et à l’issue d’une procédure collégiale. Cette procédure collégiale réunit l’ensemble de l’équipe soignante et associe la personne de confiance ou, à défaut, les membres de la famille ou les proches qui le souhaitent. Ses modalités sont définies par voie réglementaire. »

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 90 rectifié, présenté par MM. Godefroy, Labazée et Bérit-Débat, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas et Génisson, M. Jeansannetas, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, MM. Frécon et Gorce, Mme D. Gillot, M. Kaltenbach, Mme D. Michel, MM. Madec, Courteau et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 1110-5, il est inséré un article L. 1110-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5-1. - Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent être ni mis en œuvre, ni poursuivis au titre du refus d'une obstination déraisonnable lorsqu'ils apparaissent inutiles ou disproportionnés. Dans ce cadre, lorsque les traitements n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, alors et sous réserve de la prise en compte de la volonté du patient, conformément à l'article L. 1111-12 et selon la procédure collégiale définie par l’article 37 du code de déontologie médicale, ils sont suspendus ou ne sont pas entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l'article L. 1110-10.

« La nutrition et l'hydratation artificielles constituent un traitement. »

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Il s’agit de rétablir le texte voté à l’Assemblée nationale. La commission des affaires sociales a en effet modifié cet article en réécrivant à sa façon le code de déontologie médicale et en supprimant la notion de traitement en ce qui concerne la nutrition et l’hydratation.

La rédaction actuelle de l’article 37 du code de déontologie médicale donne toute satisfaction : « Le médecin peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative. Il est tenu de le faire au vu des directives anticipées du patient présentées par l’un des détenteurs de celles-ci mentionnés à l’article R. 1111-19 ou à la demande de la personne de confiance, de la famille ou, à défaut, de l’un des proches. » Par ailleurs, il est prévu que « la décision de limitation ou d’arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient, après concertation avec l’équipe de soins ».

Cette rédaction me paraît plus adaptée que celle de la commission, qui prévoit d’étendre le nombre de personnes consultées. Cela risque, à mon sens, de créer plus de problèmes que d’en régler. Quant à l’hydratation et à la nutrition, il s’agit de reprendre une décision du Conseil d’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 111 n'est pas soutenu.

L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Gilles, Vasselle, Grand et Lefèvre, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mmes Gruny, Deroche et Mélot et MM. Houel, Lemoyne et Revet, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer le mot :

actes

par les mots :

soins curatifs

La parole est à M. Bruno Gilles.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Gilles

Le deuxième alinéa de cet article précise que « les actes mentionnés à l’article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable ».

Nous avons débattu de cet amendement en commission. Il s’agit ici de remplacer le mot « actes » par les mots « soins curatifs ». On me dit qu’« actes » est plus large que « soins curatifs », qui pourraient être trop restrictifs.

Je rappelle que, en l’absence de la précision contenue dans cet amendement, le risque est grand que des traitements tels que la nutrition et l’hydratation artificielles soient inclus dans les actes qui « n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie » et soient de ce fait supprimés.

Outre les souffrances supplémentaires que provoquerait leur arrêt, il est clair que des soins tels que la nutrition et l’hydratation artificielles maintiennent le patient en vie. Les supprimer signifie donc le faire mourir.

Enfin, la rédaction proposée peut être grave de conséquences, car des patients qui ne sont pas en fin de vie pourraient cesser d’être nourris et/ou hydratés, et donc décéder. Or il y a des personnes très lourdement handicapées dont la vie est jugée comme une obstination à vouloir vivre.

Tel est l’objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 112 n'est pas soutenu.

L'amendement n° 72 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collombat et Esnol, Mme Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 2, deuxième phrase

Remplacer le mot :

inutiles

par le mot :

inefficaces

La parole est à M. Gilbert Barbier.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Dire qu’un traitement est inutile revient en quelque sorte à mettre en doute l’équipe médicale qui le propose. En général, les médecins évitent de prescrire des traitements inutiles. En revanche, des médicaments peuvent cesser d’être efficaces dans le cadre d’un certain nombre de maladies. Voilà pourquoi l’utilisation du terme « inefficaces » me paraît plus adaptée.

Ce problème de vocabulaire peut sembler sans grande importance, mais les personnels soignants pourraient trouver difficile de s’entendre dire qu’ils administrent un traitement inutile.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 12, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 2, deuxième phrase

Après le mot :

et

insérer les mots :

, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté,

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Un patient a toujours le droit de refuser un traitement, mais la rédaction actuelle de l’article 2 soumet dans tous les cas cette décision, lorsqu’elle est fondée sur le refus d’un acharnement thérapeutique, à une procédure collégiale où d’autres s’exprimeront pour ce qu’ils jugent conforme à l’intérêt du patient.

Si bien entendu une telle procédure se justifie lorsque le patient est inconscient ou hors d’état de manifester sa volonté, tel n’est pas le cas lorsque ce patient est conscient et en mesure de faire un choix éclairé. Dans cette dernière circonstance, le médecin doit se conformer au refus exprimé par son patient, sans bien sûr avoir à déférer la volonté de celui-ci au collège médical. C’est la raison pour laquelle l’amendement de la commission des lois prévoit de limiter la procédure collégiale aux seuls cas où le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 48 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Barbier et Commeinhes, Mme Lamure, MM. Vogel, César, de Legge et Chaize et Mme Imbert, est ainsi libellé :

Alinéa 2, troisième phrase

Supprimer les mots :

ou, à défaut

La parole est à M. Daniel Chasseing.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

La procédure collégiale doit non seulement réunir l'équipe de soins, la personne de confiance, mais également les membres de la famille et les proches qui le souhaitent.

La rédaction actuelle laisse entendre qu'est associée à l'équipe de soins la personne de confiance, mais pas forcément les membres de la famille et les proches. Or il est indispensable que les membres de la famille qui le souhaitent puissent participer à cette procédure.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 69 rectifié, présenté par MM. de Legge, Morisset, Mandelli, de Nicolaÿ, D. Laurent, B. Fournier, Pierre, Leleux, Chaize et de Raincourt, Mme Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, M. Trillard, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré, Kennel et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest et Mouiller, Mmes Mélot et Gruny, M. Mayet, Mme Canayer, M. Charon, Mme Deroche et MM. Cardoux et Guerriau, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« La nutrition, l’hydratation artificielles et l’assistance respiratoire ne constituent pas un traitement. »

La parole est à M. Dominique de Legge.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

L’Assemblée nationale a posé le principe que la nutrition, l’hydratation et l’assistance respiratoire constituent un traitement pouvant être assimilé à une sorte d’acharnement thérapeutique, en écho à la jurisprudence du Conseil d’État.

La commission des affaires sociales a souhaité supprimer cette précision. J’aimerais cependant ouvrir le débat, tout particulièrement au sujet de la nutrition, de l’hydratation et de l’assistance respiratoire. Ces soins participent-ils de l’acharnement thérapeutique ? Certes, cela peut y participer dans une certaine mesure, mais si l’on fait le choix de cesser tout traitement thérapeutique, cela signifie-t-il pour autant que l’on doit s’interdire le recours à l’hydratation et à la respiration artificielles ? Devons-nous prendre le risque de faire mourir le patient déshydraté ou étouffé ?

Le débat, ici, est nettement plus « clivant » qu’à l’article 1er, mais il me semble difficile de considérer l’assistance respiratoire et l’hydratation d’une personne en fin de vie comme de l’acharnement thérapeutique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 101 rectifié, présenté par MM. de Legge, Retailleau, Morisset, Reichardt, Mandelli, de Nicolaÿ, D. Laurent, B. Fournier, Pierre, Leleux et Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, M. Trillard, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré, Kennel et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart et Mouiller, Mme Mélot, MM. Mayet et Charon, Mme Deroche, MM. Houel et Gournac, Mme Debré, M. Lemoyne, Mme Lamure et MM. Cardoux, Gremillet et Guerriau, et ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« La nutrition et l'hydratation artificielles ne constituent pas un traitement. »

La parole est à M. Dominique de Legge.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Cet amendement de repli participe de la même logique, sauf qu’il ne fait pas état de l’assistance respiratoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

En ce qui concerne l'amendement n° 90 rectifié, la commission a préféré inclure dans la loi les dispositions d’ordre réglementaire figurant à l’article 37 du code de déontologie médicale.

Il est précisé, au dernier alinéa, que « la nutrition et l’hydratation artificielles constituent un traitement. » Nous avons considéré que la confirmation de cette phrase par l’arrêt du Conseil d’État suffisait. Les discussions ont d'ailleurs montré que l’hydratation, et non la nutrition, posait effectivement des problèmes en fin de vie, ne serait-ce que par le maintien d’une voie veineuse. Nous reviendrons sur ce dernier point à propos des amendements n° 69 rectifié et 101 rectifié. La commission a par conséquent émis un avis défavorable sur cet amendement.

Pour ce qui est de l’amendement n° 3 rectifié bis, les termes « soins curatifs » sont assez restrictifs, même si l’on comprend l’objectif recherché. Outre les soins curatifs, il faut également prendre en compte les actes, en particulier lorsque ceux-ci deviennent invasifs. Si l’on ne mentionne que les soins curatifs ou palliatifs, on omet les actes de prévention ou d’investigation, qui peuvent constituer un acharnement thérapeutique ou une obstination déraisonnable. L’avis de la commission est donc défavorable.

La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 72 rectifié, qui vise à remplacer le mot « inutiles » par le mot « inefficaces ». À titre personnel, cependant, je préfère qualifier les actes d’inutiles, pour marquer le coût de certaines pratiques dans ces périodes de traitement et de fin de vie.

La commission est tout à fait favorable à l’amendement n° 12 de la commission des lois ayant pour objet de spécifier « si ce dernier est hors d’état d’exprimer sa volonté ». Cette précision nous paraît être de nature à bien clarifier les choses.

L’amendement n° 48 rectifié, défendu par M. Chasseing, concerne la possibilité pour la famille de participer à la procédure collégiale conjointement avec la personne de confiance. Nous considérons bien sûr que les directives anticipées priment, nous y reviendrons ultérieurement, ensuite la personne de confiance. Si la famille ne doit pas être écartée de l’accompagnement en fin de vie, c’est l’avis de la personne de confiance qui doit l’emporter. Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable.

Pour ce qui est des amendements n° 69 rectifié et 101 rectifié, il convient de souligner qu’il s’agit bien de nutrition et d’hydratation « artificielles ». La nutrition artificielle se traduit par une alimentation parentérale, c'est-à-dire par voie veineuse, ou entérale, autrement dit par sonde de gastrostomie. La situation est analogue pour l’hydratation et l’assistance respiratoire.

Pour les personnes souffrant d’une maladie de Charcot, par exemple, l’alimentation par sonde de gastrostomie et l’assistance respiratoire constituent bien un traitement. Nous sommes donc bien dans un cas où les patients peuvent demander l’arrêt du traitement et, par voie de conséquence, bénéficier de la sédation profonde et continue.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 90 rectifié. La rédaction résultant des débats à l’Assemblée nationale nous paraît mieux correspondre à l’objectif recherché que celle de votre commission, qui étend de manière excessive la procédure collégiale. Il est des situations dans lesquelles cette procédure n’est pas utile.

Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 3 rectifié bis. La rédaction proposée par les auteurs de cet amendement constitue une restriction par rapport à la formulation initiale, en restreignant le nombre d’actes médicaux qui peuvent être considérés comme étant constitutifs d’une obstination déraisonnable.

Le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 72 rectifié, dans la mesure où l’obstination déraisonnable repose aujourd’hui sur trois critères, aux termes de la définition retenue par l’arrêt du Conseil d’État. Une obstination déraisonnable renvoie à des traitements disproportionnés, inutiles ou qui n’ont pour seule fin que le maintien artificiel de la vie. Cette définition a été analysée et validée par le Conseil d’État dans l’affaire Lambert. Il ne paraît pas souhaitable de revenir sur cette définition, qui a été posée dans un cadre juridique précis et clair.

L’amendement n° 12 tend à limiter le recours à la procédure collégiale aux seules situations où les patients sont hors état d’exprimer leur volonté. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement, qui lui semble renvoyer à la même logique de primauté de la volonté du patient en état de s’exprimer que la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale et reprise par l’amendement n° 90 rectifié.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 48 rectifié. Au fond, il s’agit d’introduire une hiérarchisation des modalités de recherche de la volonté du patient. Votre amendement, monsieur Chasseing, vise à élargir le cercle des personnes consultées dans le cadre de la procédure collégiale, à ne pas exclure la famille lorsqu’une personne de confiance a été désignée. Dès lors qu’une personne de confiance a été désignée, il ne nous semble pas bienvenu de contester cette démarche émanant du patient lui-même.

L’avis du Gouvernement est défavorable sur l’amendement n° 69 rectifié ayant pour objet de préciser que la nutrition, l’hydratation artificielles et l’assistance respiratoire ne constituent pas un traitement. L’arrêt du Conseil d’État, validé sur ce point par la Cour européenne des droits de l’homme, affirme bien que tel est le cas.

