Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Réunion du 17 juin 2015 à 9h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La réunion est ouverte à 9h35.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Mes chers collègues, avant de commencer, je souhaiterais exprimer nos pensées amicales à François Aubey, qui a été démissionné d'office par le Conseil Constitutionnel et déclaré inéligible pour une durée d'un an. Notre collègue était très apprécié dans notre commission et s'est beaucoup investi sur le sujet du transport aérien.

J'en profite également pour vous rappeler que notre commission se déplacera dans la Manche ce lundi 22 juin, sur le thème de l'aménagement numérique du territoire. Il s'agira de voir, sur le terrain, un certain nombre de réalisations, notamment en termes d'usages. Grâce à Philippe Bas et à ses équipes, le programme du déplacement devrait être riche et intéressant. Nous rencontrerons notamment l'entreprise Acome, leader national sur le marché de la fibre. Il est encore temps de s'inscrire.

J'entre à présent dans le vif du sujet. Monsieur le directeur général, nous sommes ravis de vous accueillir à nouveau devant notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable qui, à ce double titre, porte une attention toute particulière au sujet de la voie fluviale qui irrigue nos territoires.

Je rappelle que Voies navigables de France (VNF) est depuis le 1er janvier 2013 l'établissement public - autorité unique - chargé de gérer le service public de la voie d'eau dans notre pays. Quelques chiffres pour situer le contexte : VNF a la charge de l'exploitation, de la maintenance et de la modernisation de 6 700 km de rivières et canaux navigables, 40 000 ha de domaine public fluvial, 4 000 ouvrages d'art, écluses et barrages, ainsi que de 2 500 bâtiments et maisons éclusières. Cela montre l'étendue des responsabilités de l'établissement qui emploie 4 700 agents. Après 18 mois de fonctionnement, vous pourrez donc nous dire quel bilan vous portez sur l'organisation et l'activité de VNF.

Mais surtout, vous êtes actuellement en cours de finalisation du projet stratégique de l'établissement pour la période 2015-2020. Ce document est essentiel si l'on veut relancer le transport fluvial et la voie d'eau dans notre pays. Au moment où nous nous préparons à accueillir une conférence majeure sur le climat, il n'est pas inutile de rappeler que le transport fluvial est certainement le plus vertueux de tous les modes de transport : avec 1 kg équivalent pétrole, on peut transporter 1 tonne de marchandises sur 50 km par camion, sur 130 km par le train et sur 175 km par la voie fluviale. Le transport fluvial est le moins cher, le moins polluant et parmi les plus sûrs des moyens de transport mais aussi - et c'est là le paradoxe - l'un des moins utilisés... Nous serons donc très heureux d'entendre les grandes lignes du projet stratégique destiné à relancer ce mode de transport et à développer l'intermodalité.

Je ne doute pas aussi que mes collègues auront à coeur de vous interroger sur les grands projets structurants qui concernent votre établissement : Bray-Nogent, le canal du Rhône à Sète ou encore le canal Seine -Nord Europe. Où en est-on ? On nous avait indiqué, lors d'une précédente audition au début de l'année 2014, que des financements européens pourraient être mobilisés mais à condition que le projet soit finalisé pour la fin de l'année 2014. Qu'en est-il effectivement ?

Autre question enfin : est-ce que VNF s'engage dans la production d'électricité, comme le lui permet la loi de 2012 ? Est-ce que cela pourrait être une source de revenus pour l'établissement ?

Debut de section - Permalien
Marc Papinutti, directeur général des Voies navigables de France

Je vous remercie pour votre invitation et vous prie d'excuser l'absence de Stéphane Saint-André, président de notre conseil d'administration.

Il ne s'agit pas de notre première audition devant votre commission, et je souhaiterais insister aujourd'hui sur le fait que VNF est un établissement qui a besoin de perspectives pour les cinq années à venir. Notre premier contrat d'objectifs et de performance s'est achevé et nous sommes devenu un établissement moderne, responsable, soucieux de la qualité du service rendu à l'usager et garantissant l'utilité sociale, économique et environnementale de la voie d'eau.

