Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au-delà de sa dimension statistique, l’adoption des mesures d’application des lois, dans un délai raisonnable, constitue l’un des corollaires du respect de la volonté du législateur. C’est la raison pour laquelle un suivi des mesures réglementaires d’application doit être effectué, du point de vue tant quantitatif que qualitatif.
Sur le plan quantitatif, bien que des progrès aient été constatés en la matière, le moins que l’on puisse dire est que l’objectif, annoncé depuis 2012, d’un taux d’application des lois de 100 % six mois après la fin de la période de référence prise en compte est loin d’être atteint. Pour les lois promulguées au cours de l’année parlementaire 2013- 2014, et suivies au fond par la commission des lois, 54 % des mesures réglementaires prévues ont été prises, soit un peu plus de la moitié.
Autrement dit, alors que la situation apparaissait satisfaisante l’an dernier, avec un taux d’application de 92 %, principalement en raison du fait que le nombre de mesures d’application prévues au cours de la période de référence avait chuté en valeur absolue au regard des périodes précédentes, notre taux d’application s’inscrit cette année davantage dans la lignée des taux constatés auparavant, ce qui n’est guère satisfaisant.
Certes, comme chaque année, rappelons qu’un tel taux doit être fortement nuancé : d’une part, il ne traduit pas davantage que lors des sessions précédentes l’aspect qualitatif des mesures prises ; d’autre part, a contrario, des mesures d’application « secondaires » peuvent ne pas avoir été prises et diminuer le taux de mise en application d’une loi alors même que celle-ci est parfaitement appliquée et que l’essentiel du dispositif est en place sur le terrain. Cependant, personne ne peut se satisfaire de constater année après année que près d’une mesure réglementaire sur deux ne soit pas adoptée six mois après la fin de la session.
Je tiens à préciser que ce travail de suivi des mesures d’application est l’occasion de constater une fois de plus que la charge de travail à laquelle notre commission a fait face s’est encore amplifiée.
En comptabilisant toutes les situations possibles, notre commission a examiné, au cours de la période, 44 textes au fond, auxquels s’ajoutent 29 avis, dont 21 avis budgétaires, 13 rapports d’information et 5 rapports relatifs à des propositions de résolution, niveau d’activité plus important encore que celui qui avait été constaté lors de la session précédente, et jamais atteint auparavant.
Je n’insiste pas, mes chers collègues, sur ces deux éléments statistiques que vous aurez l’occasion d’examiner plus en détail dans le rapport annuel sur l’application des lois.
Plutôt que de détailler ces données, vous me permettrez cette année, monsieur le secrétaire d’État, d’attirer plus particulièrement votre attention sur trois lois de la période de référence dont certaines mesures réglementaires n’ont pas encore été adoptées.
Il s’agit, tout d’abord, de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales : quatre des six mesures d’application prévues par ce texte n’ont toujours pas été prises, alors que le Gouvernement avait engagé la procédure accélérée sur ce texte. Il y a là une incohérence gouvernementale. Je ne sais pas s’il faut aller jusqu’à y voir le signe d’une difficulté à appliquer cette loi, mais il s’agit, dix mois après la promulgation de ce texte, d’une donnée surprenante.
Peut-être disposez-vous, en particulier, d’éléments d’information sur le décret en Conseil d’État, prévu à l’article 35 de la loi ? Cette mesure, non encore adoptée, doit pourtant permettre de rendre effective la faculté donnée aux officiers de police judiciaire d’effectuer, sur autorisation du procureur, des transactions pénales, ce qui n’est pas anodin dans le dispositif législatif dont il est question.
Il en va de même, dans des proportions plus importantes, de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dont 37 mesures réglementaires prévues n’étaient toujours pas prises au 31 mars 2015. Ce constat n’est pas de nature à satisfaire la commission des lois.
Un an et demi après la promulgation de la loi, où en est le décret en Conseil d’État, prévu à l’article 58, qui doit déterminer la nature des biens pris en compte, ainsi que les critères d’éligibilité au fonds pour la réparation des dommages causés aux biens des collectivités territoriales et de leurs groupements par les calamités publiques ?
Enfin, la loi du 27 mai 2014 portant transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, n’est toujours pas pleinement applicable. Le décret, prévu par l’article 11, est toujours en attente.
J’ai choisi ces données et ces trois mesures réglementaires non encore prises, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, parce qu’elles illustrent bien tout l’intérêt pour notre assemblée d’être attentive à la question de l’application des lois.