Enfin, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 101 rectifié, qui est de même nature que l’amendement précédent.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 90 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Je voudrais vraiment appeler l’attention de nos collègues sur l’article 37 du code de déontologie médicale, dans la mesure où la rédaction adoptée par la commission en change considérablement le sens.

Le texte de la commission prévoit que « cette procédure collégiale réunit l’ensemble de l’équipe soignante et associe la personne de confiance ou, à défaut, les membres de la famille ou les proches qui le souhaitent ». Il y va tout à fait différemment dans le code de déontologie médicale, dans lequel est spécifié que « le médecin peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative ». Il est très important de maintenir cette possibilité. Le code de déontologie poursuit : « Il est tenu de le faire au vu des directives anticipées du patient présentées par l’un des détenteurs de celles-ci […] ou à la demande de la personne de confiance ». Or, dans la rédaction de la commission, la personne de confiance est simplement associée et perd le droit de solliciter la procédure collégiale. La procédure collégiale « associe la personne de confiance ou, à défaut, les membres de la famille ou les proches », indique le texte de la commission, alors que le code de déontologie médicale prévoit la mise en œuvre d’une telle procédure « à la demande de la personne de confiance, de la famille ou, à défaut, de l’un des proches ».

Le fait de réécrire le code de déontologie médicale constitue selon moi une erreur de nature à créer beaucoup d’ambiguïté. En outre, la rédaction retenue par la commission élargit le spectre des personnes réunies à l’ensemble de l’équipe soignante, qui est simplement consultée dans le cadre du code de déontologie médicale, alors qu’elle participe à l’initiative dans la proposition de loi. Il me paraît bien plus sage de nous en tenir à la rédaction actuelle du code de déontologie médicale.

Pour ce qui est de la nutrition et de l’hydratation, n’étant pas médecin et ne maîtrisant pas bien le sujet, je me réfère aux débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale. Ma référence, en la matière, est M. Jean Leonetti, dont je vous cite les propos : « Le débat sur l’hydratation et la nutrition, en 2005, a abouti à un consensus pour reconnaître qu’il s’agissait d’un traitement. » Le Conseil d’État a validé cette option. Il poursuit : « Une hydratation et une nutrition artificielles représentent une intervention sur le corps de l’autre. Cet acte consiste à ouvrir l’estomac pour y poser une sonde gastrique, c’est mettre une perfusion dans une veine. Selon la loi du 4 mars 2002, cela nécessite l’accord du patient. Il ne s’agit donc pas d’un soin simple mais d’une thérapeutique. La preuve en est que, passé un certain temps, on est conduit à remplacer la sonde gastrique par un tube placé dans l’estomac, c’est une gastrostomie, un geste chirurgical. Sauf à considérer que l’intervention chirurgicale n’est pas un traitement, il y a un problème. »

Nous ne pouvons pas trouver de meilleure explication sur la nécessité de maintenir l’hydratation et la nutrition comme traitement que ces propos tenus par M. Leonetti.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Lors de son intervention cet après-midi, le président Milon a indiqué que certains d’entre nous se demandaient si le texte n’autorisait pas une forme d’euthanasie. Si je reprends les différents points sur lesquels nous avons travaillé ce soir, à savoir si une personne n’est plus alimentée, hydratée, si on lui retire son assistance respiratoire, si de surcroît des soins palliatifs lui sont appliqués avec, le cas échéant, une sédation profonde et continue, cela la mène obligatoirement à la mort ; il ne peut pas en être autrement ! Dès lors que l’on accepte ces différents dispositifs, on admet une forme d’euthanasie. Une personne qui n’est pas alimentée, qui est endormie par la sédation va obligatoirement mourir, même si des soins palliatifs atténuent la douleur.

J’entends bien que le Conseil d’État a rendu un arrêt. Pour ma part, je voterai les amendements n° 69 rectifié et 101 rectifié. Je ne vois pas en quoi le fait de nourrir et d’hydrater une personne s’apparente à l’administration d’un médicament. Je pense effectivement que la proposition de loi, si elle était adoptée en l’état, autoriserait une forme d’euthanasie.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit, et il nous reste 109 amendements à examiner sur ce texte avant demain soir. Je vous propose donc de prolonger cette séance jusqu’à une heure.

Il n’y a pas d’observation ?...

Il en est ainsi décidé.

La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale est intitulé « proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ». J’ai entendu M. Gorce évoquer le cas de Chantal Sébire, qui n’était pas en fin de vie ; Mme le ministre vient de citer le cas de Vincent Lambert, qui n’est pas non plus en fin de vie. Il faut, me semble-t-il, rester dans le cadre de la proposition de loi.

L’autre point que je souhaite aborder est celui de la nutrition et de l’hydratation. On ne peut pas mettre sur le même pied la nutrition, qu’elle soit parentérale ou gastrique – mon cher collègue, la gastrostomie n’est plus très employée, on préfère poser une sonde gastrique –, et l’hydratation, qui est une mesure de confort. Nous avons discuté longuement de cette question en commission. Selon moi, la pose d’une perfusion de sérum physiologique à un patient peut être considérée comme un soin qui peut être dissocié de la nutrition et de la ventilation artificielles.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Lorsque les rapporteurs nous ont proposé en commission de modifier cet article, mon groupe s’y est opposé. La rédaction proposée par l’amendement n° 90 rectifié correspond véritablement à ce que le législateur, en tout cas les députés et une partie d’entre nous ici, souhaite en matière de droit des personnes en fin de vie. Néanmoins, je ne suis pas favorable à l’alinéa qui prévoit que « la nutrition et l’hydratation artificielles constituent un traitement ». Je suis d’accord avec M. Revet, l’arrêt de tout traitement – car c’est bien de cela qu’il s’agit ! – conduira inévitablement à la mort. J’estime qu’il est assez hypocrite, et même quelque peu barbare, de faire cette sédation profonde et continue qui doit entraîner la mort sans aller jusqu’au bout de la démarche, car on laissera finalement mourir le patient de soif, en tout cas de déshydratation.

Ma position, que vous ne partagerez pas forcément, mes chers collègues, est qu’il faut faire cette sédation profonde et continue qui conduira à la mort, mais la faire en toute connaissance de cause, avec le patient, la famille et l’équipe médicale. On sait comment les choses finiront, et on doit accompagner le patient avec une hydratation, mais en intervenant de manière suffisamment forte et rapide pour que le patient ne décède pas dans des conditions de souffrance.

Pour ma part, je serais assez favorable à l’amendement de notre collègue Jean-Pierre Godefroy, mais en maintenant l’hydratation du patient jusqu’au bout de la sédation profonde. Je ne sais pas si notre collègue acceptera de rectifier son amendement, mais je souhaiterais qu’on ôte le mot « hydratation » du dernier alinéa, pour ne laisser que la phrase « la nutrition artificielle constitue un traitement ». Ainsi, on pourrait arrêter la nutrition artificielle du patient tout en maintenant son hydratation, laquelle se fait, me semble-t-il – mais je ne suis pas médecin –, par perfusion intraveineuse, c'est-à-dire dans des conditions différentes de la nutrition.

Je ne fais pas partie des médecins de la commission des affaires sociales, mais j’estime que l’hydratation doit continuer jusqu’à la fin. Je le redis, il serait hypocrite, et même barbare, de laisser mourir des patients dans de telles conditions. Même si nous n’en sommes pas certains, on peut se douter que ces malades souffrent. La première chose que demande un patient qui se réveille après une anesthésie, c’est de boire, parce qu’il a soif. On peut donc bien imaginer que l’hydratation est nécessaire au patient, même en fin de vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Madame David, bien qu’ayant la lourde tare d’être médecin, je suis tout à fait d’accord avec votre argumentation.

L’hydratation est un sujet particulier. Contrairement à la nutrition, elle ne nécessite pas – loin s’en faut ! – de geste médical excessivement sophistiqué.

Malgré les recherches récentes menées sur la conscience, nous ne savons pas quel est le ressenti de l’être humain soumis à une sédation très profonde. En tout état de cause, être déshydraté est une situation parfaitement indigne que nous n’avons pas le droit de faire supporter à un être humain.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Une sédation très profonde aboutira à l’arrêt de la vie ; continuer à hydrater le patient n’en changera pas l’issue. Il est évident que la suppression de la nutrition et de l’hydratation sans sédation serait excessivement barbare et ferait mourir le patient dans des conditions horribles.

En revanche, je le répète, assurer une sédation très profonde et progressive tout en maintenant l’hydratation n’empêchera pas le malade de mourir. Pour respecter la dignité de la personne humaine, il faut absolument maintenir l’hydratation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Nous avons choisi de modifier l’article 2, car la rédaction issue de l’Assemblée nationale contenait une ambiguïté. En effet, cet article semblait prévoir un arrêt obligatoire des traitements jugés inutiles ou disproportionnés, sans que la volonté du patient soit recherchée ni qu’une procédure collégiale soit mise en œuvre.

Par ailleurs, l’alimentation et l’hydratation sont considérées comme des traitements. Si un patient demande, dans des circonstances très particulières, l’arrêt des traitements – nutrition et hydratation artificielles, respiration artificielle –, ce n’est pas de l’euthanasie. On considère, à un moment donné, que les souffrances sont insupportables et qu’il est en droit de demander l’arrêt de ces trois fonctions pour éviter toute obstination déraisonnable. Par voie de conséquence, il peut aussi demander la mise en place d’une sédation profonde et continue. Mourir par asphyxie est absolument inconcevable.

Pour ce qui concerne l’hydratation, nous avons longuement évoqué cette question en commission. Madame David, l’hydratation se fait soit par voie veineuse, soit, lorsque ce n’est pas possible, par voie sous-cutanée. On peut considérer que c’est une mesure de confort pour les derniers moments de la vie. Nous y reviendrons ultérieurement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je rappelle que c’est la loi Leonetti, qui a été votée à l’unanimité, qui prévoit l’arrêt de tout traitement. Cette décision doit être prise par le juge. Le Conseil d’État, saisi par des médecins et des familles, a considéré que la nutrition et l’hydratation faisaient partie des traitements.

Si je rejoins le rapporteur et mes collègues médecins sur la question de l’hydratation, indiquer que l’hydratation, la nutrition artificielles et l’assistance respiratoire ne constituent pas des traitements – pour moi, l’assistance respiratoire en est un –, comme le prévoit l’amendement présenté par notre ami de Legge, reviendrait à mettre à bas la loi Leonetti.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Comme l’a dit le président Milon, l’association de la respiration artificielle, de l’hydratation et de la nutrition me paraît aller au-delà de ce qu’on peut appeler le soin et donc relever du traitement – notamment la ventilation, qui suppose un outillage extrêmement lourd. Dans ces conditions, il me semblerait préférable que l’amendement n° 69 rectifié soit retiré et que l'amendement n° 101 rectifié, que j’ai cosigné, soit corrigé pour prévoir que l’hydratation est un soin, en tout cas qu’elle ne constitue pas un traitement.

Mes chers collègues, je tiens à faire trois remarques.

Comme certains d’entre vous, j’étais sénateur en 2005. À l’époque, certains avaient évoqué ces sujets – le compte rendu de nos débats peut l’attester –, mais la question n’avait pas été définitivement tranchée. On ne peut donc pas dire que la nutrition et l’hydratation étaient considérées comme des traitements dans la loi Leonetti.

Certes, le Conseil d’État a rendu un arrêt, mais nous ne sommes pas encore dans le gouvernement des juges. La méthode prétorienne est une chose, mais c’est à nous qu’il revient de voter la loi. Ce n’est pas au Conseil d’État d’établir des prescriptions législatives. N’inversons pas les rôles !

Enfin, j’ai écouté le docteur Génisson et Annie David, qui n’est pas médecin. Pour moi qui ne le suis pas non plus, il me semble que ce qui sépare le soin du traitement, c’est le fait que le soin vise des besoins fondamentaux de l’homme, alors que le traitement a une finalité thérapeutique. C’est la raison pour laquelle si on ne dissocie pas les deux, si on n’indique pas que l’hydratation relève du soin et non du traitement, alors le texte prendra une bien mauvaise tournure et s’orientera vers l’euthanasie.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Je voudrais compléter sur un point les propos de M. Retailleau.

Intuitivement – car je ne suis pas médecin –, l’hydratation et la nutrition me semblent répondre à des besoins naturels, contrairement aux traitements. On serait coupable de ne pas satisfaire ces besoins du malade, fut-il en fin de vie, même si je comprends bien qu’il s’agit d’une nutrition et d’une hydratation artificielles, puisque le patient n’est pas capable de déglutir.