Nous évoluons aujourd'hui dans un environnement contraint. Le trafic fluvial est globalement stable à + 1 % en tonnes-km en 2013 pour les marchandises et - 2 % en 2014 : nos opérateurs résistent mieux à la crise que les autres modes de transport, comme le ferroviaire ou la route. La croisière fluviale connaît quant à elle une très forte croissance, de + 15 % en nuitées en 2014. On trouve des paquebots de croisière notamment sur la Seine, sur la Garonne, sur le Rhône et la demande continue de croître : on envisage de créer des pontons supplémentaires dans de nombreux endroits. Parallèlement, la réglementation environnementale se renforce en favorisant l'intermodalité et nous oblige à améliorer notre gestion hydraulique.

En 2014, nos ressources se contractent par rapport aux années antérieures : les dotations de l'État s'élèvent à 255 millions d'euros, nos ressources propres hors taxe hydraulique génèrent 53 millions d'euros et notre effort d'investissement atteint 187 millions d'euros. La taxe hydraulique, créée au moment de la mise en place de VNF, rapporte 143 millions d'euros, mais voit aujourd'hui son rendement affecté à deux niveaux : d'une part, elle est écrêtée à l'instar d'autres taxes affectées, d'autre part, les évolutions stratégiques d'EDF, notre principal contributeur, le conduisent à s'implanter davantage à l'extrémité des fleuves ou en bord de mer, qu'à l'intérieur des terres.

Nos effectifs se réduisent, avec une diminution de 20 ETP en 2015, moins élevée que les années précédentes, mais les lettres de cadrage que nous recevons annoncent une réduction plus forte à venir.

Aujourd'hui, VNF doit relever quatre défis. Le premier consiste à promouvoir et assurer les activités de navigation. Nous essayons de réhabiliter, de moderniser et d'automatiser le réseau, nous sécurisons les ouvrages et nous développons le transport fluvial. Il est rare qu'un gestionnaire d'infrastructure ait aussi un rôle de développement du transport. Nous étudions par exemple la possibilité de remonter du sable en réhabilitant un réseau historique sur le canal latéral à la Loire.

Notre deuxième défi est d'offrir un service à nos clients et usagers, pour répondre dans la durée à leurs besoins et attentes. Il s'agit d'une révolution culturelle que nous conduisons en portant une attention quotidienne à leur sécurité et à celle de nos agents.

Notre troisième défi est de préserver le patrimoine que constituent les voies navigables. Nous le protégeons, nous l'entretenons, en assurant l'équilibre entre le développement des activités de transport ou de tourisme, et la protection de l'environnement. Par exemple, nous n'utilisons plus de produits phytosanitaires depuis le 1er janvier 2013.

Notre quatrième défi est d'assurer la maîtrise d'ouvrage de grands projets. Je pense en premier lieu, à l'échelle nationale, à Bray-Nogent et au canal du Rhône à Sète, puis à l'échelle européenne, au projet Seine-Escaut dont le canal Seine - Nord Europe constitue la partie française.

Nous nous appuyons pour tout cela sur la compétence et le professionnalisme de nos 4 700 agents, qui sont issus de la fusion du personnel de droit privé de l'ancien établissement public industriel et commercial VNF, et de trois catégories de personnels de droit public : fonctionnaires, contractuels et ouvriers parcs et ateliers. Cette transformation nous oblige à conduire un dialogue social approfondi, qui fonctionne plutôt bien.

Les valeurs de notre établissement et de ses personnels sont le service public et l'intérêt général, le développement durable et la sécurité, le professionnalisme, la compétence, la qualité, l'efficacité, la réactivité, le dynamisme, le travail d'équipe. L'adaptabilité est un peu plus compliquée à mettre en oeuvre. Nous sommes tous, du directeur général au premier chargé d'exploitation, attachés à la voie d'eau, à ce que sont les canaux et ce que l'on peut y faire. Bien entendu, cela suppose en arrière-plan, le respect, l'écoute et la responsabilité.

Nous avons retenu pour 2015-2020 quatre grandes orientations stratégiques. Nous devons d'abord organiser notre réseau, dans un contexte de contraintes budgétaires, économiques et environnementales. Nous devons ensuite agir avec les acteurs institutionnels et économiques au bénéfice du développement des réseaux mais aussi avec les territoires. Nous devons également contribuer au développement des activités locales et touristiques. C'est un vrai sujet pour VNF, nous ne faisons pas que du transport de marchandises : 2 000 agents sont en poste sur un réseau à dimension essentiellement touristique et territoriale. Enfin, nous devons construire un établissement socialement et économiquement responsable.

