Intervention de Marc Papinutti

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 17 juin 2015 à 9h35
Audition de M. Marc Papinutti directeur général de voies navigables de france

Marc Papinutti, directeur général des Voies navigables de France :

Je vous remercie pour votre invitation et vous prie d'excuser l'absence de Stéphane Saint-André, président de notre conseil d'administration.

Il ne s'agit pas de notre première audition devant votre commission, et je souhaiterais insister aujourd'hui sur le fait que VNF est un établissement qui a besoin de perspectives pour les cinq années à venir. Notre premier contrat d'objectifs et de performance s'est achevé et nous sommes devenu un établissement moderne, responsable, soucieux de la qualité du service rendu à l'usager et garantissant l'utilité sociale, économique et environnementale de la voie d'eau.

Nous évoluons aujourd'hui dans un environnement contraint. Le trafic fluvial est globalement stable à + 1 % en tonnes-km en 2013 pour les marchandises et - 2 % en 2014 : nos opérateurs résistent mieux à la crise que les autres modes de transport, comme le ferroviaire ou la route. La croisière fluviale connaît quant à elle une très forte croissance, de + 15 % en nuitées en 2014. On trouve des paquebots de croisière notamment sur la Seine, sur la Garonne, sur le Rhône et la demande continue de croître : on envisage de créer des pontons supplémentaires dans de nombreux endroits. Parallèlement, la réglementation environnementale se renforce en favorisant l'intermodalité et nous oblige à améliorer notre gestion hydraulique.

En 2014, nos ressources se contractent par rapport aux années antérieures : les dotations de l'État s'élèvent à 255 millions d'euros, nos ressources propres hors taxe hydraulique génèrent 53 millions d'euros et notre effort d'investissement atteint 187 millions d'euros. La taxe hydraulique, créée au moment de la mise en place de VNF, rapporte 143 millions d'euros, mais voit aujourd'hui son rendement affecté à deux niveaux : d'une part, elle est écrêtée à l'instar d'autres taxes affectées, d'autre part, les évolutions stratégiques d'EDF, notre principal contributeur, le conduisent à s'implanter davantage à l'extrémité des fleuves ou en bord de mer, qu'à l'intérieur des terres.

Nos effectifs se réduisent, avec une diminution de 20 ETP en 2015, moins élevée que les années précédentes, mais les lettres de cadrage que nous recevons annoncent une réduction plus forte à venir.

Aujourd'hui, VNF doit relever quatre défis. Le premier consiste à promouvoir et assurer les activités de navigation. Nous essayons de réhabiliter, de moderniser et d'automatiser le réseau, nous sécurisons les ouvrages et nous développons le transport fluvial. Il est rare qu'un gestionnaire d'infrastructure ait aussi un rôle de développement du transport. Nous étudions par exemple la possibilité de remonter du sable en réhabilitant un réseau historique sur le canal latéral à la Loire.

Notre deuxième défi est d'offrir un service à nos clients et usagers, pour répondre dans la durée à leurs besoins et attentes. Il s'agit d'une révolution culturelle que nous conduisons en portant une attention quotidienne à leur sécurité et à celle de nos agents.

Notre troisième défi est de préserver le patrimoine que constituent les voies navigables. Nous le protégeons, nous l'entretenons, en assurant l'équilibre entre le développement des activités de transport ou de tourisme, et la protection de l'environnement. Par exemple, nous n'utilisons plus de produits phytosanitaires depuis le 1er janvier 2013.

Notre quatrième défi est d'assurer la maîtrise d'ouvrage de grands projets. Je pense en premier lieu, à l'échelle nationale, à Bray-Nogent et au canal du Rhône à Sète, puis à l'échelle européenne, au projet Seine-Escaut dont le canal Seine - Nord Europe constitue la partie française.

Nous nous appuyons pour tout cela sur la compétence et le professionnalisme de nos 4 700 agents, qui sont issus de la fusion du personnel de droit privé de l'ancien établissement public industriel et commercial VNF, et de trois catégories de personnels de droit public : fonctionnaires, contractuels et ouvriers parcs et ateliers. Cette transformation nous oblige à conduire un dialogue social approfondi, qui fonctionne plutôt bien.

Les valeurs de notre établissement et de ses personnels sont le service public et l'intérêt général, le développement durable et la sécurité, le professionnalisme, la compétence, la qualité, l'efficacité, la réactivité, le dynamisme, le travail d'équipe. L'adaptabilité est un peu plus compliquée à mettre en oeuvre. Nous sommes tous, du directeur général au premier chargé d'exploitation, attachés à la voie d'eau, à ce que sont les canaux et ce que l'on peut y faire. Bien entendu, cela suppose en arrière-plan, le respect, l'écoute et la responsabilité.