Le Conseil d’État a considéré que l’hydratation et la nutrition étaient des traitements et que, par voie de conséquence, elles pouvaient être arrêtées pour éviter tout acharnement thérapeutique. Pendant le débat sur la loi de 2005, la question n’avait pas été tranchée, mais il me semble que Jean Leonetti estimait plutôt qu’il s’agissait de traitements. Pour moi, je le redis, l’hydratation et la nutrition permettent de répondre à des besoins naturels qu’on serait coupable de ne pas satisfaire, y compris pour des patients en fin de vie.

Dans le débat très douloureux sur la situation de M. Vincent Lambert, qui est, depuis six ans, dans la situation que nous connaissons tous, la décision de la CEDH est venue confirmer l’orientation des médecins, qui est d’arrêter l’hydratation et la nutrition de ce patient. Dans ce cas, il mourra dans les cinq à six jours suivants. Si ce n’est pas l’achever, dites-moi ce que c’est !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Georges Labazée, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Monsieur le président, à la suite de la suggestion de Mme David, nous rectifions l’amendement n° 90 rectifié en modifiant la dernière phrase pour distinguer le dispositif de l’hydratation de celui de la nutrition. La rédaction est désormais la suivante : « La nutrition artificielle constitue un traitement. »

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Je suis donc saisi d’un amendement n° 90 rectifié bis, présenté par MM. Godefroy, Labazée et Bérit-Débat, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas et Génisson, M. Jeansannetas, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, MM. Frécon et Gorce, Mme D. Gillot, M. Kaltenbach, Mme D. Michel, MM. Madec, Courteau et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 1110-5, il est inséré un article L. 1110-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5-1. - Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent être ni mis en œuvre, ni poursuivis au titre du refus d'une obstination déraisonnable lorsqu'ils apparaissent inutiles ou disproportionnés. Dans ce cadre, lorsque les traitements n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, alors et sous réserve de la prise en compte de la volonté du patient, conformément à l'article L. 1111-12 et selon la procédure collégiale définie par l’article 37 du code de déontologie médicale, ils sont suspendus ou ne sont pas entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l'article L. 1110-10.

« La nutrition artificielle constitue un traitement. »

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote sur cet amendement ainsi rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Je rappelle que l’article L. 1110-10 du code de la santé publique dispose que « les soins palliatifs […] visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage ». Je considère à cet égard que l’arrêt de l’hydratation ne sauvegarde pas la dignité du patient. En effet, ce n’est pas l’hydratation qui changera quoi que ce soit, puisqu’il ne s’agit pas d’un traitement. Il faut donc absolument maintenir l’hydratation des patients en fin de vie.

La sédation profonde et continue doit être proposée quand le pronostic vital est engagé à très court terme – de l’ordre de quelques heures ou de quelques jours. Or, j’y insiste, ce n’est pas l’hydratation qui prolongera la vie du patient, alors que, au contraire, les souffrances qu’occasionnera la déshydratation, bien que difficiles à évaluer, plaident pour son maintien.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Par ailleurs, je retire l’amendement n° 48 rectifié même s’il me paraîtrait normal que les familles soient associées à la procédure collégiale statuant sur le sort du patient.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L’amendement n° 48 rectifié est retiré.

La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote sur l’amendement n° 90 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Je suis tout à fait d’accord avec ce qui a été dit par Mmes David et Génisson, par M. Retailleau et par tous les autres intervenants ; il semble donc se dégager un consensus.

L’amendement n° 90 rectifié bis me convient parfaitement. Il faut absolument dissocier l’arrêt de l’hydratation de celui de l’alimentation et de l’assistance respiratoire. Certes, comme cela a été dit précédemment, le Conseil d’État a eu à se prononcer sur l’excellente loi Leonetti, mais, pour ma part, ce n’est pas le Conseil d'État qui m’intéresse, ce sont les personnes qui sont en train de mourir dans leur lit ; j’ai en effet été médecin pendant quarante ans. C’est en fonction de cette réalité que nous devons légiférer.

En ce qui me concerne, je suis favorable au maintien de l’hydratation des patients en fin de vie pour plusieurs raisons.

Premièrement, comme l’ont dit M. Chasseing et d’autres, ce n’est pas l’hydratation, qui sera d’ailleurs le vecteur du sédatif, qui changera grand-chose. La vie sera peut-être prolongée d’une heure ou deux mais pas plus ; il s’agit bien là de soins palliatifs.

Deuxièmement, Mme Génisson l’a très bien dit, on ne sait pas quelle est la sensation de soif d’une personne dans le coma. Des recherches sont actuellement menées qui démontrent l’existence vraisemblable d’un manque de confort au cours des dernières heures de la vie en cas de déshydratation. Cet état est donc ressenti comme une souffrance, même en cas de sédation. Par conséquent, tant que persiste un doute à ce sujet, on n’a pas le droit d’arrêter l’hydratation.

Troisièmement, il convient de tenir compte de l’entourage familial. Quelqu’un qui se déshydrate subit une déchéance physique très douloureuse à vivre pour l’entourage. Il faut éviter que les proches gardent cette image avant le grand départ.

Enfin, quatrièmement, considérons le symbole : dès lors que l’on cesse l’hydratation, M. Retailleau l’a très bien exprimé, on passe du soin palliatif et de la sédation profonde à l’euthanasie. Je crois donc que l’hydratation constitue un barrage : si on continue d’hydrater, on peut affirmer qu’il s’agit toujours de soins palliatifs et non d’euthanasie.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Compte tenu des échanges qui viennent d’avoir lieu, je vous propose la rédaction suivante pour l’amendement n° 101 rectifié : « L'hydratation artificielle constitue un soin qui peut être maintenu jusqu'en fin de vie ».

Pourquoi « qui peut être maintenu jusqu’en fin de vie » et non « qui est maintenu jusqu’en fin de vie » ? Tout simplement parce que, dans les tout derniers moments de la vie, il existe ce qu’on appelle le râle agonique. Dans ce cas, le maintien de l’hydratation jusqu’au « bout du bout » aggraverait ce râle ; il est d’ailleurs bien connu que, pour cette raison, les unités de soins palliatifs arrêtent cet acte au dernier moment. On utilise même des produits, comme la scopolamine, pour « assécher », si vous me passez l’expression.

Enfin, comme ce sujet revient souvent dans notre débat, je veux rappeler que Vincent Lambert n’est pas en fin de vie. Son cas n’entre donc pas dans le cadre de la proposition de loi que nous sommes en train d’examiner.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Mes chers collègues, toutes ces rectifications en séance étant malaisées, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue le mercredi 17 juin 2015, à zéro heure vingt, est reprise à zéro heure vingt-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La séance est reprise.

La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Comme un certain nombre de mes collègues, je ne suis pas un éminent médecin, et la science peut donc m’échapper.

Cela étant dit, j’ai été frappée ce matin en commission des affaires sociales par la tenue d’un vrai débat entre médecins destiné à déterminer si l’absence d’hydratation engendre ou non des souffrances. En l’absence d’une conclusion qui aurait fait l’unanimité au sein des sénateurs médecins, je pense pour ma part qu’il faut considérer l’hydratation non comme un traitement mais comme un soin, tandis qu’au contraire la nutrition semble relever d’une autre qualification.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

J’entends qu’un consensus est en train de se dégager au sein de cet hémicycle. Je n’entrerai pas dans un débat de fond. Je rappellerai simplement que, de l’avis de tous les médecins qui ont été consultés lors de la réflexion qui a été engagée en vue de l’élaboration du texte, aucune raison médicale ne justifie d’établir une différence entre l’hydratation, qui serait renvoyée du côté du confort, et d’autres supports artificiels extérieurs, qui, eux, constitueraient des traitements.

Il est inhumain, je n’hésite pas à employer ce mot, d’arrêter l’hydratation sans mesures d’accompagnement et de confort, mais ce n’est pas plus inhumain que d’arrêter la ventilation artificielle ou la dialyse. L’hydratation est un traitement, au même titre que l’alimentation, la ventilation artificielle ou la dialyse. J’entends que l’hydratation suscite une charge émotionnelle plus forte, mais le maintien de l’hydratation sans autre traitement peut aboutir à une surhydratation artificielle qui pose d’autres types de difficultés.

Le Gouvernement ne souhaite pas établir de différence entre l’hydratation et les autres traitements extérieurs qui représentent un support artificiel à la vie. J’émets donc un avis défavorable sur tous les amendements qui tendent à introduire cette différence, y compris sur l’amendement n° 90 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Avec l’amendement n° 90 rectifié bis, nous pensions pouvoir obtenir un consensus. Pour ce faire, nous avions maintenu la première partie concernant le code de déontologie médicale, qui avait reçu un avis favorable du Gouvernement, et nous avions modifié la seconde partie après le débat à l’issue duquel semblait se dégager un accord au sujet de l’hydratation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Or, si j’en crois l’accueil qui est réservé à notre proposition, le consensus ne sera pas atteint. Nous devrions pourtant essayer de trouver des points d’accord.

Je m’interroge sur les raisons qui ont incité la commission des affaires sociales à modifier la rédaction du code de déontologie médicale.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Ce n’est pas la commission, c’est le rapporteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Outre que ce n’est ni le lieu ni le moment, je ne comprends pas l’objectif visé.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote sur l’amendement n° 69 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Je retire cet amendement, et je rectifie l’amendement n° 101 rectifié pour écrire « l’hydratation artificielle constitue un soin qui peut être maintenu jusqu’en fin de vie ». Les mots « qui peut être maintenu » indiquent qu’il ne s’agit pas d’une obligation, sinon cela pourrait créer un contentieux.

Comme l’ont dit Mmes David et Génisson, il s’agit de permettre, en dépit de l’arrêt de tous les autres traitements, que le patient puisse être hydraté, sans que cela contrevienne à la jurisprudence du Conseil d’État ou remette en cause la position au fond de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L’amendement n° 69 rectifié est retiré.

Je suis par ailleurs saisi d’un amendement n° 101 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Retailleau, Morisset, Reichardt, Mandelli, de Nicolaÿ, D. Laurent, B. Fournier, Pierre, Leleux et Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, M. Trillard, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré, Kennel et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart et Mouiller, Mme Mélot, MM. Mayet et Charon, Mme Deroche, MM. Houel et Gournac, Mme Debré, M. Lemoyne, Mme Lamure et MM. Cardoux, Gremillet et Guerriau, et ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« L'hydratation artificielle constitue un soin qui peut être maintenu jusqu'en fin de vie. »

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Cet amendement n’est pas si neutre… Nous ne sommes pas naïfs : il s’agit de revenir au texte de la commission, qui modifie le code de déontologie médicale.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Cette démarche est totalement différente de celle de notre amendement, qui tendait, lui, à revenir au texte initial de l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, comme je ne suis pas médecin, j’aimerais bien savoir à cette heure tardive ce que provoque réellement l’arrêt de l’hydratation sur le patient. Mme la ministre nous déclare que c’est un traitement comme un autre. Or, d’après les propos des différents intervenants professionnels, il s’agirait plus d’un soin de confort dont l’objectif n’est en aucun cas de prolonger la vie ni de l’arrêter.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Il n’est nullement question de modifier le code de déontologie médicale.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Il s’agit seulement de préciser la notion de collégialité.

En outre, l’arrêt des traitements n’est pas automatique, contrairement à ce que pouvait laisser penser la première rédaction.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Ce n’est pas aussi simple, monsieur le rapporteur. En commission, vous aviez proposé un premier jet dans lequel vous mainteniez le fait que l’hydratation et la nutrition constituaient un traitement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Vous aviez inséré cette formulation dans le corps du texte, qui a intégré le code de déontologie médicale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Il y avait un seul paragraphe au sein duquel l’hydratation et la nutrition étaient intégrées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

En réalité, vous avez changé d’avis en commission. Dans ces conditions et sous le bénéfice des explications de nos collègues, nous pourrions être tentés de voter l’amendement n° 101 rectifié bis. À titre personnel, je m’abstiendrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Sur ce dernier point peut-être ai-je manqué de clarté. Néanmoins, l’hydratation et la nutrition artificielles ne figurent pas dans le code de déontologie médicale. Je le répète, nous évoquons le code de déontologie médicale seulement en ce qui concerne la collégialité, aspect qui relève du domaine réglementaire. Dans le texte de la commission, la notion de collégialité est beaucoup plus détaillée.

L'amendement est adopté.