En ce qui concerne la première orientation, je reviens quelques instants sur l'offre de services. Nous avons fondamentalement trois grands types d'usages. Le premier semble tellement naturel qu'il est parfois oublié dans les discussions : nous proposons une offre de services fret garantie toute l'année sur le réseau principal. La navigation y est possible 7 jours sur 7 en passage libre à l'écluse ou à la demande lorsque le trafic est un peu plus faible. On propose à certains endroits un service 24h/24, par exemple sur la Seine entre Paris et Le Havre.

Le second type d'usage, sur le réseau secondaire, correspond à une offre de service saisonnière à vocation touristique. Selon les régions, la saisonnalité se concentre sur deux ou quatre à six mois. Nous devons l'articuler avec une offre fret qui doit être évaluée à son coût réel pour VNF, étant donné la moindre fréquence du trafic fret sur le réseau secondaire, qui génère peu d'économies d'échelle. Sur ce point, qui concerne par exemple le canal des Ardennes, nous devons travailler de concert avec les territoires.

Enfin, le troisième type d'usage concerne la partie du réseau sur laquelle passent très peu de bateaux, et qui nécessite une part d'anticipation pour mobiliser les agents de VNF ou de prévoir l'automatisation de certaines écluses. Nous développons une offre de service permettant d'autres usages de l'eau et concentrons notre action sur la gestion hydraulique, par exemple l'entretien de passes à poissons à côté de nos barrages. Ainsi, même lorsqu'il n'y a plus de trafic fret ou voyageur, par exemple sur le petit tronçon entre le canal du Nord et le canal de Saint-Quentin, nous devons continuer à assurer un entretien minimum pour les besoins de gestion hydraulique. Un canal ne peut pas être totalement abandonné !

Nous avons essayé de découper les enjeux de notre réseau en trois cartes. La première carte concerne les enjeux commerciaux. Les trafics fret sont principalement concentrés sur le Rhin, la Moselle internationale jusqu'à Metz, la Seine jusqu'au coeur de Paris, le Rhône, le canal du Nord actuel interconnecté avec la Belgique et l'Escaut et dont le développement continue de croître avec le port de Dunkerque, et enfin toutes les liaisons interbassins vers les grands ports maritimes.

La deuxième carte porte sur les enjeux touristiques. On y observe une concentration de plus en plus forte des acteurs de la location de bateaux, principalement sur le canal du Midi, sur la petite Saône et quelques canaux comme le canal du Nivernais, le canal Marne-Rhin avec le plan incliné de Saint-Louis-Arzviller. En arrière-plan, nous nous interrogeons sur les services à fournir aux territoires pour développer le tourisme fluvial, qui séduit beaucoup de Néerlandais, de Belges ou d'Allemands. Ces personnes descendent au début de l'été et passent deux à trois mois en France : elles consomment environ 50 euros par jour localement et le cyclotourisme correspondant est évalué à près de 100 euros par jour.

Enfin, la troisième carte représente les enjeux de gestion hydraulique. La situation est plus complexe. Les liaisons interbassins entre le bassin Moselle-Rhin, le bassin du Rhin et le bassin Saône-Rhône, sont encore peu utilisées localement, ce qui n'est pas sans poser de problèmes quant aux choix à faire. Nous analysons la situation itinéraire par itinéraire : nous déclinons les projets pour chaque itinéraire, nous évaluons l'offre de services que nous pouvons proposer, nous allouons les moyens et nous effectuons systématique une analyse des risques sécuritaires et environnementaux.

En parallèle, nous avons de grands projets de développement : le canal du Rhône à Sète où nous avons commencé les travaux, la liaison Bray-Nogent qui intéresse les céréaliers de Champagne et de l'Aube, et le canal Seine - Nord Europe qui a fait l'objet d'un amendement à la loi Macron pour la création par ordonnance d'une société de projet.

Debut de section - Permalien
Marc Papinutti, directeur général des Voies navigables de France

Ensuite, nous avons l'opération Mageo dans l'Oise, ainsi que l'opération sur Condé-Pomerol pour accéder au réseau belge. Enfin, nous travaillons à la sécurisation d'ouvrages existants, notamment l'écluse de Méricourt, qui pose des problèmes de fiabilité à un endroit stratégique où nous avons beaucoup de trafic.

