Intervention de Gilbert Barbier

Réunion du 17 juin 2015 à 14h30
Malades et personnes en fin de vie — Article 3, amendement 76

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier :

Avec l’article 3, nous entrons dans le cœur de cette proposition de loi. Depuis hier, nous avons eu à débattre de nombreux points importants, sans nul doute, comme la nécessité d’ouvrir l’accès aux soins palliatifs à l’ensemble des malades en phase terminale d’un processus évolutif pour lequel, à l’évidence, aucun traitement n’est possible.

L’article 3 définit les situations dans lesquelles peuvent être mises en place des procédures visant à permettre la mise en route d’un traitement de sédation en faveur des patients qui auront exprimé d’une façon précise leur refus de l’obstination déraisonnable, ainsi qu’aux malades dans l’incapacité d’exprimer leur volonté. Chacun de ces cas va faire l’objet de modifications proposées par les uns et les autres.

Au cours de la nuit dernière, nous avons pu constater qu’il existait des divergences profondes, liées à des conceptions différentes, entre les partisans d’une autonomie totale de l’individu et de son pouvoir décisionnel et ceux qui considèrent que légaliser dans notre pays le « faire mourir » ou l’assistance au suicide est contraire à notre conception de la société.

Une fois que nous aurons défini les conditions dans lesquelles un acte clinique doit ou peut intervenir, reste à déterminer la nature de cet acte.

Dans le texte initial de leur proposition de loi, que je vous invite à relire, mes chers collègues, Alain Claeys et Jean Leonetti prévoient la mise en place d’un traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu’au décès. Je suis d’accord avec cette position.

Pour les auteurs de cette proposition de loi, il n’est donc nullement question de « sédation profonde et continue ». L’expression ne figure pas dans leur texte. C’est d’ailleurs sur cette base que la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a débattu pendant de très longues heures, sans que cette approche soit remise en cause. Mais, en séance publique, avec l’adoption du fameux amendement n° 76, déposé par un certain nombre de députés socialistes, la donne a été bouleversée, faisant basculer cette proposition de loi dans l’inacceptable.

En effet, pour les soignants, une sédation profonde et continue, dans sa détermination précise sur le plan clinique – c’est-à-dire un stade 5 et 6 dans l’échelle de Ramsay –, nécessite à tout le moins une assistance respiratoire permanente. De par la loi, cette sédation profonde et continue, qui peut être réclamée par le patient, ne peut plus être considérée comme une pratique médicale qui cherche à soulager le malade, mais comme une façon de provoquer ou de précipiter la mort.

Je pense que les auteurs de cet amendement, qui se sont tous montrés favorables, lors de la discussion à l’Assemblée nationale, à une légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté, ont trouvé, grâce à cette formulation, une présentation acceptable aux yeux de quelques-uns et une alternative « technique » qui permet de contourner le refus exprimé majoritairement, et hier soir encore par notre assemblée. Je suis frappé par l’idée qu’il puisse s’agir d’une sorte de compromis, de consensus, entre partisans et adversaires de l’euthanasie.

Une sédation profonde et continue sans assistance respiratoire provoque la mort dans un très bref délai. En revanche, une sédation bien dosée qui permet de supprimer la perception de la douleur – telle est la raison d’être des antalgiques –, mais aussi du symptôme réfractaire que l’on évoque dans ce cas, est un acte médical délicat. Vouloir imposer des doses, en précisant que sont visés les stades 5 et 6, sans laisser une certaine capacité de jugement au médecin ou à l’équipe soignante, n’est pas acceptable.

Supprimons de ce texte les deux adjectifs « profonde » et « continue », ou atténuons-en la portée et nous répondrons, je le pense, au souhait de l’immense majorité de nos concitoyens.

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