Nous avons retenu pour 2015-2020 quatre grandes orientations stratégiques. Nous devons d'abord organiser notre réseau, dans un contexte de contraintes budgétaires, économiques et environnementales. Nous devons ensuite agir avec les acteurs institutionnels et économiques au bénéfice du développement des réseaux mais aussi avec les territoires. Nous devons également contribuer au développement des activités locales et touristiques. C'est un vrai sujet pour VNF, nous ne faisons pas que du transport de marchandises : 2 000 agents sont en poste sur un réseau à dimension essentiellement touristique et territoriale. Enfin, nous devons construire un établissement socialement et économiquement responsable.

En ce qui concerne la première orientation, je reviens quelques instants sur l'offre de services. Nous avons fondamentalement trois grands types d'usages. Le premier semble tellement naturel qu'il est parfois oublié dans les discussions : nous proposons une offre de services fret garantie toute l'année sur le réseau principal. La navigation y est possible 7 jours sur 7 en passage libre à l'écluse ou à la demande lorsque le trafic est un peu plus faible. On propose à certains endroits un service 24h/24, par exemple sur la Seine entre Paris et Le Havre.

Le second type d'usage, sur le réseau secondaire, correspond à une offre de service saisonnière à vocation touristique. Selon les régions, la saisonnalité se concentre sur deux ou quatre à six mois. Nous devons l'articuler avec une offre fret qui doit être évaluée à son coût réel pour VNF, étant donné la moindre fréquence du trafic fret sur le réseau secondaire, qui génère peu d'économies d'échelle. Sur ce point, qui concerne par exemple le canal des Ardennes, nous devons travailler de concert avec les territoires.

Enfin, le troisième type d'usage concerne la partie du réseau sur laquelle passent très peu de bateaux, et qui nécessite une part d'anticipation pour mobiliser les agents de VNF ou de prévoir l'automatisation de certaines écluses. Nous développons une offre de service permettant d'autres usages de l'eau et concentrons notre action sur la gestion hydraulique, par exemple l'entretien de passes à poissons à côté de nos barrages. Ainsi, même lorsqu'il n'y a plus de trafic fret ou voyageur, par exemple sur le petit tronçon entre le canal du Nord et le canal de Saint-Quentin, nous devons continuer à assurer un entretien minimum pour les besoins de gestion hydraulique. Un canal ne peut pas être totalement abandonné !

Nous avons essayé de découper les enjeux de notre réseau en trois cartes. La première carte concerne les enjeux commerciaux. Les trafics fret sont principalement concentrés sur le Rhin, la Moselle internationale jusqu'à Metz, la Seine jusqu'au coeur de Paris, le Rhône, le canal du Nord actuel interconnecté avec la Belgique et l'Escaut et dont le développement continue de croître avec le port de Dunkerque, et enfin toutes les liaisons interbassins vers les grands ports maritimes.

La deuxième carte porte sur les enjeux touristiques. On y observe une concentration de plus en plus forte des acteurs de la location de bateaux, principalement sur le canal du Midi, sur la petite Saône et quelques canaux comme le canal du Nivernais, le canal Marne-Rhin avec le plan incliné de Saint-Louis-Arzviller. En arrière-plan, nous nous interrogeons sur les services à fournir aux territoires pour développer le tourisme fluvial, qui séduit beaucoup de Néerlandais, de Belges ou d'Allemands. Ces personnes descendent au début de l'été et passent deux à trois mois en France : elles consomment environ 50 euros par jour localement et le cyclotourisme correspondant est évalué à près de 100 euros par jour.

Enfin, la troisième carte représente les enjeux de gestion hydraulique. La situation est plus complexe. Les liaisons interbassins entre le bassin Moselle-Rhin, le bassin du Rhin et le bassin Saône-Rhône, sont encore peu utilisées localement, ce qui n'est pas sans poser de problèmes quant aux choix à faire. Nous analysons la situation itinéraire par itinéraire : nous déclinons les projets pour chaque itinéraire, nous évaluons l'offre de services que nous pouvons proposer, nous allouons les moyens et nous effectuons systématique une analyse des risques sécuritaires et environnementaux.

En parallèle, nous avons de grands projets de développement : le canal du Rhône à Sète où nous avons commencé les travaux, la liaison Bray-Nogent qui intéresse les céréaliers de Champagne et de l'Aube, et le canal Seine - Nord Europe qui a fait l'objet d'un amendement à la loi Macron pour la création par ordonnance d'une société de projet.

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