La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, actuellement en cours d’examen.
Cette liste a été publiée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
M. le président du Sénat a reçu de monsieur le Premier ministre :
- la convention entre l’État, l’Agence nationale de la recherche et la Caisse des dépôts et consignations, action « Instituts d’excellence », programme « Instituts thématiques d’excellence en matière d’énergies décarbonées » ;
- l’avenant n° 2 à la convention du 27 juillet 2010 entre l’État et l’Agence nationale de la recherche, action « Instituts d’excellence », programme « Instituts thématiques d’excellence en matière d’énergies décarbonées » ;
- enfin, l’avenant n° 3 à la convention entre l’État et l’ANAH, action « Rénovation thermique des logements privés ».
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Ils ont été transmis à la commission des finances, ainsi qu’à la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire pour les deux premiers, et à la commission des affaires économiques pour le troisième.
J’informe le Sénat que le groupe Les Républicains a fait connaître à la Présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, en remplacement de M. Jean-Patrick Courtois, démissionnaire d’office de son mandat de sénateur.
Ces candidatures ont été publiées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.
J’informe le Sénat que le groupe Les Républicains a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la délégation à la prospective, en remplacement de M. Jean-Patrick Courtois, démissionnaire d’office de son mandat de sénateur.
Cette candidature va être publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
Madame la présidente, hier soir, lors du scrutin n° 204 sur l’amendement n° 9 rectifié, M. Didier Guillaume a été comptabilisé comme ayant voté contre, alors qu’il souhaitait voter pour.
Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
L’ordre du jour appelle la suite de discussion, dans le texte de la commission, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (proposition n° 348, texte de la commission n° 468, rapport n° 467, avis n° 506).
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 2.
L'amendement n° 36 rectifié ter, présenté par M. Cadic, Mmes Garriaud-Maylam et Jouanno et MM. Canevet, Cantegrit, Fouché, Guerriau, Longeot, Maurey et Médevielle, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1110-9 du même code, il est inséré un article L. 1110-9-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1110 -9 -…. – Est réputée décédée de mort naturelle en ce qui concerne les contrats où elle est partie la personne dont la mort résulte d’une aide active à mourir mise en œuvre selon les conditions et procédures prescrites par le code de santé publique. Toute clause contraire est réputée non écrite. »
L'amendement n° 88 rectifié bis, présenté par Mme David, M. Abate, Mmes Assassi et Beaufils, MM. Billout, Bocquet et Bosino, Mmes Cohen et Cukierman, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent et Le Scouarnec, Mme Prunaud et M. Watrin, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complétée par un article ainsi rédigé :
« Art. L.1111-13-...- Il est institué auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé de la santé, un organisme dénommé “Commission nationale de contrôle des pratiques en matière d’assistance médicalisée pour mourir”.
« Il est institué dans chaque région une commission régionale présidée par le préfet de région ou son représentant. Elle est chargée de contrôler, chaque fois qu’une assistance médicalisée pour mourir, ou une sédation profonde et continue jusqu’au décès est mise en œuvre, si les exigences légales ont été respectées. Lorsqu’elle estime que ces exigences n’ont pas été respectées ou en cas de doute, elle transmet le dossier à la commission susvisée qui, après examen, dispose de la faculté de le transmettre au procureur de la République.
« Les représentants de la Commission nationale et des commissions régionales suscitées exercent leur mandat à titre gracieux. Les frais liés aux déplacements et au fonctionnement des commissions sont à la charge des représentants.
« Les règles relatives à la composition ainsi qu’à l’organisation et au fonctionnement des Commissions susvisées sont définies par décret en Conseil d’État. »
Madame la ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il me semble que ces deux amendements n’ont plus d’objet, après le rejet, hier soir, des amendements n° 33 rectifié ter et 81 rectifié bis, des mêmes auteurs, qui visaient à créer respectivement une « aide active à mourir » et une « assistance médicalisée pour mourir ».
Monsieur Maurey, l’amendement n° 36 rectifié ter est-il maintenu ?
L’amendement n° 36 rectifié ter est retiré.
Madame David, l’amendement n° 88 rectifié bis est-il maintenu ?
Madame la présidente, je me proposais justement de le retirer. Comme vous l’avez fort bien expliqué, cet amendement était la suite logique des amendements qui visaient à créer un nouveau droit, dont nous avons débattu cette nuit, et ce de façon très intense. De fait, la commission que nous appelions de nos vœux pour contrôler et éviter toute dérive dans l’application de ce nouveau droit, que la Haute Assemblée a rejeté, n’a donc plus lieu d’être.
Je retire donc l’amendement n° 88 rectifié bis.
Après le même article L. 1110-5, il est inséré un article L. 1110-5-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1110 -5 -2. – Une sédation profonde et continue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt des traitements de maintien en vie, est mise en œuvre dans les cas suivants :
« 1° Lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui présente une souffrance réfractaire à tout autre traitement, exprime la volonté d’éviter toute souffrance ;
« 2° Lorsque le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté et sauf si ses directives anticipées s’y opposent, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie au titre de l’obstination déraisonnable et que la souffrance du patient est jugée réfractaire.
« À l’initiative du médecin et dans le cadre d’une procédure collégiale telle que celle visée à l’article L. 1110-5-1, l’équipe soignante vérifie préalablement que les conditions d’application prévues aux deux alinéas précédents sont remplies.
« À la demande du patient, la sédation profonde et continue est mise en œuvre à son domicile, dans un établissement de santé ou un établissement visé au 6° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles.
« L’ensemble de la procédure suivie est inscrite au dossier médical du patient. »
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons aborder l’un des points centraux de ce texte : l’introduction dans notre droit de la sédation profonde et continue jusqu’au décès.
Je souhaite apporter quelques clarifications afin qu’il n’y ait pas d’incompréhension entre les uns et les autres. Le président Retailleau a bien marqué les différentes interprétations auxquelles les dispositions de l’article 3 pouvaient donner lieu. Est-ce le droit de dormir jusqu’à la mort, comme nous l’a dit le président du Comité consultatif national d’éthique, ou est-ce une euthanasie qui n’ose pas dire son nom ?
Le texte voté par l’Assemblée nationale pouvait sembler porter cette ambiguïté. Le terme « inutilement », s’agissant de la prolongation de la vie, était notamment particulièrement mal venu.
De même, les dispositions de l’article 3 pouvaient laisser penser que l’on ouvrait une porte vers le suicide assisté quand l’arrêt volontaire des traitements entraînait la remise en cause du pronostic vital, puisque la mise en place de la sédation profonde et continue paraissait automatique.
Ces ambiguïtés figuraient dans le texte de l’Assemblée nationale, mais elles ne sont plus dans le texte du Sénat, car la commission des affaires sociales a supprimé le terme « inutilement » et, surtout, a subordonné la mise en œuvre de la sédation profonde et continue à une condition essentielle, majeure même : le patient doit être atteint d’une souffrance « réfractaire à tout autre traitement ».
Il faut donc avoir tout tenté, et je dis bien « tout », pour apaiser la souffrance. Si rien n’a été efficace, alors, il reste une dernière forme de prise en charge du malade, qui est la sédation profonde et continue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt des traitements.
La sédation profonde et continue, j’y insiste, c’est la dernière solution proposée par les soins palliatifs, si tout le reste a échoué. Elle concernera donc un petit nombre de cas : ce sont des personnes dont « le pronostic vital est engagé à court terme », c’est-à-dire celles et seulement celles qui vont mourir dans les heures qui suivent ou dans les tout prochains jours.
Je note que, parlant du texte de la commission des affaires sociales, M. Emmanuel Hirsch, que j’ai l’habitude de citer, publie ce matin dans le Huffington Post une tribune où il développe l’analyse suivante : « Pour les sénateurs, il ne saurait être envisageable de légitimer le suicide médicalement assisté, voire l’euthanasie. Seules les situations extrêmes en fin de vie, particulièrement les souffrances réfractaires, justifient une avancée législative dans un cadre limitatif, celui de la sédation profonde. »
Si l’on a tout tenté en matière de soins palliatifs, mais que subsistent des souffrances réfractaires à tout traitement, il est alors possible, si et seulement si la personne est consciente et qu’elle le souhaite, de mettre en place la sédation profonde et continue.
Pour les personnes qui sont hors d’état d’exprimer leur volonté, les directives anticipées doivent primer et, à défaut, l’analyse faite par le médecin pour déterminer si la prolongation des traitements relève de l’obstination déraisonnable. On retombe alors sur les prévisions de la loi Leonetti.
Mes chers collègues, d’où nous vient cette sédation profonde et continue jusqu’au décès ? M. Gilbert Barbier nous a dit, lors de la discussion générale, que cette notion venait de ceux qui, à l’Assemblée nationale, souhaitent l’euthanasie.
M. Charles Revet opine.
Certes, si une personne en bonne santé fait l’objet d’une sédation profonde et continue, elle va mourir, à terme, mais il s’agira alors d’un homicide, comme le fait de lui faire subir inutilement une radiothérapie. Il n’est question, dans le texte de la commission des affaires sociales, que des personnes pour lesquelles on a tout essayé, sans parvenir à apaiser leurs souffrances. Pour ces personnes en toute fin de vie, il n’y a pas d’autre choix que la sédation profonde et continue.
Mais, me direz-vous, comment aurons-nous la garantie que tout a été essayé ? Je vous rappelle nos votes d’hier, à l’occasion desquels nous avons réaffirmé le principe, introduit dans notre droit en 1999, de l’accès pour tous, sur l’ensemble du territoire, aux soins palliatifs : soit cette proclamation ne servait à rien, soit ce principe garantit que l’on aura tout essayé, car les équipes soignantes, qui ont une obligation de moyens, mettront effectivement tout en œuvre.
Nous avons également atteint dans la nuit un consensus sur la situation particulière de l’hydratation artificielle, ce qui constitue également une garantie importante pour les conditions de mise en œuvre de la sédation profonde et continue.
Enfin, notre collègue François Pillet, au nom de la commission des lois, a déposé un amendement visant à apporter des précisions utiles, sur lequel la commission des affaires sociales a émis un avis de sagesse.
Nous aurons un débat technique sur ce qu’est la sédation profonde et continue, un débat sur les principes, sur les valeurs, un débat de conscience aussi, sur la manière souhaitable de finir ses jours. Quoi qu’il en soit, le texte de la commission des affaires sociales apporte des garanties fortes que nos votes d’hier ont encore renforcées et la sédation profonde et continue jusqu’au décès est déjà une pratique bien définie des soins palliatifs.
Alors, me direz-vous, si cette pratique existe déjà, à quoi cette disposition sert-elle donc ? Elle sert à diffuser à l’ensemble du territoire les meilleures pratiques en matière de soins palliatifs pour une catégorie de personnes tout à fait particulière : les malades dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui endurent une souffrance réfractaire ne pouvant être apaisée par aucun autre traitement.
Nous sommes évidemment tous attachés à l’égalité des individus face à la mort. D’aucuns voudraient ouvrir un droit à l’euthanasie aux personnes auxquelles l’article 3 s’adresse. Nous proposons d’offrir la diffusion des meilleures pratiques de soins palliatifs. Ce n’est peut-être pas une révolution dans les formes de prise en charge – nos rapporteurs n’ont pas le profil de révolutionnaires ! –, mais je pense que c’est déjà beaucoup et que c’est bien. À l’inverse, si l’on change le texte au point qu’il ne propose plus de solution réelle pour ces personnes, nous ouvrirons – vous ouvrirez ! –, je le pense, la voie à l’euthanasie.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.
M. Gilbert Barbier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, M. le président de la commission des affaires sociales vient de faire preuve d’un véritable acharnement thérapeutique dans ses efforts pour essayer de défendre l’indéfendable !
Exclamations sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées de l’UDI-UC.
Avec l’article 3, nous entrons dans le cœur de cette proposition de loi. Depuis hier, nous avons eu à débattre de nombreux points importants, sans nul doute, comme la nécessité d’ouvrir l’accès aux soins palliatifs à l’ensemble des malades en phase terminale d’un processus évolutif pour lequel, à l’évidence, aucun traitement n’est possible.
L’article 3 définit les situations dans lesquelles peuvent être mises en place des procédures visant à permettre la mise en route d’un traitement de sédation en faveur des patients qui auront exprimé d’une façon précise leur refus de l’obstination déraisonnable, ainsi qu’aux malades dans l’incapacité d’exprimer leur volonté. Chacun de ces cas va faire l’objet de modifications proposées par les uns et les autres.
Au cours de la nuit dernière, nous avons pu constater qu’il existait des divergences profondes, liées à des conceptions différentes, entre les partisans d’une autonomie totale de l’individu et de son pouvoir décisionnel et ceux qui considèrent que légaliser dans notre pays le « faire mourir » ou l’assistance au suicide est contraire à notre conception de la société.
Une fois que nous aurons défini les conditions dans lesquelles un acte clinique doit ou peut intervenir, reste à déterminer la nature de cet acte.
Dans le texte initial de leur proposition de loi, que je vous invite à relire, mes chers collègues, Alain Claeys et Jean Leonetti prévoient la mise en place d’un traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu’au décès. Je suis d’accord avec cette position.
Pour les auteurs de cette proposition de loi, il n’est donc nullement question de « sédation profonde et continue ». L’expression ne figure pas dans leur texte. C’est d’ailleurs sur cette base que la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a débattu pendant de très longues heures, sans que cette approche soit remise en cause. Mais, en séance publique, avec l’adoption du fameux amendement n° 76, déposé par un certain nombre de députés socialistes, la donne a été bouleversée, faisant basculer cette proposition de loi dans l’inacceptable.
En effet, pour les soignants, une sédation profonde et continue, dans sa détermination précise sur le plan clinique – c’est-à-dire un stade 5 et 6 dans l’échelle de Ramsay –, nécessite à tout le moins une assistance respiratoire permanente. De par la loi, cette sédation profonde et continue, qui peut être réclamée par le patient, ne peut plus être considérée comme une pratique médicale qui cherche à soulager le malade, mais comme une façon de provoquer ou de précipiter la mort.
Je pense que les auteurs de cet amendement, qui se sont tous montrés favorables, lors de la discussion à l’Assemblée nationale, à une légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté, ont trouvé, grâce à cette formulation, une présentation acceptable aux yeux de quelques-uns et une alternative « technique » qui permet de contourner le refus exprimé majoritairement, et hier soir encore par notre assemblée. Je suis frappé par l’idée qu’il puisse s’agir d’une sorte de compromis, de consensus, entre partisans et adversaires de l’euthanasie.
Une sédation profonde et continue sans assistance respiratoire provoque la mort dans un très bref délai. En revanche, une sédation bien dosée qui permet de supprimer la perception de la douleur – telle est la raison d’être des antalgiques –, mais aussi du symptôme réfractaire que l’on évoque dans ce cas, est un acte médical délicat. Vouloir imposer des doses, en précisant que sont visés les stades 5 et 6, sans laisser une certaine capacité de jugement au médecin ou à l’équipe soignante, n’est pas acceptable.
Supprimons de ce texte les deux adjectifs « profonde » et « continue », ou atténuons-en la portée et nous répondrons, je le pense, au souhait de l’immense majorité de nos concitoyens.
Je conclus, madame la présidente.
L’euthanasie et le suicide assisté ne peuvent être assimilés à des actes médicaux. La sédation profonde et continue nous conduit à une confusion entre une action médicale à visée soignante et un moyen technique de faire mourir. Une sédation souhaitée, nécessaire, possible, d’accord ! Une sédation profonde et continue imposée aux soignants, non !
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en matière de santé publique, des lois successives interviennent qui visent, à chaque fois, à préciser les droits des malades et la relation entre le médecin et le patient.
La loi relative aux droits des malades, en 2002, a introduit le droit du malade à l’information et au consentement aux soins, pour lutter contre l’acharnement thérapeutique. Puis ce fut la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, en 2005, qui a encadré les décisions médicales concernant la fin de vie et qui visait à combattre l’« obstination déraisonnable ». Aujourd’hui, nous débattons d’un texte qui ambitionne la création de nouveaux droits pour les malades en fin de vie. En 2002, on prenait en considération les malades, aujourd’hui, on ne s’attacherait qu’aux patients en fin de vie. Est-ce vraiment un progrès ?
Il s’agit de ne pas poursuivre des soins jugés inopérants, inutiles, au regard de l’état du malade et d’ouvrir la possibilité de mettre en œuvre – je cite le texte de notre commission – « une sédation profonde et continue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt des traitements de maintien en vie ». L’Assemblée nationale était plus précise, M. Barbier l’a rappelé, en indiquant que cette sédation pouvait s’administrer, à la demande du patient, pour « éviter toute souffrance » et « ne pas prolonger inutilement sa vie ».
Si ce traitement, décidé par le médecin constatant qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne en phase avancée ou terminale, peut avoir pour effet d’abréger sa vie, le médecin doit en informer le malade ou la personne de confiance. La rédaction de l’Assemblée nationale donnait la décision au malade, et non pas au médecin. Le tout était assorti d’un certain nombre de précisions sur l’expression et le recueil de la volonté du patient, sous forme de directives anticipées opposables aux soignants.
Jean-Claude Ameisen avait observé, dans un rapport rendu avant la rédaction de cette proposition de loi, que la loi du 22 avril 2005 définissait davantage les droits et devoirs des médecins que les droits des personnes malades. J’espère que le texte qui sortira de nos débats permettra bien un rééquilibrage.
Au fil des années, la médecine, qui a fait de grands progrès, a petit à petit accepté de partager non seulement son diagnostic, mais aussi sa décision, son pouvoir, que ce soit devant l’évidence de son impuissance à faire reculer la maladie ou à la demande de ceux qui l’implorent. Cependant, dans son ensemble, elle n’est pas prête à aider à cet évitement de l’agonie que voudraient certains, ceux qui réclament un traitement particulier qui les ferait doucement trépasser, sans heurt ni violence, subrepticement, quand c’est la seule issue envisageable.
En effet, ces jours d’agonie après l’arrêt des traitements sont insupportables, pour les proches, à coup sûr, pour le patient lui-même, certainement, pour les équipes soignantes, sans aucun doute, en particulier lorsqu’il s’agit d’un patient jeune, pas encore affaibli par des années de maladie incurable ni vidé de sa sève par l’âge. Il est des patients dont la fin de vie est souhaitée, résolue par l’ensemble des procédures garantissant le respect des directives du malade, de sa personne de confiance ou de sa famille, mais dont le corps n’est pas prêt à trépasser. Le simple arrêt de l’alimentation et de l’hydratation ne suffit pas à déclencher la mort.
Est-il « humainement » envisageable de proposer d’arrêter l’alimentation – puisque nous avons réglé hier soir la question de l’hydratation – jusqu’à ce que mort s’ensuive, en affamant un corps encore solide dont le cœur est capable de résister longtemps ? Il y a dans cet hémicycle des médecins qui savent comment un organisme résistant réagit à cette situation, même avec une sédation profonde.
Nous avons eu cette nuit de longues explications sur le droit d’arrêter ou non l’hydratation artificielle au regard des conséquences sur l’intégrité du patient. Des patients, des familles souhaitent refuser cette indignité, surtout si le malade résiste aux sédatifs, analgésiques et autres hypnotiques, ce qui n’est pas rare.
Nous disposons tous d’exemples relatés avec honnêteté par les équipes médicales ou les proches qui ont accompagné un mourant pendant des jours et des jours : pour les médecins, une agonie est rarement totalement paisible et agréable à observer ; pour les proches, c’était insupportable, trop dur à vivre, sans commune mesure avec ce à quoi ils s’étaient préparés quand ils ont dit au revoir à leur proche décidé à aller vers la mort.
Or la loi ouvre la voie à la pratique de l’arrêt de l’alimentation – mais plus de l’hydratation, la question a été tranchée cette nuit. Contrairement à ce qui était escompté, la pratique s’était déjà répandue dans différents secteurs de la médecine, puisque c’est la seule manière légale d’obtenir la mort quand elle ne vient pas et qu’il est estimé souhaitable, à l’extrême bout de la maladie, de hâter la survenue de la fin.
Je vous remercie de me laisser terminer, madame la présidente, je conclus bientôt.
La pratique de l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation artificielles est irrecevable socialement. Elle ne correspond pas à l’idée que se font nos concitoyens d’un accompagnement décent du mourant. Logique techniquement, elle est incompréhensible culturellement. Quand la question leur est posée, nos concitoyens ne veulent pas mourir ou faire mourir leurs proches de cette façon.
Face à cette horreur consentie en désespoir de cause, force est de rechercher un autre moyen, un moyen qui permette de faire en sorte que ceux dont on interrompt l’alimentation artificielle meurent avant que quiconque puisse penser qu’ils sont morts d’être affamés. Tel sera l’objet d’un amendement que je défendrai devant vous.
La parole est à M. René Danesi, sur l’article, pour cinq minutes précises, mon cher collègue.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avec l’examen de l’article 3 nous atteignons le cœur de la nouvelle loi sur la fin de vie.
On peut se demander en fait pourquoi il faudrait changer une loi votée, à l’unanimité, il y a tout juste dix ans. Notre débat d’hier a montré que la loi Leonetti est insuffisamment connue dans les milieux médicaux et que les unités de soins palliatifs sont en nombre dramatiquement insuffisant. La réponse simple aurait donc consisté à développer la formation du personnel médical et à augmenter le nombre d’unités de soins palliatifs, malgré leur coût évoqué à plusieurs reprises.
Mais c’eût été sans doute beaucoup trop simple ! Surtout, il y avait une promesse électorale présidentielle à tenir… §Alors, on légifère ! Et, comme souvent dans les réformes sociétales, tout est fait en apparence pour tranquilliser, mais c’est pour mieux dissimuler un objectif final qui, lui, a de quoi inquiéter.