L'article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Godefroy, Labazée et Courteau, Mme Riocreux, MM. Chiron et Frécon, Mme Lepage, MM. Raoul et Lorgeoux, Mmes Tasca et Campion, M. Filleul, Mme Bataille, MM. Vaugrenard, Yung, Leconte, Néri, Daudigny, Rome, Berson et Kaltenbach, Mme Tocqueville, M. Durain, Mme Durrieu, MM. S. Larcher et Poher, Mmes Meunier, Schillinger et D. Gillot, MM. Bigot, Madec, Reiner, Cazeau, M. Bourquin, Sutour et Duran et Mmes Bricq, Monier, Emery-Dumas, Blondin, Lienemann et Conway-Mouret, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 1110-5-1, il est inséré un article L. 1110-5-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1110 -5 -1 -… – Toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable, qui s'est vue proposer l'ensemble des soins palliatifs auxquels elle a droit, peut demander à bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d'une assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré, une mort rapide et sans douleur. Cet acte peut être accompli par la personne elle-même ou par le médecin qu'elle a choisi. Le médecin doit avoir la conviction que la demande de la personne est totalement libre, éclairée, réfléchie et qu'il n'existe aucune solution acceptable par elle-même dans sa situation. » ;

2° Après l’article L. 1111-12 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1111-12-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1111 -12 -.. . – Toute personne, en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, qui se trouve de manière définitive dans l'incapacité d'exprimer une demande libre et éclairée, peut bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir à la condition que celle-ci figure expressément et de façon univoque dans ses directives anticipées. »

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Cet amendement tend à instaurer, pour les personnes majeures en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable leur infligeant une souffrance qui ne peut être apaisée et qu’elles jugent insupportable, un droit à bénéficier d’une véritable aide active pour mourir. Cette aide permet, par un acte délibéré, une mort rapide et sans douleur. L’amendement ouvre également ce droit aux personnes qui se trouvent hors d’état d’exprimer leur volonté, à condition qu’elles aient expressément mentionné cette volonté de façon univoque dans leurs directives anticipées.

J’y insiste, si ce dispositif doit être très strictement encadré, il s’agit bien évidemment d’un droit, d’une liberté, d’une faculté, et en aucun cas d’une obligation. Le médecin doit avoir la conviction que la demande de la personne est totalement libre, éclairée, réfléchie et qu’il n’existe aucune autre solution acceptable par elle-même dans sa situation. Bien entendu, les médecins auront toujours la faculté d’exercer leur clause de conscience.

Mes chers collègues, cet amendement ne constitue en fait que la répétition, à quelques mots près, de ce que moi-même et bien d’autres avions proposé il y a plusieurs années au Sénat. Il est quasiment identique à une proposition de loi qu’avait déposée le groupe socialiste de l’Assemblée nationale en 2009, dont le premier signataire était le président du groupe de l’époque. Sur quatorze membres de l’actuel gouvernement, alors députés, dix d’entre eux avaient formellement cosigné cette proposition de loi. Vous me pardonnerez cette remarque, mais j’aimerais ne pas en déduire que nous serions moins convaincus en 2015 que nous ne l’étions en 2009.

Cet amendement est également identique à celui qui avait été déposé en 2011 par des membres du groupe socialiste, du groupe communiste républicain et citoyen et de l’UMP. Nous étions parvenus à rédiger un texte commun, qui avait été adopté par la commission des affaires sociales avant d’être rejeté en séance. Dois-je en déduire que la commission des affaires sociales de 2011 était plus progressiste en ce domaine qu’elle ne l’est aujourd’hui ?

Dans sa lettre posthume, mon amie Nicole Boucheton nous alerte. Se rendre en Suisse, dit-elle, demande beaucoup d’argent : la prise en charge elle-même, le voyage, l’hébergement sur place lorsque l’on vient de loin. Encore faut-il être capable physiquement de se déplacer. Elle révèle aussi une inégalité sociale insupportable que l’on a connue à propos d’autres problèmes de société : certains ont la possibilité de se rendre à l’étranger pour pouvoir bénéficier d’une aide active à mourir, tandis que d’autres n’en ont pas les moyens. Nicole Boucheton conclut sa lettre posthume en évoquant l’engagement 21 du candidat François Hollande : « J’aurais aimé en profiter et ne pas avoir à m’exiler en Suisse ».

Nous avons déposé cet amendement, car de multiples cas sont en attente dans notre pays. Certaines personnes, lorsqu’elles apprennent l’issue inéluctable de leur maladie, qui s’accompagnera en fin de parcours d’atroces souffrances et aboutira certainement à la sédation terminale dans les tout derniers jours, préféreraient pouvoir tout arrêter lorsqu’elles sont encore conscientes, dire au revoir à leur famille les yeux ouverts et partir en leur présence. Tel est l’objet de cet amendement.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Annie David applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 33 rectifié ter est présenté par M. Cadic, Mme Jouanno et MM. Canevet, Cantegrit, Fouché, Guerriau, Longeot, Médevielle et Namy.

L'amendement n° 98 rectifié bis est présenté par Mme Garriaud-Maylam.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 2

Après l’article L. 1110-5-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1110-5-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1110 -5 -1-… – Toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale, même en l’absence de diagnostic de décès à brève échéance, atteinte d’au moins une affection accidentelle ou pathologique avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique constante et inapaisable ou qu’elle juge insupportable, peut demander à bénéficier d’une aide active à mourir. »

La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° 33 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Je présenterai en même temps l’amendement n° 34 rectifié bis.

« Mon corps m’appartient », chacun d’entre vous se souvient de cette phrase. En écho à cet appel, voilà quarante ans, fut votée la loi Veil, qui a marqué notre pays et ma famille politique.

Ma mort m’appartient est le titre du livre de Jean-Luc Romero, président de l’association pour le droit de mourir dans la dignité. En écho, des sénatrices et des sénateurs de toutes tendances réunies – j’en ai compté soixante-dix-neuf – ont déposé ou cosigné des amendements pour élargir le champ des possibilités offertes aux patients en fin de vie et légaliser une aide active à mourir.

En 2015, on meurt toujours mal en France. Notre législation se limite au « laisser mourir », alors que, d’après un sondage datant d’octobre 2014, 96 % des personnes interrogées approuvent le recours aux médecins pour mettre fin sans souffrance à la vie des personnes atteintes de maladies insupportables et incurables, si elles le demandent.

Un rapport publié par The Economist classe la France, parmi les trente-trois pays de l’OCDE étudiés, au douzième rang des États dans lesquels on meurt le mieux, notamment derrière les pays qui, les premiers, ont légalisé l’euthanasie : les Pays-Bas et la Belgique.

Par ailleurs, selon l’étude « Mort à l’hôpital », ou MAHO, publiée en 2008, les soignants estiment que seuls 35 % des décès enregistrés en milieu hospitalier se déroulent dans des conditions acceptables.

En réponse au souhait lucide et responsable de nos concitoyens, il convient de modifier la loi actuelle et d’autoriser, par le droit français, dans un cadre rigoureux et humain, une aide active à mourir, dans le cas de pathologies avérées à tendances invalidantes telles que définies dans le code de la santé publique. Chacun doit se voir ainsi reconnaître le droit d’aborder sa fin de vie dans le respect des principes de liberté, d’égalité et de fraternité qui fondent notre République.

Les amendements que nous défendons au Sénat ne visent pas à retrancher quoi que ce soit au dispositif voté par l’Assemblée nationale. Ils tendent simplement à ouvrir, à des malades, le droit de mourir dans la dignité, sous assistance médicale. Dès lors, les Français bénéficieront pleinement de leur ultime liberté, dont disposent déjà les Néerlandais, les Belges, les Luxembourgeois et les Suisses dans leur propre pays. Ainsi, cette possibilité ne sera pas réservée à nos seuls compatriotes qui ont les moyens de s’expatrier pour en bénéficier.

Les dispositions du présent amendement constituent une proposition respectueuse de l’humanisme et de la liberté individuelle, lorsqu’elle est exprimée de manière éclairée et réfléchie.

Mes chers collègues, je souhaite que, ce soir, nous ne soyons pas seulement soixante-dix-neuf à nous exprimer en faveur de ces dispositions : j’espère que la majorité du Sénat fera progresser, en la matière, la législation de notre pays.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L’amendement n° 98 rectifié bis n’est pas soutenu.

L'amendement n° 34 rectifié bis, présenté par M. Cadic, Mmes Garriaud-Maylam et Jouanno et MM. Canevet, Cantegrit, Fouché, Guerriau, Longeot, Maurey et Médevielle, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 1111-10 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1111-10-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1111 -10-… – Lorsqu’une personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale, même en l’absence de diagnostic de décès à brève échéance, atteinte d’au moins une affection accidentelle ou pathologique avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique constante et inapaisable ou qu’elle juge insupportable, demande à son médecin le bénéfice d’une aide active à mourir, celui-ci doit s’assurer de la réalité de la situation dans laquelle se trouve la personne concernée. Après examen du patient, étude de son dossier et, s’il y a lieu, consultation de l’équipe soignante, le médecin doit faire appel, pour l’éclairer, dans un délai maximum de quarante-huit heures, à un autre praticien de son choix. Les médecins vérifient le caractère libre, éclairé, réfléchi et constant de la demande présentée, lors d’un entretien au cours duquel ils informent l’intéressé des possibilités thérapeutiques, ainsi que des solutions alternatives en matière d’accompagnement de fin de vie. Les médecins peuvent, s’ils le jugent souhaitable, renouveler l’entretien dans les quarante-huit heures. Les médecins rendent leurs conclusions sur l’état de l’intéressé dans un délai de quatre jours au plus à compter de la demande initiale du patient. Lorsque les médecins constatent au moins une affection accidentelle ou pathologique avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique constante et inapaisable ou que la personne juge insupportable, et donc la situation d’impasse thérapeutique dans laquelle se trouve la personne ainsi que le caractère libre, éclairé, réfléchi et réitéré de sa demande, l’intéressé doit, s’il persiste, confirmer sa volonté, le cas échéant, en présence de la ou des personnes de confiance qu’il a désignées. Le médecin respecte cette volonté. L’acte d’aide active à mourir, pratiqué sous le contrôle du médecin, en milieu hospitalier ou au domicile du patient ou dans les locaux d’une association agréée à cet effet, ne peut avoir lieu avant l’expiration d’un délai de deux jours à compter de la date de confirmation de la demande. Toutefois, ce délai peut être abrégé à la demande de l’intéressé si le médecin estime que cela est de nature à préserver la dignité de celui-ci telle qu’il la conçoit pour lui-même. L’intéressé peut, à tout moment et par tout moyen, révoquer sa demande. Les conclusions médicales et la confirmation de la demande sont versées au dossier médical. Dans un délai de huit jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté son concours à l’aide active à mourir adresse à la commission régionale de contrôle prévue à la présente section un rapport exposant les conditions du décès. À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article ; la commission contrôle la validité du protocole. Le cas échéant, elle transmet à l’autorité judiciaire compétente. »

Cet amendement a été précédemment défendu.

L'amendement n° 44, présenté par Mmes Bouchoux, Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le même article L. 1110-5-1, il est inséré un article L. 1110-5-1-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1110 -5 -1-... – Toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une douleur physique ou une souffrance psychique insupportable, peut demander, dans les conditions prévues au présent titre, à bénéficier d’une assistance médicalisée active à mourir.

« La demande du patient est immédiatement étudiée par un collège de trois médecins afin d’en vérifier le caractère libre, éclairé, réfléchi et explicite et de s’assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle se trouve l’intéressé.

« Si le patient confirme sa volonté de bénéficier d’une assistance médicalisée active à mourir au moins quarante-huit heures après sa demande initiale, alors sa volonté doit être respectée.

« Dans un délai maximal de quatre jours après la confirmation de la demande par le patient, l’assistance médicalisée active à mourir est pratiquée, selon la volonté du patient, soit par le patient lui-même en présence du médecin, soit par le médecin. L’intéressé peut à tout moment révoquer sa demande.

« L’ensemble de la procédure suivie est inscrite dans le dossier médical du patient. »

La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Cette proposition s’inscrit dans la même ligne que celles défendues, à l’instant, par MM. Godefroy et Cadic, et elle s’appuie sur les mêmes motifs.

Cet amendement tend à répondre à une très forte demande de la population française : il vise à instaurer dans des conditions strictes l’assistance médicalisée active à mourir, en plus de la sédation profonde et continue jusqu’à la mort, à laquelle se limite, pour l’heure, le présent texte. Le but est d’élargir le champ des possibilités offertes aux patients en fin de vie. Nul n’est obligé d’y recourir : nous ne cherchons à exercer de contrainte sur personne !

Ce que nous réclamons, c’est que notre vie nous appartienne jusqu’à la fin. Aussi, celles et ceux qui souhaitent bénéficier de ce dispositif et qui répondent aux conditions prévues doivent disposer de la fin de vie qu’ils souhaitent. Ils ne doivent pas faire l’objet d’acharnement. Ils ne doivent pas en être réduits à partir pour la Suisse ou bien à recourir à des connivences, à des complicités leur permettant d’obtenir, hors la loi, un acte que nous souhaitons au contraire sécuriser dans un cadre juridique. Une nouvelle fois, nous espérons que le Sénat saura entendre ce message.

Il y a moins de dix ans, un grand nombre de ceux qui composent actuellement le Gouvernement considéraient cette option comme positive. À l’époque, je n’étais pas encore parlementaire. Que l’on m’explique pourquoi ce que l’on jugeait bon il y a une décennie serait, aujourd’hui, devenu caduc. Je vous l’avoue, je peine à m’expliquer ce revirement, sinon par des logiques de politique électorale.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 71 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde, M. Requier et Mme Malherbe, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l'article L. 1110-5-1, il est inséré un article L. 1110-5-1-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1110 -5 -1- – Toute personne majeure non protégée, en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une douleur physique ou une souffrance psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable, peut demander à bénéficier d'une assistance médicalisée à mourir.

