Séance en hémicycle du 18 juin 2015 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • CFE
  • consulaire
  • discrimination
  • d’administration
  • l’étranger
  • pauvreté
  • précarité

La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.

La commission des finances a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Maurice Vincent pour siéger au sein de cet organisme.

Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi visant à réformer la gouvernance de la Caisse des Français de l’étranger, présentée par M. Jean-Yves Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain (proposition n° 205, résultat des travaux de la commission n° 504, rapport n° 503).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Yves Leconte, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la Caisse des Français de l'étranger, ou CFE, a été instituée par la loi dite « loi Bérégovoy » du 13 juillet 1984, avec pour objectif de permettre aux Français de l’étranger et aux entreprises envoyant du personnel à l’étranger de disposer d’un outil assurant la continuité de la protection sociale selon nos propres normes. Son intérêt est donc à la fois économique, pour nos entreprises, et social, pour les Français qui vivent hors de France.

Cet outil permet également aux entreprises d’intégrer les Français qui vivent à l’étranger à la solidarité nationale, en ce qui concerne le chômage, la retraite et, surtout, l’assurance maladie et les accidents du travail.

Bien entendu, la mise en place de la Caisse a dû tenir compte de contraintes spécifiques.

En France, on ne cotise qu’à partir d’un salaire minimum, il existe des cotisations sociales obligatoires et il est possible de vérifier les déclarations des cotisants. Rien de tout cela n’existe à l’étranger. Par conséquent, des revenus très faibles suffisent à faire perdre la qualité d’ayant droit, et certaines personnes doivent acquitter une cotisation du même ordre de grandeur que les revenus qu’elles ont perçus pour pouvoir continuer à être protégées… Pour les hauts revenus, à l’inverse, la Caisse des Français de l'étranger se trouve en concurrence avec les assurances privées. Enfin, pour des questions de souveraineté évidentes, la vérification des déclarations des cotisants est beaucoup plus complexe à l’étranger qu’elle ne l’est en France.

Pourtant, la Caisse des Français de l'étranger est à l’équilibre. Je ne sais pas comment évoluera le débat : la Caisse fera probablement l’objet de critiques et de remises en cause. En tout état de cause, je veux, pour ma part et compte tenu des contraintes que je viens d’évoquer, rendre hommage à une gestion qui, pendant toutes ces années, a permis à la Caisse d’être équilibrée.

Bien entendu, depuis 1984, un certain nombre de changements ont eu lieu dans le monde.

D'abord, le nombre de Français vivant hors de France a augmenté, le nombre de cotisants à la CFE ayant évolué de manière globalement corrélative, même si le taux de Français vivant hors de France qui sont cotisants ou sont ayants droit de la Caisse est resté un peu inférieur à 10 %.

Les exigences à l’égard de la médecine, laquelle, dans de plus en plus de pays, est toujours plus commerciale, ont elles aussi changé.

Depuis 1984, la coordination des régimes de protection sociale en Europe a également évolué, ce qui conduit bien naturellement à envisager la question de l’Europe, laquelle est au cœur de l’avenir de la Caisse des Français de l'étranger, que ce soit, d'ailleurs, pour les Français vivant dans l’Union européenne ou pour les ressortissants de l’Union européenne, dans leurs rapports avec la Caisse.

Enfin, pour des questions de souveraineté étatique et de sensibilité des États à la protection sociale, de plus en plus de pays n’acceptent plus que des étrangers travaillant sur leur territoire ne cotisent pas à leur propre régime de protection sociale. C’est ce que l’on a pu observer, ces toutes dernières années, en Turquie, en Chine ou aux États-Unis, où la mise en place de l’Obamacare a conduit un certain nombre de personnes auparavant affiliées à la Caisse des Français de l'étranger sans qu’elles aient à payer une autre assurance maladie à devoir choisir entre abandonner la Caisse et acquitter une double cotisation. J’ajoute, à ce sujet, que la non-adaptation de la Caisse des Français de l'étranger à l’Obamacare montre combien il est urgent de faire évoluer le système.

C’est aussi l’expatriation qui a évolué. En 1984, les personnes s’expatriaient pour accompagner les grandes entreprises. Aujourd'hui, les choses ont changé. Dans l’évolution de la population expatriée, deux grandes tendances se dessinent : d’un côté, des personnes, notamment des travailleurs indépendants, qui s’installent à l’étranger alors qu’elles sont encore très jeunes et, de l’autre, des retraités qui veulent passer leurs vieux jours à l’étranger.

Bien entendu, ces modifications changent profondément l’équilibre de la Caisse des Français de l'étranger, parce qu’il faut être prêt à la fois à répondre aux besoins de retraités s’affiliant à plus de soixante ans et être capable d’offrir aux jeunes des produits compétitifs compte tenu de leur pouvoir d’achat.