En ce qui concerne notre orientation « Agir avec les acteurs institutionnels et économiques », il y a d'abord l'Europe, auprès de laquelle nous avons déposé un dossier pour obtenir 40 % de subvention pour le canal Seine - Nord : nous devrions obtenir la réponse cet été ou à l'automne. Nous devons également effectuer un travail de fond pour nous ajuster au redécoupage des régions, alors que l'organisation territoriale de VNF vient tout juste d'être mise en place. Nous travaillons également avec les métropoles, notamment Lyon, Lille ou Rouen, avec les départements, par exemple sur l'utilisation des chemins de halage comme pistes cyclables, et avec les acteurs économiques (céréaliers, BTP). Nos outils, vous les connaissez : ce sont les CPER, les commissions territoriales, dont le fonctionnement est très inégal, et les contrats de territoire.

Nous devons contribuer au développement des activités. S'agissant de la place de VNF dans la promotion et le développement du fret fluvial, nous avons beau vouloir développer l'offre de services, encore faut-il que des entreprises, d'une part, nous suivent et, d'autre part, soient aidées.

Si on le compare au transport routier, le trafic fluvial n'est pas un mode de transport simple. La construction de la chaîne logistique implique toujours une intermodalité pour amener le fret jusqu'au bateau et ensuite le décharger ; ces opérations sont moins rapides qu'avec un camion qui arrive immédiatement au coeur de l'entrepôt. Grâce à l'avantage économique que présente le transport fluvial on a pu constater, en Moselle par exemple, que les silos se sont rapprochés du grand gabarit et se sont concentrés autour de ces grands axes. Nos clients céréaliers se sont transformés. Il nous appartient de mieux faire connaître ce mode de transport pour le développer.

Dans cette optique, VNF organise des « river dating » pour mettre en présence des centaines de personnes qui échangent sur leur expérience et cela aboutit parfois à la création de nouveaux trafics. Il nous faut aussi travailler avec les grands ports maritimes. Nos ports français ne sont pas naturellement physiquement aussi ouverts à leur arrière-pays fluvial que ne le sont les ports d'Europe du Nord. Les premiers ports fluviaux français sont d'ailleurs plus particulièrement sur le Rhin ou l'Escaut. Ce sera une étape difficile car la culture fluviale n'est pas encore développée, y compris physiquement. Toutefois, nous constatons de bonnes croissances du trafic, notamment sur le Rhône ou avec le Port de Marseille.

Nous devons encore faire des efforts pour l'activité économique et touristique. Certains sites de VNF ont jusqu'à 500 000 visiteurs par an. Nous pouvons mieux aménager notre domaine de 40 000 hectares et y améliorer l'offre de services, à l'instar, par exemple, de ce que nous avons déjà réalisé à Lyon, sur les berges de la Saône.

D'autre part, en ce qui concerne l'innovation, j'attire votre attention sur le fait que nos bateaux sont anciens, certains vieux de soixante ans ; il n'y a plus de nouvelles constructions de bateaux depuis une trentaine d'années. En Europe, il ne se vend qu'une cinquantaine de nouveaux moteurs par an. Cela pose un problème d'innovation et de respect des normes européennes.

De plus, pour accompagner le changement, nous devons assurer la sécurité. J'ai d'ailleurs fixé l'objectif ambitieux de zéro accident avec arrêt de travail.

Enfin, notre stratégie financière doit être confortée car le financement d'un projet de cette nature nécessite une visibilité financière sur trois à cinq ans, en particulier pour les investissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Merci pour cette présentation. Je laisse à présent la parole à mes collègues qui souhaitent vous interroger.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Je vous remercie pour cette présentation qui met en lumière tout le potentiel des Voies navigables de France, mais aussi tout ce qui reste à faire pour exploiter ce potentiel.

Dans mon département de la Seine-Maritime, par exemple, il y a les deux grands ports du Havre et de Rouen dont nous sommes loin d'utiliser pleinement le potentiel.

Au Havre, le trafic est de 2,5 millions de containers, tandis qu'à Anvers il est de 10 millions. En 2009, alors que j'étais rapporteur du projet de loi sur les grands ports maritimes, j'avais constaté qu'on ne pouvait utiliser ni le fleuve ni le fer, privilégiant de fait la route. Dans mon rapport, j'avais donc suggéré un raccordement entre la Seine et le grand port maritime. Mais c'est la solution, bien plus coûteuse, d'un centre intermodal qui a été décidée.