« La demande du patient est étudiée sans délai par un collège de trois médecins afin d'en vérifier le caractère libre, éclairé, réfléchi et explicite et de s'assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle se trouve l'intéressé. Dans un délai maximal de huit jours, les médecins remettent leurs conclusions au patient.

« Si les conclusions des médecins attestent que l'état de santé de la personne malade est incurable, que sa douleur physique ou sa souffrance psychique ne peut être apaisée ou qu'elle la juge insupportable, que sa demande est libre, éclairée, réfléchie et explicite et s'ils constatent qu'elle confirme sa demande de bénéficier d'une assistance médicalisée active à mourir, sa volonté doit être respectée.

« La personne malade peut à tout moment révoquer sa demande.

« L'acte d'assistance médicalisée à mourir est pratiqué sous le contrôle et en présence du médecin traitant qui a reçu la demande et a accepté d'accompagner la personne malade dans sa démarche ou du médecin vers lequel elle a été orientée.

« L'ensemble de la procédure suivie est inscrite dans le dossier médical du patient. »

II. – Après l'article L. 1111-12 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1111-12-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-12- - Toute personne, en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, qui se trouve de manière définitive dans l'incapacité d'exprimer une demande libre et éclairée, peut bénéficier d'une assistance médicalisée à mourir, à la condition que celle-ci figure expressément dans ses directives anticipées établies dans les conditions mentionnées à l'article L. 1111-11. »

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Chacun devrait pouvoir finir sa vie comme il l’entend et rester maître de son destin. Toutefois, ce droit, revendiqué dès 1978 par les sénateurs Henri Caillavet et Jean Mézard, le père de Jacques Mézard, est souvent refusé aux patients en phase avancée ou terminale.

Durant la campagne présidentielle de 2012, le futur Président de la République s’était engagé à ce que toute personne majeure, en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. Même si elle comporte des dispositions nouvelles, la proposition de loi Claeys-Leonetti ne répond que très partiellement et imparfaitement à cet enjeu. En effet, ce texte propose une sédation profonde et continue jusqu’au décès, mais n’autorise pas une assistance médicale à mourir.

Aussi, le présent amendement tend à reprendre le dispositif d’une proposition de loi déposée par plusieurs membres du RDSE en juillet 2012. Il vise à permettre à des malades très gravement touchés, dont le cas est dramatique et qui ne peuvent espérer d’autre issue qu’une mort particulièrement pénible, d’opter pour le droit de mourir dans la dignité à l’aide d’une assistance médicale et dans les meilleures conditions possibles. Il ne s’agit en aucun cas de banaliser cette pratique, mais de reconnaître, au nom de la solidarité, de la compassion et de l’humanisme, l’exception d’euthanasie, notion introduite par le Comité consultatif national d’éthique dans un avis du 27 janvier 2000.

Bien entendu, l’assistance médicalisée à mourir doit être fortement encadrée. Lorsqu’une personne se trouve placée dans un état de dépendance telle qu’il ne lui semble plus vivre que pour « en finir », qu’elle prend la décision de céder face à une vie de souffrance et sans aucun espoir, il est important de lui permettre de ne pas se suicider dans la clandestinité et de lui reconnaître ce droit de mourir dans la dignité. Le respect de la liberté individuelle doit nous conduire à accepter que des patients décident de bénéficier d’une aide à mourir.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 81 rectifié bis, présenté par Mmes David, Assassi et Beaufils, MM. Billout et Bosino et Mmes Prunaud, Cohen et Gonthier-Maurin, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 1110-5-1, il est inséré un article L. 1110-5-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1110 -5 -1-… – Toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique, ou la plaçant dans un état de dépendance qu’elle estime incompatible avec sa dignité, peut demander à bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d’une assistance médicalisée permettant une mort rapide et sans douleur. Cet acte peut être accompli par la personne elle-même ou par le médecin qu’elle a choisi. » ;

2° Après l’article L. 1111-10, il est inséré un article L. 1111-10-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1111 -10-… – Le médecin, saisi d’une demande d’assistance médicalisée pour mourir, saisit dans les meilleurs délais un confrère indépendant pour s’assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle se trouve la personne concernée. Ils vérifient, à l’occasion d’un entretien avec la personne malade, le caractère libre, éclairé et réfléchi de sa demande.

« Ils informent la personne malade des possibilités qui lui sont offertes de bénéficier des dispositifs de soins palliatifs compatibles avec sa situation.

« Dans un délai maximum de huit jours suivant la première rencontre commune de la personne malade, les médecins lui remettent, en présence de sa personne de confiance, un rapport faisant état de leurs conclusions sur l’état de santé de l’intéressé.

« Si les conclusions des médecins attestent, au regard des données acquises de la science, que l’état de santé de la personne malade est incurable, que sa demande est libre, éclairée et réfléchie et qu’ils constatent à l’occasion de la remise de leurs conclusions que l’intéressé persiste, en présence de sa personne de confiance, dans sa demande, alors, le médecin doit respecter la volonté de la personne malade.

« L’intéressé peut à tout moment révoquer sa demande.

« L’acte d’assistance médicalisée pour mourir est réalisé sous le contrôle du médecin choisi ou de premier recours qui a reçu la demande de l’intéressé et a accepté de l’accompagner dans sa démarche et ne peut avoir lieu avant l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la date de confirmation de sa demande.

« Toutefois, si la personne malade en fait la demande, et que les médecins précités estiment que la dégradation de l’état de santé de la personne intéressée le justifie, ce délai peut être abrégé ; la personne peut à tout moment révoquer sa demande.

« Les conclusions médicales et la confirmation de la demande sont versées au dossier médical de la personne. Dans un délai de quatre jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté son concours à l’acte d’euthanasie, adresse à la commission régionale de contrôle prévue dans le présent titre, un rapport exposant les conditions du décès. À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article. » ;

3° Après l’article L. 1111-4, il est inséré un article L. 1111-4-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1111 -4-… – Les professionnels de santé ne sont pas tenus d’apporter leur concours à la mise en œuvre d’une assistance médicalisée à mourir.

« Le refus du professionnel de santé est notifié sans délai à l’auteur de cette demande ou, le cas échéant, à sa personne de confiance. Afin d’éviter que son refus n’ait pour conséquence de priver d’effet cette demande, il est tenu de l’orienter immédiatement vers un autre praticien susceptible d’y déférer. » ;

4° La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie est complétée par un article L. 1111-13-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1111 -13-...- Est réputée décédée de mort naturelle en ce qui concerne les contrats où elle était partie la personne dont la mort résulte d’une assistance médicalisée pour mourir, mise en œuvre selon les conditions et procédures prescrites par le présent code. Toute clause contraire est réputée non écrite. »

La parole est à Mme Annie David.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Les dispositions de cet amendement sont issues d’une proposition de loi élaborée par notre ancien collègue Guy Fischer, que j’avais cosignée, et des travaux menés au Sénat par le groupe de travail de la commission des affaires sociales entre 2010 et 2012.

S’inspirant de propositions de loi émanant de divers groupes parlementaires – le groupe communiste, républicain et citoyen, le groupe socialiste ou le groupe UMP –, ce groupe de travail avait formulé des propositions pour permettre et encadrer le recours à l’assistance médicalisée pour mourir. Le texte issu de ses travaux, adopté en commission, avait été rejeté en séance publique. Il portait pourtant sur un problème crucial et traitait d’un sujet qui fait consensus auprès de nos concitoyennes et de nos concitoyens. En effet, 90 % d’entre elles et d’entre eux se disent favorables à l’euthanasie et 86 % souhaitent que la prochaine loi relative à la fin de vie légalise l’euthanasie active.

Il s’agit là d’une évolution naturelle, prolongeant celle des pratiques médicales à laquelle nous avons assisté ces dernières années. En effet, rares sont ceux qui, parmi nous, contestent encore le recours à la contraception, à l’interruption volontaire de grossesse, instituée grâce à la loi Veil, ou à la procréation médicalement assistée. Dans cette mouvance, il convient de conquérir un nouveau droit : celui de mourir sans souffrance, dignement et quand on le souhaite. Il s’agit de pouvoir demander, lorsqu’on est placé dans un état de dépendance que l’on juge incompatible avec sa propre dignité, une assistance médicalisée pour mourir. Bien entendu, ce recours est encadré. Il se limite aux personnes majeures qui en ont fait la demande de manière libre et éclairée.

De plus, nous proposons d’introduire une clause de conscience, par laquelle le médecin peut refuser de pratiquer l’acte d’assistance pour mourir. Dans le cas d’un semblable refus et afin que les droits du patient à mourir soient garantis, il est prévu que le praticien oriente son patient vers un confrère ou une consœur à même de pratiquer l’acte.

Les dispositions de cet amendement ont le mérite d’offrir davantage de solutions aux personnes atteintes de maladies graves et incurables et, ainsi, de garantir une plus grande liberté pour être acteur de sa mort. Nous les avons assorties de garde-fous suffisants pour empêcher les dérives : informations quant aux soins palliatifs, délais de réflexion, vérification du caractère libre et éclairé du choix du patient, etc.

Enfin, ce dispositif s’appuie sur l’exemple des États étrangers où l’euthanasie active est autorisée. Dans ces pays, on a pu redouter que cette évolution ne s’accompagne d’une baisse des moyens alloués aux soins palliatifs ; ces craintes ne se sont pas vérifiées. Surtout, ces États n’ont pas assisté à une extension des pratiques d’euthanasie active. C’est bien la preuve que, en encadrant ce droit, il est possible d’éviter les dérives naturelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 82 rectifié bis, présenté par Mmes David, Assassi et Beaufils, MM. Billout et Bosino et Mmes Prunaud, Cohen et Gonthier-Maurin, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complétée par un article L. 1111-13-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1111 -13-… – Lorsqu’une personne en phase avancée ou terminale d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable se trouve de manière définitive dans l’incapacité d’exprimer une demande libre et éclairée, elle peut bénéficier d’une assistance médicalisée pour mourir à la condition que celle-ci figure expressément dans ses directives anticipées établies dans les conditions mentionnées à l’article L. 1111-11.

« Sa personne de confiance en fait la demande à son médecin qui la transmet à un autre praticien. Après avoir consulté l’équipe médicale, les personnes qui assistent quotidiennement l’intéressé et tout autre membre du corps médical susceptible de les éclairer, les médecins établissent, dans un délai de quinze jours au plus et à l’unanimité, un rapport déterminant si elle remplit les conditions pour bénéficier d’une assistance médicalisée pour mourir.

« Lorsque le rapport conclut à la possibilité d’une assistance médicalisée pour mourir, la personne de confiance doit confirmer le caractère libre, éclairé et réfléchi de la demande anticipée de la personne malade en présence de deux témoins n’ayant aucun intérêt matériel ou moral à son décès. L’assistance médicalisée pour mourir est alors apportée après l’expiration d’un délai d’au moins deux jours à compter de la date de confirmation de la demande.

« Le rapport des médecins est versé au dossier médical de l’intéressé. Dans un délai de quatre jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté son concours à l’assistance médicalisée pour mourir adresse à la commission régionale de contrôle mentionnée au présent titre un rapport exposant les conditions dans lesquelles le décès s’est déroulé. À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article, ainsi que les directives anticipées. »

La parole est à Mme Annie David.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Cet amendement tend à ce que tous les patients, même s’ils ne sont pas en mesure d’exprimer leur volonté, puissent accéder à une assistance médicale pour mourir. Bien entendu, il ne s’agit pas d’ouvrir la voie à d’éventuelles dérives, notamment la proposition d’une assistance médicale pour mourir faute de moyens alloués à un véritable accompagnement en soins palliatifs.

Non seulement le dispositif que nous proposons est équilibré, mais il va également dans le sens de l’évolution de la médecine. Au surplus, il répond à la volonté de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Surtout, il permettrait d’apporter des solutions, face à des drames familiaux dont certains ont été malheureusement jetés sous les feux de l’actualité. Je songe à l’affaire Vincent Humbert ou, plus récemment, à l’affaire Vincent Lambert.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Il est difficile d’aborder ce sujet en faisant abstraction de considérations philosophiques, religieuses, voire politiques. Pourtant, j’ai eu l’occasion de le rappeler à plusieurs reprises, en particulier en commission, cette proposition de loi n’est pas faite pour ceux qui veulent mourir mais pour ceux qui vont mourir.

La commission a rejeté ces amendements pour deux raisons.

Premièrement, il convient de savoir s’il faut médicaliser la mort, en demandant à un médecin ou à un soignant, dans un cadre législatif, de la donner.