La protection des accidents du travail est la pépite de la Caisse des Français de l'étranger. Beaucoup de grosses entreprises, même parmi celles qui choisissent d’autres systèmes d’assurance maladie, font appel à la Caisse des Français de l'étranger pour cette protection, qui mériterait d’être encore plus exploitée, parce qu’elle est tout à fait spécifique.

En ce qui concerne l’assurance maladie, on constate que le nombre de cotisants est passé, entre 2007 et 2014, de 67 000 à 91 000 cotisants ; mais si l’augmentation a été de plus de 30 % pour les moins de soixante ans, elle a été de plus de 50 % pour les plus de soixante ans, si bien que l’âge moyen du cotisant a augmenté – il est aujourd'hui de quarante-sept ans. Il semblerait que l’âge à partir duquel le cotisant passe du statut de contributeur net à celui de bénéficiaire net soit de cinquante et un ans.

Cette évolution est bien entendu inquiétante, alors que, de manière quelque peu paradoxale, de plus en plus de jeunes Français vivent à l’étranger. Si la Caisse des Français de l'étranger était capable de répondre mieux aux besoins de ces plus jeunes, elle disposerait des outils pour garantir son équilibre à l’avenir.

J’ajoute, pour l’avoir vécu au début des années quatre-vingt-dix, que, lorsque les cotisations sont trop élevées par rapport à la richesse qu’un travailleur indépendant à l’étranger peut produire, ce dernier repoussera l’âge auquel il se met à cotiser, ce qui l’obligera ensuite à acquitter une rétroactivité de cotisations coûteuse et potentiellement problématique, selon sa situation du moment. C’est même une vraie difficulté pour les plus jeunes dont l’activité professionnelle présente un « trou ».

Compte tenu du fait que les remboursements de la Caisse s’établissent, aujourd'hui, sur la base du prix de journée, compte tenu de la nécessité de répondre aux besoins des jeunes, compte tenu de la situation des ayants droit et des questions posées par celle des adhérents tardifs, qui commencent à cotiser à la Caisse des Français de l'étranger alors qu’ils sont retraités, compte tenu également de la manière dont il convient de contrôler les déclarations pour éviter que la Caisse ne fasse l’objet de fraudes, il faut engager une réforme. Tout ce que je viens d’expliquer l’exige.

La manière dont la Caisse n’a pas répondu à l’enjeu de l’Obamacare, que j’évoquais tout à l’heure, montre qu’il y a urgence. D’ailleurs, monsieur Cadic, sans doute vous rappelez-vous le rapport publié par la Cour des comptes en 2010 !

L’évolution du monde que j’ai décrite au travers de mes remarques nécessite une évolution législative des principes encadrant le fonctionnement de la Caisse des Français de l'étranger. C'est la raison d’être de cette proposition de loi.

Paradoxalement, cette proposition de loi ne porte pas sur les sujets que j’ai développés : elle a pour objet de réformer le conseil d’administration de la Caisse. En effet, le renouvellement de la gouvernance doit être la première pierre de la réforme.

Aujourd'hui, le conseil d’administration est notamment composé de trois représentants de l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE, et de quinze représentants des assurés élus par l’Assemblée des Français de l’étranger.

Je rappelle que, jusqu’en 2013, l’Assemblée des Français de l’étranger comptait 155 membres élus directement par les Français dans une cinquantaine de circonscriptions. C’étaient les seuls élus des Français de l’étranger.

Aujourd'hui, 443 conseillers consulaires sont élus directement par les Français dans 130 circonscriptions. Il ne serait pas convenable de les exclure du choix des membres du conseil d’administration, alors que les 90 membres de l’Assemblée des Français de l’étranger sont désormais élus indirectement, sur la base de très grandes circonscriptions, avec une connaissance moindre de celles-ci. En effet, même s’ils sont conseillers consulaires, les conseillers de l’AFE n’ont pas les moyens de rayonner sur l’ensemble du territoire de leur circonscription.

Il ne serait pas sain, à un moment où la Caisse doit faire face à des évolutions importantes, de confier son avenir à des personnes finalement élues deux fois au scrutin indirect et sans lien direct avec l’ensemble des circonscriptions définies pour la représentation des Français de l’étranger. Ce serait un déni de démocratie. Nous avons les outils pour procéder autrement !

L’urgence est réelle. En effet, le conseil d’administration de la Caisse, élu en 2008, devait être renouvelé en 2014, mais il a sollicité un délai d’un an pour réfléchir à l’avenir de la Caisse. Au bout d’un an, nous n’avons rien vu venir, … ce qui ne nous a pas empêchés de travailler de notre côté.