Car les débats de cette nuit ont clairement montré que l’introduction par la loi de la « sédation profonde et continue » pour les patients en fin de vie n’est, pour un certain nombre de nos collègues, qu’un cheval de Troie.
Les nombreux amendements déposés par eux cette nuit avec un art consommé du camouflage sémantique visaient à introduire immédiatement et sans délai l’assistance médicale active à mourir, c’est-à-dire le suicide assisté et l’euthanasie.
En résumé, sédation profonde et continue aujourd’hui ; euthanasie au cas par cas demain ; euthanasie généralisée après-demain. Je refuse de faire le premier pas sur un chemin qui mènerait notre société dans un précipice moral !
Je ne voterai donc ni pour la sédation profonde et continue, détaillée dans cet article 3, ni pour la proposition de loi dans son ensemble, malgré les incontestables clarifications et précisions apportées par les travaux du Sénat.
Le problème n’est pas dans la qualité rédactionnelle de la loi ; il est dans sa raison d’être, que je ne vois pas, ou plutôt que je ne vois que trop bien !
Madame la présidente, mes chers collègues, les travaux de la nuit dernière ont permis d’avancer sur une voie qui doit être confirmée maintenant, à l’occasion de l’examen de cet article 3.
Si l’on juge opportun de légiférer, question à laquelle je me garde personnellement de répondre par avance de manière positive, il s’agit bien de déterminer ici les conditions dans lesquelles une sédation profonde pourra être mise en œuvre.
Le texte qui nous est soumis fait apparaître une condition commune à tous les cas de figure : il faut que la souffrance soit réfractaire à tout autre traitement. Comme l’a très bien dit le président de la commission des affaires sociales, cela signifie que la sédation profonde fait partie des soins palliatifs, qu’elle en est le stade ultime. Cela signifie aussi que le recours à la sédation profonde ne saurait être autorisé dans les cas où tous les autres traitements n’auraient pas été mobilisés en vue de faire diminuer la souffrance du patient - cet élément étant, de mon point de vue, tout à fait essentiel.
Le Sénat doit se prononcer de la manière la plus claire.
Ceux qui voudraient opposer droit à la sédation profonde et droit aux soins palliatifs font fausse route. La sédation profonde ne peut être que le stade ultime des soins palliatifs quand tout le reste a été utilisé, y compris, d’ailleurs, une forme d’anesthésie complète, qui, elle, ne serait pas sans retour, à la différence de la sédation profonde telle qu’elle est aujourd’hui définie.
Il y a, ensuite, deux cas différents. Pour reprendre des termes qui sont non ceux de la loi mais ceux du français courant, le premier cas concerne les personnes qui sont entrées en agonie. Le mot « agonie », lui, est parfaitement clair. La personne entrée en agonie, qui est consciente et dont la souffrance est réfractaire à tout autre soin palliatif, peut demander la sédation profonde.
L’autre cas, c’est celui du patient qui n’est pas entré en agonie, mais qui est inconscient. On vise ici des patients dans un état végétatif, qui pourraient vivre de nombreuses années, mais qui ne survivent que grâce à la mise en œuvre d’un soutien médical dont la suspension entraînerait immédiatement la mort. Ce cas est particulièrement difficile pour nous : le malade étant inconscient, comment recueillir son consentement « libre et éclairé » ? Nous verrons par la suite l’effort qui est fait pour rechercher l’expression de ce consentement à travers les directives anticipées.
Une autre interrogation est soulevée à juste titre par beaucoup de nos collègues : si le malade peut vivre longtemps, comment faire en sorte que le traitement de ce type de situation ne soit pas une ouverture sur l’euthanasie ?
Pour répondre à l’ensemble de ces interrogations, il est tout à fait essentiel de ne pas prévoir dans la loi une combinaison obligatoire de l’arrêt des traitements de maintien en vie et de la mise en œuvre de la sédation profonde. Car le risque serait alors très grand de recourir à la combinaison des deux pour en faire un moyen d’accélérer volontairement la mort. Cela reviendrait à entrer dans l’inconnu, ce que notre société ne saurait à l’évidence accepter sans hésiter beaucoup.
En ce qui me concerne, je m’y refuserai. C’est la raison pour laquelle je soutiens avec force – vous le comprendrez – l’amendement présenté à la commission des lois par M. François Pillet pour rendre possible la déconnexion entre la sédation profonde et l’arrêt des soins de maintien en vie.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Je vous remercie, monsieur Bas, d’avoir respecté votre temps de parole.
La parole est à M. Gérard Roche, sur l'article.
En ce début d’après-midi, nous sommes vraiment au cœur du sujet et de ce texte difficile.
Mais il faut se méfier des grands principes. Si beaucoup, et j’en connais, sont actuellement, au nom des principes, opposés à la sédation profonde, je suis persuadé que les mêmes, confrontés un jour à des douleurs atroces et réfractaires à tout, seraient les premiers à réclamer une sédation profonde ! Je le dis sans aucune agressivité, mais fort d’une expérience de quarante-cinq années de pratique de la médecine.
Donc, méfions-nous des grands principes, mais faisons confiance aux personnels médicaux et paramédicaux des équipes de soins palliatifs.
Les médecins sont des hommes. Ils ont un cœur, ils ont le sens du devoir, ils ont prêté le serment d’Hippocrate, et tout est dit dans le serment d’Hippocrate : il faut servir et aider à mourir.
Le débat d’aujourd’hui oppose deux types de points de vue, également respectables. Certains ici sont partisans de l’euthanasie ; d’autres, dont je fais partie, sont contre l’euthanasie. Et il va bien falloir décider.
Le président Milon a évoqué les conditions de l’application de la sédation profonde. Gilbert Barbier a mentionné les niveaux 5 et 6 de l’échelle de Ramsay. Nous qui sommes contre l’euthanasie, contre toute dérive euthanasique ultérieure comme le suicide assisté, pouvons y voir un simple acte d’humanité, voire, pour certains d’entre nous, un acte de charité. Mes chers collègues, on n’est pas obligé de souffrir pour mourir, mettons-nous bien cela dans la tête !
Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
La disposition que nous avons votée hier soir à une quasi-unanimité a pour moi valeur de symbole. L’expression, si courante, selon laquelle on « meurt de soif » me paraît ici profondément pertinente. En refusant hier soir l’arrêt de l’hydratation des malades concernés – pour quantité de raisons que j’ai évoquées, avec beaucoup d’autres de mes collègues – nous avons signé que ce que nous voulions était tout sauf un acte d’euthanasie, mais simplement un acte d’humanité, un acte de charité.
Il faudra poursuivre la discussion pour bien préciser les conditions dans lesquelles l’application du dispositif sera décidée. Philippe Bas les a rappelées à l’instant : il s’agit d’aider une personne dans ses dernières heures, quand toutes les autres mesures ont échoué. Pour certains, ce sera un passage, pour d’autres, ce sera une fin de vie. Voilà ce que je ressens profondément moi-même et qu’il nous faudra garder présent à l’esprit tout au long de la discussion.
Dans certains cas limites, par exemple, des patients atteints de la maladie de Charcot, maladie dégénérative du tronc cérébral, on peut se poser la question de savoir quand on arrête, s’agissant de sujets jeunes, de quarante-cinq ou cinquante ans, et parfois moins.
Sur des cas particuliers, on ne peut pas déroger à la règle. Nous sommes là pour rendre service aux gens qui meurent dans des douleurs atroces. Il ne faut pas refuser cette possibilité.
Enfin, protégeons les médecins. Je le répète, les médecins sont soumis à des règles déontologiques très exigeantes. Toute leur vie, ils ont pétri la pâte humaine et sa souffrance. Il faut leur faire confiance, mais il faut aussi faire en sorte qu’ils soient protégés par la loi. Et la présente loi les protégera !
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains.
Dans les propos qui viennent d’être tenus, un principe a été oublié : je veux parler de la volonté du malade, de la volonté du patient. Or, c’est sur cette volonté que l’ensemble de notre droit s’est construit depuis maintenant une quinzaine d’années : la loi de 1999, la loi de 2002 et la loi de 2005, dite « loi Leonetti », qui a été votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale.
Je l’ai dit hier, j’ai présidé la commission spéciale qui a mené les travaux sur ce texte. Je sais très exactement ce que nous souhaitions faire à l’époque et qui me semble rester aujourd’hui parfaitement d’actualité dans le débat que nous avons.
J’entends dans certaines expressions l’idée qu’il y aurait, d’un côté, les partisans de l’euthanasie et, de l’autre, ses adversaires. Je le dis très sincèrement, et en respectant les points de vue de chacun, c’est se payer de mots que de présenter ainsi le débat. En effet, on le sait bien, dans la réalité, cette frontière n’existe pas. On l’a vu lors de la discussion de la loi de 2005, quand on a voulu séparer la notion de « faire mourir » et la notion de « laisser mourir », cela n’a pas fonctionné, parce que les choses ne se passent pas ainsi.
La loi de 2005, dont l’esprit trouve un approfondissement dans la présente proposition de loi, prévoit que, lorsqu’une personne souhaite l’arrêt d’un traitement – c’est le cas que nous avions prévu en dehors de l’obstination déraisonnable ou de la personne inconsciente –, le médecin doit répondre à cette demande.
Le patient est, par hypothèse, en phase terminale d’une maladie grave et incurable – ce sont les critères que l’on retrouve dans les textes du monde entier lorsque l’on aborde ces sujets - et demande l’arrêt du traitement. On doit alors accéder à sa demande. Il est précisé que l’ensemble des dispositions nécessaires doivent être prises pour que le patient puisse s’éteindre sans souffrance, ce qui va de soi, étant donné les obligations légales et morales des médecins.
Cela signifie que la question de la sédation était posée dès l’origine et que, à aucun moment – sauf à ne pas vouloir appliquer la loi comme elle devait l’être –, on ne pouvait envisager de laisser mourir un malade par l’interruption de l’alimentation artificielle, par exemple, sans le soulager, si c’était susceptible de créer des souffrances.
Le débat que nous avons eu hier soir sur la question de l’hydratation a d’ailleurs permis d’éclairer pour une part ce débat.
À partir du moment où cette sédation peut intervenir – et la loi de 2005 a précisé la notion de double effet, c’est-à-dire une sédation qui est là pour soulager, mais qui peut avoir des conséquences indirectes, notamment la mort – on avait déjà, d’une certaine manière, brouillé la frontière. Qu’est-ce qui provoque la mort ? Est-ce l’arrêt du traitement ? Est-ce la maladie ou la sédation ? Qui peut le dire, en réalité ?
La réponse est d’autant plus délicate que ces différents actes sont souvent pratiqués par les mêmes personnes. La réalité, on l’a dit précédemment, c’est que l’on fait tout pour respecter la volonté du patient, pour lui éviter une souffrance que l’on estime injuste ou inutile - telle est, en effet, la question principale, celle qui compte, et non le débat de principe que nous pouvons avoir. Pour parvenir à ce résultat, on est forcé de mobiliser différents moyens qui aboutissent à la situation que nous savons, la mort du malade.
Cessons de nourrir des fantasmes quant à l’idée qu’il y aurait ceux qui veulent installer l’euthanasie et ceux qui voudraient s’y opposer. Dans la réalité, la question ne se pose pas en ces termes.
On peut évidemment contester, et cela s’entend souvent, l’existence d’un « droit à mourir ». C’est une proposition qui a été faite à l’Assemblée nationale et que certains défendent ici. Cette idée peut être contestable, elle peut être acceptée, c’est le propre du débat que d’opposer les points de vue. Mais cela n’a rien à voir avec ce dont nous parlons en ce moment ! L’enjeu de notre discussion est de nous donner les moyens d’aller jusqu’au bout pour faire en sorte que ce que nous avions décidé en 2005, ici, au Sénat, et qui avait été voté à l’unanimité à l’Assemblée nationale, puisse trouver sa pleine application.
D’ailleurs, pour les médecins, pour le professeur Sicard, dans le rapport qu’il a rendu en 2012, comme pour les auteurs de la proposition de loi, l’idée que la sédation devait être profonde et continue dès lors qu’il y avait arrêt du traitement était acquise. Quand j’ai pris connaissance de la proposition de loi d’Alain Claeys et de Jean Leonetti, avec lequel j’ai longtemps travaillé, j’ai eu le sentiment qu’il ne s’agissait que de consacrer par écrit ce qui était déjà l’esprit de la loi et que nous considérions comme acquis.
C’est aujourd’hui précisé, et tant mieux.
La sédation a même été élargie à un cas nouveau : la situation d’agonie, évoquée précédemment par Philippe Bas. D’une certaine manière, c’est un progrès. On est en effet toujours dans le même esprit : il s’agit d’alléger la souffrance d’une personne qui va inéluctablement mourir.
La question n’est donc pas de savoir si l’on franchit une barrière morale, la société s’autorisant à assassiner et à tuer. Non, mes chers collègues, la société se donne les moyens de répondre à une demande, comme c’est notre obligation morale. En conséquence de quoi, nous créons l’obligation juridique de répondre. Si nous ne le faisions pas, nous entretiendrions la souffrance du patient et le malheur de son entourage. Ayons ces éléments à l’esprit !
Je recommande à mes collègues qui répètent, depuis hier soir, que cette loi pourrait nous entraîner dans une dérive euthanasique, ou que sais-je encore, de ne pas s’enfermer dans des fantasmes ou des débats idéologiques inutiles. L’objectif de cette proposition de cette loi est d’apporter des solutions concrètes !
Nous aurions d’ailleurs pu, de mon point de vue, aller un peu plus loin. C’est la raison pour laquelle j’ai défendu, hier, la notion d’exception. Quoi qu’il en soit, même dans sa rédaction actuelle, il faut soutenir ce texte.
M. Gaëtan Gorce. Je redoute que les amendements défendus, notamment ceux de la commission tendant à supprimer l’intervention de la sédation en cas d’arrêt des traitements, n’amorcent d’ores et déjà un recul. Ce serait dommage, alors même que la loi commence tout juste à pénétrer les esprits, certes insuffisamment. Il faut au contraire insister, développer cette culture et faire en sorte que le souci d’apporter des réponses concrètes progresse.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Nous l’avons dit la nuit dernière, cette proposition de loi est faite pour les patients qui vont mourir, et non pour ceux qui veulent mourir.
La sédation profonde et continue est un acte thérapeutique qui fait partie de l’arsenal des soins palliatifs. J’en veux pour preuve cette recommandation de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs : « La plupart des auteurs réservent la mise en œuvre d’une sédation profonde maintenue jusqu’au décès aux patients dont la mort est attendue dans un bref délai, généralement de quelques heures à quelques jours ». Je rappelle que cette mention a été labellisée par la Haute Autorité de santé.
La sédation profonde et continue ne constitue en aucun cas un acte d’euthanasie, pas plus qu’un cheval de Troie pouvant déboucher sur l’euthanasie. Il me paraît tout à fait essentiel de le rappeler.
Essayons de sortir des débats philosophiques, religieux, spirituels, voire juridiques, pour nous placer simplement en situation médicale, comme l’a fait mon collègue et confrère Gérard Roche.
Que se passe-t-il au lit du patient en fin de vie, sujet à des douleurs réfractaires, lorsque le corps médical – Alain Milon a évoqué cette situation – a épuisé toutes les possibilités ?
Il ne s’agit ni de hâter la mort, ni de précipiter les événements, ni d’expédier d’un revers de main cette mort que la société ne veut plus accepter, et que certains sociologues anglo-saxons qualifient même de « pornographique » ! Il s’agit simplement, dans un dernier acte d’humanité, d’accompagner le patient, lequel n’est pas« obligé d’assister au drame tragique de sa mort », pour reprendre l’expression du professeur Aubry.
Certaines personnes souhaitent, pour des raisons philosophiques, morales ou religieuses, assister jusqu’au bout à leur fin de vie. Mais nous savons tous que tel n’est pas, dans nos sociétés, le souhait de la majorité.
Douleur réfractaire, fin de vie, toute fin de vie : il ne s’agit pas d’accéder à des demandes philosophiques ou existentielles de personnes souhaitant se supprimer. Nous voulons simplement donner la possibilité à ces patients d’être accompagnés jusqu’au terme de leur vie, en toute humanité.
Il faut revenir au texte. Celui-ci réalise, me semble-t-il, un bon équilibre entre le droit du patient et ce que certains ont appelé « le pouvoir médical » ou, pour utiliser une expression atténuée, « le savoir médical ».
Certes, le patient doit être accompagné en toute humanité, mais il faut aussi que le médecin et le corps médical soient protégés lorsqu’ils accomplissent ces actes d’accompagnement de la fin de vie. Voilà en quoi cette proposition de loi est parfaitement équilibrée.
D’aucuns proposaient de conserver le mot « sédation », mais de supprimer les adjectifs « profonde et continue ». Arrêtons l’hypocrisie... Nous savons que, dans la vraie vie – c’est le cas de le dire ! –, lorsqu’un patient vit ses derniers moments, le corps médical est obligé d’utiliser ces substances, parfois à des doses élevées, tant la souffrance devient insupportable.
Je parle bien de souffrance, et non pas seulement de douleur physique, cette dernière pouvant être soulagée par l’administration d’antalgiques tels que la morphine. Par « souffrance », on entend aussi l’agitation, cette détresse de fin de vie que les praticiens connaissent si bien et qui peut se manifester juste avant le sommeil, au moment de l’endormissement. Lorsque celle-ci survient, les médecins sont bien obligés d’utiliser la sédation.
Oui, lors des derniers instants, une sédation est nécessaire, profonde et continue ! C’est dans cet esprit que, selon moi, ce texte, doit être voté en l’état.
Philippe Bas l’a rappelé, notre collègue François Pillet a présenté un amendement décisif, lequel tend à dissocier l’arrêt du traitement – je rappelle à cet égard que nous avons réintroduit dans le texte, la nuit dernière, la possibilité de maintenir l’hydratation – et la sédation profonde.
Dans quelle mesure la société peut-elle permettre au patient de décider de sa fin de vie sans transgresser l’interdiction de l’euthanasie ? Honnêtement, je le dis en toute conscience, nous ne sommes pas, avec ce texte, dans le domaine de l’euthanasie.
Nous avons supprimé l’expression « prolonger inutilement la vie », trop ambiguë, certains ayant trouvé qu’elle laissait entendre qu’il y aurait des vies inutiles. Ce n’est pas du tout l’esprit de ce texte ! C’est, bien sûr, à la prolongation de la vie que se rapportait le terme « inutile », et non à la vie elle-même. Il était bon de lever cette ambiguïté.
Nous avons également essayé de centrer le texte sur deux hypothèses : lorsque le patient est conscient et peut faire part de ses choix, de ses directives, et lorsqu’il a perdu la faculté de le faire.
Je le répète, ce texte est équilibré. Il s’agit non pas de donner au patient le droit de disposer de sa vie n’importe comment, dans n’importe quelles circonstances, mais de lui permettre de ne pas souffrir et de ne pas assister à sa fin de vie. C’est un droit fondamental, que certains appelleront le « droit à la dignité », mais qui est aussi tout simplement un droit d’humanité.
Le pouvoir médical doit accompagner la fin de vie au moyen des techniques que connaissent les médecins, mais aussi veiller à ce que cet acte thérapeutique qui, comme le rappelait Alain Milon, est rarement pratiqué, soit encadré juridiquement.
Il arrive bien souvent, en particulier dans les unités de soins palliatifs, que des médecins au fait de ces pratiques parviennent à améliorer l’état des malades en recourant à une sédation qui ne soit pas profonde ou à des antalgiques. Vient cependant un moment, par exemple, comme le disait Gérard Roche, lorsque le patient souffre de pathologies aussi terribles que la maladie de Charcot, où il faut bien utiliser des substances plus lourdes.
Pour autant, j’y insiste, ces pratiques sont thérapeutiques, et en aucun cas euthanasiques.
Applaudissements au banc des commissions.
À ce stade du débat, chacun cherche au fond de sa conscience les éléments qui lui permettront de se prononcer en faveur, ou non, de la sédation profonde et continue. Nous essayons de faire converger nos réflexions, et chaque intervention permet d’apporter un éclairage sur ce cheminement que nous sommes en train de faire.
Un point me trouble encore.
Je vous ai écouté attentivement, monsieur le rapporteur : la sédation ne pourra être décidée que lorsque tous les autres dispositifs auront échoué, à condition que le patient soit sujet à des souffrances réfractaires et que son pronostic vital soit engagé à court terme.
Nous sommes donc à la croisée des chemins. Je souhaite, monsieur le rapporteur, que vous m’apportiez un éclaircissement.
La sédation, dont on a dit qu’elle tendait à faire disparaître la perception d’une situation insupportable, est déjà pratiquée en vertu du droit des patients à être soulagés. Mais, jusqu’à présent, il s’agissait d’un droit à une sédation ponctuelle et intermittente.
On le sait, lorsqu’elle est accentuée, la sédation peut avoir un effet secondaire. C’est le « double effet ». Mais, avec la sédation profonde et continue jusqu’au décès, il s’agit non plus d’assumer un effet secondaire, qui est la survenue de la mort, mais bien d’en assurer la pleine réalisation.
Ce double effet, qui était acceptable et permettait une alternance entre le sommeil et le contact avec la vie, se transforme donc, à mon sens, en une double intentionnalité. Il n’y a plus d’effet subsidiaire, la mort, mais une volonté de donner la mort. Il s’agit, simultanément, de soulager la douleur potentielle, avérée, et, avec la même force, d’accélérer la mort.