Deuxièmement, ouvrir le droit à l’euthanasie ne reviendrait-il pas à instaurer une solution expéditive, pour occulter la question de la fin de vie ? Mes chers collègues, je vous le rappelle, notre société a une fâcheuse tendance à reléguer tous les problèmes liés à la vieillesse, à la maladie ou à la mort.

Pour ces raisons, la commission a rejeté cette série d’amendements, qui tendent à ouvrir un droit à l’euthanasie. Dans le cadre d’un accompagnement à la fin de vie, que nous aurons l’occasion de présenter plus en détail dans la suite de nos débats, nous avons privilégié la possibilité d’accompagner, par un acte non instantané, la fin de vie, via une sédation continue. Ce choix ménage la sensibilité émotionnelle de la famille et de l’entourage. Il respecte également la volonté, exprimée par le médecin, de ne pas donner la mort.

Cette proposition de loi a pour objet de protéger les patients, les soignants, l’entourage, en particulier, je le répète, sur le plan émotionnel, et la société.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Je comprends très bien la démarche poursuivie par les auteurs de ces amendements et la réflexion qui est la leur. Je l’ai dit au cours de la discussion générale, on ne saurait écarter d’un revers de la main la préoccupation ainsi exprimée. Il faut entendre cette demande, que formulent un grand nombre de nos concitoyens et dont divers intervenants viennent de se faire l’écho, sur diverses travées : aller au-delà des dispositions figurant dans le présent texte.

À cet égard, certains ont relevé, pour s’en étonner, que plusieurs membres de l’actuel gouvernement avaient, il y a quelques années, signé des textes allant dans le sens du dispositif proposé via ces amendements. Je tiens à leur répondre en deux points.

Premièrement, on peut être constant dans ses positions et, parallèlement, laisser sa réflexion évoluer.

Deuxièmement, ce soir, comme à d’autres moments, nous n’avons pas poussé suffisamment loin la distinction entre l’euthanasie au sens strict et le suicide assisté. Ces deux démarches ne sauraient être placées sur le même plan. Elles sont très différentes. On peut se retrouver dans l’une sans adhérer à l’autre. Or diverses propositions de loi, rédigées il y a quelques années, ne faisaient pas la différence entre ces deux réalités. À mon sens, il ne va donc pas de soi que l’étape suivante relève indifféremment de l’une ou de l’autre des deux options.

À titre personnel, je vous le dis très simplement, je me retrouve assez bien dans ces amendements.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Néanmoins, la question n’est pas là. Si le Président de la République a souhaité que le texte s’en tienne à la sédation profonde et définitive, c’est en réponse à l’interrogation suivante : quel est l’état d’esprit dans notre pays, non pas il y a trois, quatre ou cinq ans, mais aujourd’hui ?

Au terme de ses débats, la conférence citoyenne a abouti à la même conclusion que le Comité consultatif national d’éthique dans son rapport : on observe, semble-t-il, un consensus dans notre pays pour aller vers le dispositif figurant dans le présent texte. En revanche, les conditions ne semblent pas réunies pour aller plus loin. Le Gouvernement, avec le Président de la République, a donc fait le choix d’aller aussi loin que le permet la société française.

Certains prétendent que cette proposition de loi ne répond pas aux engagements présidentiels, pour autant que ceux-ci les concernent. Je conçois que ces engagements ne lient pas l’ensemble des travées de cet hémicycle, mais ce texte s’y inscrit bien. Il est certes possible de considérer qu’il ne va pas assez loin, mais non de prétendre qu’il n’est pas conforme à la promesse exprimée pendant la campagne.

D’autres à ma place l’auraient peut-être dit autrement, mais je n’ai pas de difficulté à assumer ma position personnelle, que j’ai expliquée à de nombreuses reprises. Celle-ci s’efface toutefois derrière l’appréciation par le Gouvernement des évolutions envisageables, aujourd’hui, dans la société française. Je souhaite donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mmes Dominique Gillot et Michelle Meunier applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je souhaite corriger certains propos erronés.

Monsieur Godefroy, si la commission des affaires sociales a voté la proposition de loi présentée par votre groupe en 2011, c’est parce qu’il y a eu un accord entre l’opposition et la majorité visant à ce que le texte puisse être débattu en séance publique. Une fois que le débat a eu lieu, la proposition de loi a été rejetée par la majorité de l’époque. Il faut raconter toute l’histoire et pas seulement la partie qui vous arrange.

Monsieur Cadic, vous avez cité des pays européens qui pratiquent l’euthanasie, mais vous avez oublié d’évoquer les bilans qui en sont actuellement tirés. J’ai rappelé dans mon intervention que, en Belgique, en particulier, comme dans un autre pays plus au nord, ces bilans indiquent que la loi, bien que particulièrement stricte, n’est plus respectée et que se produisent dérives et débordements, au point que l’un de ces pays envisage de revenir sur cette autorisation. Attendons les conclusions de ces bilans, analysons la situation, nous déciderons ensuite.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Sur ce sujet, chacun votera en conscience.

J’ai entendu Mme la ministre affirmer que l’opinion publique ne serait pas prête. Or certains sondages montrent qu’une majorité de nos concitoyens serait d’accord avec les propositions portées par ces amendements. Au demeurant, la responsabilité des parlementaires n’est-elle pas d’être parfois en avance ? S’il avait écouté l’opinion publique, François Mitterrand n’aurait jamais obtenu l’abolition de la peine de mort !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Ces amendements visent à offrir la possibilité de choisir une assistance médicalisée permettant une mort rapide et sans douleur. Choisir, c’est être libre, comme nous le souhaitons tous !

Je vous annonce très tranquillement que je vais voter ces amendements, parce que je souhaite que mes compatriotes jouissent de leur liberté, qui est l’un des fondements de notre République. Parmi ceux qui voteront le texte, certains refuseront peut-être, au moment décisif de la mort, d’en bénéficier. Mais là n’est pas la question : il s’agit d’offrir à nos concitoyens la possibilité de choisir librement. Nous proposons ainsi que la décision soit prise lorsque la personne est parfaitement lucide et capable de se déterminer en conscience. Nous insistons également sur la nécessité de respecter les directives anticipées, lesquelles doivent pouvoir être confirmées par une personne de confiance.

Ces amendements tendent également à garantir l’égalité, notion que chacun répétait à l’envi au début de la séance. Rejeter ces amendements reviendrait donc à aller contre cette nécessité, puisque ceux qui auront les moyens pourront dépenser 10 000 ou 15 000 euros pour aller finir leur vie en Suisse ou ailleurs, alors que les autres en seront réduits à subir.

Le troisième pilier de notre République est la fraternité, l’humanité. Dans ce moment douloureux, il sera ainsi possible d’abréger les souffrances et de faire en sorte de mourir dans la dignité, sinon dans la sérénité, sans doute difficile à atteindre lorsque l’on passe de vie à trépas. Comme il a été indiqué précédemment au sujet de l’hydratation, cette dernière offre un confort qui permet de finir ses jours sans tomber dans la déchéance, qui me semble plus terrible encore que la mort elle-même.

Ce soir, mes chers collègues, j’en appelle à votre réflexion individuelle. Au-delà des opinions des uns et des autres, nous sommes des citoyens, des parlementaires, des élus, nous avons réfléchi longuement à cette question. Je vous engage à voter en conscience, car il nous appartient, à travers le vote du Sénat, de faire un pas vers la modernité et vers la liberté pour chacun de choisir sa mort dans la dignité et dans le respect de ses préférences, consignées dans les directives anticipées. En cet instant important, le Sénat se grandirait en votant ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Roger Madec, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Je voterai sans état d’âme l’amendement déposé par mon collègue Jean-Pierre Godefroy ainsi que les amendements du même ordre. J’ai voté en ce sens il y a quatre ans ici même, et je ne vois aucune raison de me déjuger aujourd’hui.

En principe, tout le monde est égal en droit. Les Français sont pourtant inégaux devant la mort, comme l’a rappelé Jean-Pierre Godefroy. Ceux qui sont un peu plus fortunés et qui, souffrant d’une maladie incurable, font le choix de mourir dignement peuvent se rendre en Suisse ou ailleurs. Les plus modestes, que je connais bien pour avoir été longtemps élu d’un arrondissement populaire, n’ont pas cette possibilité, à moins d’avoir des relations, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Par conséquent, le Sénat se glorifierait en adoptant ces amendements de façon sobre et sereine.

Madame la ministre, je vous respecte. Vous avez fait preuve de courage en rappelant votre position personnelle et les éléments qui vous conduisent aujourd’hui à nous demander de voter contre ces amendements. Je ne partage toutefois pas votre point de vue : le législateur ne légifère pas sous la pression de l’opinion publique !

L’opinion publique lui était-elle majoritairement favorable lorsque Simone Veil a courageusement porté la loi sur l’IVG ? L’opinion publique lui était-elle majoritairement favorable lorsque Robert Badinter a fait voter la loi abolissant la peine de mort ? L’opinion publique lui était-elle majoritairement favorable lorsque le général de Gaulle a accordé le droit de vote aux femmes ? L’opinion publique nous était-elle majoritairement favorable lorsque, l’année dernière, nous avons voté le mariage pour tous ? Cet argument ne me semble donc pas recevable.

Le candidat François Hollande a pris un engagement clair. Il nous appartient aujourd’hui de le tenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je souhaite expliquer pourquoi je vais voter l’amendement n° 9 rectifié, que j’ai cosigné.

Madame la ministre, je ne partage pas votre analyse de l’état de l’opinion publique française, laquelle me semble consciente que le libre choix doit revenir aux individus, dans le cadre de la loi. Les consciences ont beaucoup progressé sur ce sujet, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, les expériences étrangères y ont contribué. Certes, comme toujours, des dérapages se sont produits ici ou là. Notre système actuel en est-il vraiment exempt ? La sédation n’en connaîtra-t-elle pas ? Les lois humaines ont toujours, hélas ! emporté des conséquences non souhaitées. Il faut continuellement améliorer les dispositifs afin que les dérapages se raréfient plutôt qu’ils ne se généralisent. Rien de cela ne disqualifie ces expériences.

Ensuite, l’espérance de vie ayant augmenté, les Français sont de plus en plus confrontés à des proches en fin de vie qui souffrent. Sans moyens financiers, sans quelqu’un de compréhensif, nos compatriotes se retrouvent dans une situation personnelle difficile à gérer.

Les consciences ont évolué dans notre société, en même temps que les libertés. Nous luttons continuellement pour gagner notre liberté face aux aléas de l’existence et face à la mort, l’aléa ultime.

Les propos de nos collègues Néri et Madec rappelant le courage qu’il a fallu pour voter contre la peine de mort sont doublement significatifs. J’ai toujours été frappée par les discours de ceux qui considèrent, au nom du caractère sacré de la vie – au sens laïque –, qu’il ne faut jamais donner la mort et qui n’ont pourtant pas beaucoup d’états d’âme quand il s’agit de condamner à mort des individus au nom de la justice des hommes. À mes yeux, les individus sont libres de leur mort, de la même manière que nous essayons de les rendre libres dans leur vie.

Je pense qu’il est courageux, vis-à-vis de l’opinion, d’ouvrir de temps en temps des champs nouveaux. Et pourquoi fais-je cette comparaison avec d’autres lois ? On doit en effet toujours se poser la question suivante : la liberté individuelle donnée à quelqu’un est-elle de nature à nuire à l’intérêt général ? Notre rôle de législateur est de trouver un équilibre propice à l’intérêt général. Mais quelle est la personne qui va voir ses droits ou ses libertés réduits par le fait de donner à chacun le libre choix de pouvoir, de manière encadrée, organiser la fin de sa vie ? Comme on ne fait reculer en rien les droits des autres, l’intérêt général n’est pas affecté par l’accroissement de la liberté individuelle qui est proposé dans cet amendement.

Je ne vois donc aucun argument qui s’y oppose, sauf à penser qu’une transcendance, qui ne serait pas humaine, définit ce qu’est la vie. Or ceux-là même qui ont cette croyance reconnaissent qu’il y a toujours un équilibre entre la conscience de la personne et ces transcendances que certains peuvent juger réelles et que leurs convictions religieuses peuvent considérer comme importantes.

Pour ma part, je ne vois pas au nom de quoi la société, dont l’intérêt général doit être défendu au regard de l’état actuel de l’opinion et du progrès permanent des libertés qui doivent être données à chacun, devrait s’opposer à l’amendement que nous avons présenté ; je pense que son adoption serait un grand progrès pour notre République.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Madame la ministre, vous vous êtes montrée très courageuse en nous laissant entendre que vous n’êtes pas en désaccord avec la série d’amendements que nous défendons, mais que, compte tenu de votre poste ministériel et de l’analyse politique extrêmement subtile réalisée par le pouvoir exécutif, il ne serait pas possible dans l’état actuel de l’opinion de voter ces amendements sans provoquer un séisme.