C'est pour permettre à la Caisse des Français de l'étranger de faire face aux enjeux que nous avons déposé cette proposition de loi : un conseil d’administration renouvelé et représentatif pourra engager au mieux les réformes de fond exigées par le contexte que je viens de décrire et par les évolutions de la Caisse des Français de l'étranger et de l’expatriation.

Le dispositif que nous proposons est intéressant à plusieurs titres.

D'abord, je rappelle qu’auparavant l’élection des membres du conseil d’administration se faisait à la sortie d’une réunion à l’Assemblée des Français de l’étranger. En somme, il y avait une urne, deux listes, et l’on votait.

Avec l’élargissement de la base électorale des représentants des assurés aux 443 conseillers consulaires, répartis sur l’ensemble du monde, au moyen d’un vote électronique, le débat sur les orientations qu’il convient de donner à la Caisse deviendrait incontournable. Il y aurait donc une vraie campagne électorale, une vraie confrontation de projets.

D’ailleurs, depuis que j’ai indiqué que nous travaillions sur cette réforme et qu’une proposition de loi sur ce sujet serait examinée aujourd'hui au Sénat, j’ai été impressionné par le nombre de réactions de Français vivant à l’étranger. Ceux-ci attendent des évolutions de la Caisse des Français de l’étranger pour qu’elle réponde mieux à leurs besoins.

Avec ce conseil d’administration renouvelé et plus en adéquation avec les besoins du terrain, il s’agit de se doter d’un premier outil pour faire progresser la Caisse des Français de l’étranger.

Une question revient souvent : pourquoi ne pas faire élire les représentants des adhérents par les adhérents eux-mêmes ? La réponse est simple : en raison de l’exigence d’universalité et d’ouverture !

Il s’agit d’une caisse facultative, sans obligation de cotisation : ce sont ceux qui ont choisi d’aller vers cette caisse – parce qu’ils ont les moyens de cotiser – qui cotisent aujourd’hui et qui cotiseront aussi demain. Par conséquent, si nous devions faire élire le conseil d’administration exclusivement par des gens ayant déjà les moyens de cotiser, le conseil d’administration finirait par défendre les intérêts des adhérents et ne serait plus animé de la volonté farouche qu’il convient d’avoir pour que la caisse soit, dans le respect de son équilibre, ouverte à un maximum de Français vivant à l’étranger.

C'est la raison pour laquelle, compte tenu de l’exigence d’universalité, il convient de conserver au conseil d’administration une base électorale reposant non pas sur les adhérents, mais sur l’ensemble des élus des Français de l’étranger.

La mesure visant à supprimer l’un des postes dévolus au MEDEF a fait couler beaucoup d’encre dans certains milieux : nous aurions commis un crime ! Sachez toutefois qu’après un an le MEDEF n’a toujours pas nommé son second représentant au conseil d’administration. Nous parlons donc d’un crime très virtuel…

Le but de cette mesure n’est d’ailleurs pas de retirer une place au MEDEF, dont le rôle est essentiel dans la gestion des organismes de sécurité sociale, mais d’en accorder une aux chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger qui sont les seules à véritablement connaître les entreprises sur le terrain.

Nous proposons donc que la représentation de ces chambres à l’étranger puisse nommer un représentant qui sera non seulement impliqué dans la gestion de la Caisse, mais aussi capable de promouvoir les produits de la CFE dans toutes les chambres de commerce, ce qui n’est aujourd’hui clairement pas le cas.

J’ai eu plusieurs fois l’occasion de constater que nous n’informions qu’au cas par cas les conseils d’administration des différentes chambres de commerce à l’étranger des évolutions de la Caisse et de ses produits . De ce point de vue, l’ouverture aux chambres de commerce est une nécessité.

Cette proposition de loi est l’un des deux éléments permettant de répondre à l’ensemble des questions que je viens d’évoquer. Elle traite du problème du conseil d’administration de la Caisse, c’est-à-dire de sa gouvernance. Au regard de la démocratie et de l’avenir de la CFE, il est urgent que cette dernière s’appuie sur un conseil d’administration à la fois renouvelé et représentatif. Seule une évolution rapide, avant le prochain renouvellement du conseil d’administration, permettra de répondre à ce défi.

Le second élément réside dans la mission commune confiée conjointement à l’Inspection générale des affaires sociales et à l’Inspection générale des finances. Cette mission a vocation à travailler aux évolutions survenues depuis 1984 et aux enjeux actuels de la protection sociale à l’étranger. Ses conclusions permettront de valider en partie les réflexions tenues dans différents cercles sur les évolutions législatives relatives au fonctionnement de la Caisse qu’il convient de mettre en œuvre et qui ne font pas l’objet de cette proposition de loi.