Ce passage du double effet à la double intentionnalité me gêne. J’aimerais quelques précisions complémentaires sur ce sujet.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Gaëtan Gorce a bien expliqué ce qu’il en était de l’excellente loi Leonetti. Permettez-moi d’en citer un passage : « Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. » Ce texte a également introduit dans le code de la santé publique, à l’article L. 1110-10, la définition suivante : « Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus [...]. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. »
Quand il est décidé d’arrêter les traitements d’un patient en fin de vie – je ne parle pas de l’hydratation –, on lui administre des médicaments sédatifs et antalgiques. S’il est nécessaire d’augmenter les doses et si cela a des effets secondaires, la loi prévoit qu’il faut l’indiquer au malade, à sa famille ou à toute autre personne choisie.
Lorsque le malade n’est pas soulagé, malgré une augmentation du traitement sédatif et antalgique, se pose la question de la sédation.
La sédation profonde et continue pose problème à certains, du fait de ses effets secondaires. Or on peut parvenir à une sédation moyenne en accompagnant le patient et en l’hydratant, sans que celui-ci souffre de troubles respiratoires.
Il conviendrait donc de prévoir, dans cette proposition de loi, la possibilité de doser la sédation profonde et continue, afin qu’elle soulage le malade sans lui causer de tels troubles.
Mon cher collègue, vous avez parlé d’effet secondaire : la mort n’est pas un effet secondaire ! Il convient de parler de « double effet ».
Aux termes de l’article 4 de la proposition de loi, que nous examinerons bientôt, le médecin doit informer le patient que le traitement qu’il lui administre peut avoir pour effet d’abréger sa vie. Il ne s’agit en aucun cas d’un « effet secondaire ».
Par « effet secondaire », on désigne les conséquences, par exemple au niveau digestif ou cutané, que peut produire un médicament. La mort ne figure pas au nombre de ces effets...
Vous avez parlé, également, de double intentionnalité. Non, mon cher collègue. L’expression « sédation profonde et continue » inclut deux notions : l’intentionnalité et la temporalité.
L’intentionnalité consiste à calmer l’agitation, la souffrance ; c’est le terme général. La temporalité consiste, elle, à accompagner le patient jusqu’au bout et non à provoquer sa mort. On peut d’ailleurs discuter de ce point avec les spécialistes des soins palliatifs : dans certains cas, par la diminution du stress qu’elle entraîne, la sédation peut au contraire provoquer une amélioration de l’état général du patient et prolonger sa vie.
Par conséquent, il ne s’agit en aucun cas d’utiliser la sédation pour accélérer la mort, comme un acte euthanasique. En revanche, il est possible qu’elle ait pour effet d’entraîner la mort, ce qui n’est pas un effet secondaire.
J’en profite pour réagir à l’intervention de Daniel Chasseing : ne jouons pas sur les mots, mais ne jouons pas non plus sur les doses ! Même si, aujourd’hui, la pharmacologie codifie bien les doses en fonction du poids ou de la surface corporelle, nous savons très bien que la même posologie n’entraîne pas les mêmes effets chez les patients et que des doses théoriquement modérées et supportées par certains patients entraîneront la mort chez d’autres.
M. Daniel Chasseing acquiesce.
Nous sommes là au cœur du problème ! Il faut en avoir conscience, sinon on peut considérer la sédation comme un acte euthanasique. Or il s’agit d’un acte thérapeutique, qui vise à soulager la souffrance. Si, dans certains cas, la sédation a pour effet d’entraîner la mort – nous aurons l’occasion d’en reparler à l’article 4 –, ce n’est en aucun cas sa finalité.
J’espère avoir ainsi répondu aux interrogations des uns et des autres.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le présent débat est très fort, très nuancé, et met en lumière les interrogations que suscite cet article important. Je n’ai pas l’ambition de répondre à l’ensemble des interventions, mais je tiens à préciser l’esprit de cette proposition de loi, ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas.
Aujourd’hui, un patient atteint d’un mal incurable peut-il demander l’arrêt de ses traitements ? La réponse est oui. Il en est ainsi depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
Aujourd’hui, un patient, pour qui l’arrêt des traitements entraîne une très forte souffrance physique ou qui souffre, indépendamment de l’arrêt des traitements, peut-il demander un apaisement, notamment par recours à des procédés de sédation ? La réponse est oui. C’est le travail quotidien des équipes de soins palliatifs. Ces dernières parlent d’ailleurs d’aider le patient à « lâcher prise ». En d’autres termes, le patient, confronté à une douleur insoutenable, doit être accompagné et aidé pour que sa douleur ne rende pas sa fin de vie insupportable.
Aujourd’hui, donc, le droit actuel permet à un patient de demander à bénéficier de l’arrêt des traitements et de sédations, qui permettront d’accompagner et de soulager les derniers moments de sa vie.
Dans ce contexte, au regard des lois en vigueur, qu’apporte de plus le texte que nous examinons ?
Il ne s’agit pas d’introduire une rupture. La sédation peut avoir un effet induit, qui est le décès, mais le décès n’est pas recherché. De ce point de vue, la proposition de loi ne change rien.
Il s’agit non pas d’appliquer la sédation pour le décès, mais, le cas échéant, de l’appliquer jusqu’au décès. C’est une différence de taille ! Cela permettra au patient d’être endormi jusqu’au moment où il passera de l’endormissement à la mort. En revanche, je le répète, il ne s’agit pas, par la sédation, de rechercher la mort, même si ce peut être un effet induit.
Tel qu’il a été élaboré, que prévoit ce texte ?
En premier lieu, comme le président de la commission des affaires sociales l’a souligné, ce texte permet une organisation et une mise en cohérence des pratiques aujourd’hui observées sur le territoire. Je précise que la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs soutient cette démarche, ce qui montre bien qu’elle ne la distingue pas de la démarche des soins palliatifs et n’y voit en aucun cas une rupture.
Le premier objectif de cette proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est bien de coordonner les pratiques palliativistes existantes, de leur apporter davantage de cohérence et de sens.
En second lieu, et c’est un objectif important, ce texte crée un droit nouveau : le patient pourra demander la sédation. Aujourd’hui, dans le colloque singulier qu’il entretient avec l’équipe médicale, il peut déjà le faire, mais la décision est médicale. Si cette proposition de loi est adoptée, le patient aura le droit de demander à bénéficier d’une sédation, dans un cadre précis et dans des conditions déterminées – le patient est atteint d’une maladie incurable et est au bout du bout de la maladie ; le traitement n’existe pas ; la souffrance à laquelle le patient est confronté est insupportable.
Voilà la nouveauté ou l’avancée – j’ignore quel est le terme le plus adéquat – de ce texte : il s’agit de se placer du point de vue du patient. L’élément important, ce n’est pas tant la nature des traitements ou des accompagnements qui sont proposés que le fait que le patient a le droit, dans des conditions particulières, de demander à une équipe médicale de bénéficier d’une sédation jusqu’au moment où il mourra.
Ce n’est que cela, rien que cela, mais c’est déjà tout cela. Ce n’est en aucun cas une rupture vers l’euthanasie, mais c’est reconnaître au patient un droit qui n’est pas inscrit aujourd'hui dans la loi.
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter pour éclairer ce débat et pour qu’aucune ambiguïté ne subsiste sur la finalité de cette proposition de loi. D’aucuns trouveront peut-être que ce texte ne va pas assez loin ; c’est le débat qui a eu lieu la nuit dernière. Reste que ce texte ne contient pas les germes de l’euthanasie ou d’une assistance au suicide.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Je suis saisie de trente-trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 114 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 6, présenté par M. Revet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 1110 -5 -2. – Une sédation profonde peut être mise en œuvre dans les cas suivants :
La parole est à M. Charles Revet.
Avant de m’expliquer plus avant, madame la présidente, je souhaite rectifier cet amendement en supprimant l’adjectif « profonde ».
Je suis donc saisie d’un amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Revet, et ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 1110 -5 -2. – Une sédation peut être mise en œuvre dans les cas suivants :
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
Des propos tenus par Jean Leonetti avant que ce texte ne soit examiné par l’Assemblée nationale, j’avais compris que la sédation était un moyen complémentaire pour soulager le patient arrivé au terme de sa vie et faire en sorte qu’il souffre le moins possible. Dans ces conditions, Gilbert Barbier l’a rappelé il y a un instant, la sédation devait être entendue comme un endormissement.
Les débats que nous avons eus hier et que nous poursuivons aujourd’hui m’ont permis, à moi qui ne suis ni médecin ni biologiste, de mieux comprendre les enjeux. J’ai pu mesurer les nuances qui existaient entre les explications de Jean Leonetti et le texte qui nous est soumis.
Hier, à plusieurs reprises, certains collègues ont insisté sur le fait qu’une sédation profonde et continue pouvait pratiquement conduire en quelque sorte à l’asphyxie du patient, alors que la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale est tout à fait différente. C’est la raison pour laquelle l’adjectif « profonde » ne me semble plus opportun.
Puisque la sédation s’appliquera uniquement aux patients arrivés au terme de leur vie ou dont le pronostic vital est engagé à très court terme, pourquoi prendre le risque d’utiliser un médicament qui pourrait aggraver la situation et faire mourir les patients dans des conditions plus terribles encore, alors que la fin est proche et que l’on cherche à atténuer les souffrances ?
Enfin, nous savons bien que des dérives sont possibles.
M. Charles Revet. Madame la présidente, je souhaitais expliquer l’état d’esprit dans lequel j’ai déposé cet amendement. Mais j’y reviendrai en explication de vote !
Sourires.
L'amendement n° 115 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 73 rectifié, présenté par MM. Barbier et Collin, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
Une sédation profonde et continue
par les mots :
Une sédation adaptée à l'état physique du patient, et si nécessaire continue,
II. – Alinéa 6
Supprimer les mots :
profonde et continue
La parole est à M. Gilbert Barbier.
Je ne reprendrai pas la démonstration que j’ai tentée précédemment, mais je souhaite revenir sur la discussion qui l’a suivie.
Madame la ministre, qu’une sédation soit prévue au dosage nécessaire et suffisant pour que le malade soit inconscient et ne souffre pas, nous en sommes tous d’accord - moi le premier -, y compris la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs ; je connais bien Régis Aubry, pour avoir exercé très longtemps au CHU de Besançon avec lui, et nous nous rencontrons très souvent.
Il n’en est pas de même de la sédation profonde. Du reste, madame la ministre, je vous ai écoutée attentivement hier soir et encore aujourd'hui, et par une subtilité de langage remarquable, vous avez toujours parlé de « sédation » et jamais de « sédation profonde », reprenant en cela le texte initial de Jean Leonetti et d’Alain Claeys. Est-ce volontaire ?
C’est pourtant le nœud du problème ! Nous sommes tous favorables à la sédation, y compris Charles Revet, mais je pense que la notion de « sédation profonde » doit être laissée à l’appréciation du corps médical, que l’on cherche à dépouiller d’un certain nombre de prérogatives.
Messieurs les corapporteurs, je tiens à votre disposition le protocole d’utilisation du midazolam en sédation pour détresse en face terminale élaboré et approuvé par l’hôpital de Toulouse. Je l’ai sous les yeux et on y lit les subtilités d’utilisation de cette molécule ô combien difficile à manier. On ne parle pas de « sédation profonde ». Cet adjectif a été introduit en commission, à l’Assemblée nationale, d’une manière un peu subversive par Gérard Sebaoun, pour qui la sédation se décline en deux stades, la sédation profonde étant comme un état d’inconscience.
Nous sommes bien d’accord, mais à la sédation profonde doit nécessairement être associée une ventilation respiratoire.
Si je suis favorable, comme Mme la ministre, à une sédation, je ne suis pas favorable à une sédation profonde et continue. Telle est la raison pour laquelle j’ai déposé les amendements n° 73 rectifié et 79, ce dernier étant un amendement de repli visant à supprimer le mot : « profonde ».
L'amendement n° 79, présenté par M. Barbier, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 6
Supprimer les mots :
profonde et
Cet amendement a été précédemment défendu.
L'amendement n° 59 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre et Leleux, Mme Imbert, M. Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard et Portelli, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Charon, Husson, Houel et Gournac, Mmes Debré et Lamure et MM. Kern, Cardoux, Gremillet et Guerriau, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
et continue jusqu'au décès
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Je n’ai pas pris la parole sur l’article, car les termes du débat ont été bien posés par les uns et les autres. Je tiens en revanche à relever une ambiguïté : d’un côté, on nous explique que l’on ne change rien, de l’autre, on nous dit qu’une nouvelle loi est nécessaire.
M. Jean Desessard rit.
Madame la ministre, vous avez dit clairement que, ce qui change aujourd'hui, c’est que l’on crée un droit à demander une sédation. Est-ce à dire que, jusqu’à présent, un malade en fin de vie n’avait pas le droit de la demander ? Je ne le pense pas.
En revanche, vous avez omis de préciser que cela se traduit par l’obligation, pour le corps médical, de mettre en œuvre la sédation – nous reviendrons sur la qualification lors de l’examen d’un autre amendement. Voilà le vrai changement, et il est d’importance !
Nous sommes tous d’accord sur la sédation, ce n’est pas la peine d’y revenir, car la loi actuelle la prévoit. Ce qui nous gêne, c’est qu’elle soit continue jusqu’au décès, c'est-à-dire irréversible. Ce qui nous choque, ce n’est pas que, dans la pratique, elle puisse être continue jusqu’au décès, c’est que la loi la rende obligatoire. Il nous semble qu’il faut accorder de la souplesse et permettre à l’équipe soignante de mettre en œuvre une sédation, profonde ou non, continue ou non, jusqu’au décès ou non.
Tel qu’il est actuellement rédigé, l’article 3 nous paraît dangereux. En outre, faire figurer une prescription médicale dans la loi créerait un précédent.
Mme Colette Giudicelli et M. Alain Gournac applaudissent.
Avec cet amendement, nous en arrivons au cœur de notre débat. Les inquiétudes que suscite la sédation profonde et continue traduisent, c’est le moins que l’on puisse dire, la crainte qu’elle puisse être dévoyée et contribue à une dérive euthanasique.
En limitant le recours à la sédation profonde et continue à la demande du patient à des situations de fin de vie et de souffrances réfractaires à tout traitement, la commission des affaires sociales a d’ores et déjà apporté des garanties importantes contre de telles dérives, garanties sur lesquelles les différents orateurs qui la représentent ici se sont exprimés à plusieurs reprises.
L’amendement que je présente au nom de la commission des lois vise à en prévoir une nouvelle. Il tend à rompre le lien indissoluble que l’article 3, tel qu’il est actuellement rédigé, établit entre la sédation profonde et continue et l’arrêt de tous les traitements de maintien de vie.
On peut d’abord s’interroger sur l’opportunité de consacrer ainsi dans la loi une recommandation médicale formulée par les sociétés savantes. Ensuite, et surtout, comment ne pas souligner la contradiction qu’il y a à reconnaître un nouveau droit au patient tout en limitant sa liberté dans l’exercice de ce droit ?
Nous n’avons cessé de dire qu’il fallait absolument, prioritairement, respecter la volonté du patient. La présente proposition de loi concerne les patients qui vont mourir, mais, même si, en vertu d’une autre loi, un jour, elle devait s’appliquer aussi à ceux qui souhaitent mourir, on parlerait encore de la volonté du patient, car c’est elle que l’on veut privilégier.
Or le patient aurait droit de voir ses souffrances apaisées par une sédation profonde et continue à la condition expresse qu’il consente dans le même temps à un arrêt des traitements de suppléance vitale. On lui refuserait donc une telle sédation parce qu’il aurait demandé que son respirateur artificiel ne soit pas débranché ou que son hydratation soit poursuivie pendant son sommeil. Chacun peut mesurer la sécheresse d’une telle alternative : tout ou rien ! Est-ce bien conforme à l’humanité que nous nous efforçons d’instiller dans notre législation sur la fin de vie ?
J’ajoute que, indépendamment de leur effet médical, certains traitements peuvent avoir pour la personne une dimension symbolique forte. Il en va ainsi tout particulièrement de l’alimentation, de l’hydratation, de la respiration : c’est la nourriture que nous mangeons, l’eau que nous buvons, l’air que nous respirons.
N’y aurait-il pas un paradoxe à chercher à apaiser la détresse d’une personne face à sa mort en lui offrant la consolation symbolique d’un sommeil apaisé, mais en lui refusant la certitude de mourir non pas de faim, de soif, ou d’asphyxie, mais seulement de sa maladie ?
Enfin, lier indissolublement sédation profonde et arrêt des traitements vitaux, c’est rendre plus indistincte la frontière entre une mort provoquée par la maladie et une mort due à une autre cause, voire aux conséquences d’un traitement médical. Or c’est précisément cette distinction qui permet d’écarter tout risque de dérive euthanasique.
Par conséquent, afin de redonner force à la volonté de la personne en fin de vie et de lui offrir la consolation symbolique qu’elle souhaite, cet amendement vise à lui permettre de réclamer une sédation profonde et continue tout en refusant l’arrêt de certains traitements ou soins.
M. Alain Gournac et M. Philippe Bas applaudissent.
L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Gilles, Vasselle, Grand, Dufaut, de Legge et Saugey, Mmes Cayeux, Gruny, Deroche et Mélot et M. Houel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
de maintien en vie
par le mot :
thérapeutiques
II. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° Lorsque le patient est en phase terminale, mais hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin peut arrêter tout traitement thérapeutique et mettre en œuvre une sédation profonde et continue, associée à une analgésie, jusqu’au décès, uniquement s’il détient des dispositions anticipées du patient l’y autorisant ou si son pronostic vital est engagé à très court terme.
La parole est à M. Bruno Gilles.
Malgré certains propos rassurants, un débat subsiste pour certains d’entre nous entre les traitements de maintien en vie et les traitements dits « thérapeutiques ».
Je propose donc, à l’alinéa 2, de remplacer les mots : « de maintien en vie » par le mot : « thérapeutiques ».
En effet, si l’objectif de notre proposition de loi est de supprimer ou du moins de réduire toute souffrance physique ou morale du patient afin de lui garantir autant que possible une mort apaisée ou digne, il serait utile de corriger cet article pour lever l’ambigüité entre les traitements de maintien en vie et les traitements thérapeutiques. En effet, l’arrêt des traitements dits « de maintien en vie » est en contradiction avec l’objectif du texte, car l’arrêt d’une aide respiratoire – nous avons beaucoup parlé la nuit dernière de l’hydratation et de la nutrition artificielles –, dont le but est, au départ, de soulager le patient, vaudrait pour lui des souffrances supplémentaires.
L’alinéa 4 prévoit que, lorsque des patients ne peuvent s’exprimer, le médecin pourrait décider d’arrêter tout traitement de maintien en vie - l’alimentation et l’hydratation, mais aussi, pourquoi pas, l’aide respiratoire mécanique -, et d’appliquer une sédation profonde et continue, doublée d’une analgésie, jusqu’au décès.
Il est donc utile, d’une part, de supprimer l’ambiguïté entre le traitement de maintien en vie et le traitement thérapeutique. Si l’hydratation et la nutrition artificielles ont été abordées cette nuit, le placement sous respirateur ne constitue pas un traitement thérapeutique : il est destiné à soulager le patient, à lui éviter des souffrances supplémentaires. On ne peut donc considérer que de tels traitements correspondent à « une obstination déraisonnable ».
Tel est l’objet de mon amendement.
L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Gilles, Vasselle, Grand, Dufaut, de Legge et Saugey, Mmes Cayeux, Gruny, Deroche et Mélot et M. Houel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
de maintien en vie
par le mot :
thérapeutiques
II. – Alinéa 4
1° Après le mot :
patient
insérer les mots :
, dont le pronostic vital est engagé à très court terme,
2° Remplacer les mots :
de maintien en vie
par le mot :
thérapeutique
3° Supprimer les mots :
et que la souffrance du patient est jugée réfractaire
La parole est à M. Bruno Gilles.
L'amendement n° 49 rectifié, présenté par M. Chasseing, Mme Lamure et MM. Vogel, Barbier, Commeinhes, Chaize et César, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
maintien en vie
insérer les mots :
, sauf hydratation
La parole est à M. Daniel Chasseing.
La sédation profonde et continue constitue en effet le cœur de la proposition de loi.
Cette sédation sera mise en œuvre peu avant la mort, celle-ci étant prévisible, comme M. le président de la commission des affaires sociales l’a indiqué, à échéance de quelques heures ou de quelques jours.
Pour ma part, je pense que, lorsqu’une sédation profonde et continue est mise en œuvre, il faut poursuivre l’hydratation, qui n’est pas un traitement. En effet, elle ne modifiera pas l’action de la sédation profonde et continue, de même qu’elle n’augmentera pas la durée de vie du patient.
Les souffrances résultant de la déshydratation pouvant être importantes, nous pensons qu’il est absolument nécessaire de poursuivre l’hydratation jusqu'au décès.
L'amendement n° 102 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, M. Antiste et Mmes Lepage et Perol-Dumont, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
vie
insérer les mots :
voire à un traitement susceptible d’accélérer la survenue de la mort
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Une sédation profonde et continue jusqu’au décès, associée à l’arrêt des traitements de maintien en vie, n’accélère pas la survenue de la mort. En outre, elle présente souvent un caractère humainement et socialement difficilement acceptable, surtout si l’agonie dure trop longtemps : elle est alors de nature à rompre le consensus constitué collégialement.
Comme je l’ai expliqué précédemment, dans certains cas, le corps du patient n’est pas aussi exténué qu’un corps dévoré par la maladie ou vidé de sa sève par les ans pour qu’un arrêt de l’alimentation conduise à une cessation de vie dans des délais et des conditions respectueuses de la dignité et de l’intégrité de la personne. Cette mort peut être en effet particulièrement longue à advenir, et les stigmates sont importants. C’est le cas notamment pour les personnes en état neurovégétatif, qui survivent artificiellement depuis des années. Il faut donc que l’arrêt des traitements ne suscite pas plus de douleurs que l’acharnement thérapeutique déraisonnable.