Face aux difficultés de financement rencontrées, ne serait-il pas possible d'envisager des partenariats public-privé ?

D'autre part, le canal Seine - Nord suscite de nombreuses inquiétudes des élus de ma région : ne risque-t-il pas de nous faire perdre du trafic ?

Enfin, ne pourrait-on pas réhabiliter le réseau de canaux existant pour permettre une partie du trafic vers l'Est ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Je félicite M. Papinutti pour son exposé et les projets qu'il souhaite mettre en oeuvre pour développer les voies navigables. C'est un enjeu majeur, au regard notamment de la transition énergétique que nous nous apprêtons à voter en nouvelle lecture.

Sur la problématique des allers retours dans le transport fluvial, comment trouver des marchandises pour rentabiliser le retour d'un trajet ? Le projet du Grand Paris prévoit-il d'utiliser le transport fluvial pour évacuer les milliers de mètres cubes de gravats ?

Le tourisme fluvial ne se développera que s'il est proposé avec des offres complémentaires. Quelles sont les marges financières de VNF pour développer tous les projets que vous avez évoqués ? Et comment peut-on également aider les communes limitrophes qui doivent assumer l'entretien ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Poher

Je voudrais témoigner de la situation spécifique de la plaine des Flandres où j'ai été maire d'une commune traversée par un canal autrefois utilisé pour le transport du minerai. Lorsque j'ai constaté que les berges de ce canal étaient trouées par les rats musqués sur une longueur de 10 kilomètres, j'ai demandé à rencontrer les responsables de VNF. Je me suis vu opposer une fin de non-recevoir car ce canal n'était plus navigable !

En plaine des Flandres, nous avons un système d'évacuation à la mer qui ne peut fonctionner convenablement que lorsque le niveau des canaux est très bas. En cas de forte pluie ou d'inondation, nous devons demander à VNF d'abaisser les niveaux, ce qui n'est pas toujours accepté car cela obligerait à interrompre la circulation. Ne pourrait-on pas trouver un système de coordination entre les élus locaux, les institutions de wateringues et VNF ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

Vous devez vous demander pourquoi un élu du Lot s'intéresse aux questions fluviales... Depuis quelques années, avec mon collègue Pierre Camani, nous avons rendu le Lot navigable sur un itinéraire qui pourrait faire 200 kilomètres en continu s'il n'y avait pas l'obstacle de deux barrages hydroélectriques. L'impact touristique a été considérable.

Vous nous avez dit que vous pourriez bénéficier de crédits européens pour créer des infrastructures d'accueil touristique. Nous aimerions que les barrages de Fumel et de Luzech puissent également bénéficier de crédits européens pour permettre la continuité du Lot et augmenter encore l'attractivité touristique. Quelle pourrait-être aujourd'hui l'intervention de VNF à cet égard ?

La rivière Lot était navigable il y a bien longtemps. À cette époque, on apportait le vin de Cahors à Bordeaux pour améliorer le Bordeaux...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Je me réjouis de l'engagement pris par le Premier ministre pour la réalisation prochaine du canal Seine - Nord Europe. Comme il a été évoqué plus haut, un amendement à la loi Macron a décidé la création d'un établissement public associant l'État, VNF et les collectivités pour la réalisation de ce projet. Quelle place reviendra aux collectivités territoriales dans la gouvernance de cet établissement ?

Par ailleurs, le rapport Pauvros remis en mai dernier préconise une démarche « grand chantier ». Quels seront le rôle et la place de VNF dans ce dispositif et quelles retombées les entreprises locales en attendent-elles ?

Enfin, quelle est la vocation de la plateforme intermodale de Marquion dans le Pas-de-Calais ? Et quelle surface aurez-vous besoin de prendre à l'ex-BA 103 pour assurer la logistique de ce chantier très attendu dans le Pas-de-Calais ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Monsieur le directeur général, j'aimerais vous interroger sur le recul des ressources que vous avez annoncé : s'agit-il d'une tendance lourde ? Vous avez également évoqué le plafonnement légal : pouvez-vous détailler ce point ? Cette contrainte obère-t-elle votre capacité de développement ? Enfin, le changement de stratégie industrielle des clients est-il la cause ou la conséquence d'une adaptation des outils ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nelly Tocqueville

Tout comme Charles Revet, je suis élue de Seine-Maritime et, à ce titre, je dois vous faire part des inquiétudes qui s'expriment quant au projet de canal Seine - Nord. C'est un canal de 100 kilomètres, à grand gabarit avec un projet de liaison significatif dont on comprend bien l'importance. En 2008, ce canal avait été déclaré d'intérêt public et inscrit au schéma national des infrastructures de transports, ce dont tout le monde s'était réjoui, le consensus était alors général.

