Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le présent débat est très fort, très nuancé, et met en lumière les interrogations que suscite cet article important. Je n’ai pas l’ambition de répondre à l’ensemble des interventions, mais je tiens à préciser l’esprit de cette proposition de loi, ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas.
Aujourd’hui, un patient atteint d’un mal incurable peut-il demander l’arrêt de ses traitements ? La réponse est oui. Il en est ainsi depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
Aujourd’hui, un patient, pour qui l’arrêt des traitements entraîne une très forte souffrance physique ou qui souffre, indépendamment de l’arrêt des traitements, peut-il demander un apaisement, notamment par recours à des procédés de sédation ? La réponse est oui. C’est le travail quotidien des équipes de soins palliatifs. Ces dernières parlent d’ailleurs d’aider le patient à « lâcher prise ». En d’autres termes, le patient, confronté à une douleur insoutenable, doit être accompagné et aidé pour que sa douleur ne rende pas sa fin de vie insupportable.
Aujourd’hui, donc, le droit actuel permet à un patient de demander à bénéficier de l’arrêt des traitements et de sédations, qui permettront d’accompagner et de soulager les derniers moments de sa vie.
Dans ce contexte, au regard des lois en vigueur, qu’apporte de plus le texte que nous examinons ?
Il ne s’agit pas d’introduire une rupture. La sédation peut avoir un effet induit, qui est le décès, mais le décès n’est pas recherché. De ce point de vue, la proposition de loi ne change rien.
Il s’agit non pas d’appliquer la sédation pour le décès, mais, le cas échéant, de l’appliquer jusqu’au décès. C’est une différence de taille ! Cela permettra au patient d’être endormi jusqu’au moment où il passera de l’endormissement à la mort. En revanche, je le répète, il ne s’agit pas, par la sédation, de rechercher la mort, même si ce peut être un effet induit.
Tel qu’il a été élaboré, que prévoit ce texte ?
En premier lieu, comme le président de la commission des affaires sociales l’a souligné, ce texte permet une organisation et une mise en cohérence des pratiques aujourd’hui observées sur le territoire. Je précise que la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs soutient cette démarche, ce qui montre bien qu’elle ne la distingue pas de la démarche des soins palliatifs et n’y voit en aucun cas une rupture.
Le premier objectif de cette proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est bien de coordonner les pratiques palliativistes existantes, de leur apporter davantage de cohérence et de sens.
En second lieu, et c’est un objectif important, ce texte crée un droit nouveau : le patient pourra demander la sédation. Aujourd’hui, dans le colloque singulier qu’il entretient avec l’équipe médicale, il peut déjà le faire, mais la décision est médicale. Si cette proposition de loi est adoptée, le patient aura le droit de demander à bénéficier d’une sédation, dans un cadre précis et dans des conditions déterminées – le patient est atteint d’une maladie incurable et est au bout du bout de la maladie ; le traitement n’existe pas ; la souffrance à laquelle le patient est confronté est insupportable.
Voilà la nouveauté ou l’avancée – j’ignore quel est le terme le plus adéquat – de ce texte : il s’agit de se placer du point de vue du patient. L’élément important, ce n’est pas tant la nature des traitements ou des accompagnements qui sont proposés que le fait que le patient a le droit, dans des conditions particulières, de demander à une équipe médicale de bénéficier d’une sédation jusqu’au moment où il mourra.
Ce n’est que cela, rien que cela, mais c’est déjà tout cela. Ce n’est en aucun cas une rupture vers l’euthanasie, mais c’est reconnaître au patient un droit qui n’est pas inscrit aujourd'hui dans la loi.
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter pour éclairer ce débat et pour qu’aucune ambiguïté ne subsiste sur la finalité de cette proposition de loi. D’aucuns trouveront peut-être que ce texte ne va pas assez loin ; c’est le débat qui a eu lieu la nuit dernière. Reste que ce texte ne contient pas les germes de l’euthanasie ou d’une assistance au suicide.