Il est essentiel, en termes tant d’efficacité que de démocratie, que le conseil d’administration soit élu sur des bases démocratiques et représentatives. Il sera alors pleinement légitime à travailler sur les conclusions de la mission conjointe de l’IGAS et de l’IGF et à s’exprimer sur les évolutions qui lui semblent nécessaires. Tel est l’objet de cette proposition de loi.

Il s’agit d’un devoir que nous partageons tous. La Caisse des Français de l’étranger est un outil de mobilité. J’aperçois dans l’hémicycle notre collègue Jacky Deromedi, qui écrit, dans chacune de ses lettres : « la France qui gagne est résolument internationale ». C’est la vérité !

Mais pour cela, il faut préserver et adapter cet outil de mobilité. Il faut donc permettre à l’ensemble des représentants des Français de l’étranger de participer aujourd’hui à la réflexion sur ces évolutions. Or cela ne pourra se faire qu’en adoptant cette proposition de loi : le renouvellement du conseil d’administration sur des bases démocratiques – un conseil d’administration représentant l’ensemble des Français de l’étranger, un conseil d’administration élu par l’ensemble des élus des Français de l’étranger – permettra d’aborder sereinement la question de la réforme de fond de la Caisse des Français de l’étranger et les indispensables évolutions législatives.

C'est la raison pour laquelle je vous invite à voter cette proposition de loi. Je demande à ceux qui voudraient supprimer un article ou un autre de prendre le temps de la réflexion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Construire les outils nécessaires à une réflexion transpartisane…

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Peut-être aurait-il fallu proposer un texte qui ne soit pas partisan !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

… qui nous permette de faire évoluer ce joyau de la mobilité de nos entreprises et de nos concitoyens est une cause d’intérêt national, d’intérêt majeur pour les Français.

Je remercie ceux qui défendront, dans la discussion générale, cette proposition de loi et invite mes collègues, dont je sais qu’ils réfléchissent encore, à aller au bout de leur réflexion et à avoir l’intelligence de changer d’avis.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Eric Jeansannetas

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en première analyse, l’objet de la proposition de loi aujourd’hui soumise à notre examen est très simple : il s’agit de prévenir, dans une certaine urgence, ce que nous pourrions appeler un « dommage collatéral législatif ».

La loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France a profondément revu le mode de représentation de nos compatriotes à l’étranger en créant un niveau de représentation de proximité, le conseil consulaire, élu au suffrage universel direct par les Français inscrits sur les listes électorales consulaires.

Les conseillers consulaires élisent à leur tour les membres de l’Assemblée des Français de l’étranger. L’élection des membres de l’AFE se fait donc désormais au suffrage indirect et, pour tenir compte de l’existence d’une représentation de premier niveau, leur nombre a été réduit de 155 à 90 membres.

Cette réforme a un double effet direct sur le conseil d’administration de la CFE, les représentants des assurés étant élus par les membres de l’Assemblée des Français de l’étranger : le corps électoral est mécaniquement réduit de 155 à 90 membres et un niveau supplémentaire s’est intercalé entre les électeurs et leurs représentants.

En prévoyant une élection des représentants des assurés au conseil d’administration de la Caisse par les 443 conseillers consulaires issus des élections du 25 mai 2014, la proposition de loi rétablit un suffrage universel indirect au second degré et élargit le corps électoral des représentants des assurés.

J’ajoute que les conseillers consulaires sont, au niveau local, compétents sur les questions de protection sociale.

Les dernières élections s’étant déroulées en 2008 pour un mandat de six ans, une élection aurait dû avoir lieu à l’automne 2014. Le Gouvernement a cependant prolongé par décret la durée du mandat des administrateurs de la CFE pour un an, le temps que les conséquences de la loi du 22 juillet 2013 puissent être tirées.

Les prochaines élections au conseil d’administration de la CFE devraient donc intervenir à l’automne. En l’absence de réforme, comme je l’indiquais, le corps électoral se trouverait réduit de 155 à 90 membres avec une élection au suffrage doublement indirect. Tel est l’enjeu principal de ce texte.

Cette proposition de loi procède également à quelques modifications ponctuelles : elle simplifie la représentation des assurés, attribue un des deux sièges des employeurs à un représentant du réseau des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger et revoit le mode d’élection du président qui serait élu, en son sein, par le conseil d’administration – comme actuellement, mais parmi les seuls représentants des salariés actifs.

Plus ponctuellement, le texte vise à transposer aux administrateurs de la CFE les règles applicables aux membres des conseils d’administration des caisses du régime général de sécurité sociale, ce qui a principalement pour effet d’instaurer une limite d’âge de soixante-cinq ans qui n’est pas applicable aux administrateurs pensionnés et cotisants à la Caisse.