Aujourd'hui, le député-maire du Havre dénonce « un gâchis économique et environnemental », les présidents des chambres de commerce et d'industrie de Rouen et du Havre parlent d'une « mise en péril de l'équilibre économique et industriel de la région ». Tout le monde s'inquiète d'une fragilisation des installations portuaires de l'axe Seine au bénéfice des ports de l'Europe du Nord, Anvers et Rotterdam.

Le consensus n'est donc plus de mise. Lorsque l'on regarde la carte que vous nous avez présentée, on constate que Le Havre a complètement disparu. Or, la vallée de la Seine constitue le premier complexe portuaire français et le quatrième à l'échelle européenne. Le Havre est le premier port français pour le trafic de containers, Rouen le premier port français pour les céréales et le papier et, à ce jour, Le Havre n'est toujours pas pourvu d'une desserte fluviale directe.

Je rappellerai brièvement que le contrat de plan État-Région (CPER) 2007-2013 avait inscrit 57 millions d'euros pour le développement des infrastructures portuaires du Havre, et que celui de 2015-2020 prévoit d'autres infrastructures prioritaires. Il s'agit-là d'investissements lourds et les inquiétudes des élus n'en sont que plus vives.

Quid de cet aménagement ? Qu'en est-il d'une desserte fluviale directe et du développement d'un pôle multimodal vers Le Havre, sans lequel on condamnerait complètement une partie de notre territoire portuaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Filleul

Je suis favorable au canal Seine - Nord et je découvre les inquiétudes des élus de cette région.

Vous avez évoqué une stabilité du fret fluvial. Qu'en est-il précisément ? Pouvez-vous aussi préciser vos démarches en direction des entreprises ? Certaines marchandises peuvent être transportées sans que la question des délais soit fondamentale. Ce mode de transport est, de plus, très intéressant sur le plan environnemental.

Lors d'une précédente audition, vous aviez évoqué avec enthousiasme les livraisons dans Paris par la Seine. Où en êtes-vous de cet intéressant projet ?

Quant à la Loire, elle n'est malheureusement pas navigable. Mais nous avons toutefois de nombreux projets touristiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bignon

Je suis navré de voir se développer cette polémique sur le canal Seine - Nord, car nous appartenons tous à la même communauté et il s'agit d'un projet d'intérêt général qui mobilise d'importants moyens financiers. Le maire du Havre évoque souvent le fait qu'il faudrait une liaison ferroviaire électrifiée entre Le Havre et Châlons-en-Champagne. Cet aménagement du territoire vous paraît-il utile ?

Vous nous avez parlé de vos 40 000 hectares de réserves foncières, situées en parties dans des zones humides. Le canal Seine - Nord va prendre beaucoup d'espace aux terres agricoles. Êtes-vous opérateur de compensation ? En tant qu'opérateur foncier, vous avez un rôle à jouer dans les préoccupations du monde agricole et des défenseurs de la biodiversité.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Vous avez évoqué les contrats de territoire et les grands projets. Nous connaissons tous les difficultés que rencontrent les collectivités locales pour faire aboutir certains projets, en raison notamment des différents schémas et zonages de protection des zones naturelles sensibles. Je pense en particulier aux zones humides, aux zones Natura 2000, ou encore aux zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF). Êtes-vous également gêné par ces contraintes dans la réalisation de vos projets ? Je voudrais être sûre qu'il n'y a pas deux poids, deux mesures, en la matière...

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

J'ai beaucoup apprécié votre exposé, qui était à la fois complet et pédagogique. Sans m'attarder sur la polémique entre le développement du grand port maritime du Havre et le canal Seine - Nord Europe, déjà largement évoquée par mes collègues, je pense qu'il est important d'anticiper à la fois le développement du transport maritime et celui du transport fluvial. Pour éviter toute concurrence directe, il faut que les projets du Havre et du canal Seine - Nord Europe soient menés de front : anticiper la taille des futurs grands navires peut être une piste de réflexion.