Mes chers collègues, je comprends très bien les réticences que certains d’entre vous peuvent avoir pour des raisons philosophiques, religieuses ou personnelles sur les amendements que nous avons déposés. Je regrette que nous n’ayons pas ce soir parmi nous des orateurs qui aient l’éloquence d’un Robert Badinter ou la force de persuasion d’une Simone Veil pour parvenir à tous vous convaincre que la liberté que nous réclamons pour quelques-uns n’enlève rien aux droits de tous les autres.

La position que vous avez défendue, madame la ministre, est éminemment respectable. Pour autant, nous restons extrêmement attachés à ces amendements et nous pensons que l’avenir nous donnera raison. Élue d’un département plutôt traditionnel et catholique, issue d’un milieu lui aussi plutôt catholique, je peux vous assurer que la réalité de la France n’est pas celle que vous avez décrite ce soir : 95 % de nos concitoyens sont d’accord avec les amendements que nous avons déposés.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – MM. Roger Madec et Olivier Cadic applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Madame la ministre, je voudrais vous remercier et vous féliciter, car nous n’avons pas toujours bénéficié d’un dialogue aussi direct, aussi compréhensif, ni même aussi sincère.

Monsieur le président de la commission des affaires sociales, il faut faire très attention aux mots que l’on emploie : la loi belge est appliquée depuis suffisamment longtemps pour qu’on puisse en faire le bilan ; elle fonctionne bien, à telle enseigne que la Belgique vient de l’étendre aux mineurs.

Je me rappelle que le Comité consultatif national d’éthique avait reçu une lettre assez désagréable quand il avait mis en cause les résultats de cette loi. Des médecins belges de confession catholique avaient écrit que, malgré leurs réticences initiales, ils continueraient à pratiquer l’euthanasie. Fidèles à leurs croyances, ils considéraient qu’ils apportaient ainsi une aide, et ils ne voulaient pas revenir en arrière. Un médecin belge a d’ailleurs publié un livre qui illustre parfaitement ce que je viens de dire.

Par ailleurs, le nombre d’euthanasies n’a pas augmenté en Belgique par rapport à ce qui se faisait auparavant dans la clandestinité ; aucun recours n’a été déposé, depuis que la loi existe, devant le procureur du Roi. La loi belge ne doit donc pas être si mauvaise… D’ailleurs, des lois similaires existent dans d’autres pays.

Nous devons garder à l’esprit que l’opinion publique est loin d’être hostile à cette disposition. Les sondages successifs le montrent. Je vous invite à assister aux réunions tenues par l'association pour le droit de mourir dans la dignité, vous verrez le nombre de personnes qui y participent. Si je puis me permettre ce trait d’humour, certains partis politiques aimeraient avoir autant de monde à leurs réunions…

Pour en revenir au fond du problème, notre amendement, comme il a été rappelé, ne supprime aucun droit et n’ajoute aucune obligation ; il vise simplement à offrir une liberté, celle de mettre fin à son existence dans des conditions bien précises et encadrées.

Vous avez tous en tête, mes chers collègues, des cas très douloureux, tels ceux que j’ai évoqués dans la discussion générale : des personnes âgées qui supplient leur conjoint de mettre fin à leurs souffrances. La seule solution pour le juge est de faire preuve de compréhension et de ne pas appliquer la loi. Dans ma région, il y a encore peu de temps, un monsieur de quatre-vingt-cinq ans s’est retrouvé devant le tribunal parce que son épouse l’avait supplié de mettre fin à ses jours. Nous devons prendre en compte ces drames et permettre que la loi encadre ces pratiques.

Nous en reparlerons certainement en abordant l’examen de l’article 3, mais quand votre médecin vous informe que votre pronostic vital est engagé dans les deux à trois mois qui viennent et que, de toute façon, vous finirez vos jours à l’hôpital parce que des soins de confort seront nécessaires, vous savez que la fin approche inéluctablement et qu’elle sera précédée, peut-être, d’une sédation terminale profonde. Dès lors, pourquoi ne pas accepter que vous puissiez anticiper ce dénouement final en disant : « Je préfère arrêter maintenant, ne pas en passer par là, pour moi-même et pour ma famille ; je souhaite partir les yeux ouverts et accomplir ainsi ce passage. » Le passage, comme l’on dit lors de certaines obsèques religieuses, cela peut être de dire au revoir de son vivant, tirer un bilan de sa vie avec sa famille et ses proches, avec ceux qu’on aime. Pourquoi le refuser à ceux qui le souhaitent ?

Nous nous grandirions et nous ferions un grand pas pour notre démocratie et pour la République si nous ouvrions ce droit. Il s’agit d’une possibilité qui ne s’imposera à personne, qui sera encadrée et qui, à mon avis, constituera une mesure législative aussi forte que l’abolition de la peine de mort, la loi relative à l’IVG ou le droit de vote pour les femmes.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Ce débat fait appelle à la conscience de chacun d’entre nous et il est lourd de conséquences.

J’ai beaucoup de respect pour le but visé par mon ami Cadic dans son amendement et pour les arguments de mon ami Néri, avec qui j’ai parcouru toute l’Asie. J’ai également écouté avec attention, comme je le fais souvent, les intéressants propos de Mme Lienemann, celui exprimé par M. Godefroy et d’autres encore. Je peux donc dire que je suis en complet désaccord sur le fond : je ne considère pas être libre de faire ce que je veux de ma vie. Certains de nos collègues ne partagent sans doute pas cet avis personnel, mais beaucoup d’autres Français le partagent peut-être. Pour ma part, j’appartiens à une génération, celle de 1968, qui a été très marquée par le marxisme et qui considère que l’histoire voit le progrès du modernisme. Or je crois qu’il y a aussi des régressions dans l’histoire.

Je voudrais surtout insister sur un autre point. En 1981, quand j’étais encore un jeune militant giscardien – à chacun ses défauts

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Dans le même ordre d’idée, il fut difficile pour le parti démocrate-chrétien auquel j’appartenais de défendre l’IVG, dont je reconnais à présent qu’il s’agissait d’une avancée.

Ces deux débats ont été importants. Il faut pourtant remarquer que, quoiqu’ils aient duré plusieurs nuits, ils n’ont pas été conclus à une heure du matin, devant les quelques parlementaires qui restaient alors en séance ; au contraire, tout le monde était présent, par deux fois, pour faire un choix personnel. Lors du vote de l’abolition de la peine de mort, des parlementaires de gauche, de droite et du centre ont voté pour : le vote sur ce sujet de fond, comme sur l’IVG, était personnel. Or, ce soir, pour un débat qui est tout de même aussi important que ceux relatifs à la peine de mort ou à l’IVG, nous ne sommes que quelques-uns, quoique nombreux encore compte tenu de l’heure tardive ; si un scrutin public devait avoir lieu, nous ignorons complètement comment nos amis absents de l’hémicycle auraient voté.

Voilà ce qui me choque, non pas que le débat soit engagé, non pas les arguments de mes amis Cadic et Néri, mais le fait que, sur une question aussi forte, nous ne serons que quelques-uns à devoir trancher pour le reste du pays. Je regrette franchement que nous ne puissions avoir ce débat en présence des 348 sénateurs, afin que chacun d’entre eux puisse savoir ce qu’il vote en toute connaissance de cause.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Georges Labazée, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Comme l’heure avance, je serai très bref. Deux termes permettent de transcender ce débat : « droit » et « obligation ».

Au fil de nos débats de ce soir et durant leur long travail préparatoire, nos collègues signataires de ces amendements n’ont jamais voulu instaurer une obligation, mais bien plutôt prendre en compte un concept majeur de notre société : le droit. C’est finalement au regard de ce droit que je me suis engagé derrière mon ami Jean-Pierre Godefroy et tous les cosignataires de l’amendement n° 9 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Je serai extrêmement bref, tant il est vrai que chacun a ses certitudes et ses convictions. En revanche, je suis persuadé que ceux qui voteront ce soir le feront en toute conscience et non pour des raisons électoralistes, comme cela a pu parfois être évoqué. Je voudrais cependant rappeler deux choses.

Tout d’abord, un argument bat en brèche, peut-être, certaines statistiques. On dit que 85 %, voire 95 % des Français seraient en faveur de l’euthanasie. Or une ambivalence existe par rapport à la mort. Ainsi, la plupart des personnes qui ont fait l’objet de sondage sont en bonne santé. Mais lorsque le terme approche, les opinions changent. Nous le constaterons encore quand nous discuterons demain des directives anticipées : du fait de ce changement, il en existe deux types.

Les praticiens qui mettent en œuvre les soins palliatifs ou, du moins, accompagnent leurs patients jusqu’à la fin de leur vie, observent que très rares sont ces derniers qui ont demandé avec une certaine force, en faisant abstraction de toute considération philosophique, un acte d’euthanasie ou un suicide assisté.

Par ailleurs, Mme la ministre a fait une distinction entre euthanasie et suicide assisté. Corinne Bouchoux a regretté que M. Badinter, avec son éloquence bien connue, ne soit plus dans cet hémicycle pour parler de cette question. Là n’est pas le sujet, mais, au demeurant, je ne suis pas certain qu’il soit favorable à l’euthanasie. En tout état de cause, concernant le suicide assisté, je l’ai entendu opposer les droits-libertés aux droits-créances.

Le suicide n’est plus un délit ; c’est un droit. Certes, me direz-vous, le suicide assisté, le suicide médicalisé éviterait une certaine violence dans le geste. Cela reste à voir. Si la violence n’est pas physique, elle reste, en tout cas, au moins symbolique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Comme l’a indiqué Georges Labazée, l’heure avance… Aussi, je serai brève.

Permettez-moi de rappeler, mes chers collègues, que, par la proposition qu’il formule, le groupe CRC souhaite encadrer un droit. Nous ne voulons pas imposer ce droit à tous. D’ailleurs, je ne suis pas certaine que les membres de mon groupe ainsi que les signataires de ces amendements appliqueraient ce droit. Moi-même, je ne suis pas sûre de prendre une telle décision. Mais ce droit doit exister pour celles et ceux qui veulent aller jusqu’au bout.

Selon M. le rapporteur, plus on approche du terme de sa vie, moins on a envie de passer à l’acte. Peut-être ! Vous portez ce jugement en tant que médecin, mon cher collègue. Vous vous autorisez, si je puis dire – ce n’est pas une critique ! –, à tenir ces propos au vu de votre expérience ; vous parlez en connaissance de cause, car vous avez eu affaire à certains cas. Il n’empêche que ce droit doit être donné à tous ; chacun est libre ensuite d’y recourir ou non. En avançant dans l’âge, on peut choisir de se rétracter, de revenir sur les directives anticipées qu’on avait prises, pour vivre sa vie jusqu’au dernier moment, même dans la souffrance, alors qu’on estimait, plus jeune, que cette situation était indigne. Il n’en demeure pas moins qu’il faut instaurer ce droit pour tous.

Je partage le sentiment de M. Pozzo di Borgo, qui regrette que ce débat ait lieu à une heure et demie du matin, dans un hémicycle clairsemé. Je déplore moi aussi que nous ne soyons pas plus nombreux pour débattre de cette question qui nous concerne tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons et que nous ayons des croyances ou pas. Nous serons tous, à un moment ou à un autre, confrontés à la fin de vie. Je souhaite que chacun d’entre nous ne soit pas obligé de recourir à ce droit et puisse mourir paisiblement, après avoir vécu une vie bien remplie.

Quoi qu’il en soit, même si nous ne sommes pas nombreux dans l’hémicycle, les membres du groupe CRC ont, pour leur part, pris la précaution de débattre de cette question au cours de plusieurs réunions, car nous savons que ce sujet est délicat et sensible, comme cela a été rappelé. Aussi, chacun doit pouvoir voter en conscience.

Tous les membres du groupe CRC ne sont pas signataires des amendements n° 81 rectifié bis et 82 rectifié bis ; je sais pertinemment qui y est favorable et qui ne l’est pas. Mais nous avons débattu de ce sujet, et c’est ce qui importe. Le débat a lieu maintenant ici, dans cet hémicycle, et dans la société, lors de rencontres publiques. Il suffit de discuter avec nos concitoyens pour prendre conscience du fait que la grande majorité d’entre eux ont acquis la certitude que ce droit doit être instauré, non pas pour créer une obligation, mais pour l’établir. Ils ont franchi ce pas. À nous de le franchir également ! En tant que législateurs, nous avons cette responsabilité.

Sincèrement, nous ne pouvons pas refuser cette avancée pour l’ensemble de la société, telle que nous la concevons les uns et les autres, au motif que le pas serait trop grand. Les valeurs d’humanité et de solidarité sont, me semble-t-il, ancrées en nous, quelles que soient nos positions. Si nous nous sommes engagés dans la vie publique et politique pour les autres, c’est pour défendre des idées fortes. Allons donc au bout de cet engagement, en instaurant ce droit ! Chacun l’utilisera comme bon lui semble.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Je ne sais pas si de nos débats tardifs sortira la vérité…

Même si je partage l’intérêt de cette question et nombre d’arguments avancés, je tiens à rappeler – cela a été souligné lors de la discussion générale – que le présent texte concerne non pas ceux qui voudraient mourir, mais ceux qui vont mourir. Sur un sujet éminemment grave et ô combien essentiel, faut-il, à une heure et demie du matin, répondre à la question de savoir – c’est une vraie question, que je respecte – si l’on peut satisfaire à la liberté de chacun de vouloir mourir ?