La modification apportée par ce texte au corps électoral des représentants des assurés me semble la bienvenue. Je ne pense pas que l’intention du législateur de 2013 était de réduire la base électorale des administrateurs de la Caisse.

Debut de section - PermalienPhoto de Eric Jeansannetas

Sur le plan des équilibres politiques, il n’en résulterait pas plus de bouleversements que la mise en œuvre de la loi de juillet 2013 n’en a apporté au sein de l’Assemblée des Français de l’étranger.

De la même manière, la simplification de la représentation des assurés et la désignation d’un représentant du réseau des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger ne m’ont pas paru soulever de difficultés particulières.

En revanche, sans aller jusqu’à une représentation paritaire patronat-syndicat, comme c’est le cas au sein des caisses du régime général, il me semblerait souhaitable de prévoir une légère augmentation des représentants des employeurs, dont l’implication est souhaitée. C’est pourquoi j’avais proposé que le siège correspondant soit pris aux inactifs, lesquels, pour le coup, sont surreprésentés.

Avec l’objectif de rapprocher les règles de fonctionnement du conseil d’administration des conditions de droit commun, j’ai proposé de maintenir le principe selon lequel le président est élu en son sein, sans restriction aux seuls salariés actifs. Il me paraît difficile en effet de rendre près de la moitié du conseil d’administration inéligible à ce mandat.

J’évoquais, au début de mon intervention, une certaine urgence : il est peu probable que le processus législatif parvienne à son terme et que les décrets nécessaires soient pris avant l’échéance du mois d’octobre.

La mise en œuvre de ce texte supposerait par conséquent qu’un décret prolonge une nouvelle fois le mandat du conseil d’administration actuel de la Caisse, ce qui permettrait au processus législatif de suivre sereinement son cours et, le cas échéant, de mettre en place une réforme plus globale.

Sur un éventuel nouveau décret de prorogation du mandat des administrateurs de la Caisse, madame la secrétaire d’État, il nous serait particulièrement utile de connaître votre position.

La commission des affaires sociales a bien voulu adopter les amendements que je lui proposais, autour desquels nous aurions pu, me semble-t-il, bâtir un consensus. Elle n’a cependant pas souhaité adopter le texte ainsi modifié.

Il est vrai que ce texte n’épuise pas le sujet de la CFE. Qu’il s’agisse de son offre de services ou de la clarification de sa place dans la protection sociale des Français de l’étranger, le débat est ouvert. Le positionnement de la Caisse est en effet très particulier en raison de son statut hybride qui emprunte à la fois aux caisses du régime général de sécurité sociale et aux assurances privées intervenant sur un marché concurrentiel.

Sur ces différents points, une mission conjointe de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances est en cours depuis le mois de février dernier. Elle devrait rendre ses conclusions très prochainement ; nous aurons peut-être à en examiner les conséquences législatives.

Dans l’immédiat, compte tenu des questions de calendrier, cette proposition de loi apportait à une question ponctuelle une réponse ponctuelle. Je regrette que nous n’ayons pu aboutir sur ce point.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la communauté française à l’étranger ne cesse de s’agrandir. Aujourd’hui, plus de 1 680 000 Français sont inscrits au registre des Français établis hors de France.

Au-delà des inscrits, on estime de 2 à 2, 5 millions le nombre total de Français établis hors de notre territoire, de manière permanente ou quasi permanente.

Nos expatriés sont un atout et une richesse. Ils font vivre le lien entre la France et le reste du monde. Ils sont des relais d’influence pour notre culture, notre langue, nos savoirs et nos savoir-faire. Ils sont aussi des acteurs de notre diplomatie économique, indispensables au développement international de nos entreprises.

Le devoir du Gouvernement est d’accompagner ces Françaises et ces Français pour leur garantir la sécurité : non seulement en cas de menaces ou d’attaques, mais également face aux aléas de la vie, en consolidant leur droit à une protection sociale.

À cet effet, la France a signé quarante et un accords bilatéraux de sécurité sociale et œuvré pour la coordination européenne dans ce domaine.

En l’absence de coordination ou en cas de coordination incomplète, la Caisse des Français de l’étranger, créée par la loi du 31 décembre 1976, permet aux Français établis hors de France de bénéficier d’assurances facultatives équivalentes à celles du régime général. Elle propose à tous les Français expatriés une protection sociale couvrant tous les risques.

La CFE est un organisme de droit privé investi d’une mission de service public et régi par le code de la sécurité sociale. Le nombre de personnes couvertes n’a cessé de croître depuis la création de cet organisme : on compte aujourd’hui plus de 100 000 adhérents et à peu près autant d’ayants droit. L’adhésion est massivement le fait des entreprises, qui la considèrent comme un avantage dans la gestion des carrières de leurs salariés.