Par cet amendement, il s’agit d’assurer la sérénité du patient au cours des derniers jours de sa vie – c’est l’intérêt du patient et lui seul qui est au cœur de ce texte –, par tous les moyens dont dispose l’institution soignante, en plus de la sédation profonde et continue associée à une analgésie, avec un traitement pouvant accélérer la survenue de la mort, si le patient, ou sa personne de confiance, le demande expressément, ou encore si les directives anticipées ne l’interdisent pas ou si l’équipe médicale le juge utile dans l’intérêt du patient.
Comme l’a fort bien expliqué M. le rapporteur, il s’agit bien d’une pratique thérapeutique fondée sur l’utilisation de substances suffisamment dosées pour soulager définitivement la souffrance.
Cette disposition préserve les médecins et leurs équipes de demandes de soins extravagantes ou de pressions médiatiques telles que l’actualité nous en fournit un exemple tragique.
Cette autorisation faite au médecin, qui l’accepte – après décision prise dans le cadre de la procédure collégiale telle que définie à l’article L. 1110-5-1 –, d’avoir recours à un traitement susceptible d’accélérer la survenue de la mort, en respectant la volonté, l’intégrité et la dignité du malade, confirme l’avancée voulue par les auteurs de cette proposition de loi et protège les équipes médicales contre une insécurité juridique toujours patente.
L'amendement n° 60 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre et Leleux, Mme Imbert, M. Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet, Gilles et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard et Portelli, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet, Charon, Husson, Houel et Gournac, Mme Debré, M. Lemoyne, Mme Lamure et MM. Kern, Cardoux et Guerriau, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
est
par les mots :
peut être
La parole est à M. Dominique de Legge.
Cet amendement s’inscrit dans le droit fil de celui que j’ai présenté précédemment.
Vous avez dit, madame la ministre, qu’il y avait un droit à demander une sédation. Pour notre part, nous ne souhaitons pas que l’on accède obligatoirement à cette demande. C'est la raison pour laquelle nous préconisons, à l’alinéa 2, de remplacer le mot : « est » par les mots : « peut être ».
Avec cet amendement, je vais dans votre sens, madame la ministre ! L’un des arguments que vous avez développés pour tenter de nous convaincre qu’il fallait réécrire la loi tenait à la nécessité d’harmoniser les pratiques. Précisément, madame la ministre, il suffit pour cela de fixer un objectif : nul besoin de prescription ou d’obligation !
La formulation que nous proposons s’inscrit dans cette logique.
L'amendement n° 50 rectifié, présenté par M. Chasseing, Mme Lamure, MM. Vogel, Barbier, Commeinhes et de Legge, Mme Imbert et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 3
1° Après les mots :
engagé à
insérer le mot :
très
2° Remplacer les mots :
autre traitement
par les mots :
traitement adapté
La parole est à M. Daniel Chasseing.
Nous proposons de prévoir que, pour mettre en œuvre une sédation profonde et continue jusqu’au décès, le pronostic vital devra être engagé à très court terme, c'est-à-dire à l’échéance de quelques heures ou de quelques jours, et que le patient devra présenter une souffrance réfractaire à tout « traitement adapté ». Il me semble que cette formulation, qui figure dans la loi Leonetti, est plus précise que l’expression « tout autre traitement ».
L'amendement n° 61 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre et Leleux, Mme Imbert, M. Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard, Raison et Portelli, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet, Charon, Husson, Houel et Gournac, Mmes Debré et Lamure et MM. Kern, Cardoux, Gremillet et Guerriau, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
engagé à
insérer le mot :
très
La parole est à M. Dominique de Legge.
Cet amendement vise à préciser que la sédation ne doit intervenir que si le pronostic vital est engagé à très court terme.
Certes, on pourrait débattre à l’infini de ce que sont le court terme et le très court terme. Pour autant, je veux faire confiance au rapporteur et à la ministre, qui indiquent qu’il s’agit bien d’engager une sédation dans la phase ultime. La commission et le Gouvernement pourraient faire le geste d’accepter cet amendement, ce qui montrerait qu’il existe véritablement un consensus sur ce point.
L'amendement n° 74 rectifié, présenté par MM. Barbier, Bertrand, Collin et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
souffrance
par le mot :
douleur
La parole est à M. Gilbert Barbier.
On pourrait croire que la différence entre souffrance et douleur relève d’une pure question sémantique. Toutefois, la souffrance renvoie à un concept psychique et psychologique, fonction de l'état du patient, de son âge, de son environnement, de la manière dont les siens l’accompagnent, alors que la sédation vise à lutter contre la douleur physique en plongeant la personne dans un état d’inconscience.
Comme les protocoles pour l’accompagnement de la fin de vie le précisent, la sédation n’est ni une anxiolyse, ni une analgésie, ni un somnifère, ni une euthanasie. Il me semble donc préférable de parler de « douleur » plutôt que de « souffrance », parce que cette dernière mérite une prise en charge autre, par des personnes bénévoles qui discutent avec le patient et lui « tiennent la main », comme l’a dit Marie de Hennezel.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 25 rectifié est présenté par Mme Duranton, M. Laufoaulu, Mme Deromedi, M. Kennel, Mmes Mélot, Morhet-Richaud et Deroche et MM. Husson, G. Bailly et Houel.
L'amendement n° 122 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Après le mot :
souffrance
insérer le mot :
physique
La parole est à Mme Nicole Duranton, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié.
Les personnels soignants le constatent régulièrement : une personne en fin de vie dont la souffrance physique est apaisée ne demande plus d’aide active à mourir, même si elle avait pu exprimer un tel souhait auparavant. L’état dépressif qu’elle avait pu connaître s’éloigne d’autant. C’est donc bien la seule souffrance physique réfractaire aux traitements qui doit pouvoir entraîner l’application des dispositions du présent article.
Les amendements n° 122, 117 et 118 ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 51 rectifié bis, présenté par M. Chasseing, Mme Lamure, MM. Vogel, Barbier et Commeinhes, Mme Imbert et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° Lorsque le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, dans le cas où le pronostic vital est engagé à très court terme et que la souffrance du patient est jugée réfractaire au traitement adapté, le médecin peut arrêter le traitement de maintien en vie au titre de l’obstination déraisonnable, sauf si les directives anticipées du patient ou l'avis négatif de la famille s’y opposent.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
Il s’agit de rappeler à cet alinéa les conditions de l'application de la sédation profonde et continue à un patient ne pouvant exprimer sa volonté : le pronostic vital doit être engagé à très court terme et le patient doit présenter une souffrance réfractaire au traitement adapté.
L'amendement n° 62 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre, Leleux et Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard et Portelli, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré, Kennel et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet et Charon, Mme Deroche, MM. Husson, Houel et Gournac, Mmes Debré et Lamure et MM. Kern, Cardoux et Guerriau, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
le patient
insérer les mots :
, dont le pronostic vital est engagé à très court terme,
La parole est à M. Dominique de Legge.
Il s’agit d’apporter une précision importante, là encore dans un esprit de recherche du consensus.
L'amendement n° 37 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, MM. Antiste et Botrel, Mmes Campion, Lepage et Perol-Dumont et M. Rome, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« À l’initiative du médecin et dans le cadre d’une procédure collégiale telle que celle visée à l’article L. 1110-5-1, l’équipe soignante vérifie préalablement que les conditions d’application prévues au deuxième alinéa sont remplies. La procédure collégiale ne s’impose que si le malade est hors d’état d’exprimer sa volonté et s’il n’a pas rédigé ses directives anticipées.
La parole est à Mme Dominique Gillot.
L'amendement n° 83 rectifié, présenté par Mme David, M. Abate, Mmes Assassi et Beaufils, MM. Billout, Bocquet et Bosino, Mmes Cohen et Cukierman, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. D. Laurent et Le Scouarnec, Mme Prunaud et M. Watrin et les membres du, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Une procédure collégiale telle que celle visée à l’article L. 1110-5-1 vérifie avec l’équipe soignante que les conditions d’application prévues aux 1° et 2° sont remplies.
La parole est à Mme Annie David.
Le texte prévoit que la réunion des conditions d’application d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès soit vérifiée dans le cadre d’une procédure collégiale, à laquelle doit être associée la personne de confiance.
Or, aux termes de l’article 3, cette vérification serait engagée « à l’initiative du médecin ». Il nous semble que cette expression n’apporte rien à la loi, et limitera au contraire son effectivité. En effet, pour peu que le médecin ne prenne pas l’initiative de réunir l’équipe soignante et la personne de confiance pour établir s’il est ou non possible de pratiquer une sédation profonde et continue jusqu’au décès, cette dernière ne saurait être mise en œuvre, même si les conditions sont remplies.
De plus, cette disposition va à l’encontre de la logique globale du texte, qui tend à redonner au patient, parfois par l’intermédiaire de ses proches ou de la personne de confiance, le pouvoir d’exprimer sa volonté sur son traitement et sa fin de vie.
Elle ignore en outre les réticences naturelles des médecins, issus d’une formation principalement fondée sur le soin curatif, à lancer des procédures de soins palliatifs et d’accompagnement vers la mort. Si la culture médicale est en train d’évoluer vers une reconnaissance accrue du rôle de la médecine palliative et si l’article 1er de cette proposition de loi y participe en agissant sur la formation des professionnels de santé, il faudra encore du temps avant que ces évolutions se diffusent dans l’ensemble du corps médical. En attendant, il ne semble pas souhaitable de donner au médecin l’initiative du lancement de la procédure collégiale.
L'amendement n° 63 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Reichardt, Sido, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre, Leleux et Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard, Portelli et Savary, Mme di Folco, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet, Charon, Husson, Houel et Gournac, Mmes Debré et Lamure et MM. Kern, Cardoux, Gremillet et Guerriau, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La sédation profonde peut être mise en œuvre au domicile du patient dès lors que celui-ci bénéficie d’une prise en charge au titre d’une hospitalisation à domicile, dans un établissement de santé ou un établissement visé au 6° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, dès lors qu’ils disposent en permanence d’un professionnel de santé, ou dès lors que le patient bénéficie d’une prise en charge par des infirmiers libéraux associés à un prestataire de santé à domicile et avec la disponibilité d’un médecin de proximité. »
La parole est à M. Dominique de Legge.
Il nous semble judicieux d’introduire un certain nombre de garanties médicales quant à la mise en place de la sédation au domicile du patient, qui doit être accompagnée par du personnel soignant.
La rédaction de l’amendement n° 63 rectifié bis mentionne la « sédation profonde », car ce qui pose problème à nos yeux, c’est que la sédation puisse avoir un caractère irréversible. Cependant, nous avons déposé un amendement de repli, l’amendement n° 68 rectifié bis, qui fait référence à la « sédation profonde et continue », afin, une nouvelle fois, d’ouvrir la voie à un consensus.
L'amendement n° 68 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre, Leleux et Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard et Portelli, Mme di Folco, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet, Charon, Husson, Houel et Gournac, Mmes Debré et Lamure et MM. Kern, Cardoux et Guerriau, et ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La sédation profonde et continue peut être mise en œuvre au domicile du patient dès lors que celui-ci bénéficie d’une prise en charge au titre d’une hospitalisation à domicile, dans un établissement de santé ou un établissement visé au 6° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, dès lors qu’ils disposent en permanence d’un professionnel de santé.
La parole est à M. Dominique de Legge.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 23 rectifié est présenté par Mme Duranton, M. Laufoaulu, Mmes Deromedi, Mélot et Deroche et MM. Chasseing et Husson.
L'amendement n° 121 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Après les mots :
À la demande du patient,
insérer les mots :
et dès lors que tous les soins mentionnés à l'article L. 1110-10 ont été dispensés,
La parole est à Mme Nicole Duranton, pour présenter l’amendement n° 23 rectifié.
L’accès aux soins palliatifs est un droit fondamental de tout patient. Le code de la santé publique précise qu’ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. Avant d’accéder à la demande du patient qui le conduirait à mettre en place une sédation profonde et continue, le médecin doit s’assurer que les soins palliatifs ont bien été mis en œuvre.
L'amendement n° 121 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 52 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Barbier et Commeinhes, Mmes Lamure et Mélot et MM. Vogel, Requier et Mézard, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :
, dans le respect des conditions prévues aux 1° et 2°. Le médecin traitant peut demander aux services des soins palliatifs des centres hospitaliers d’intervenir en établissement pour personnes âgées ou à domicile, soit en qualité de consultant, soit afin d’effectuer la sédation profonde et continue.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
Le médecin traitant d'un patient à domicile ou en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, doit pouvoir demander conseil aux services de soins palliatifs des centres hospitaliers sur la situation dudit patient ou requérir la mise en place d’une sédation profonde et continue par une équipe mobile.
Afin que les services de soins palliatifs des centres hospitaliers puissent intervenir efficacement auprès des médecins généralistes, il est important de renforcer leurs moyens.
L'amendement n° 7, présenté par M. Revet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Un médecin ou professionnel de santé a le droit de refuser de procéder à une sédation profonde et continue pour des raisons d’atteinte à sa conscience. S’il se dégage de sa mission, le médecin en avertit alors le patient ou, si l’état de santé de celui-ci ne le permet pas, la personne de confiance et la famille et transmet au médecin désigné par celui-ci ou ceux-ci les informations utiles à la poursuite des soins.
La parole est à M. Charles Revet.
Un médecin doit avoir le droit de refuser de mettre en œuvre la sédation profonde et continue s’il estime que cela porte atteinte à sa conscience. Il transmettra alors les informations utiles à la poursuite des soins à un confrère.
L'amendement n° 64 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre, Leleux et Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet, Gilles et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard et Portelli, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré, Kennel et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest, Saugey et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau et Charon, Mme Deroche, MM. Husson, Houel et Gournac, Mme Debré, M. Lemoyne, Mme Lamure et MM. Cardoux, Gremillet et Guerriau, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé:
« Les médecins et professionnels de santé ont le droit de refuser de procéder à une sédation profonde et continue si ce geste porte atteinte à leur conscience. »
La parole est à M. Dominique de Legge.
Chacun d’entre nous convient que le débat sur le dispositif de cet article engage notre conscience et notre conviction intime. Il en va de même pour les professionnels de santé, à qui l’on doit reconnaître la possibilité de faire jouer une clause de conscience.
Les amendements n° 119 et 120 rectifié ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements faisant l’objet de la discussion commune ?
La commission est défavorable à l’amendement n° 6 rectifié. Je me suis longuement expliqué sur le concept de sédation profonde et continue.
La commission est défavorable à l’amendement n° 73 rectifié. M. Barbier s’est exprimé très habilement sur la notion de dose, sans rappeler que, en fin de vie, les doses administrées n’ont pas grand-chose à voir avec celles qui sont habituellement utilisées dans une visée thérapeutique. Cet amendement est contraire à l’esprit dans lequel la loi prévoit d’appliquer la sédation profonde et continue, deux caractères que la commission entend maintenir.
La commission est également défavorable aux amendements n° 79 et 59 rectifié bis, pour les mêmes raisons. La mise en place d’une sédation profonde et continue est, je le rappelle, un acte exceptionnel.
La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 13 de la commission des lois, qui explicite la possibilité, pour le patient, de s’opposer à l’arrêt des traitements visant au maintien en vie.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 4 rectifié. Outre que l’expression « traitement thérapeutique » est assez redondante, la notion de traitement « de maintien en vie » est plus appropriée. Vous parliez tout à l’heure, monsieur Gilles, d’un respirateur comme relevant du « confort » du patient. Pour reprendre le cas auquel M. Roche a fait référence, un patient atteint de la maladie de Charcot placé sous respirateur ne partage peut-être pas forcément ce point de vue. Il est en tout cas prévu que, à un moment donné, il puisse demander à ce que l’on cesse de recourir à ce type d’équipement.
La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement de repli n° 5 rectifié.
La commission demande le retrait de l’amendement n° 49 rectifié, compte tenu du fait que, la nuit dernière, il a été décidé, sur ma proposition, que l’hydratation artificielle pouvait être maintenue jusqu’à la fin de la vie.
Le dispositif de ’amendement n° 102 rectifié glisse vers la possibilité de mettre en place un traitement accélérant la survenue de la mort : l’avis est défavorable.
Concernant l’amendement n° 60 rectifié bis, remplacer le mot « est » par les mots « peut être » dénaturerait complètement le texte. Si les conditions prévues sont remplies, la volonté du patient doit être impérative. En conséquence, l'avis est défavorable.
La proposition des auteurs de l’amendement n° 50 rectifié, qui vise à remplacer « court terme » par « très court terme », est d’ordre sémantique. Il appartiendra au juge ou au médecin-expert d’apprécier, dans un cadre jurisprudentiel. L'avis est défavorable.
Pour les mêmes raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 61 rectifié bis.
S’agissant de l’amendement n° 74 rectifié, comme j’ai déjà eu l’occasion de le préciser, le concept de souffrance englobe aussi la douleur physique. La souffrance n’est pas seulement d’ordre psychologique ; la souffrance aiguë liée, en phase terminale, à une asphyxie, à une insuffisance cardiaque ou à une sclérose latérale amyotrophique ne peut être atténuée par de simples antalgiques. En conséquence, l’avis est défavorable.
Pour les mêmes raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 25 rectifié.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 51 rectifié bis : par définition, tout traitement est adapté.
L’amendement n° 62 rectifié bis vise lui aussi à substituer « très court terme » à « court terme » : l’avis est défavorable.
L’amendement n° 37 rectifié tend à limiter l’engagement de la procédure collégiale au cas où la personne malade n’est pas en mesure d’exprimer sa volonté. Je rappelle que cette procédure collégiale a pour but de vérifier non seulement la volonté de la personne, mais aussi le respect de l’ensemble des conditions médicales prévues par cet article. Elle doit donc s’appliquer dans tous les cas. La commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 83 rectifié tend à supprimer l’initiative du médecin pour la mise en œuvre de la procédure collégiale. La rédaction actuelle de l’article fait que le médecin est tenu, de par la volonté du patient, de mettre en place la procédure. En conséquence, l'avis est défavorable.
La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 63 rectifié bis. L’accompagnement de la fin de vie à domicile est une nécessité, tout le monde en convient. Il va de soi que le médecin traitant peut et doit se faire accompagner par des équipes spécialisées, telles que les unités mobiles de soins palliatifs.
L’amendement de repli n° 68 rectifié bis prévoit la présence permanente d’un professionnel de santé. Nous sollicitons l’avis du Gouvernement sur ce point.
L’amendement n° 23 rectifié prévoit la mise en place de soins palliatifs avant celle d’une sédation profonde et continue : cela va de soi. Rappelons que les soins palliatifs incluent la sédation profonde et continue. En conséquence, l'avis est défavorable.
L’amendement n° 52 rectifié prévoit la possibilité, pour le médecin traitant, de demander l’intervention des services de soins palliatifs des centres hospitaliers. Cette possibilité existe déjà. J’ajoute que les substances utilisées pour la sédation ne sont pas en accès libre pour le médecin traitant. L'avis est défavorable.
L’amendement n° 7 vise à instaurer une clause de conscience pour les médecins. Une telle clause existe déjà, aux termes de l’article 47 du code de déontologie médicale, qui décline l’article R. 4127-47 du code de la santé publique :
« Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée.
« Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles.
« S’il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins. »
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Enfin, la commission demande également le retrait de l’amendement n° 64 rectifié bis.
J’ai beaucoup apprécié les prises de parole sur l’article 3, en particulier celle de M. le président de la commission des lois.
L’amendement n° 13 présenté par M. Pillet, qui a reçu un avis favorable de la commission des affaires sociales, me paraît particulièrement important. Je demande donc, madame la présidente, la priorité de vote sur ce texte.
Aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la priorité est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
La priorité est de droit.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’ensemble des amendements faisant l’objet de la discussion commune ?
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble des amendements, à l’exception de l’amendement n° 83 rectifié, qui tend à revenir à la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale en posant le principe du caractère systématique de la procédure collégiale, conformément, me semble-t-il, à l’esprit de cette proposition de loi.
Madame Gillot, les amendements que vous avez présentés relèvent d’une démarche très différente de celle qu’a retenue le Gouvernement. Dès lors, je ne peux émettre un avis favorable. Je ne reviens pas sur les explications que j’ai déjà pu vous donner.
Concernant le caractère profond de la sédation, je ne crois pas qu’il faille poser le débat en des termes aussi radicaux que vous l’avez fait, monsieur Barbier.
Pour ma part, je n’ai aucune difficulté à parler de sédation profonde. Il ne s’agit pas de considérer que tous les cas de figure sont traités au travers de cet article. Certains malades, même en fin de vie, ne demanderont pas à bénéficier d’une sédation profonde. Il existe différents degrés de sédation. Cet article tend seulement à définir les cas dans lesquels est ouvert un droit nouveau, opposable aux médecins, à bénéficier d’une sédation profonde. Dans d’autres situations, non visées par l’article 3, d’autres types de sédation pourront être proposés. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur vos amendements car leur adoption aurait pour conséquence de revenir à la situation antérieure. Notre objectif est d’ouvrir un droit supplémentaire pour le patient.
Par ailleurs, l’Ordre des médecins a indiqué très explicitement qu’il ne souhaitait pas qu’une clause de conscience soit introduite dans la proposition de loi. Selon lui, cela donnerait à penser que ce texte ouvre la voie à l’euthanasie. L’Ordre des médecins considère que le dispositif de la proposition de loi reste bien dans le cadre des soins palliatifs. Afin d’éviter toute ambiguïté, il estime préférable que ce soit la clause de conscience générale déjà prévue par le code de déontologie qui s’applique.
Enfin, le Gouvernement est défavorable aux amendements n° 63 rectifié bis et 68 rectifié bis, prévoyant la présence permanente d’un professionnel de santé, parce que l’adoption d’une telle disposition empêcherait la mise en œuvre du droit nouveau à domicile.