Certes, nous pourrions être plus nombreux pour en débattre, mais ce n’est pas la question qui est posée ce soir. Il s’agit d’un véritable débat de société, un sujet personnel, qui nous engage bien au-delà de nos convictions. Aussi, ce serait plus que dommage, je dirai même que ce serait grave de traiter cette question, eu égard à l’importance qu’elle revêt pour la société, au détour de l’examen d’une proposition de loi qui a le grand mérite d’apaiser la mort de ceux qui vont mourir et de ne pas avoir pour ambition d’aborder la question essentielle qui est soulevée.

Je le répète, je partage les questionnements, mais je ne comprendrai pas que nous nous prononcions à une heure et demie du matin en faveur de l’euthanasie ou du suicide assisté dans des conditions que nous n’aurions même pas définies. On ne saurait prendre cette décision en cinq minutes à cette heure tardive… ou matinale !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Même si je n’ai pas cosigné l’amendement de Jean-Pierre Godefroy, je suis bouleversée par ce débat, qui a toute sa légitimité. À cet égard, je remercie très sincèrement Mme la ministre de ses propos.

Les revendications exprimées par les uns et les autres, à savoir la liberté de disposer de sa vie et de sa mort, sont parfaitement légitimes. Mais n’oublions pas – ce point n’a pas été soulevé, alors que c’est l’un des nœuds de la question ! – qu’il faut un tiers pour disposer de sa mort. Disposer de sa vie et de sa mort est effectivement un droit absolu si l’on peut exercer ce droit soi-même. Mais on sait très bien qu’on l’exerce grâce à un tiers.

Bon nombre de médecins ici présents ont répondu à cette demande dans l’intimité du colloque singulier qui unit deux êtres humains face à l’impuissance médicale et à l’impuissance du patient en fin de vie.

J’estime qu’il faut poursuivre le débat et le faire évoluer, comme l’a souligné M. le rapporteur.

C’est un acte que j’ai effectué, même s’il ne fut pas fréquent. Il ne faut pas le nier, cela se produit. Toutefois, comme l’a relevé M. le rapporteur, la situation est très différente selon que l’on est en bonne santé ou pas : dans le premier cas de figure, chacun veut mourir dans la dignité, mais il peut en être autrement dans les derniers instants précédant la mort.

Pour ma part, je n’arrive pas aujourd'hui – c’est peut-être un constat négatif – à m’imaginer inscrire dans une loi un droit à donner activement la mort. C’est aussi un constat d’impuissance, car, je le reconnais, la situation actuelle crée une inégalité entre celles et ceux qui rencontrent le médecin susceptible de pratiquer l’acte et les autres.

Sans vouloir m’appesantir sur ce point, je tiens également à souligner – on ne le dit pas ! – qu’il existe malheureusement, on le sait, des euthanasies qui ne sont pas voulues ni souhaitées. Une loi pourrait donc protéger à cet égard.

Par ailleurs, même si le médecin qui pratique cet acte ne fait que suivre des directives anticipées et a pris toutes les précautions nécessaires, il pourra être renvoyé devant les assises par la famille du défunt et condamné au motif d’avoir donné la mort de façon illégale. C’est un constat. Une loi pourrait aussi protéger sur ce point. C’est pourquoi je ne ferme pas du tout la porte au débat.

Cependant, je tiens à vous répéter, à vous, chers collègues qui avez parlé de l’exigence de liberté de disposer de sa vie et de sa mort, que, en l’espèce, il faut avoir recours à un tiers. C’est sur ce point qu’il faut faire évoluer le débat. Il est difficile de parler de ce sujet, non pas à cause de l’horaire tardif, mais parce qu’il n’a pas été totalement débattu sur la place publique. Nous n’avons pas encore traité le fond de la question, qui mérite d’être approfondie.

Mme Françoise Gatel applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Nous avons cette discussion depuis longtemps au Sénat, en commission. Peut-être que nos débats auraient dû être organisés différemment par la présidence, mais nous avons accepté de prolonger nos travaux jusqu’à une heure du matin. On ne peut donc pas arguer du fait qu’il est une heure et demie pour ne pas examiner ces amendements.

Ces derniers posent la question de savoir si l’on aide une personne atteinte d’une maladie incurable à mourir ou si on la laisse mourir par manque de soins – voilà où se situe le débat – et ne sont pas à des années-lumière de la proposition de loi.

Ce texte n’assume pas clairement son objet : certaines personnes, au moyen de directives anticipées, souhaitent être aidées à mourir dignement ou sereinement – peu importe la formule !

Par ces amendements, nous voulons donner la possibilité à celles et ceux qui sont atteints d’une maladie incurable, qui souffrent et qui le veulent d’avoir une assistance à mourir. Donnons-leur cette liberté ! Que le Parlement permette, ce soir, à celles et ceux qui le souhaitent d’user de ce droit ! On ne force personne.

Peu importe l’heure, tel est le débat qui nous occupe, et dont nous sommes tous conscients de l’importance.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. Alain Néri applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Je rejoins les propos de M. le rapporteur et de Mme Génisson. Au cours de ma carrière, j’ai rencontré nombre de personnes qui voulaient mourir, puis qui ont changé d’avis lorsqu’elles ont été atteintes d’un cancer et se sont même battues pour vivre.

L’un d’entre vous, mes chers collègues, a affirmé qu’on laissait souffrir des personnes. Mais les médecins font leur travail ! Aujourd’hui, nous disposons de médicaments qui peuvent soulager les souffrances des patients. Lorsque certaines maladies s’aggravent ou s’étendent, il est alors nécessaire de mettre en place des soins palliatifs – c’était l’une des dispositions de la loi Leonetti et de l’article L. 1110-10 du code de la santé publique – et d’augmenter les traitements thérapeutiques qui peuvent parfois entraîner des effets secondaires.

Nous proposons, en ce qui nous concerne, que la mise en œuvre de la sédation, qui intervient au moment où le pronostic vital est engagé à très court terme, soit très encadrée. Il ne faut cependant pas oublier que cette pratique permet de continuer à soulager les malades et que, dans la très grande majorité des cas, nous parvenons à apaiser leurs souffrances.

Il est certes possible d’affirmer que l’assistance médicalisée pour mourir constitue un droit, une mesure de solidarité et une avancée. Cependant, je souhaite rappeler que le médecin est avant tout là pour aider les malades à vivre. Par conséquent, voter une proposition de loi telle que celle-ci ne me convient pas ! Notre société n’est pas encore prête à accepter une telle démarche. Si nous devons évidemment nous efforcer au maximum de soulager les malades et de les réconforter, nous ne devons pas, en revanche, aboutir à des actes d’euthanasie.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Tout d’abord, je veux vous apporter une réponse, monsieur le rapporteur. Dire que vous protégez la société en étant défavorable à ces amendements, c’est un peu fort ! Nous ne portons pas du tout atteinte à la société en l’espèce.

Ensuite, madame Génisson, faire appel à un tiers permet d’éviter la violence du suicide. Certaines personnes souhaitent mourir en conscience et éprouvent le besoin d’être accompagnées. Nous cherchons non pas à leur donner la mort, mais à les aider à partir sereinement, ce qui ne serait pas possible si on ne leur laissait d’autre choix que la violence du suicide.

Pour répondre aux propos qui ont été tenus sur l’horaire tardif auquel nous débattons de ce sujet, je souhaite vous rappeler, mes chers collègues, que, en ce moment même, à une heure quarante-cinq du matin, des patients sont étendus sur leur lit d’hôpital, et que certains d’entre eux vont expirer. Or ces malades seront seuls cette nuit, eux ! Ils ne se posent donc pas la question de l’heure qu’il est. En revanche, s’ils avaient pu choisir le moment de leur mort, ils auraient pu être accompagnés par une personne qui leur aurait tenu la main à ce moment-là, plutôt que de rester seuls, comme c’est le cas actuellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Je ne crois pas que ce soit le moment de se plaindre de l’heure tardive. Pour ma part, c’est à ces patients que je pense à cet instant…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Mais c’est démagogique d’affirmer qu’ils sont seuls alors que le personnel soignant est présent !

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

M. Olivier Cadic. Enfin, voilà peu de temps, une patiente que j’ai rencontrée et qui voulait se rendre en Suisse afin d’y mourir ne m’a parlé que d’amour, que de partir entourée de l’amour des siens, à un moment déterminé et choisi. C’est ce que je souhaite retenir ! En effet, je préfère penser à ces malades qui veulent simplement partir tranquillement, entourés des leurs, plutôt que d’écouter certaines remarques parfois empreintes d’un peu d’arrogance, et d’avoir l’impression d’avoir affaire à des personnes qui savent tout sur tout. J’aurais aimé davantage de compassion et de tolérance.

Mme Corinne Bouchoux applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Je serai bref. Si l’heure n’est pas un problème, je me dois tout de même de réfuter un certain nombre d’arguments qui ont été exposés lors des nombreuses interventions en faveur de ce texte.

Tout d’abord, il faut savoir que les résultats d’un sondage dépendent essentiellement de la façon dont la question est posée. Ainsi, mes chers collègues, si l’on vous demandait si vous souhaiteriez mourir au fond de votre lit dans d’atroces souffrances et sans secours, vous répondriez que vous préféreriez être exécutés !

Privilège de l’âge, j’ai soutenu Mme Simone Veil en 1979, en tant que jeune député, afin de faire adopter définitivement la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse. Je vous l’assure, à cette époque, appartenir à la majorité ne rendait pas très facile le soutien à la ministre sur ce dossier. J’ai ainsi été menacé, entre autres, d’excommunication. Néanmoins, j’ai soutenu ce texte parce que j’avais vu de mes propres yeux pendant mes études de médecine le calvaire que vivaient un certain nombre de femmes qui mouraient du tétanos à la suite d’avortements clandestins – ces avortements ont été à l’origine de centaines de décès dans des conditions atroces.

Aujourd’hui, je suis défavorable à la présente proposition de loi et répéterai ce que j’ai dit lors de mon intervention initiale en me référant aux écrits d’un homme qui a beaucoup réfléchi sur cette question, Axel Kahn : « Lorsque la loi de notre République maintient qu’il est interdit de tuer, il n’apparaît pas satisfaisant qu’elle prévoie les conditions dans lesquelles ce principe – excellent – peut être battu en brèche en toute légalité ». Cette réflexion est fondamentale : dans la loi de notre République, après que la peine de mort a été abolie, il n’est pas souhaitable de rétablir une autre forme de peine de mort !

Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Si, il s’agit d’une peine de mort qui sera imposée !

Par ailleurs, je reviens sur le fait, madame Génisson, que chacun dispose de sa liberté, mais qu’un tiers est obligatoire. À qui va-t-on s’adresser pour jouer le rôle de tierce personne ? Le demandera-t-on à certains médecins qui risquent d’être accusés d’être favorables au suicide assisté ou à l’euthanasie – peu importent les mots ?

Il s’agit d’un problème grave à trancher. J’admire le courage de Mme la ministre, car elle n’a d’autre choix que de faire respecter l’un des engagements du Président de la République sur ce point. Personnellement, je considère qu’il s’agit plutôt d’un problème de société. Toutefois, on peut faire dire ce que l’on veut à la société française au travers des sondages, quels qu’ils soient.

Au fond – même si certains diront que ce sont toujours les médecins qui s’expriment et font part de leur expérience –, on trouvera toujours des personnes qui, vivant une période euphorique de jeunesse, souhaiteront une assistance pour mourir dans un cas extrême. En revanche, le problème se posera d’une façon tout à fait différente au moment décisif de la maladie puis de la mort. De ce point de vue, je rejoins M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Je répondrai très brièvement sur la nécessaire protection de la société. En effet, monsieur Cadic il faut protéger notre société, car l’euthanasie qui, dans un premier temps, s’appliquera à la marge à des cas extrêmement rares et précis, finira par s’élargir. Les marges ont vocation à se déplacer et aboutiront fatalement à la banalisation de l’euthanasie pour des gens dont les souffrances sont de moins en moins importantes. Cet argument a été largement développé, y compris par des personnes tout à fait modérées sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 204 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié ter.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Mes chers collègues, nous avons examiné 39 amendements au cours de la soirée ; il en reste 94.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 17 juin 2015, à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :

Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (348, 2014-2015) ;

Rapport de MM. Michel Amiel et Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales (467, 2014-2015) ;

Texte de la commission (n° 468, 2014-2015) ;

Avis de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (506, 2014-2015).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 17 juin 2015, à deux heures.