Près de quarante ans après sa création, la CFE doit se moderniser. La Cour des comptes a mis en lumière cette nécessité dans un rapport de 2010. Dès aujourd’hui, nous pouvons faire évoluer la gouvernance de la CFE, d’une part pour prendre en compte les évolutions introduites par la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France, d’autre part pour mieux la rapprocher des autres caisses de sécurité sociale.

C’est pourquoi le Gouvernement apporte son soutien à cette proposition de loi présentée par les membres du groupe socialiste et républicain.

La gouvernance de la CFE doit être réformée pour tenir compte de la réforme de la représentation des Français de l’étranger introduite par la loi du 22 juillet 2013.

Le Gouvernement a démontré dès 2012 sa volonté d’entretenir un lien fort entre la France et ses expatriés. Avec la loi du 22 juillet 2013, il a établi une « démocratie de proximité » pour mieux représenter les Français de l’étranger.

Tout d’abord – cela vous concerne particulièrement, mesdames, messieurs les sénateurs –, il a amélioré la représentativité du collège élisant les douze sénateurs et sénatrices des Français établis hors de France. Ces sénateurs et sénatrices – j’insiste ! – sont désormais élus par l’ensemble des 443 conseillers consulaires auxquels s’ajoutent 65 délégués. Le 28 septembre 2014 se sont tenues les premières élections sénatoriales avec ce collège électoral élargi.

Ensuite, il a créé des conseils consulaires pour être au plus près des Français expatriés. Les conseillers consulaires sont élus au suffrage universel direct par les Français de la circonscription consulaire : 443 conseillers consulaires ont ainsi été élus les 24 et 25 mai 2014 dans 130 circonscriptions. Ils se sont réunis pour la première fois en juin 2014. Ils sont aujourd’hui les interlocuteurs directs des Français expatriés pour toutes les questions consulaires, mais aussi pour toutes les questions de protection sociale.

Ces nouveaux conseillers consulaires jouissent d’une légitimité forte. Ils constituent un nouvel échelon de représentation, plus proche.

La CFE ne peut rester étrangère à cette évolution. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui permettra peut-être de faire des conseillers consulaires les piliers de la gouvernance de la CFE.

En effet, le texte élargit la base électorale des représentants des assurés à l’ensemble de ces 443 conseillers consulaires. Il s’agit ainsi de ne plus prendre en compte les seuls membres de l’Assemblée des Français de l’étranger.

Je veux par ailleurs rappeler que, voilà un an, les mandats des administrateurs de la CFE ont été prorogés jusqu’en décembre 2015, afin, justement, de s’adapter aux évolutions introduites par la loi de 2013. Je répondrai à votre question tout à l’heure, monsieur le rapporteur.

Pour accompagner ce mouvement vers plus de proximité, la proposition de loi prévoit par ailleurs la possibilité du recours au vote électronique, pour permettre aux conseillers consulaires de participer plus facilement à l’élection des représentants des assurés du conseil d’administration de la caisse. En cas d’un tel recours, les garanties légales telles que le respect de la loi informatique et libertés et le secret du vote s’imposeront à la CFE.

La gouvernance de la CFE doit aussi s’inscrire dans le mouvement de modernisation engagé par les caisses de sécurité sociale.

Tout d’abord, cette gouvernance doit répondre aux exigences de parité. Je sais combien votre vénérable assemblée est sensible à ces questions.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

Il y a quinze ans, le 6 juin 2000, la première loi sur la parité était promulguée. Ce gouvernement a porté une nouvelle étape décisive en la matière, avec la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui permet d’assurer une égale représentation des femmes et des hommes dans la société, en politique, au sein des fédérations sportives, des établissements publics et des chambres locales de commerce et d’industrie, des autorités administratives indépendantes et des ordres professionnels.

L’article 75 de cette loi impose qu’un minimum de 40 % de personnes de chaque sexe soit désigné au sein des conseils d’administration des caisses nationales du régime général.

Avec la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui, la Caisse des Français de l’étranger sera elle aussi amenée à respecter cette exigence de parité.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

Ensuite, la proposition de loi vise à instaurer, comme pour le régime général, une limite d’âge pour l’ensemble des administrateurs de la CFE et rappelle l’exigence d’absence de condamnation pénale.

Enfin, la proposition de loi prévoit d’introduire une plus grande diversité dans les entreprises représentées à la tête de la CFE. Elle introduit en effet une nouvelle catégorie d’administrateurs désignés représentant le réseau des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger, en remplacement d’un des deux représentants employeurs. Ce faisant, les représentants des petites et moyennes entreprises auront plus de visibilité.

Au-delà de la réforme de la gouvernance, nous devons mener une réflexion plus large sur la CFE : son positionnement juridique au regard des différentes législations sociales, dans le cadre aussi bien des conventions bilatérales que des règlements européens, a besoin d’être clarifié.