La commission des affaires sociales a demandé, sans aucun doute à juste titre, la mise aux voix par priorité de l’amendement n° 13. Je souhaiterais connaître les conséquences de son éventuelle adoption sur la suite de la discussion. Cette précision permettra d’éclairer la Haute Assemblée.
L’adoption de l’amendement n° 13 rendrait sans objet l’amendement n° 6 rectifié de M. Revet.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, confirmez-vous cette analyse ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait, madame la présidente. Si l’amendement n° 13 est adopté, le texte deviendra celui de la commission des affaires sociales et de la commission des lois. Je souhaite qu’il ne soit plus modifié ensuite…
Sourires.
La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote sur l'amendement n° 13.
Je comptais retirer l’amendement n° 6 rectifié au profit de celui de M. Barbier, qui me semble plus complet. Ce dernier tend à instaurer une alternative, tandis que mon amendement vise à supprimer purement et simplement les mots « profonde et continue ». Quoi qu’il en soit, je retire mon amendement.
L'amendement n° 6 rectifié est retiré.
La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l'amendement n° 13.
La discussion de ce texte confirme que la loi Leonetti règle déjà un certain nombre de problèmes et que, sur ce sujet, les limites sont particulièrement floues. Il s’agit des droits du malade, certes, mais aussi des devoirs du médecin, que l’on entend obliger à accomplir des actes bien particuliers, dont la définition n’est pas toujours très précise.
J’en veux pour preuve notre débat de la nuit dernière, qui a abouti, sur proposition du rapporteur Amiel, à exclure l’hydratation artificielle de la liste des traitements devant être interrompus en cas de sédation profonde et continue. Or, aux termes de l’objet de l’amendement n° 13, « l’article 3 consacre un droit du patient en fin de vie à bénéficier d’une sédation profonde et continue jusqu’à son décès, lorsqu’aucun autre traitement ne permet de soulager sa douleur. Il impose, en revanche, que cette sédation soit accompagnée de l’arrêt de tous les traitements de maintien en vie (alimentation, hydratation, respiration artificielle). »
Je souhaiterais obtenir des précisions. Il a été affirmé hier que l’hydratation était un soin, et non pas un traitement. Or on nous invite aujourd'hui à voter un amendement dont l’objet indique que l’hydratation est un traitement. On voit bien que nous sommes dans un domaine où règne une grande confusion, le texte autorisant plusieurs interprétations.
Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains. – M. Joël Guerriau applaudit également.
J’indique à M. Savary, qui a pourtant assisté à nos débats de la nuit dernière, que l’objet de l’amendement n° 13 a été rédigé avant que nous n’inscrivions dans le texte que l’hydratation « constitue un soin qui peut être maintenu jusqu’en fin de vie ».
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote sur l'amendement n° 13.
Des propos de M. le président de la commission, il ressort que l’objet de cet amendement ne pourra être invoqué à l’appui de telle ou telle interprétation du texte. Je tenais à le souligner.
L'amendement est adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote sur l'amendement n° 59 rectifié bis.
Je voudrais saluer l’esprit d’ouverture de M. le rapporteur : aucun amendement, à l’exception de celui de la commission des lois, n’a trouvé grâce à ses yeux… Cette attitude me semble en décalage avec ce que nous avons cherché à construire hier.
Monsieur le rapporteur, je serai très clair. Je peux comprendre, même si je ne partage pas votre point de vue, que vous émettiez un avis défavorable sur l’amendement n° 59 rectifié bis : votre position est cohérente.
Cependant, vous vous dévoilez en vous opposant à notre amendement n° 60 rectifié bis visant à remplacer, s’agissant de la mise en place d’une sédation demandée par le patient, l’obligation par une possibilité. Mme la ministre l’a dit très clairement : il s’agira bien d’une obligation pour les médecins. Nous sommes là au cœur du débat. On nous dit que le texte ne change rien ; Mme la ministre le confirme, à ceci près que le patient aura désormais le droit de demander la sédation : or je ne sais pas ce qui l’en empêche aujourd'hui…
(M. Charles Revet approuve.) On continue ensuite à dérouler la pelote, en nous expliquant que l’on refuse la clause de conscience pour les médecins. Les choses me paraissent donc tout à fait claires : il est incontestable que l’article 3 ouvre la porte à une euthanasie que vous ne voulez pas nommer comme telle. Par conséquent, je ne voterai pas cet article.
Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.
En tout état de cause, Mme la ministre a révélé, en s’exprimant sur mon amendement, que les professionnels de santé auront bien l’obligation d’accéder à la demande du patient. §
Pour ce qui est de l’amendement n° 60 rectifié bis, dès lors que la sédation profonde et continue est reconnue comme un acte thérapeutique de soins palliatifs, il n’y a aucune raison de ne pas rendre sa mise en œuvre impérative lorsque le patient la souhaite.
L’instauration d’une clause de conscience spécifique pour les médecins pourrait créer une ambiguïté : certains pourraient en déduire que mettre en place la sédation profonde et continue est un acte d’euthanasie.
Je le répète avec d’autant plus de force que vous m’avez piqué, mon cher collègue, en me reprochant un manque d’ouverture d’esprit : je suis profondément opposé à l’euthanasie et au suicide assisté, pour des raisons que je pourrai peut-être développer tout à l'heure. C’est justement parce que je suis profondément opposé à ces façons expéditives de provoquer la mort que j’estime que, dans certains cas, somme toute relativement rares, la sédation profonde et continue est une bonne option en termes d’humanité.
Oui, au terme des travaux de la commission, nous affirmons notre opposition à l’euthanasie, au suicide assisté. Je regrette que vous vous livriez à des insinuations sur nos intentions.
Je m’associe aux propos de M. le rapporteur. Je souligne en outre que l’Ordre des médecins est favorable à la rédaction actuelle du texte et défavorable à l’instauration d’une clause de conscience spécifique, pour les raisons qu’a indiquées Mme la ministre. Je rappelle également que le code de déontologie médicale permet à un médecin de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles ; M. le rapporteur a donné tout à l'heure lecture de l’article contenant cette clause à caractère général.
L’article 3, tel qu’il a été récrit par la commission des affaires sociales du Sénat, prévoit que la sédation profonde et continue est mise en œuvre « lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui présente une souffrance réfractaire à tout autre traitement, exprime la volonté d’éviter toute souffrance ». Si vous refusez cette rédaction, qui pourrait servir de base à une négociation en commission mixte paritaire, c’est le texte de l’Assemblée nationale qui sera retenu.
La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote sur l'amendement n° 59 rectifié bis.
Nos débats montrent bien que le sujet est éminemment difficile. Nous nous exprimons en fonction de nos convictions, mais aussi de nos peurs. Il faut le dire : certains ont peur que ce texte ne soit le cheval de Troie d’une euthanasie déguisée.
Comme Gérard Roche, je ne suis pas favorable au suicide assisté, ni à l’euthanasie. Cependant, nous parlons ici des derniers jours, des dernières heures, des derniers instants de personnes en situation de souffrance extrême, qu’aucun traitement ne peut apaiser. Il s’agit de la fin de vie à très court terme. À cet égard, il ne peut y avoir de date limite de vie, car nul ne connaît le jour ni l’heure.
Nous devons nous faire mutuellement confiance. Hier, nous avons eu un débat extrêmement important. Je me ferai ici l’avocat de la commission des affaires sociales, dont le texte est d’une sobriété remarquable. En commission, avec tous ceux que nous avons auditionnés, quelle que soit leur religion ou leur profession, nous avons soulevé les mêmes questions, nous avons exprimé les mêmes angoisses et les mêmes convictions qu’aujourd'hui. Il s’agit d’accomplir ce que certains représentants de l’Église catholique ont appelé un devoir de fraternité à l’égard de personnes qui vont mourir à très brève échéance, en faisant en sorte qu’elles ne partent pas dans la souffrance.
Hier, nous avons débattu d’une question de la plus haute importance : le développement de la culture des soins palliatifs et la formation des médecins. Je souhaite de tout mon cœur que les craintes qu’éprouvent de nombreux médecins soient dans quelque temps complètement dissipées, parce qu’ils auront appris à appréhender la fin de vie.
Quant au droit pour le patient à bénéficier d’une sédation profonde et continue, j’appuie la position du président de la commission des affaires sociales et des rapporteurs : les souhaits exprimés par un malade en ce qui concerne l’accompagnement de ses derniers instants doivent être respectés. Je comprends les arguments relatifs à la conscience du médecin, mais des garanties sont offertes à cet égard par la procédure collégiale associant l’ensemble du corps médical et la famille. Dans ces conditions, il n’est pas possible qu’une personne se voie refuser le droit de vivre ses derniers moments de manière apaisée.
Mes chers collègues, je souhaite simplement que nous nous fassions confiance. Le Président de la République, pendant sa campagne électorale, a fait une promesse au sujet du suicide assisté et de l’euthanasie. Je n’ose imaginer que l’on voudrait avancer masqué dans cette voie, par le biais d’amendements à cette proposition de loi. Lorsque, hier soir, certains d’entre nous ont rappelé avec émotion le courage de Simone Veil et de Robert Badinter, j’ai déclaré qu’il ne pouvait être question de demander à une chambre démocratique de se prononcer à une heure et demie du matin, au détour de la discussion d’un amendement, sur une question étrangère au texte soumis à son examen.
Pour toutes ces raisons, je soutiens la position de la commission des affaires sociales, qui a accompli un travail difficile avec une grande conscience !
Applaudissements sur les travées de l'UDI -UC et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.
La procédure accélérée n’ayant pas été engagée pour cette proposition de loi, il n’y a pas lieu, à ce stade, d’anticiper les positions de nos collègues députés en commission mixte paritaire. Du reste, il est fort heureux que, sur un sujet aussi grave, le Parlement puisse s’exprimer tout à fait librement, sans subir la moindre pression.
Au-delà des convictions et des engagements des uns et des autres, au-delà de l’approche parfois un peu théorique des problèmes, nous devons, mes chers collègues, tenir compte des réalités vécues. Dès lors que nous admettons tous que la sédation profonde ne peut être que le stade ultime dans la mise en œuvre des soins palliatifs, il faut considérer que nous parlons, surtout dans le cas d’une agonie, de patients subissant déjà un traitement antidouleur lourd, qui, la plupart du temps, provoque une altération plus ou moins forte de leur conscience et de leurs facultés d’expression. De fait, selon la définition qu’en donne le code de la santé publique, les soins palliatifs forment un continuum, sans changement de nature à un moment ou à un autre.
Pour qu’un patient se trouvant dans la situation que je viens de décrire puisse demander à faire valoir un droit à bénéficier d’une sédation profonde, il faudra à l’évidence qu’on l’ait au préalable informé de son état exact et de l’imminence de son décès, afin qu’il puisse exprimer son consentement de manière libre et éclairée. Tous les soignants ne souhaitent certainement pas se voir imposer de délivrer une telle information. Souvent, un patient en fin de vie, ayant déjà souffert précédemment avant d’aller mieux, espère voir sa souffrance s’apaiser et sa vie continuer.
Il y a là, à mon avis, un obstacle très important à l’inscription dans le texte du principe d’une sédation continue jusqu’au décès. Il faut pouvoir mettre en place la sédation profonde sans avoir eu préalablement à annoncer au malade que celle-ci durera jusqu’à sa mort. Du reste, ce sont les conditions dans lesquelles, dans le cadre des soins palliatifs, la sédation profonde est actuellement pratiquée.
Voilà pourquoi je considère, après avoir beaucoup hésité, qu’il convient de voter l’amendement n° 59 rectifié bis. Ses dispositions permettront à la sédation profonde d’être pratiquée le plus facilement, lorsque les raisons médicales d’y avoir recours seront réunies et sans qu’il ait été nécessaire d’annoncer une vérité pénible à un malade qui n’a peut-être pas envie de s’entendre dire que la sédation profonde sera irréversible et qu’il est arrivé à la dernière heure de sa vie.
Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.
M. Jean-Louis Tourenne. Je suis abasourdi, admiratif à vrai dire, devant l’habileté que vient de déployer M. Bas, et qui me rappelle un certain art rhétorique associé au sophisme : la capacité à raisonner logiquement sur une base complètement erronée !
M. Alain Gournac s’exclame.
Vous laissez entendre, mon cher collègue, que le médecin serait obligé de révéler au malade qu’il est en fin de vie. Qu’est-ce qui l’y contraindrait, puisque c’est le malade lui-même qui demandera au médecin quel est son état de santé et s’il peut bénéficier ou non de la sédation profonde ? En réalité, vous vous efforcez, assez laborieusement, d’éviter que la proposition de loi ne soit adoptée dans sa rédaction actuelle ; il vous faut donc trouver des raisonnements, fussent-ils tout à fait byzantins, pour expliquer une position difficilement explicable !
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Mes chers collègues, si le personnel soignant n’a aucune possibilité d’exercer son jugement, la loi lui faisant obligation de mettre en place la sédation profonde et continue dès lors que le patient l’aura demandé, c’est bien de suicide assisté qu’il s’agit ! Que l’on ait donc le courage de le dire !
M. le président de la commission des affaires sociales invoque souvent la position du Conseil national de l’Ordre des médecins. Or je pense que ce dernier s’est prononcé sur le texte initial de la proposition de loi présentée par MM. Claeys et Leonetti, et non sur celui, profondément différent, de l’Assemblée nationale.
Nous sommes tous d’accord pour que la sédation puisse être pratiquée, mais si le personnel soignant est obligé par la loi de l’administrer dès lors que le patient en fait la demande, il s’agit alors bien d’une forme de suicide assisté, ainsi que l’a souligné M. le président de la commission des lois : disons les choses simplement !
MM. Dominique de Legge et Bernard Fournier applaudissent.
Depuis hier, nos débats se déroulent dans le climat de sérénité qui convient au sujet dont nous traitons. Pour bien connaître le président de la commission des lois, je ne puis accepter que son raisonnement, fondé non pas sur l’habileté, mais sur le droit et la conviction, soit qualifié de byzantin ou de sophistique.
Quelles que soient nos convictions, nous pouvons, les uns et les autres, les soutenir avec des arguments forts, tout en nous respectant mutuellement et en nous abstenant d’abaisser des raisonnements avec lesquels nous sommes en désaccord. En l’occurrence, celui de Philippe Bas nous a beaucoup éclairés.
Il est évident que les situations de fin de vie sont lourdes de souffrance et de douleur. J’ai rappelé hier que Jankélévitch, disparu il y a trente ans presque jour pour jour, parlait de la mort comme d’un événement « inclassable », d’une « monstruosité solitaire ». Un tel sujet ne peut que susciter l’émotion, mais, en tant que législateurs, nous devons raisonner avec cœur et intelligence à la fois ; notre compassion doit être une compassion intelligente.
M. François Bonhomme opine.
Si l’amendement n° 59 rectifié bis est important, c’est parce que, depuis le départ, nous sommes un certain nombre à penser que la loi Leonetti se suffisait à elle-même.
Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.
La présente proposition de loi, contrairement à ce que d’aucuns prétendent, n’est pas un prolongement ou une clarification de la loi du 22 avril 2005 ; elle marque une rupture.
Permettez-moi de vous donner lecture d’un passage du rapport rédigé par Jean Leonetti en avril 2013 :
« La sédation en phase terminale prévue par l’article L. 1110-5 du code de la santé publique vise à soulager le malade, en aucun cas à le faire mourir. Si l’on devait accepter cette double intentionnalité, soulager et accélérer la mort, le risque de confusion et de dérive existerait lors de la mise en place de toute sédation profonde en phase terminale. »
La loi Leonetti prévoit que l’on doit d’abord soulager, même si le soulagement peut conduire à la mort : c’est la notion de double effet. Avec cette proposition de loi, avons-nous affaire à une sédation terminale ou à une sédation visant à soulager la douleur ? C’est sur cette question que nos arguments s’opposent, comme il est parfaitement normal.
Les propos de Mme la ministre nous ont éclairés : il s’agit de créer un droit opposable. Nous savons bien ce que cela signifie, nous connaissons la dynamique des droits opposables : en l’espèce, instaurer un droit opposable reviendrait à ouvrir les portes à un cheval de Troie de l’euthanasie. C’est pourquoi il convient d’adopter l’amendement n° 59 rectifié bis.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.
Il est assez malaisé de suivre l’évolution du débat quand on n’est pas membre de la commission des affaires sociales.
Depuis hier soir, j’ai l’impression que l’on fait un peu marche arrière.
Comme l’indique son intitulé, cette proposition de loi vise à créer de nouveaux droits en faveur des malades en fin de vie. On ne partait donc pas du principe que la loi Leonetti se suffirait à elle-même.
Mme la ministre nous a rappelé tout à l’heure le cadre fixé par le texte, selon deux axes fondamentaux : donner plus de cohérence aux pratiques palliatives et accorder au patient en fin de vie le droit de demander lui-même la sédation. Or les différents amendements de nos collègues visent à remettre l’exercice de ce droit dans les mains des médecins.
J’ai beaucoup de respect pour les médecins, en qui nos concitoyens ont une grande confiance. Cette confiance oblige les professionnels de santé à faire preuve de sollicitude et d’humanité à l’égard de leurs patients, y compris en accédant à leur volonté de bénéficier d’une sédation profonde et durable jusqu’à leur décès, pour éviter les affres et les souffrances de la mort.
Il faut en revenir à la réalité de ce texte et des droits nouveaux que nous devons accorder aux malades.
N’appartenant pas non plus à la commission des affaires sociales et ne siégeant plus à la commission des lois, j’éprouve un peu la même difficulté que Mme Gillot à prendre position dans un débat qui s’est transformé en un dialogue entre ces deux commissions.
Certains ne veulent pas aller plus loin que la loi Leonetti. Cette nuit, nous avons eu un long débat, grave et serein, dont l’issue n’a pas été celle que nous souhaitions. Pour autant, je fais confiance à la commission des affaires sociales. Je crains qu’à trop vouloir sécuriser le dispositif, on ne finisse par détruire le travail complexe qu’elle a réalisé.
Nonobstant nos réserves sur l’économie générale du texte, nous soutiendrons, en l’occurrence, la position de la commission des affaires sociales, qui nous semble pragmatique et correspond à l’esprit de la proposition de loi, même si pour notre part nous aurions souhaité aller plus loin.
Je rejoins les propos de Mme Bouchoux.
Concernant l’observation de M. Retailleau, si notre collègue Tourenne avait voulu polémiquer, la richesse de son vocabulaire lui aurait fait choisir d’autres termes, bien au-delà de la simple évocation d’un raisonnement byzantin ou d’un sophisme… Revenons plutôt à la sérénité.
J’ai le sentiment que l’on essaie de tourner le texte pour lui faire dire ce qu’il ne dit pas. Comme la loi Leonetti, cette proposition de loi a pour objectif non pas de franchir une frontière, mais de proposer des réponses concrètes à la souffrance des malades en fin de vie, sur la base de compromis.
Comme l’a très bien dit Mme Gatel, le contexte de nos débats est posé par les dispositions de l’article que nous examinons : il s’agit, messieurs Retailleau et Bas, de patients atteints d’une affection grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui présentent une souffrance réfractaire à tout autre traitement. C’est à ces malades que vous voulez refuser de bénéficier d’une sédation profonde et continue qu’ils auraient eux-mêmes demandée ?
C’est pourtant ce que vous expliquez, monsieur Bas. En adoptant cette position, vous semblez soupçonner votre commission, le Gouvernement et les sénateurs qui le soutiennent de vouloir introduire subrepticement une forme d’euthanasie. C’est une attaque autrement plus sérieuse que celle qui est imputée à M. Tourenne !
On peut vouloir se faire peur en permanence, mais le sujet, comme l’a dit très clairement Mme Gatel, est d’apporter une réponse concrète pour apaiser la souffrance d’une personne se trouvant dans la situation que je viens de décrire. Le reste n’est que sophismes…
M. Philippe Bas fait un signe de dénégation.
M. Retailleau a fait référence à la position exprimée par Jean Leonetti en 2013. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de débattre avec Jean Leonetti des « insuffisances » – c’est son propre terme – de sa loi et de la difficulté, pour une partie du corps médical, de l’appliquer. Le 10 mars 2015, à l’Assemblée nationale, il a plaidé pour que la sédation profonde et continue puisse donner à certains malades la possibilité de dormir avant de mourir pour ne pas souffrir, cette possibilité étant assortie d’une obligation de faire droit à la demande du patient afin de prévenir toute forme d’hypocrisie qui conduirait à ne pas respecter sa volonté et à ne pas appliquer la loi de la République.
Je m’étonne de l’argumentation de nos collègues, en particulier de celle de M. Bas : j’imagine mal des médecins réveiller des patients pour leur demander s’ils souhaitent la mise en place d’une sédation profonde et continue. Sur un sujet extrêmement grave, ces propos quelque peu caricaturaux ne sont pas à la hauteur de ce débat, qui mérite une autre tenue.
Nous sommes, pour la plupart d’entre nous, fermement opposés à l’euthanasie. Je respecte les opinions de chacun, mais certains propos révèlent une méconnaissance des réalités de la fin de vie.
Sauf dans des situations de pathologie aiguë, par exemple en cas d’accident vasculaire cérébral massif, de trouble cardiaque avec une fibrillation irréversible ou d’hémorragie méningée extrêmement grave, un malade ne se retrouve pas en phase terminale du jour au lendemain. Le problème qui nous occupe se pose dans des cas de maladie chronique, telle que le cancer, au terme d’un long cheminement thérapeutique.
L’annonce au malade du diagnostic est pour lui une première épreuve. Ensuite viennent les soins, avec des phases d’espoir et des rechutes, la prise en charge dans des services spécialisés, l’intervention des réseaux de soins palliatifs et d’accompagnement médico-psycho-social à domicile, les RESOPAD. Le patient avance peu à peu vers la phase ultime de sa maladie : on ne lui demande pas du jour au lendemain s’il veut être aidé à mourir ! En réalité, c’est lorsque la fatigue du malade devient insupportable, au bout de mois de lutte contre le destin, que l’on est en droit de lui proposer de le soulager.
