Intervention de Marc Papinutti

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 17 juin 2015 à 9h35
Audition de M. Marc Papinutti directeur général de voies navigables de france

Marc Papinutti, directeur général des Voies navigables de France :

Je vais répondre en premier lieu aux sénateurs qui ont exprimé leur inquiétude au sujet du canal Seine - Nord Europe. Les travaux, après avoir été retardés, puis interrompus, devraient commencer en 2017 pour se terminer en 2023. Nous avons mis en place une société de projet, qui permet aux collectivités territoriales concernées de participer à la gouvernance « au quotidien » du projet, conformément aux engagements pris par VNF. Ces collectivités intervenaient déjà auprès des Safer et sur les opérations de remembrement, car nous sommes très attentifs à la préservation des bonnes terres agricoles, mais il est important qu'en tant que maître d'ouvrage, nous les associions pleinement au projet.

Du point de vue du financement, les départements et les régions se sont engagés à hauteur d'un milliard d'euros, l'Etat versera la même somme, et nous attendons maintenant la subvention européenne qui doit nous être versée dans le cadre du mécanisme pour l'interconnexion de l'Europe (MIE).

Un deuxième axe majeur est l'axe Seine. Notre volonté d'y développer le trafic est aussi grande que pour le canal Seine - Nord Europe. La concurrence est un faux problème : il faut surtout requalifier l'axe Seine en axe de transport, et pas seulement fluvial !

Il ne faut pas confondre le problème de lisibilité auquel nous sommes confrontés avec un problème économique : les deux axes ne sont tout simplement pas de même nature. VNF ne choisira pas entre l'un et l'autre ; nous soutiendrons les deux. Nous avons d'ailleurs travaillé avec les grands ports maritimes pour présenter un contrat de projet interrégional (CPIER) qui intègre toutes ces problématiques, et nous permet de nous interroger sur le développement des transports non-agressifs que sont le fluvial et le ferroviaire dans les cinq à sept ans à venir. Il faudra, bien sûr, que les régions Normandie et Ile-de-France portent également cette réflexion au niveau politique. Je ne doute pas que le CPIER proposera une solution pour reconstruire l'axe Seine, sans pour autant se désengager du canal Seine - Nord Europe.

Concernant l'usage des partenariats publics-privés (PPP) : nous avons cité le cas réussi de la Meuse. Nous avons pu produire de l'hydro-électricité, ce qui a dégagé des recettes. Sans ce type de partenariat, nous n'aurions pas été capables, à raison d'un barrage tous les quatre ou cinq ans, de moderniser l'ensemble des infrastructures. Mais il n'y a pas de secret : les deux seules ressources mobilisables dans le cadre d'un PPP sont les usagers et les subventions publiques. Selon que l'on place le curseur d'un côté ou de l'autre, les projets mettent plus ou moins de temps à se réaliser.

Monsieur Pointereau a évoqué le fret retour. C'est un véritable problème pour le développement du transport fluvial, sur lequel nous menons également une réflexion approfondie. Nous avons parfois un retour de containers, mais la concurrence du transport routier est forte.

Je suis convaincu que le développement du transport fluvial doit s'appuyer sur nos opérateurs et nos territoires : la France est un pays de grands céréaliers, et restera exportateur dans ce domaine. Le trafic de l'agroalimentaire est stable, et nous devons accompagner et soutenir leur présence sur le marché mondial. L'énergie est un autre secteur sur lequel il faut s'appuyer, même si les flux sont plus instables. Enfin, il nous faudra être inventifs pour révolutionner les circuits de traitement des matériaux de construction et s'orienter vers des cycles courts. La logistique urbaine n'est pas un simple gadget : les déchetteries flottantes, mises en place à Lyon et Paris, sont une réussite. Nous travaillons étroitement avec France Nature Environnement sur ces sujets.

Nous prenons très à coeur notre rôle dans le tourisme fluvestre. C'est un véritable levier pour les territoires isolés, et nous avons un potentiel paysager, souvent inconnu, qu'il faut valoriser. Le canal des Ardennes en est un excellent exemple. Peut-être viendrons-nous prochainement dans le Lot : j'ai entendu votre appel, Monsieur Miquel...

Enfin, je souhaite dire un mot du recul des ressources. Aujourd'hui, les projets stratégiques ne comportent pas de volet financier ; sans savoir quels sont réellement nos moyens, il m'est difficile d'engager VNF sur certains projets. Nos réserves foncières sont conséquentes, mais difficiles à maîtriser. La taxe hydraulique, dont nous tirons une partie de nos ressources, est écrêtée tous les ans : nous ne sommes malheureusement pas les seuls à en pâtir. De plus, la croissance économique du pays est faible, ce qui nous oblige à être plus innovants pour pouvoir continuer à investir. Les investissements sont bien entendu priorisés ; la sécurité est primordiale, notamment pour les 350 barragistes qui opèrent encore aujourd'hui. Le trafic et le tourisme sont également privilégiés.

Monsieur Poher a évoqué le cas délicat des wateringues flamands, ces canaux du Nord accessibles uniquement aux bateaux de petit gabarit. VNF doit trouver le juste équilibre entre la prévention des inondations et le développement de la navigation. Il faut que le canal soit à la fois le réservoir en cas d'inondations - dans cette région, l'eau ne coule pas vers la mer... mais vers l'intérieur des terres ! -, et un accès au port de Dunkerque : trop haut, on ne passe plus les containers sous les ponts, trop bas, on pénalise le fret lourd vers Dunkerque... ces canaux sont une gageure !

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