C’est pourquoi la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Mme Marisol Touraine, a mandaté l’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale des finances pour une mission relative à la CFE. L’objectif est de dresser un état des lieux complet de la gestion des assurances volontaires des expatriés confiées à la CFE et de questionner la pertinence de son modèle particulier au sein de la sécurité sociale. Les conclusions de ce rapport nous seront remises en juillet prochain.

Cette proposition de loi est donc une première étape. Si elle est adoptée, la réforme de la gouvernance créera les conditions d’une réforme plus ambitieuse de la CFE.

Mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, vous avez donc l’avenir de la Caisse des Français de l’étranger en main, puisque vous déciderez aujourd'hui comment se dérouleront les prochaines élections de son conseil d’administration. Votre vote et votre choix seront pris en compte par Mme Touraine.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la Caisse des Français de l’étranger a été créée pour offrir une protection sociale aux expatriés permettant de pallier les insuffisances des couvertures offertes par les systèmes étrangers de sécurité sociale.

Elle a été conçue comme une caisse de sécurité sociale régie par les mêmes règles d’organisation et de gestion que les caisses d’assurance maladie du régime général.

La CFE offre à ses adhérents volontaires la protection de l’assurance maladie du régime général, dont elle doit appliquer les règles, sous réserve d’aménagements prévus par la réglementation : absence de sélection des risques, respect des conditions d’octroi et de calcul des prestations.

La loi a également posé le principe de la continuité de protection entre les régimes obligatoires français et cette assurance volontaire. En contrepartie, la CFE est soumise à la tutelle de l’État.

Un rapport de 2010 de la Cour des comptes a mis en évidence la nécessaire évolution du statut et des règles de fonctionnement de la caisse : « La CFE constitue historiquement un organisme de sécurité sociale et continue d’assurer des missions qui peuvent être assimilées à une mission de service public, en offrant une couverture sociale à l’ensemble des Français expatriés, sans sélectionner les risques et en faisant dépendre leur niveau de cotisation de leurs revenus.

« Néanmoins, la caisse a progressivement, dans un contexte de concurrence avec les assureurs privés, développé des modalités d’intervention qui tendent à l’éloigner des organismes de sécurité sociale et à la rapprocher d’un assureur privé. »

Vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, une mission conjointe de l’IGAS et de l’IGF est en cours. Elle a pour objet une évaluation des performances, du rôle, de la nature et du périmètre des actions de la CFE.

Chacun peut comprendre que nous souhaitions attendre de connaître les conclusions du rapport de l’IGAS et de l’IGF avant de nous prononcer sur l’opportunité de modifier la structure du conseil d’administration, comme le prévoit l’article 1er de la proposition de loi visant à réformer la gouvernance de la Caisse des Français de l’étranger.

La CFE est administrée par un conseil d’administration, dont la composition diffère de celle des caisses de base du régime général, puisqu’elle comprend 21 membres, dont 18 sont élus par l’Assemblée des Français de l’étranger.

Le conseil d’administration de la caisse est présidé depuis sa création, en 1985, par le sénateur Jean-Pierre Cantegrit. Sous sa conduite, la caisse a toujours présenté des comptes à l’équilibre, ce qui mérite d’être souligné. En réponse à l’attente, voilà quelques années, des élus de l’Assemblée des Français de l’étranger, M. Cantegrit a su mettre en œuvre, avec une rare efficacité, un contrôle externe de la caisse.

Peu de caisses de sécurité sociale peuvent se prévaloir de comptes certifiés sans réserve. Il me paraît donc justifié de rendre hommage à l’action de ce conseil d’administration et de son président.

À la suite de la réforme de la représentation des Français de l’étranger introduite par la loi de juillet 2013, l’Assemblée des Français de l’étranger est passée de 155 membres à 90 membres.

Vouloir élargir le collège électoral pour l’élection des membres du conseil d’administration de la CFE peut répondre à une préoccupation légitime, le nombre de grands électeurs ayant diminué. Dans ce cas, pourquoi se limiter aux seuls conseillers consulaires et ne pas reprendre le collège électoral prévu pour l’élection des sénateurs établis hors de France, …

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

… qui intègre non seulement les délégués consulaires, mais aussi les parlementaires des Français de l’étranger ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Tout est possible ! Mais il faut agir, monsieur Cadic !

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Hélène Conway-Mouret, ministre chargée, à l’époque, de la réforme, n’a pas pris en compte cette question. Pourtant, le besoin avait été souligné lors des débats préparatoires, et j’espère qu’on le rappellera. Pourquoi vouloir, dans l’urgence, comme le prévoit l’article 2 du texte, modifier un corps électoral à quelques semaines de l’élection d’un nouveau conseil d’administration ? Ne trouvez-vous pas cette précipitation suspecte ? (M. Richard Yung s’exclame.)