Par conséquent, tous les raisonnements logiques et recevables en théorie que j’ai entendus ne valent pas dans la pratique. Faisons confiance aux équipes médicales ! En écoutant certains propos, on a l’impression que les médecins font n’importe quoi, sont dépourvus de conscience et de moralité ! Les professionnels de santé ont l’expérience de ces situations. Nous devons nous appuyer, pour conduire notre réflexion, sur la réalité des choses.
Applaudissements sur les travées de l'UDI -UC et sur celles du groupe socialiste et républicain.
Je partage entièrement les propos de Gérard Roche, même si nous n’arrivons pas tout à fait à la même conclusion, puisque j’étais, hier soir, de celles et ceux qui souhaitaient aller un peu plus loin que ce que proposait la commission. Quoi qu’il en soit, son intervention était empreinte d’humanité, conformément à l’esprit du texte.
Je regrette l’orientation prise par nos débats cet après-midi. Cette nuit, nous avons eu une discussion sereine, profonde et grave sur des sujets de société qui nous divisent souvent, mais peuvent parfois aussi nous rassembler. Le texte présenté par la commission, même s’il ne va pas assez loin de mon point de vue, peut nous permettre d’aboutir à un compromis, d’affirmer notre volonté d’accorder des droits nouveaux aux patients en fin de vie. Il ne s’agit en aucun cas d’instaurer une obligation, que ce soit pour les malades ou pour les médecins ; le code de déontologie est suffisamment clair sur ce point.
Je déplore donc que l’on en vienne à tenir des propos indignes d’un tel débat. J’ai l’impression que certains n’ont en fait pas envie de voter ce texte et attendent minuit et demi, pour qu’il ne soit plus temps de le faire. C’est dommage, car nos compatriotes attendent de nous que nous travaillions ensemble sur ce sujet grave et important pour élaborer, avec nos collègues de l’Assemblée nationale, un texte de compromis. Au sein de notre groupe, nous ne sommes pas forcément les tenants du compromis, notre culture étant plutôt celle du combat. Néanmoins, en l’espèce, nous aurions pu nous rejoindre pour offrir des réponses concrètes aux souffrances des malades en fin de vie.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l'UDI -UC.
Il n’est pas anormal d’échanger des arguments. Sinon, à quoi bon débattre ?
Les propos de M. le président de la commission des lois me paraissent juridiquement exacts, quoi qu’en pensent certains.
Madame la ministre, c’est vous qui avez provoqué cette discussion en parlant de « droit opposable ». Qui refuserait que le patient ait le droit de demander à ne pas souffrir ? Nous sommes tous d’accord sur ce point, mais si l’on veut judiciariser la fin de vie en créant un droit opposable, on s’expose à des conséquences qu’illustre une affaire retentissante.
Je suis d’accord avec les propos tenus par M. Roche, mais pourquoi légiférer de nouveau à tout prix ? Est-ce parce que l’on n’a pas été en mesure de développer une offre de soins palliatifs suffisante ? S’agit-il de protéger les médecins ? Il faut le dire, alors !
Personnellement, j’ai voté la loi Leonetti, en croyant que l’on était enfin parvenu à un équilibre. La fin de vie, comme la vie même, n’est pas un processus continu : un jour, on peut beaucoup souffrir, au point de souhaiter mourir, et aller mieux le lendemain. Certains invoquent le droit absolu de chacun à mourir, mais alors c’est du suicide dont on parle.
Certaines dispositions de l’article 3 me conviennent, mais à quel moment le nouveau droit ouvert au patient va-t-il s’exercer ? Ce qu’a dit Philippe Bas est juste : on imagine mal un médecin informer son patient qu’il est en phase terminale, pour qu’il puisse donner son consentement éclairé à la mise en en œuvre d’une sédation profonde. Ce n’est pas ainsi que les choses se passent dans la réalité !
Je crois beaucoup à l’esprit de responsabilité des équipes médicales, à l’éthique et à la déontologie des médecins. Ce que je craindrais le plus, c’est que l’on substitue, dans certaines circonstances, la sédation profonde aux soins palliatifs. C’est pour cette raison que la présente proposition de loi me laisse très circonspect.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Gérard Barbier et Yves Pozzo di Borgo applaudissent également
Effectivement, alors que la société et la médecine sont de plus en plus judiciarisées, le législateur se doit de penser aux médecins. Comme je l’ai dit cette nuit, il faut certes protéger le patient, mais aussi le médecin, son entourage, ainsi que la société. Un acte aussi important que la mise en place d’une sédation profonde, qui, je le rappelle, fait partie de l’arsenal thérapeutique en matière de soins palliatifs, doit être encadré.
À la suite de M. Roche, je voudrais revenir sur la façon dont les choses se passent véritablement, sur le plan clinique.
Nous discutons d’un amendement qui vise à supprimer le caractère continu de la sédation. Peut-on raisonnablement imaginer, sur un plan médical ou tout simplement humain, que l’on pourrait à un moment donné réveiller un patient qui souffre, qui va bientôt mourir, pour lui demander s’il est bien certain de vouloir que la sédation soit poursuivie ?
Mais si ! Je suis désolé, mais c’est ce à quoi aboutirait l’adoption de l’amendement !
On ne le rappellera jamais assez : il est question ici de la fin de vie, qui n’est pas une notion aussi floue que certains veulent bien le dire ; la mort survient dans les quelques heures ou jours qui suivent. On a parlé de faire confiance au corps médical : les médecins savent très bien, à peu de chose près, à quel moment le décès interviendra.
Gérard Dériot s’exprimera peut-être plus longuement sur les directives anticipées, mais en tout état de cause la sédation profonde sera mise en place, bien évidemment, à la demande clairement exprimée du patient.
Il faut bien entendu dire la vérité au patient. Les directives anticipées peuvent être le moyen de signifier ses volontés lorsque l’on est encore bien portant. Cette nuit, je disais que la perception des choses change à l’approche de la mort. Pour autant, est-il concevable de réveiller le patient au tout dernier moment pour l’informer de l’imminence de son décès et lui demander s’il est bien certain de vouloir maintenir son choix précédemment exprimé ? Je suis désolé, mais dans la vie, les choses ne se passent pas ainsi ! Comme je le rappelais tout à l’heure en lisant le texte de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, la sédation profonde et continue fait bien partie de l’arsenal qu’il est possible de mettre en œuvre. Depuis longtemps, nous médecins y recourons régulièrement dans des conditions bien précises, mais nous avons besoin que celles-ci soient encadrées par la loi. Voilà pourquoi j’en suis venu à considérer que la loi Leonetti n’était pas suffisante, comme le reconnaît d’ailleurs lui-même son auteur.
En conclusion, supprimer le caractère continu de la sédation ne serait ni raisonnable ni humain.
Sur la forme, enfin, je pense avoir été très courtois au cours de ce débat, même si je défends avec force mes convictions. Certains arguments ont été qualifiés aujourd’hui de byzantins, mais hier les miens étaient traités d’arguties…
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.
Tout ce qui a été dit est vrai. On peut s’interroger sur l’utilité de cette proposition de loi, mais alors il aurait fallu déposer une motion tendant à opposer la question préalable. Gérard Roche a parlé d’expérience, les médecins côtoyant chaque jour la mort.
C’est la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui, la première, a autorisé les patients à refuser la poursuite de soins. Rapidement, on s’est aperçu que l’arrêt des soins à la demande du patient devait s’accompagner de la mise en place de traitements visant à lui épargner la souffrance. Je vous renvoie aux positions d’Axel Kahn sur ce sujet.
La loi Leonetti a reconnu, chose extrêmement importante que nous n’avons guère évoquée, le double effet : la mise en place de certains types de traitements peut constituer un accompagnement vers la mort.
La présente proposition de loi vise non pas à ouvrir la voie à l’euthanasie, mais à permettre l’accompagnement de malades en fin de vie. Notre collègue de Legge propose de supprimer le caractère continu de la sédation profonde. Dans ce cas, le médecin devra réveiller périodiquement son patient. §Mais si, telle est la réalité ! Si la sédation n’est pas continue, cela signifie qu’elle doit être interrompue de temps en temps.
Non, ce n’est pas de la caricature ! Une sédation profonde non continue implique de réveiller le patient, ce qui n’est pas du tout conforme à la déontologie médicale, surtout quand il s’agit des dernières heures de la vie d’une personne qui souffre, physiquement et moralement. Si l’on adopte la proposition de notre collègue, je ne sais pas comment les spécialistes appliqueront ensuite la sédation profonde non continue.
La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote sur l’amendement n° 59 rectifié bis.
Comme l’ont dit Gérard Roche et le président de la commission, il faut faire confiance aux praticiens. Un médecin qui aura mis en place une sédation profonde ne l’interrompra pas. C’est absolument impossible !
Même si l’on supprime l’adjectif « continue » dans le texte, le médecin ne sera pas obligé d’interrompre le traitement sédatif : une telle affirmation relève de la caricature.
La loi Leonetti est un très bon texte, qui permet déjà d’augmenter les doses de morphine et de valium administrées à un patient en fin de vie tout en informant la famille des effets secondaires probables. Aucun médecin ne réduira les doses alors que le malade souffre et que son état s’aggrave, même si l’on supprime le caractère continu de la sédation.
Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.
Pour des raisons tout à fait personnelles, je suis ce débat avec beaucoup d’attention et d’intérêt.
J’ai le sentiment que l’on en vient à oublier le malade. Nous parlons pourtant des droits du malade en fin de vie. C’est lui qui décide, ce n’est pas le corps médical ; le corps médical est là pour l’accompagner. Cette proposition de loi vise à attribuer de nouveaux droits aux personnes en fin de vie, afin de leur éviter de souffrir. Or si la sédation n’est pas continue, le patient se réveillera et souffrira.
Marques de dénégation sur les travées du groupe Les Républicains.
L'amendement est adopté.
La parole est à M. Bruno Gilles, pour explication de vote sur l'amendement n° 4 rectifié.
Je voudrais revenir sur la seconde partie de cet amendement, ayant obtenu tout à l’heure des réponses sur la question des traitements de maintien en vie et des traitements thérapeutiques.
Nous sommes plusieurs à proposer une rédaction différente de l’alinéa 4. Dans le cas de patients en état d’exprimer leur volonté, la poursuite de traitements de maintien en vie fondés sur une obstination déraisonnable relève davantage de l’empathie que de l’objectivité, même si on peut la comprendre. En revanche, dans les services de pointe où sont disponibles des technologies très performantes, comme au sein de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, par exemple, il est facile d’évaluer la souffrance des patients. Néanmoins, ces technologies très performantes n’existent pas partout et nous avons souligné hier le manque de places et de moyens.
Deux cas doivent donc être distingués, selon que des technologies très performantes sont disponibles ou pas. Tout à l’heure, il a été dit qu’il fallait penser au patient, certes, mais aussi au médecin. Celui-ci peut se trouver dans une situation où il doit fonder sa décision sur les seules dispositions anticipées du patient, mais qui peut vraiment s’autoriser à décider de mettre un terme à la vie d’autrui sans que l’intéressé en ait fait explicitement la demande ? Agir autrement correspondrait à une euthanasie ou à un « suicide assisté », que la plupart d’entre nous ont entendu exclure. C’est sur ce point que porte notre débat de cet après-midi. Nous proposons que, en l’absence de dispositions anticipées du patient, le médecin devra seul s’assurer que le pronostic vital est engagé à court terme.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote sur l'amendement n° 49 rectifié.
Je maintiens cet amendement, car il me semble nécessaire de préciser, dans la rédaction de l’article 3, que l’hydratation peut être poursuivie durant la sédation profonde et continue.
Je rappelle que, hier soir, nous avons inscrit cette précision au sein de l’article 1er. Il n’est peut-être pas nécessaire de rappeler à chaque article que l’hydratation artificielle peut être poursuivie…
L'amendement n° 49 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote sur l'amendement n° 102 rectifié.
Je maintiens cet amendement, qui vise à affirmer un droit nouveau pour les patients. Certains malades peuvent juger, sans être forcément en fin de vie, que celle-ci ne vaut plus d’être vécue et souhaiter partir dignement. L’exercice de ce droit serait bien sûr entouré de toutes les garanties nécessaires.
Comme je l’ai déjà souligné, nos concitoyens ont une grande confiance dans les médecins, et cette confiance oblige ces derniers. Il ne s’agit pas, pour autant, de les contraindre à accomplir des gestes auxquels leur conscience se refuserait, mais, dans des cas rares, il arrive, on le sait, qu’un médecin accède à la demande fondamentale d’un patient de lui administrer un traitement qui accélère la survenue de la mort.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 60 rectifié bis est retiré.
Monsieur Chasseing, l'amendement n° 50 rectifié est-il maintenu ?
Mon cher collègue, je vous rappelle que, à la suite de l’adoption de l’amendement n° 59 rectifié bis, le texte ne prévoit plus que la sédation sera continue.
L'amendement n° 50 rectifié est retiré.
Monsieur de Legge, l'amendement n° 61 rectifié bis est-il maintenu ?
L'amendement n° 61 rectifié bis est retiré.
Monsieur Barbier, l'amendement n° 74 rectifié est-il maintenu ?
L'amendement n° 74 rectifié est retiré.
Madame Duranton, l'amendement n° 25 rectifié est-il maintenu ?
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote sur l'amendement n° 62 rectifié bis.
Je suis donc saisie d’un amendement n° 62 rectifié ter, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre, Leleux et Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard et Portelli, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré, Kennel et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet et Charon, Mme Deroche, MM. Husson, Houel et Gournac, Mmes Debré et Lamure et MM. Kern, Cardoux et Guerriau, et ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
le patient
insérer les mots :
, dont le pronostic vital est engagé à court terme,
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ainsi rectifié ?
La commission maintient l’avis défavorable qu’elle avait émis sur l’amendement n° 62 rectifié bis.
Le Gouvernement maintient également son avis défavorable.
L’alinéa 4 vise le cas de figure où le patient est non pas en situation d’agonie, mais dans un état végétatif. Il n’est pas en mesure d’exprimer sa volonté, et c’est au titre du refus de l’obstination déraisonnable que serait appliquée une sédation profonde.
Si l’on ajoute que le pronostic vital doit être engagé à court terme, l’alinéa 4 ne se justifie plus. En effet, le dispositif de la sédation profonde ne concernera plus que les patients à l’agonie. De ce fait, il me semble que l’adoption de cet amendement créerait de la confusion.
Non, je le retire, madame la présidente. Les excellents arguments de M. Bas m’ont convaincu.
L'amendement n° 62 rectifié ter est retiré.
La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote sur l'amendement n° 37 rectifié.
Je maintiens également cet amendement. Il s’agit de réaffirmer que la volonté du patient prime sur celle des médecins.
Je préconise que la procédure collégiale ne s’impose que si le malade est hors d’état d’exprimer sa volonté et s’il n’a pas rédigé de directives anticipées. Sinon, la responsabilité de la décision reviendra forcément au médecin.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote sur l'amendement n° 83 rectifié.
Pour ma part, je voterai cet amendement, qui me semble aller tout à fait dans le sens évoqué par Mme David.
L'amendement est adopté.
Monsieur de Legge, les amendements n° 63 rectifié bis et 68 rectifié bis sont-ils maintenus ?
Je suis disposé à les retirer, sous réserve que le Gouvernement nous apporte des garanties sur le suivi médical de la sédation, notamment lorsqu’elle sera mise en œuvre à domicile. Je souhaiterais que Mme la ministre prenne des engagements très clairs sur ce point.
Monsieur le sénateur, l’un des objectifs du plan triennal de développement des soins palliatifs est précisément de permettre à des personnes en fin de vie qui souhaitent rester chez elles de bénéficier des services de structures de soins palliatifs.
De telles structures existent déjà. Leurs équipes se rendent au domicile des malades pour leur apporter un encadrement, un accompagnement à la fois médicalisé et psychologique. Il ne s’agit nullement de laisser la personne seule ! La solution peut être l’hospitalisation à domicile ou le recours à des structures spécifiques de soins palliatifs intervenant au domicile ou au sein des EHPAD. Aujourd’hui, l’accompagnement à domicile ou en EHPAD des personnes en fin de vie n’est clairement pas satisfaisant. Il est, de plus, très insuffisamment proposé.
Je le répète, il ne s’agit en aucun cas de nier la nécessité d’un accompagnement, bien au contraire : l’objectif est de permettre aux malades de rester chez eux, dans un environnement serein et familier, lorsque l’hospitalisation ne leur apporte plus rien, aucune issue thérapeutique n’étant possible.
Monsieur de Legge, qu’en est-il finalement des amendements n° 63 rectifié bis et 68 rectifié bis ?
Au bénéfice de ces explications, je retire ces deux amendements, madame la présidente.
Les amendements n° 63 rectifié bis et 68 rectifié bis sont retirés.
Madame Duranton, l’amendement n° 23 rectifié est-il maintenu ?
L'amendement n'est pas adopté.
On le voit bien, des interrogations subsistent. Le Conseil national de l’Ordre des médecins a certes été consulté, mais sur la proposition de loi initiale, c’est-à-dire sur le texte qui avait été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.
L’article 47 du code de déontologie est tout à fait clair sur ce point : « Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. »
Monsieur Revet, le caractère continu de la sédation ayant été supprimé, ce qui fragilisera d’ailleurs considérablement la position des médecins, au point qu’il n’est pas certain qu’ils persistent à la pratiquer, la clause de conscience prévue par votre amendement n’est plus nécessaire.
La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote sur l’amendement n° 7.
Je voudrais rassurer M. le président de la commission des affaires sociales : la rédaction que nous avons adoptée n’empêchera pas que la sédation soit continue jusqu’au décès ; simplement, cela ne devra pas nécessairement être le cas.
La sédation profonde, mise en œuvre en ultime recours, quand tous les autres soins palliatifs ont échoué, se poursuivra très généralement jusqu’au décès. Bien souvent, en pratique, la question ne se posera même pas.
L’amendement n° 7 est retiré.
Monsieur de Legge, l’amendement n° 64 rectifié bis est-il maintenu ?
Pour les raisons que M. Bas vient d’exposer, je retire cet amendement, madame la présidente.
L’amendement n° 64 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l'article.
Ce débat exige de notre part beaucoup d’humilité.
J’ai consulté le compte rendu de l’audition du 15 avril dernier d’Alain Claeys et de Jean Leonetti, pour essayer de déterminer si nous avions progressé sur ce sujet de la sédation profonde et continue.
En accord avec la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, M. Leonetti avait rappelé que l’on a « le droit de dormir pour ne pas souffrir avant de mourir », le principe étant que le malade n’est pas obligé d’assister au « drame tragique » de sa mort. La sédation continue jusqu’au décès pouvait être mise en place à condition que la mort soit imminente et que la souffrance du malade soit réfractaire à tout autre traitement. Je ne suis pas convaincu que le présent texte marque une progression.
Jean Leonetti disait que la sédation profonde et continue est déjà pratiquée dans certains services hospitaliers, mais pas à domicile ou dans les EHPAD. Or cette proposition de loi ne changera rien de ce point de vue, puisque des moyens supplémentaires ne seront pas alloués pour que chacun soit à égalité face à ce droit, devenu opposable, des malades à ne pas souffrir.
On peut se donner bonne conscience en soulignant des avancées que certains jugent significatives, mais rien ne changera en termes de résorption des inégalités entre les patients selon leur lieu de résidence, selon les territoires.
C’est pourquoi je ne suis toujours pas persuadé de la nécessité de toucher à la loi Leonetti.Dans le droit fil de mes votes précédents, je m’abstiendrai donc sur cet article 3.
En raison de l’adoption de l’amendement n° 59 rectifié bis, les membres du groupe socialiste et républicain ne voteront pas l’article 3, le caractère continu de la sédation étant à leurs yeux un élément central.
J’abonde dans le sens de Georges Labazée : la suppression du caractère continu de la sédation dénature complètement le dispositif. C’est pourquoi les membres du groupe CRC voteront contre l’article 3.
Peut-être ai-je mal lu, mais je ne retrouve pas dans le texte la notion de droit opposable. De ce fait, la polémique à laquelle nous avons assisté ne me semble pas justifiée. Je me permettrai de le signaler à M. Hyest, pour qui j’ai beaucoup d’amitié : au travers de cet article, il ne s’agit pas de créer un droit opposable. Une confusion me paraît s’être produite sur ce point. J’aimerais que Mme la ministre nous apporte des précisions. Cela pourrait lever pour partie les réserves de la commission des lois.
Par ailleurs, l’adoption de l’adoption n° 59 rectifié bis constitue un recul par rapport à une rédaction qui nous semblait déjà représenter un minimum. Dans ces conditions, avec la meilleure volonté du monde, le groupe écologiste ne pourra voter cet article.
Monsieur Savary, j’en conviens, les dispositions législatives n’auront, en définitive, pas beaucoup évolué. Hier soir, nous avons déjà évoqué la nécessité de généraliser la mise en œuvre des soins palliatifs dans tous les services hospitaliers, dans les EHPAD et à domicile, par l’intermédiaire de l’hospitalisation à domicile ou par d’autres biais.
Des amendements sur ce sujet présentés par des membres du groupe auquel vous appartenez ont été adoptés. Pour que leurs dispositions puissent être appliquées, il faudra voter les budgets nécessaires. §Nous en reparlerons donc lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Des lits de soins palliatifs doivent enfin être installés dans l’ensemble de nos territoires !
Madame la présidente, je sollicite une suspension de séance d’une dizaine de minutes avant que n’intervienne le vote sur l’article 3.