Je souhaite également revenir sur le sujet des ports fluviaux, qui ont des statuts et une gouvernance complètement différents des ports maritimes. Cela peut poser problème aux collectivités, lorsqu'elles doivent aménager les abords des canaux, ou qu'elles possèdent des terrains qui pourraient accueillir un port.

Debut de section - PermalienPhoto de Benoît Huré

Monsieur le directeur général, lorsqu'on reçoit un organisme aussi important que VNF dans l'aménagement de nos territoires, on fait forcément le tour de France des doléances ! J'ai d'ailleurs appris avec désolation qu'on gaspillait le Cahors pour aller enrichir le Bordeaux... (sourires).

Je souhaite, pour ma part, témoigner d'une coopération fructueuse entre VNF et le département des Ardennes. Nous étions régulièrement inondés par la Meuse - la dernière inondation a engendré pas moins de 350 millions d'euros de dégâts ! -, et notre collaboration très constructive avec VNF a permis de dompter le fleuve et lancer le projet de reconstruction du barrage. Les collectivités avaient certes investi des sommes importantes dans ces travaux, mais c'est l'investissement de plus de 320 millions d'euros par votre établissement qui a permis de concrétiser ces opérations.

L'approche pratique, pragmatique et innovante de VNF est la preuve que service public et efficacité sont compatibles !

Les travaux menés sur le grand port de Givet, situé de manière stratégique sur la route fluviale vers Anvers et Namur, ont permis une véritable montée en puissance du fret grand gabarit. Cet exemple illustre votre souci d'être facilitateur de liens commerciaux avec les acteurs qui utilisent vos réseaux.

Enfin, en tant qu'élu local, j'accorde beaucoup d'importance au développement du tourisme. Là encore, VNF, en supportant l'investissement de 27 millions d'euros fait par les collectivités, nous a permis de réhabiliter en voies vertes près de 80 kilomètres de berges. Depuis 2004, près de 200 000 visiteurs ont pu bénéficier de ces aménagements. Ce chiffre augmente de 10 % tous les ans, les retombées économiques avoisinent les 8 millions d'euros : c'est un vrai succès !

Pour le soutien de votre établissement à tous ces projets, je tiens donc à vous remercier chaleureusement.

Debut de section - Permalien
Marc Papinutti, directeur général des Voies navigables de France

Je vais répondre en premier lieu aux sénateurs qui ont exprimé leur inquiétude au sujet du canal Seine - Nord Europe. Les travaux, après avoir été retardés, puis interrompus, devraient commencer en 2017 pour se terminer en 2023. Nous avons mis en place une société de projet, qui permet aux collectivités territoriales concernées de participer à la gouvernance « au quotidien » du projet, conformément aux engagements pris par VNF. Ces collectivités intervenaient déjà auprès des Safer et sur les opérations de remembrement, car nous sommes très attentifs à la préservation des bonnes terres agricoles, mais il est important qu'en tant que maître d'ouvrage, nous les associions pleinement au projet.

Du point de vue du financement, les départements et les régions se sont engagés à hauteur d'un milliard d'euros, l'Etat versera la même somme, et nous attendons maintenant la subvention européenne qui doit nous être versée dans le cadre du mécanisme pour l'interconnexion de l'Europe (MIE).

Un deuxième axe majeur est l'axe Seine. Notre volonté d'y développer le trafic est aussi grande que pour le canal Seine - Nord Europe. La concurrence est un faux problème : il faut surtout requalifier l'axe Seine en axe de transport, et pas seulement fluvial !

Il ne faut pas confondre le problème de lisibilité auquel nous sommes confrontés avec un problème économique : les deux axes ne sont tout simplement pas de même nature. VNF ne choisira pas entre l'un et l'autre ; nous soutiendrons les deux. Nous avons d'ailleurs travaillé avec les grands ports maritimes pour présenter un contrat de projet interrégional (CPIER) qui intègre toutes ces problématiques, et nous permet de nous interroger sur le développement des transports non-agressifs que sont le fluvial et le ferroviaire dans les cinq à sept ans à venir. Il faudra, bien sûr, que les régions Normandie et Ile-de-France portent également cette réflexion au niveau politique. Je ne doute pas que le CPIER proposera une solution pour reconstruire l'axe Seine, sans pour autant se désengager du canal Seine - Nord Europe.

