Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les Français résidant à l’étranger bénéficient de plusieurs structures d’appui : un réseau consulaire, des établissements d’enseignement, des associations, dont deux reconnues d’utilité publique – l’Union des Français de l’étranger et l’Association démocratique des Français de l’étranger –, et une caisse de sécurité sociale. Seules la France et, dans une moindre mesure, la Belgique ont d’ailleurs créé une telle structure pour les expatriés.
Il est important de rappeler que les règles qui définissent la CFE sont fixées par l’autorité publique française. Sa mission principale est d’assurer et de protéger les Français de l’étranger en leur garantissant une couverture sociale minimale. Pour cela, elle propose de couvrir trois risques pendant leur expatriation : accidents du travail, maladie-maternité, vieillesse. Je tiens à préciser que, pour ce dernier risque, la CFE joue uniquement un rôle d’interface avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse.
En outre, son adhésion est ouverte à tous les expatriés : salariés, travailleurs indépendants, personnes sans activité, étudiants, retraités. C’est une caisse dont les adhérents sont volontaires.
La CFE telle qu’elle existe aujourd’hui s’est bâtie en plusieurs étapes, dont deux me paraissent particulièrement importantes et méritent que l’on y revienne quelques instants.
Après les travaux de la commission Bettencourt, notre ancien collègue, qui ont abouti à la loi du 31 décembre 1976, première loi créant des assurances sociales spécifiques pour les Français résidant à l’étranger, l’année 1978 marque le véritable point de départ de la CFE : pour la première fois, les salariés français de l’étranger accèdent à la sécurité sociale.
Par la suite, après plusieurs évolutions législatives successives, la loi Bérégovoy du 13 juillet 1984, dont je m’honore d’avoir été le rapporteur au Sénat, marque la création d’une caisse autonome de sécurité sociale dite « caisse des Français de l’étranger ». Cette création a permis à tous les Français de l’étranger, quel que soit leur statut, d’accéder à la couverture maladie.
S’agissant des spécificités de la CFE, j’en retiendrai trois.
La première – je l’ai indiqué au début de mon propos – tient au volontariat. En effet, l’adhésion à cette caisse est volontaire, alors que le principe général en matière de sécurité sociale est le caractère obligatoire.
La deuxième spécificité est l’absence de monopole, contrairement à ce qui existe pour les caisses métropolitaines. Cela oblige la CFE à rechercher des adhérents.
La troisième est l’autonomie financière. La CFE n’est pas intégrée, sur le plan financier, au régime général ; elle doit équilibrer son budget avec les cotisations de ses seuls adhérents. Permettez-moi de souligner qu’elle y est toujours parvenue depuis sa création, ce qui en fait une exception dans le monde de la sécurité sociale. Son conseil d’administration a su prendre les mesures nécessaires pour maintenir cet équilibre. Ses comptes sont certifiés par le cabinet Mazars, important cabinet d’expertise-comptable, sans qu’aucune réserve ait été formulée pour les années 2012, 2013 et 2014, ce qui n’est pas le cas de toutes les caisses de sécurité sociale métropolitaines. Je remercie d’ailleurs M. Olivier Cadic de l’avoir rappelé dans son intervention.
Par ailleurs, afin de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens expatriés, la CFE a su s’adapter en développant des partenariats avec les assureurs complémentaires. En effet, la CFE remboursant les soins dans la limite des tarifs français, l’intervention d’un assureur ou d’une mutuelle est souvent nécessaire. Notons que cette règle est aussi vraie sur le territoire français. Des partenariats ont donc été mis en place, fondés sur la création d’un guichet unique réunissant les deux intervenants pour éviter les multiplications des démarches des assurés.
J’en viens à la question de la gouvernance. Le conseil d’administration de la CFE est composé de 21 membres, dont 18 sont élus par l’Assemblée des Français de l’étranger – ce sont donc des femmes et des hommes de terrain connaissant personnellement les réalités de l’expatriation –, deux membres représentent les employeurs, le MEDEF – ces derniers représentent avec leurs salariés près de 50 % des adhérents de l’assurance maladie-maternité et encore plus pour les accidents du travail et maladies professionnelles ; nous sommes donc loin de la parité employeurs-salariés de certaines caisses métropolitaines–, et un dernier membre est désigné par la Fédération nationale de la mutualité française, la FNMF.
Permettez-moi, madame la secrétaire d’État, de faire une remarque liminaire. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 22 mai 2014, a indiqué que les dispositions relatives au renouvellement des membres des conseils d’administration des organismes de sécurité sociale ont un caractère réglementaire. Cela vous donne beaucoup de possibilités ; vous en avez d’ailleurs déjà saisi.
Par ailleurs, je tiens à souligner que j’ai sollicité à plusieurs reprises la modification des conventions bilatérales de sécurité sociale existantes, afin que l’adhésion à la CFE permette l’exemption d’affiliation au système de sécurité sociale de l’État d’accueil, lequel, dans de nombreux cas, ne convient pas à nos compatriotes.
Madame la secrétaire d’État, une mission menée conjointement par l’IGAS et l’IGF sur l’activité et les conditions d’intervention de la CFE est en cours. Les conclusions de cette mission pourraient avoir des conséquences substantielles sur le statut et les actions, voire sur la gouvernance de la CFE. Ces deux inspections sont en effet chargées d’étudier de façon prospective, sur la base d’un bilan de l’action menée par la CFE et d’une évaluation de ses performances, le rôle, la nature et le périmètre de ses missions.
Cette étude porte sur plusieurs axes : « clarifier le positionnement de la CFE au sein de la sécurité sociale, notamment au regard des règles des législations de sécurité sociale aux niveaux à la fois européen, dans le cadre des règlements [communautaires], et international, dans le cadre des accords de sécurité sociale » ; « tirer les conséquences de ce positionnement sur le plan du droit de la concurrence ainsi que sur la pertinence actuelle du modèle, à mi-chemin entre caisse de sécurité sociale et assureur privé » ; « étudier les axes d’amélioration de la gestion des risques financiers et du cadre législatif et réglementaire relatif à l’équilibre de la caisse » ; « vérifier si l’offre de la CFE est adaptée à l’environnement international » ; étudier l’opportunité et la pertinence, au regard de leur coût, de différentes mesures, comme l’élargissement des « conditions d’affiliation à l’assurance volontaire retraite pour les assurés maladie de la CFE n’ayant pas eu d’activité suffisante en France » ou encore la possibilité pour la CFE de rembourser des soins hospitaliers préalablement négociés et non plus sur la base d’un prix de journée.
Vous constatez comme moi qu’il s’agit d’une étude d’une très grande ampleur.
Mardi dernier, après avoir présidé le conseil d’administration de la CFE, nous avons inauguré le second bâtiment de cette caisse. Beaucoup de sénateurs représentant les Français établis hors de France y ont d’ailleurs participé, ce dont je les remercie. Dans son discours, la représentante du ministère des affaires sociales, d’ailleurs ici présente, a évoqué l’important rapport confié à l’IGAS et à l’IGF, lequel ne sera remis qu’à la fin du mois de juillet ou au début du mois d’août.
Il m’apparaît donc que cette proposition de loi est prématurée et que les importantes modifications qu’elle est susceptible d’apporter la rendent inopportune, en l’absence du rapport de l’IGAS et de l’IGF.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements visant à supprimer les trois articles de ce texte.