À mon sens, il est exagéré d’affirmer que la suppression du caractère continu de la sédation a dénaturé cet article.
Le médecin aura la possibilité de mettre en œuvre une sédation profonde, mais celle-ci ne sera pas automatiquement continue. Sa position s’en trouvera certes fragilisée, mais l’esprit du texte demeure, ainsi que la volonté de soulager le patient en fin de vie, selon des modalités bien connues du corps médical. Par conséquent, je regrette que les tenants de l’euthanasie se prononcent contre le présent article.
Pour le reste, je le redis encore une fois, il s’agit de fin de vie à court terme et de souffrances réfractaires à tout autre traitement. À cet égard, cette proposition de loi consolide bel et bien la loi Leonetti, conformément au souhait de son auteur lui-même.
Il faut ouvrir la possibilité de finir ses jours ailleurs qu’à l’hôpital, par exemple en EHPAD ou à domicile.
MM. Louis-Jean de Nicolaÿ et Dominique de Legge opinent.
Je ne souhaite pas revenir sur le débat, qui nous occupe depuis hier soir, sur les objectifs de la proposition de loi.
Toutefois, l’intervention de Mme Corinne Bouchoux m’amène à apporter une précision. Nous utilisons, moi y compris, le concept d’« opposabilité » de manière trop légère.
Par définition, quand on se réclame d’un droit, c’est dans l’espoir d’en bénéficier. En l’occurrence, il s’agit d’un droit pour les patients. C’est d’ailleurs pour cela que l’article est rédigé à l’indicatif.
Un droit n’est pas défini de manière abstraite ; il est ouvert dans des conditions particulières.
Les conditions nécessaires pour pouvoir demander et obtenir une sédation « profonde et continue jusqu’au décès » sont inscrites dans le texte.
Il ne suffit pas d’être malade pour aller frapper à la porte d’un médecin et solliciter une sédation profonde. Certains parlementaires auraient souhaité ouvrir la possibilité pour un patient n’ayant pas envie d’atteindre l’extrême limite de sa vie de bénéficier d’une aide active à mourir. Cela relève du suicide assisté ou de l’euthanasie, deux procédures qui ne sont pas de même nature. Il ne s’agit pas de cela aujourd’hui !
M. Didier Guillaume acquiesce.
Nous débattons d’un droit encadré et soumis à plusieurs conditions. D’abord, le patient doit être « atteint d’une affection grave et incurable ». Ensuite, son « pronostic vital » doit être « engagé à court terme ». En outre, et les conditions sont cumulatives, il doit présenter une « souffrance réfractaire à tout autre traitement ». Enfin, il faut qu’il en « exprime la volonté » ; ce n’est tout de même pas négligeable !
En d’autres termes, ainsi que je l’ai déjà souligné, notre approche s’inscrit dans le prolongement de la loi de 2002 et de la mise en place de droits des patients. Comme cela figure dans l’intitulé de la proposition de loi, nous établissons un nouveau droit « en faveur des malades et des personnes en fin de vie ».
Le patient effectue une demande. Et, dans certaines circonstances précisément définies, il obtient le droit de bénéficier de la sédation. Ni plus ni moins ! Nous sommes très loin du suicide assisté, et l’euthanasie relève d’une tout autre démarche.
Une obligation nouvelle s’impose au médecin ; c’était déjà le cas avec le texte de 2002. Le praticien est soumis à un certain nombre d’obligations qui figurent dans le code de déontologie ou dans la loi. Depuis 2002, la transmission du dossier médical à un patient qui en fait la demande est obligatoire ; ce n’était pas le cas auparavant. La proposition de loi crée une obligation nouvelle en matière de prise en charge du malade.
J’ai trouvé nos discussions très intéressantes et relativement apaisées. Le droit nouveau, s’il ne constitue pas, et c’est un regret pour certains, une rupture avec ce qui existait précédemment, ne doit pas être sous-estimé pour autant : nous instaurons la possibilité, dans certaines conditions, d’interrompre la souffrance du malade.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.
La séance est reprise.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UDI-UC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 205 :
Le Sénat a adopté.
La parole est à Mme la ministre.
À mes yeux – peut-être certains à l’extérieur de cet hémicycle ne comprennent-ils pas bien le sens de ce qui vient de se passer –, le dispositif adopté ne constitue pas une avancée pour les patients en fin de vie.
Le Sénat a voté un article 3 vidé de sa substance par rapport au texte initial de la proposition de loi. Cette version ne crée aucun droit nouveau pour les patients en fin de vie. Le fait qu’une position majoritaire se soit imposée ne signifie pas qu’un consensus ait été trouvé en leur faveur !
Je prends évidemment acte de la décision de la Haute Assemblée, mais je la déplore.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Le texte ainsi adopté ne correspond ni à la rédaction de l’Assemblée nationale ni à l’esprit dans lequel le Gouvernement avait travaillé avec les députés Alain Claeys et Jean Leonetti.
Par conséquent, en mon nom et en celui du Gouvernement, je regrette le vote qui vient d’être émis.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.
L’article L. 1110-9 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 1110 -9. – Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa souffrance. Celle-ci doit être, en toutes circonstances, prévenue, prise en compte, évaluée et traitée.
« Toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement.
« Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable qu’en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet d’abréger sa vie, il doit en informer le malade, sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 1111-2, la personne de confiance visée à l’article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, les proches. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical. »
L'amendement n° 75 rectifié, présenté par MM. Barbier et Collombat, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
des soins
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
adaptés comportant l'administration de médicaments et l'assistance psychique et visant à soulager sa douleur et sa souffrance. Celles-ci doivent être, en toutes circonstances, prévenues, prises en compte, évaluées et traitées.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
L'amendement n° 75 rectifié est retiré.
L'amendement n° 30 rectifié, présenté par Mme Gatel, MM. Médevielle, Cigolotti et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
adaptés, de qualité et de proximité, sur l'ensemble du territoire, que ce soit dans des structures médico-sociales ou à domicile
La parole est à Mme Françoise Gatel.
Nous proposons de compléter l’alinéa 3 de l’article. Il est important de disposer de soins palliatifs de qualité et de proximité sur l’ensemble du territoire, tant dans des structures médico-sociales qu’à domicile.
Ainsi que je l’ai déjà indiqué hier soir, tout le monde est convaincu de la nécessité d’étendre les structures de soins palliatifs, en lit d’hospitalisation comme en unité mobile. Le débat de fond que nous avons eu sur l’article 3 en atteste.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement.
Non, madame la présidente ; compte tenu de notre débat d’hier soir sur la nécessité d’une couverture sur l'ensemble du territoire en soins palliatifs, j’accepte de retirer mon amendement.
L'amendement n° 30 rectifié est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements n° 123 et 124 ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 65 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre et Leleux, Mme Imbert, M. Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard, Portelli et Savary, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest, Saugey et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet et Charon, Mme Deroche, MM. Husson, Houel et Gournac, Mmes Debré et Lamure et MM. Kern, Cardoux, Gremillet et Guerriau, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après le mot :
effet
insérer le mot :
secondaire
La parole est à M. Dominique de Legge.
Nous souhaitons préciser à l’alinéa 4 que le traitement destiné à atténuer la souffrance peut avoir comme effet secondaire d’abréger la vie. Je vous renvoie aux débats que nous avons eus précédemment. Nous proposons d’ajouter l’adjectif « secondaire ».
Au risque que notre collègue juge une nouvelle fois ma position obtuse, je souligne que la mort n’est pas un effet « secondaire » !
La commission émet donc un avis très défavorable sur cet amendement.
Non, madame la présidente.
Certes, j’aimerais connaître la différence entre un « avis défavorable » et un « avis très défavorable » dans l’esprit de M. le corapporteur. Mais, dans un souci d’apaisement, je retire mon amendement.
L'amendement n° 65 rectifié est retiré.
La parole est à M. le président de la commission.
Le problème n’est pas de connaître la différence entre un « avis défavorable » et un « avis très défavorable ».
Admettre que la mort puisse être un « effet secondaire », c’est condamner le médecin à tuer !
L'article 4 est adopté.
(Supprimé)
L'amendement n° 45, présenté par Mmes Bouchoux, Archimbaud, Benbassa et Blandin, MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé et Mme Aïchi, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article L. 1110-10 du même code, il est inséré un article L. 1110-10-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-10-... - Chaque année, l'Agence régionale de santé présente en séance plénière à la conférence régionale de la santé et de l'autonomie un rapport exhaustif et actualisé sur les patients pris en charge en soins palliatifs en établissements de santé et structures médico-sociales, sur la prise en charge des soins palliatifs accompagnée par les réseaux de santé mentionnés à l'article L. 6321-1 ou assurée à domicile par des professionnels libéraux ainsi que sur la politique poursuivie par la région pour développer les soins palliatifs. »
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Je vous l’avoue, je suis un peu troublée. J’avais déposé cet amendement dans un souci de consensus.
Cette nuit, nous avons pris acte de nos différences sur le fond. Pour notre part, nous souhaitons revenir au texte initial de l’Assemblée nationale.
Je rejoins Mme la ministre. L’adoption de l’amendement n° 59 rectifié et la manière dont le débat s’est déroulé m’ont surprise. Appelons un chat un chat : le vote qui est intervenu marque la victoire politique d’une vision ultraconservatrice !
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Croyez bien que je le regrette, mes chers collègues.
Dans ce contexte, mon amendement risque d’apparaître un peu décalé. Pourtant, je vais tout de même le défendre, car il est en lien avec le débat serein que nous avons eu hier soir.
L'article 15 de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie prévoit la présentation en annexe du projet de loi de finances d’un bilan de la politique suivie en matière de développement des soins palliatifs et d’accompagnement à domicile tous les deux ans. Or, et ce n’est peut-être pas un hasard, cette disposition n'a jamais été appliquée. D’ailleurs, dans son rapport annuel sur les soins palliatifs, qui a été publié au mois de février dernier, la Cour des comptes le regrette.
Si nous en sommes là aujourd'hui, c’est précisément parce que la loi concernant les soins palliatifs n’a jamais pu être mise en œuvre, pour différentes raisons. Mais ce n’est pas parce qu’aucun bilan n’a été dressé qu’il faut abandonner l’idée d’en avoir un. Au contraire ! Nous avons collectivement acté cet échec. Ce n’est pas en retirant le thermomètre ou en ôtant ses lunettes qu’on résoudra un problème !
C’est pourquoi nous proposons, de manière symbolique et modeste, de mettre en place un autre dispositif de suivi du développement des soins palliatifs ; les modalités en seront peut-être modifiées par certains collègues. Afin de limiter les inégalités territoriales, nous voulons confier aux agences régionales de santé, qui jouent un rôle structurant eu égard à l’importance de leur développement, la mission de présenter à la conférence régionale de santé et de l’autonomie un rapport pour acter la situation dans chaque territoire.
Dans une logique constructive et positive, compte tenu des votes intervenus hier, nous demandons la réalisation d’un bilan régulier pour assurer l’égalité des territoires. Certes, d’une manière générale, je suis contre les rapports. Mais, en l’espèce, celui que je propose me semble nécessaire.
Au départ, le dispositif proposé nous semblait un peu lourd, et nous estimions que l’Observatoire national de la fin de vie était tout à fait à même de répondre à une telle attente. Mais nous avons décidé d’émettre un avis de sagesse sur cet amendement.
Le Gouvernement est favorable à votre amendement, madame la sénatrice.
L’article que vous proposez de rétablir a été voté par l'Assemblée nationale. Lorsqu’un tel amendement avait été présenté devant les députés, j’avais émis des réserves ; d’autres démarches me semblaient possibles pour évaluer l’offre de soins palliatifs. Mais, dans la mesure où ce choix a prévalu, il n’y a aucune raison de préférer aujourd'hui un autre dispositif.
De surcroît, dans le contexte actuel, il me semble utile de marquer notre volonté d’apporter à nos concitoyens des réponses en matière de soins palliatifs. Comme vous l’avez souligné, des hommes et des femmes qui sont malades, qui craignent de le devenir ou qui pensent à leurs proches malades attendent beaucoup du texte. Ils souhaitent que des perspectives leur soient proposées. Votre démarche va en ce sens. J’y suis donc favorable.
Nous voterons cet amendement.
En effet, et cela a été rappelé, nos concitoyens attendent beaucoup de cette proposition de loi. Même si leurs attentes risquent d’être un peu déçues suite au vote qui est intervenu tout à l’heure, il nous semble important que les agences régionales de santé dressent un bilan de la situation. Je rejoins Mme la ministre : d’autres démarches auraient pu être engagées. Mais nous acceptons le dispositif qui nous est proposé.
Si l’on veut vraiment – c’est, me semble-t-il, la position exprimée par chacun, toutes sensibilités politiques confondues – offrir des soins palliatifs à toutes les personnes malades sur l’ensemble du territoire, encore faut-il se donner les moyens de procéder à une évaluation de ce qui est proposé. L’outil donc nous semble approprié.
Il nous arrive souvent de demander des rapports annuels, afin de franchir la barrière que constituent les irrecevabilités financières de l’article 40 de la Constitution...
En commission, nous avons longuement débattu de cet amendement visant à demander un bilan de la politique de développement des soins palliatifs. D’ailleurs, M. le corapporteur a émis un avis de sagesse.
Le groupe socialiste votera cet amendement, qui est en phase avec les dispositifs nécessaires à la mise en œuvre des soins palliatifs sur tout le territoire.
D’ordinaire, nous sommes contre les rapports. Ils remplissent les placards, et on n’en lit que les première et dernière pages !
Néanmoins, nous voterons cet amendement. Ce serait encore mieux s’il s’agissait d’un rapport d’évaluation et de programmation. Mais c’est peut-être un peu difficile.
L'amendement est adopté.
I. – L’article L. 1111-4 du même code est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement, quel qu’il soit. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne qui refuse tout traitement ou souhaite arrêter un traitement après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si cette décision de la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Elle peut faire appel à un autre membre du corps médical pour éclairer ses choix. L’ensemble de la procédure est inscrite dans le dossier médical du patient. » ;
3°
Supprimé
4° Après le mot : « susceptible », la fin du cinquième alinéa est ainsi rédigée : « d’entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale visée à l’article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6 ou la famille ou les proches aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d’arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. »
II. –
Non modifié
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 126 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 76 rectifié, présenté par MM. Barbier, Bertrand, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
Toute personne
insérer le mot :
majeure
La parole est à M. Gilbert Barbier.
L’article 5 vise à modifier l’article L. 1111-4 du code de la santé publique, en précisant que toute personne a le « droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement, quel qu’il soit. »
Pour ma part, je souhaite ajouter que la personne doit être majeure. Certes, c’est peut-être superfétatoire ; on me rétorquera que ce droit revient aux parents. Mais, en pratique, je préférerais inscrire dans la loi que les mineurs ne peuvent pas refuser un traitement.
À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement. Mais la commission des affaires sociales s’y est déclarée favorable.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Les médecins et les soignants ont les mêmes obligations à l’égard de tout patient, mineur ou majeur. Ils proposent les mêmes accompagnements. Un mineur malade doit pouvoir participer à la discussion et exprimer sa volonté, même si ce sont ses parents qui le représentent.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 127 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 70 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Morisset, Mandelli, de Nicolaÿ, D. Laurent, B. Fournier, Pierre, Leleux, Chaize et de Raincourt, Mme Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, M. Trillard, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest, Saugey et Mouiller, Mme Mélot, M. Retailleau, Mme Gruny, M. Mayet, Mme Canayer, M. Charon, Mme Deroche, MM. Husson, Houel et Gournac, Mmes Debré et Lamure et MM. Kern, Cardoux et Guerriau, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Au début, insérer les mots :
Après s'être assuré que la personne n'est pas dans un état psychologique susceptible d'altérer son jugement,
La parole est à M. Dominique de Legge.
Cet amendement vise à préciser que le médecin a l’obligation de s’assurer de l’état psychologique du patient ayant exprimé la volonté de refuser ou de ne pas poursuivre un traitement.
Toutefois, je souhaite rectifier mon amendement en supprimant l’adjectif « psychologique », qui n’apporte rien.
amendement n° 70 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Morisset, Mandelli, de Nicolaÿ, D. Laurent, B. Fournier, Pierre, Leleux, Chaize et de Raincourt, Mme Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, M. Trillard, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest, Saugey et Mouiller, Mme Mélot, M. Retailleau, Mme Gruny, M. Mayet, Mme Canayer, M. Charon, Mme Deroche, MM. Husson, Houel et Gournac, Mmes Debré et Lamure et MM. Kern, Cardoux et Guerriau, et ainsi libellé :
Alinéa 5
Au début, insérer les mots :
Après s'être assuré que la personne n'est pas dans un état susceptible d'altérer son jugement,
L'amendement n° 66 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier et Pierre, Mme Imbert, M. Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet, Gilles et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard et Portelli, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau et Charon, Mme Deroche, MM. Houel et Gournac, Mmes Debré et Lamure et MM. Cardoux, Gremillet et Guerriau, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Après le mot :
obligation
insérer les mots :
, sauf si cela porte atteinte à sa conscience,
La parole est à M. Dominique de Legge.
Eu égard aux débats que nous avons eus, et afin de ne pas allonger inutilement nos travaux, je retire cet amendement.
L'amendement n° 66 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 151 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement sur l’amendement n° 70 rectifié bis ?
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Le fait d’enlever l’adjectif « psychologique » ne change rien au problème.
On ne saurait considérer qu’un patient est dans un état plus ou moins important d’altération de ses capacités compte tenu de sa maladie et de ses traitements.
La confiance, à laquelle certains ont fait référence, ne se décrète pas. À un moment donné, il faut des preuves tangibles.
Je n’ai pas le sentiment que cet amendement soit de nature à modifier fondamentalement la proposition de loi ; la précision qu’il tend à apporter me semble utile et susceptible de rassurer un certain nombre d’entre nous. C'est la raison pour laquelle je le maintiens.
Adopter cet amendement, c’est ouvrir la boîte de Pandore !
On trouvera toujours une raison, bonne ou mauvaise, de dire que le patient n’est pas dans un état, psychologique ou non – en l’occurrence, c’est forcément psychologique : il s’agit de donner un avis –, susceptible d’altérer son jugement.
Je confirme donc l’avis défavorable de la commission.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.
L'article 5 est adopté.
(Non modifié)
L’article L. 1111-10 du même code est abrogé. –
Adopté.
(Supprimé)
L’article L. 1111-11 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 1111 -11. – Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt ou du refus de traitement. Elles sont révisables et révocables à tout moment.
« Elles peuvent être rédigées conformément à un modèle dont le contenu est fixé par décret en Conseil d’État pris après avis de la Haute Autorité de santé. Ce modèle distingue deux types de directives anticipées selon que la personne se sait ou non atteinte d’une affection grave au moment où elle les rédige.
« Les directives anticipées s’imposent au médecin pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement concernant le patient. Le médecin n’est pas tenu de se conformer aux directives anticipées du patient lorsque sa situation médicale ne correspond pas aux circonstances visées par ces directives ou en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation médicale.
« La possibilité d’appliquer les directives anticipées au regard de la situation médicale du patient est examinée dans le cadre d’une procédure collégiale telle que celle visée à l’article L. 1110-5-1. La possibilité ou l’impossibilité d’appliquer les directives anticipées est inscrite au dossier médical. Elle est portée à la connaissance de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de la famille ou des proches.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les conditions de validité, de confidentialité et de conservation des directives anticipées. Ces directives sont notamment conservées sur un registre national faisant l’objet d’un traitement automatisé dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
« Le médecin traitant informe ses patients de la possibilité et des conditions de rédaction de directives anticipées.
« Lorsqu’une personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique, au sens du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil, elle peut rédiger des directives anticipées avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué. Le juge ou le conseil de famille peut prévoir qu’elle bénéficie, pour la rédaction de telles directives, de l’assistance de la personne chargée de sa protection, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 459 du même code, à l’exclusion de toute possibilité de représentation. »
Je suis saisie de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 128 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 46, présenté par Mmes Bouchoux, Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Alinéa 2, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ou les circonstances dans lesquelles elle désire bénéficier d'une assistance médicalisée active à mourir.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
L'amendement n° 14, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
À tout moment, elles peuvent être révisées selon les modalités prévues par décret en Conseil d'État et révoquées par tout moyen.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Cet amendement, qui s’inscrit dans l’esprit d’amendements précédents, vise à garantir que les directives anticipées reflètent réellement la volonté du patient.
Ces directives, dont la durée de validité de trois ans a été supprimée, pourront être mises en œuvre. Le malade, y compris s'il se sait atteint d’une affection grave, aura toujours la possibilité de changer d’avis, quand bien même les directives auraient été rédigées de nombreuses années auparavant.
Nous proposons donc de faciliter la révocation des directives anticipées, afin de garantir leur conformité à l’égard de la volonté des patients. Elles pourront être révoquées « par tout moyen », évitant ainsi que leur force contraignante ne puisse parfois se retourner contre leur auteur.
La révocation des directives pourrait être verbale ou prendre la forme d’un courrier, d’un enregistrement audiovisuel, voire d’un message téléphonique. D’ailleurs, le texte prévoyait déjà la possibilité que ces directives soient révisées. Nous souhaitons simplement ajouter qu’elles peuvent l’être « par tout moyen ». Dans certaines circonstances, une obligation de parallélisme des formes serait de nature à se retourner contre la volonté du patient.
Les amendements n° 129, 130 et 152 ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 67 rectifié bis, présenté par MM. De Legge, Sido, Reichardt, Mouiller, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre et Leleux, Mme Imbert, M. Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard, Portelli et Savary, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart et Hyest, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet et Charon, Mme Deroche, MM. Husson, Houel et Gournac, Mmes Debré et Lamure et MM. Kern, Cardoux, Gremillet et Guerriau, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le médecin prend en compte les directives anticipées pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement concernant le patient.