Concernant l'usage des partenariats publics-privés (PPP) : nous avons cité le cas réussi de la Meuse. Nous avons pu produire de l'hydro-électricité, ce qui a dégagé des recettes. Sans ce type de partenariat, nous n'aurions pas été capables, à raison d'un barrage tous les quatre ou cinq ans, de moderniser l'ensemble des infrastructures. Mais il n'y a pas de secret : les deux seules ressources mobilisables dans le cadre d'un PPP sont les usagers et les subventions publiques. Selon que l'on place le curseur d'un côté ou de l'autre, les projets mettent plus ou moins de temps à se réaliser.

Monsieur Pointereau a évoqué le fret retour. C'est un véritable problème pour le développement du transport fluvial, sur lequel nous menons également une réflexion approfondie. Nous avons parfois un retour de containers, mais la concurrence du transport routier est forte.

Je suis convaincu que le développement du transport fluvial doit s'appuyer sur nos opérateurs et nos territoires : la France est un pays de grands céréaliers, et restera exportateur dans ce domaine. Le trafic de l'agroalimentaire est stable, et nous devons accompagner et soutenir leur présence sur le marché mondial. L'énergie est un autre secteur sur lequel il faut s'appuyer, même si les flux sont plus instables. Enfin, il nous faudra être inventifs pour révolutionner les circuits de traitement des matériaux de construction et s'orienter vers des cycles courts. La logistique urbaine n'est pas un simple gadget : les déchetteries flottantes, mises en place à Lyon et Paris, sont une réussite. Nous travaillons étroitement avec France Nature Environnement sur ces sujets.

Nous prenons très à coeur notre rôle dans le tourisme fluvestre. C'est un véritable levier pour les territoires isolés, et nous avons un potentiel paysager, souvent inconnu, qu'il faut valoriser. Le canal des Ardennes en est un excellent exemple. Peut-être viendrons-nous prochainement dans le Lot : j'ai entendu votre appel, Monsieur Miquel...

Enfin, je souhaite dire un mot du recul des ressources. Aujourd'hui, les projets stratégiques ne comportent pas de volet financier ; sans savoir quels sont réellement nos moyens, il m'est difficile d'engager VNF sur certains projets. Nos réserves foncières sont conséquentes, mais difficiles à maîtriser. La taxe hydraulique, dont nous tirons une partie de nos ressources, est écrêtée tous les ans : nous ne sommes malheureusement pas les seuls à en pâtir. De plus, la croissance économique du pays est faible, ce qui nous oblige à être plus innovants pour pouvoir continuer à investir. Les investissements sont bien entendu priorisés ; la sécurité est primordiale, notamment pour les 350 barragistes qui opèrent encore aujourd'hui. Le trafic et le tourisme sont également privilégiés.

Monsieur Poher a évoqué le cas délicat des wateringues flamands, ces canaux du Nord accessibles uniquement aux bateaux de petit gabarit. VNF doit trouver le juste équilibre entre la prévention des inondations et le développement de la navigation. Il faut que le canal soit à la fois le réservoir en cas d'inondations - dans cette région, l'eau ne coule pas vers la mer... mais vers l'intérieur des terres ! -, et un accès au port de Dunkerque : trop haut, on ne passe plus les containers sous les ponts, trop bas, on pénalise le fret lourd vers Dunkerque... ces canaux sont une gageure !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je vous remercie pour cette audition très intéressante. Les questions ont été nombreuses, preuve de notre intérêt pour VNF !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Je souhaite poser une dernière question à M. Papinutti...

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

J'ai deux questions concernant la « chatière », qui est un projet déterminant pour le développement du port du Havre et du trafic fluvial vers Paris. Ce projet dépend-t-il de vous ou seulement du port du Havre ? Le coût estimé de l'opération étant inférieur à 100 millions d'euros, pensez-vous que la conclusion d'un PPP permettrait de lancer le développement plus rapidement ?

Debut de section - Permalien
Marc Papinutti, directeur général des Voies navigables de France

VNF n'est pas le maître d'ouvrage de la « chatière », même si nous avions mené les premières études économiques sur ce projet : c'est le grand port maritime du Havre qui occupe cette fonction.

Des études approfondies sont planifiées dans le cadre du CPIER : les choix seront définis dans la deuxième partie du contrat de plan.

La réunion est levée à 11 heures.

- Présidence de M. Hervé Maurey, président -