Intervention de Alain Milon

Réunion du 17 juin 2015 à 14h30
Malades et personnes en fin de vie — Article 3

Photo de Alain MilonAlain Milon, président de la commission des affaires sociales :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons aborder l’un des points centraux de ce texte : l’introduction dans notre droit de la sédation profonde et continue jusqu’au décès.

Je souhaite apporter quelques clarifications afin qu’il n’y ait pas d’incompréhension entre les uns et les autres. Le président Retailleau a bien marqué les différentes interprétations auxquelles les dispositions de l’article 3 pouvaient donner lieu. Est-ce le droit de dormir jusqu’à la mort, comme nous l’a dit le président du Comité consultatif national d’éthique, ou est-ce une euthanasie qui n’ose pas dire son nom ?

Le texte voté par l’Assemblée nationale pouvait sembler porter cette ambiguïté. Le terme « inutilement », s’agissant de la prolongation de la vie, était notamment particulièrement mal venu.

De même, les dispositions de l’article 3 pouvaient laisser penser que l’on ouvrait une porte vers le suicide assisté quand l’arrêt volontaire des traitements entraînait la remise en cause du pronostic vital, puisque la mise en place de la sédation profonde et continue paraissait automatique.

Ces ambiguïtés figuraient dans le texte de l’Assemblée nationale, mais elles ne sont plus dans le texte du Sénat, car la commission des affaires sociales a supprimé le terme « inutilement » et, surtout, a subordonné la mise en œuvre de la sédation profonde et continue à une condition essentielle, majeure même : le patient doit être atteint d’une souffrance « réfractaire à tout autre traitement ».

Il faut donc avoir tout tenté, et je dis bien « tout », pour apaiser la souffrance. Si rien n’a été efficace, alors, il reste une dernière forme de prise en charge du malade, qui est la sédation profonde et continue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt des traitements.

La sédation profonde et continue, j’y insiste, c’est la dernière solution proposée par les soins palliatifs, si tout le reste a échoué. Elle concernera donc un petit nombre de cas : ce sont des personnes dont « le pronostic vital est engagé à court terme », c’est-à-dire celles et seulement celles qui vont mourir dans les heures qui suivent ou dans les tout prochains jours.

Je note que, parlant du texte de la commission des affaires sociales, M. Emmanuel Hirsch, que j’ai l’habitude de citer, publie ce matin dans le Huffington Post une tribune où il développe l’analyse suivante : « Pour les sénateurs, il ne saurait être envisageable de légitimer le suicide médicalement assisté, voire l’euthanasie. Seules les situations extrêmes en fin de vie, particulièrement les souffrances réfractaires, justifient une avancée législative dans un cadre limitatif, celui de la sédation profonde. »

Si l’on a tout tenté en matière de soins palliatifs, mais que subsistent des souffrances réfractaires à tout traitement, il est alors possible, si et seulement si la personne est consciente et qu’elle le souhaite, de mettre en place la sédation profonde et continue.

Pour les personnes qui sont hors d’état d’exprimer leur volonté, les directives anticipées doivent primer et, à défaut, l’analyse faite par le médecin pour déterminer si la prolongation des traitements relève de l’obstination déraisonnable. On retombe alors sur les prévisions de la loi Leonetti.

Mes chers collègues, d’où nous vient cette sédation profonde et continue jusqu’au décès ? M. Gilbert Barbier nous a dit, lors de la discussion générale, que cette notion venait de ceux qui, à l’Assemblée nationale, souhaitent l’euthanasie.

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