La parole est à M. Dominique de Legge.
Par cet amendement, il s’agit de faire en sorte que le texte ne crée pas un droit opposable en matière de directives anticipées, contrairement au souhait de Mme la ministre.
Nous proposons de préciser que le médecin « prend en compte les directives anticipées », mais que celles-ci ne s’imposent pas à lui ! Certes, il doit en tenir compte, mais elles ne sauraient contrevenir à sa liberté d’appréciation et à son jugement.
Cela renvoie une différence majeure entre nous sur la question de savoir si la proposition de loi doit, ou non, créer un droit opposable.
L'amendement n° 8, présenté par M. Revet, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Remplacer les mots :
s’imposent au
par les mots :
sont une aide pour le
La parole est à M. Charles Revet.
La situation de la personne qui a rédigé une directive anticipée peut être tout à fait différente selon que l’on considère le moment où il l’a rédigée ou celui où le médecin est susceptible de la mettre en œuvre. Dès lors, il est nécessaire que le médecin puisse consulter la personne de confiance ou la famille au cas où le patient n’est pas en état d’en décider.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 46. Toute demande d’assistance médicalisée active à mourir serait illégale. Une directive anticipée formulant une telle demande ne pourrait pas être appliquée sans infraction à la loi.
En revanche, l’avis sera favorable sur l’amendement n° 14, présenté au nom de la commission des lois. Aujourd’hui, les conditions de révocation des directives anticipées sont prévues par le décret du 6 février 2006, pris en application de l’actuel article L. 1111-11 du code de la santé publique. Ce décret prévoit que la révocation est possible à tout moment et sans formalité. En élevant cette précision importante au niveau législatif, la commission des lois propose de renforcer les garanties légales qui protègent les auteurs de directives.
L’adoption de l’amendement n° 67 rectifié bis aurait pour effet de revenir à une rédaction proche du droit positif, en prévoyant que le médecin « prend en compte » les directives anticipées. Ce faisant, cela remet en cause le contenu même de l’article 8, qui renforce au contraire le statut des directives anticipées, en posant le principe général de leur opposabilité, tout en assortissant ce principe de deux cas dérogatoires, dont la commission des affaires sociales a tenu à préciser les limites.
En tout état de cause, aucune demande dont la mise en œuvre serait illégale ne pourrait être appliquée, sauf évidemment à s’exposer à une sanction pénale. La commission est donc défavorable à cet amendement.
Pour les mêmes raisons, elle est défavorable à l’amendement n° 8, qui prévoit que les directives anticipées « sont une aide » pour le médecin.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 46, pour des raisons qu’il ne me semble pas nécessaire de rappeler. Nous sommes sur deux logiques différentes.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 14. La précision proposée ne me semble pas nécessaire. Il va de soi que le patient peut révoquer une directive anticipée par tout moyen et à tout moment. Toutefois, je n’ai pas d’opposition de principe à une telle mention. Je comprends bien la démarche, qui vise à rassurer.
Enfin, le Gouvernement émettra un avis défavorable sur les amendements n° 67 rectifié bis et 8. En effet, demander que les directives anticipées ne s’imposent pas aux médecins ne s’inscrit pas dans l’esprit de cette proposition de loi ; je ne reviens pas sur les discussions que nous avons déjà eues.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.
En conséquence, l'amendement n° 8 n’a plus d'objet.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 21 rectifié, présenté par Mme Duranton, M. Laufoaulu, Mmes Deromedi, Mélot et Deroche et MM. Husson, G. Bailly et Houel, est ainsi libellé :
Alinéa 4, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ces directives ne peuvent contenir des dispositions contraires au code de déontologie médicale.
La parole est à Mme Nicole Duranton.
Les directives anticipées ont vocation à s’imposer au médecin. Bien que le texte ait prévu certains cas dans lesquels le médecin peut déroger à l’obligation de les mettre en œuvre, notamment dans une situation d'urgence vitale, il apparaît nécessaire de rappeler avec clarté que le médecin est soumis au code de déontologie médicale, dont il ne peut pas se dégager dans ses décisions à l'égard de son patient.
L’amendement n° 131 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 21 rectifié ?
L’amendement n° 21 rectifié vise à préciser que les directives anticipées ne peuvent pas contenir de dispositions contraires au code de déontologie médicale.
Une telle précision apparaît inutile. En cas de contradiction, les normes de valeur légale ou, dans le cas du code de déontologie médicale, réglementaire primeront toujours sur les souhaits individuels émis par les patients dans des directives. En tout état de cause, aucune demande illégale ne pourra être appliquée ; l’auteur se mettrait en situation d’infraction pénale. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. On imagine mal qu’un médecin soit sommé de pratiquer des actes ou d’intervenir d’une manière contraire au code de déontologie médicale.
L'amendement n° 21 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 15, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 4, seconde phrase
Remplacer les mots :
sa situation médicale ne correspond pas aux circonstances visées par ces directives
par les mots :
leur validité fait l’objet d’une contestation sérieuse, lorsqu’elles ne sont pas adaptées à sa situation médicale,
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Madame la présidente, avant de présenter mon amendement, je souhaite, de manière courtoise, évoquer la cohérence de nos travaux.
Nous avons adopté tout à l’heure un amendement visant à préciser que le médecin « prend en compte » les directives anticipées des patients. C’est l’expression majoritaire de notre hémicycle. Mais l’adoption d’amendements tendant à détailler les exceptions qui permettront au médecin d’intervenir dans un contexte où les directives initiales sont nécessaires et s’imposent à lui rend le texte pour le moins étrange. On ne peut pas, et je pèse mes mots, faire une bonne loi sans voter d’amendements de coordination !
L’amendement n° 15 illustre bien mon propos.
L’article 8, dans sa rédaction issue des travaux de la commission des affaires sociales, n’autorise le médecin à écarter les directives anticipées qu’au regard de la situation médicale du patient ; certes, cela a été légèrement modifié tout à l’heure. Le médecin ne pourrait donc pas écarter les directives anticipées contredites par des éléments ou des témoignages plus récents, comme celui de la personne de confiance.
En effet, le texte donne, ou donnait une force particulière aux directives anticipées, qui l’emporte sur tout autre critère d’appréciation. Or, avec la suppression de la durée de validité des directives anticipées, le médecin pourrait se trouver en présence de directives très anciennes et oubliées de leur auteur, qui aurait exprimé des souhaits différents depuis.
Si la proposition de loi initiale, qui prévoyait une formulation plus large en ouvrant la possibilité d’écarter les directives anticipées « manifestement inappropriées », n’est pas très précise, elle permet néanmoins la prise en compte de telles situations.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois a souhaité déposer cet amendement. J’ai noté que la commission des affaires sociales avait déposé un sous-amendement. Notre démarche présente l’avantage de donner de la cohérence à un texte qui, à l’heure actuelle, en a bien besoin !
Le sous-amendement n° 155, présenté par MM. Dériot et Amiel, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Amendement n° 15, alinéa 5
Après le mot:
sérieuse
insérer les mots:
au regard du dernier état connu de la volonté du patient
La parole est à M. Gérard Dériot, corapporteur.
Nous avons souhaité sous-amender l’amendement de la commission des lois pour en améliorer la rédaction.
Certes, alors que nous travaillons depuis deux mois pour obtenir le meilleur texte possible, nous finissons par nous demander, compte tenu des votes qui sont intervenus, si tout cela est bien utile…
Ce sous-amendement vise à préciser que le médecin prend en compte le « dernier état » de la volonté du patient, dernier état qui n’est pas nécessairement celui que reflètent les directives anticipées dont le praticien a connaissance.
Le contenu de certaines directives peut être invalidé par l’expression ultérieure de la volonté de la personne sous d’autres formes, écrites ou orales, comme une lettre, un enregistrement ou le simple fait de se confier à quelqu’un. Dans ce cas, les directives doivent être considérées comme révoquées, car la révocation est possible sans formalité.
L’amendement n° 15 tend à prévoir que le médecin peut écarter l’application des directives anticipées lorsque « leur validité fait l’objet d’une contestation sérieuse ». La commission des affaires sociales a considéré que la formulation retenue par la commission des lois était très, voire trop générale ; elle couvre l’ensemble des conditions de validité des directives, dépassant ainsi l’objectif recherché. Nous souhaitons donc qu’il soit fait référence au « dernier état connu de la volonté du patient ».
La commission émettra un avis favorable sur l’amendement n° 15 sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 155.
Indépendamment des remarques de bonne légistique qui viennent d’être formulées, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 15 et le sous-amendement n° 155.
Il va de soi que c’est le dernier état de l’expression de la volonté du patient qui doit être pris en considération. Le décret en Conseil d’État prévu à cet article définira les conditions dans lesquelles le dernier état sera connu.
Il est nécessaire de prévoir les modalités de recueil des directives anticipées et d’élaboration du registre, ainsi que les différents moyens d’expression de la volonté. Mais, encore une fois, par définition, c’est bien le dernier état de la volonté du patient qui doit être pris en compte.
Le médecin ne va pas invoquer des directives anticipées anciennes pour refuser de prendre en considération le souhait contraire qu’exprimeraient ensuite le patient ou la patiente. Du point de vue de la pratique médicale, c’est inconcevable ! Nous ferons en sorte dans le décret en Conseil d’État que les différentes phases d’expression de la volonté soient bien identifiées.
L’amendement me paraît donc superfétatoire. Un tel dispositif risquerait même de soulever des interrogations sur les éléments à prendre en considération.
La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 155.
Les avis respectifs de la commission et du Gouvernement montrent bien qu’il peut y avoir des interprétations très différentes ! (M. Charles Revet acquiesce.)
Monsieur le corapporteur, notre travail n’est pas inutile. Soyons modérés dans nos propos !
Je reviens sur l’objet de l’amendement n° 67 rectifié bis, adopté précédemment.
Prévoir des exceptions, c’est bien prendre en compte les directives anticipées ! Ce n’est pas antinomique ! Le médecin a un cerveau : il est capable de tenir compte des préoccupations du malade pour essayer de le soigner dans les meilleures conditions !
Il y a, certes, des protocoles, mais ils ne s’imposent pas systématiquement au médecin. Ils peuvent être adaptés aux malades en général, mais inapplicables dans certains cas particuliers. Les praticiens prennent en compte ces protocoles, mais ils sont libres en leur âme et conscience de s’en affranchir, en respectant leurs obligations déontologiques, pour traiter le malade. S’ils ne peuvent pas le soigner, ils font appel à un spécialiste.
Pourquoi faudrait-il donc que les directives anticipées s’imposent aux décisions du médecin ?
Certes, la prise en compte est bien nécessaire. D’ailleurs, la proposition de loi a pour objet de faire en sorte que les choses se passent de la manière la plus apaisée possible.
Il n’y a pas d’antinomie entre l’amendement qui a été adopté et les propositions de la commission. À mon sens, le vote de l’amendement n° 67 rectifié bis n’a pas changé l’esprit de l’article.
M. le rapporteur pour avis de la commission des lois a parfaitement raison : l’adoption de l’amendement n° 67 rectifié bis a eu pour conséquence de vider de son sens la deuxième phrase de l’alinéa 4. Nous sommes en train d’essayer de l’amender alors qu’il faudrait d’abord la mettre en conformité avec la première !
Fort heureusement, les travaux parlementaires vont se poursuivre. Nous avons donc encore une chance d’imposer une rédaction acceptable. Voilà une nouvelle illustration de l’intérêt de la navette et du bicamérisme en France !
Mais tenons pour acquis que la rédaction du début de la deuxième phrase et celle de la première phrase seront harmonisées. Il s’agit maintenant de voir comment rédiger la fin de la deuxième phrase. À cet égard, je dois dire que le sous-amendement de la commission des affaires sociales me pose un problème.
Dans l’amendement n° 15, M. le rapporteur pour avis de la commission des lois a voulu viser deux types de situations dans lesquelles les directives anticipées ne seraient pas prises en compte.
D’une part, leur validité peut faire l’objet d’une contestation sérieuse, mais pas forcément, comme tend à le préciser le sous-amendement n° 155, au regard du dernier état connu de la volonté du patient.
Par exemple, elles peuvent n’avoir pas été recueillies dans des conditions permettant de s’assurer du consentement libre et éclairé. Il peut aussi arriver que d’autres directives aient été données ultérieurement. Nous avons d’ailleurs discuté tout à l’heure d’un amendement tendant à autoriser la révocation par tout moyen d’une première directive. Il est possible qu’une directive inscrite dans un grand registre national ait été ensuite annulée par l’intéressé.
Ainsi, la commission des lois souhaite que la directive ne soit pas prise en compte en cas de problème de validité au regard du consentement libre et éclairé.
D’autre part, il se peut que les directives ne soient pas adaptées à la situation médicale. Toutefois, je laisse de côté ce point, qui n’est pas du tout discuté.
Je propose donc à mes collègues d’adopter, comme je le ferai moi-même, l’amendement n° 15 sans le sous-amendement n° 155, ce dont je m’excuse par avance auprès de mes collègues de la commission des affaires sociales.
En pratique, l’article 8 sera vidé de sa substance. L’idée était de transformer des directives anticipées consultables en directives anticipées opposables.
Je n’étais pas tout à fait d’accord avec Mme la ministre sur la suppression de l’adjectif « continue », qui, à mon avis, changeait les choses sans vider l’article 3 de sa substance. Mais, en l’espèce, elle a bien raison d’indiquer que les directives sont totalement vidées de leur sens après l’adoption de l’amendement n° 67 rectifié bis !
Force est de le constater, quelles que soient les exceptions que les amendements suivants sont susceptibles d’apporter, les dispositions relatives aux directives anticipées ne sont aujourd’hui plus du tout conformes à l’esprit qui avait prévalu non seulement à l’Assemblée nationale, mais aussi en commission des affaires sociales du Sénat, même si nous avions apporté quelques modifications rédactionnelles.
Le sous-amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 16, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Remplacer les mots :
est examinée dans le cadre d’une procédure collégiale telle que celle visée
par les mots :
ou au regard de l’existence d’une contestation sérieuse portant sur leur validité fait l’objet d’une décision du médecin prise après consultation du collège prévu
Cet amendement n’a plus d’objet.
Le sous-amendement n° 156, présenté par MM. Dériot et Amiel, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Amendement n° 16, alinéa 5
Après le mot:
validité
insérer les mots:
au regard du dernier état connu de la volonté du patient
Ce sous-amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 84 rectifié, présenté par Mme David, M. Abate, Mmes Assassi et Beaufils, MM. Billout, Bocquet et Bosino, Mmes Cohen et Cukierman, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent et Le Scouarnec, Mme Prunaud et M. Watrin, est ainsi libellé :
Alinéa 5, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Lors de cette procédure collégiale, la volonté exprimée par la personne de confiance mentionnée à l’article L. 1111-6 prévaut sur tout autre élément.
La parole est à Mme Annie David.
À nos yeux, l’une des principales avancées de la proposition de loi était de rendre contraignantes les directives anticipées.
Or le texte adopté par la commission des affaires sociales prévoit que celles-ci ne s’imposent plus au médecin si la « situation médicale ne correspond pas aux circonstances visées par ces directives ».
Si une telle possibilité ne peut pas être exclue, il ne nous semble pas opportun d’en rester là. Les médecins, dont la formation est plus axée sur l’aspect curatif des soins, pourraient facilement contester l’applicabilité des directives au regard de la situation médicale et, au final, ne pas les prendre en compte. Cela réduirait considérablement la portée des directives anticipées, donc de la proposition de loi.
Aussi, nous proposons de rappeler que, lors de la procédure collégiale destinée à statuer sur l’applicabilité ou non des directives au regard de la situation médicale, la personne de confiance qui exprime la volonté du patient statue en dernier ressort. Elle est la plus à même d’interpréter les directives du patient pour déterminer si elles peuvent s’appliquer à la situation médicale présente ou si elles concernaient une autre situation médicale, ce qui les rendrait inapplicables.
Par sa connaissance du patient et la confiance que ce dernier a placée en elle, cette personne est en mesure de dire ce que le malade aurait voulu dans la situation médicale présente, notamment en prenant en compte ce qu’il a exprimé dans ses directives anticipées, même si elles concernaient une situation médicale différente.
La procédure étant collégiale, l’avis des médecins est évidemment recueilli, notamment pour apporter un éclairage plus précis sur les différences entre la situation médicale présente et celle qui est concernée par les directives. Mais elle ne saurait être efficace sans la transmission du dossier médical du patient à la personne de confiance, telle que prévue dans la version votée par l’Assemblée nationale. D’ailleurs, un amendement sera bientôt présenté en ce sens.
Le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Cet amendement est quelque peu surprenant. Il est proposé que l’avis de la personne de confiance soit pris en compte par-delà les directives anticipées, alors qu’elles ont été exprimées. Or les auteurs de cet amendement eux-mêmes ont indiqué à plusieurs reprises au cours du débat qu’il fallait reconnaître toute leur force aux directives anticipées pour ne pas vider le texte de son sens.
Parfois, la situation ne sera pas totalement traitée par les directives anticipées ; pour autant, celles-ci seront bien là ! Comment déterminer qu’il appartiendra à telle personne de décider que ces directives anticipées dûment enregistrées ne s’appliquent pas ? Je trouve l’idée assez troublante.
Je demande donc le retrait de cet amendement, au bénéfice d’une réflexion plus approfondie dans la suite du processus parlementaire. Je ne suis même pas certaine que cet amendement réponde aux objectifs de ses auteurs.
Il me semblait évident que cet amendement – apparemment, il a été mal compris ; sans doute était-il mal rédigé – s’inscrivait bien dans le cadre du respect des directives anticipées.
Je souhaite indiquer que la parole de la personne de confiance doit prévaloir sur l’avis du médecin si celui-ci estime qu’il ne faut pas respecter les directives anticipées.
Mais la rédaction de cet amendement semble créer une confusion. Pour nous, la volonté du patient, qui a toute confiance en la personne désignée par lui pour parler en son nom en cas d’impossibilité de s’exprimer de sa part, doit pouvoir être entendue même quand le praticien considère que, pour telle ou telle raison médicale, les directives ne peuvent pas s’appliquer.
La portée de l’alinéa 5 nous paraît affaiblie par la rédaction adoptée par la commission. La parole de la personne de confiance nous semblait mieux prise en compte dans la version de l’Assemblée nationale. Je m’étais d’ailleurs exprimée sur ce point lors de l’examen du texte par la commission.
Aussi, et sans vouloir revenir au texte de l’Assemblée nationale, dont j’ai compris qu’il ne convenait pas à l’ensemble de la commission, j’ai cherché une rédaction différente susceptible de recueillir un consensus dans notre Haute Assemblée. Ma rédaction n’est, semble-t-il, pas satisfaisante. Mais je ne suis pas juriste, contrairement à nos collègues de la commission des lois ou à M. le rapporteur pour avis !
Je retire donc cet amendement. Je le retravaillerai d’ici à la deuxième lecture pour en clarifier la rédaction.
L’amendement n° 84 rectifié est retiré.
L’amendement n° 17, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsqu’elles sont conservées dans ce registre, un rappel de leur existence est régulièrement adressé à leur auteur.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
À l’heure actuelle, les directives anticipées sont caduques trois ans après leur émission. Avec le nouveau texte, la caducité disparaît. Dès lors, des directives anticipées émises dix ans, quinze ans ou vingt ans avant d’être consultées seront encore valables.
Nous proposons de renforcer la confiance que l’on pourra accorder à ces directives anticipées, en précisant que le décret en Conseil d’État organisant les conditions de conservation de ces directives instaure un mécanisme de rappel régulier de leur existence à leur auteur. Tous les trois ans, quatre ans ou cinq ans, l’auteur sera automatiquement averti que ses directives anticipées sont encore enregistrées. Il ne sera pas invité à les modifier, mais leur existence lui sera rappelée. D’ailleurs, lors de la consultation des directives, il sera toujours possible de dire qu’elles ont été implicitement maintenues trois ans, quatre ans ou cinq ans auparavant.
Ce mécanisme permettra donc de rendre les directives anticipées plus fiables.
Cet amendement de la commission des lois prévoit l’information régulière de l’auteur de directives anticipées sur l’existence de celles-ci.
Dès lors que le texte supprime toute limitation de la durée de validité des directives anticipées, un tel dispositif de rappel régulier apparaît particulièrement opportun. En effet, il peut s’écouler plusieurs années, voire plusieurs décennies entre la rédaction des directives anticipées et leur application.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Une telle disposition n’est pas de nature législative ; elle doit figurer dans le décret qui déterminera les modalités de recueil et de suivi des directives anticipées. Toutefois, je comprends la démarche de M. le rapporteur pour avis de la commission des lois.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
L’amendement est adopté.
Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été publiée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : Mme Catherine Troendlé, M. François Zocchetto, Mme Catherine di Folco, MM. Jean-Pierre Vial, Jean-Pierre Sueur, Philippe Kaltenbach, Mme Cécile Cukierman ;
Suppléants : MM. François Bonhomme, François Noël Buffet, Pierre-Yves Collombat, Yves Détraigne, Roger Madec, André Reichardt, Mme Catherine Tasca.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Marie Mercier, membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de M. Jean-Patrick Courtois, démissionnaire d’office de son mandat de sénateur.
Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation à la prospective.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Alain Vasselle, membre de la délégation à la prospective, en remplacement de M. Jean-Patrick Courtois, démissionnaire d’office de son mandat de sénateur.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la contre-expertise de l’évaluation socio-économique du tronçon Pont-de-Sèvres-Saint-Denis-Pleyel – ligne 15 ouest – du Grand Paris Express, accompagnée de l’avis du commissaire général à l’investissement.
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Ils ont été transmis à la commission des affaires économiques, ainsi qu’à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quinze.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt-et-une heures quinze, sous la présidence de M. Hervé Marseille.