Par ailleurs, un vote électronique pour quelques centaines d’électeurs éparpillés aux quatre coins du monde nécessite une sérieuse préparation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Robert del Picchia est spécialiste de ces questions !

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Cette option n’avait pas été retenue lors de l’élection sénatoriale. Le seul vote à l’urne avait déjà demandé la mobilisation de l’ensemble des représentations consulaires. Là encore, la précipitation avec laquelle vous semblez vouloir agir est incompréhensible.

Les débats sur la représentation des Français établis hors de France nous avaient permis de pointer toutes les lacunes du nouveau dispositif.

Comme je l’ai évoqué lors de la dernière campagne sénatoriale, en compagnie de Mme Jacky Deromedi et de M. Christophe-André Frassa

Ah ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

L’absence de compétences tangibles attribuées aux élus, la baisse significative des indemnités pour accomplir leur mandat, la création d’un nouvel échelon intermédiaire d’élus ne pouvant siéger à l’AFE, un charcutage électoral sans précédent à l’étranger, une élection à l’AFE au scrutin indirect selon des règles incompréhensibles pour l’électeur : autant de décisions qui démontrent que la réforme a été bâclée.

Au final, la réforme fait subir à la représentation des Français de l’étranger un « choc de complication ». La présente proposition de loi en débat ce jour le démontre une nouvelle fois.

Je vous propose, quant à moi, un choc de simplification.

Ah ! sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Nous souhaitons attendre les conclusions du rapport de l’IGAS et de l’IGF. Organisme de sécurité sociale, mutuelle, assurance privée : nous verrons leurs préconisations sur l’avenir de la CFE. Il sera bien temps d’adapter ensuite la gouvernance de la CFE.

Dès lors, comme on le dit en bon français, ne mettons pas la charrue avant les bœufs !

Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Cantegrit

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les Français résidant à l’étranger bénéficient de plusieurs structures d’appui : un réseau consulaire, des établissements d’enseignement, des associations, dont deux reconnues d’utilité publique – l’Union des Français de l’étranger et l’Association démocratique des Français de l’étranger –, et une caisse de sécurité sociale. Seules la France et, dans une moindre mesure, la Belgique ont d’ailleurs créé une telle structure pour les expatriés.

Il est important de rappeler que les règles qui définissent la CFE sont fixées par l’autorité publique française. Sa mission principale est d’assurer et de protéger les Français de l’étranger en leur garantissant une couverture sociale minimale. Pour cela, elle propose de couvrir trois risques pendant leur expatriation : accidents du travail, maladie-maternité, vieillesse. Je tiens à préciser que, pour ce dernier risque, la CFE joue uniquement un rôle d’interface avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse.

En outre, son adhésion est ouverte à tous les expatriés : salariés, travailleurs indépendants, personnes sans activité, étudiants, retraités. C’est une caisse dont les adhérents sont volontaires.

La CFE telle qu’elle existe aujourd’hui s’est bâtie en plusieurs étapes, dont deux me paraissent particulièrement importantes et méritent que l’on y revienne quelques instants.

Après les travaux de la commission Bettencourt, notre ancien collègue, qui ont abouti à la loi du 31 décembre 1976, première loi créant des assurances sociales spécifiques pour les Français résidant à l’étranger, l’année 1978 marque le véritable point de départ de la CFE : pour la première fois, les salariés français de l’étranger accèdent à la sécurité sociale.

Par la suite, après plusieurs évolutions législatives successives, la loi Bérégovoy du 13 juillet 1984, dont je m’honore d’avoir été le rapporteur au Sénat, marque la création d’une caisse autonome de sécurité sociale dite « caisse des Français de l’étranger ». Cette création a permis à tous les Français de l’étranger, quel que soit leur statut, d’accéder à la couverture maladie.

S’agissant des spécificités de la CFE, j’en retiendrai trois.

La première – je l’ai indiqué au début de mon propos – tient au volontariat. En effet, l’adhésion à cette caisse est volontaire, alors que le principe général en matière de sécurité sociale est le caractère obligatoire.

La deuxième spécificité est l’absence de monopole, contrairement à ce qui existe pour les caisses métropolitaines. Cela oblige la CFE à rechercher des adhérents.

La troisième est l’autonomie financière. La CFE n’est pas intégrée, sur le plan financier, au régime général ; elle doit équilibrer son budget avec les cotisations de ses seuls adhérents. Permettez-moi de souligner qu’elle y est toujours parvenue depuis sa création, ce qui en fait une exception dans le monde de la sécurité sociale. Son conseil d’administration a su prendre les mesures nécessaires pour maintenir cet équilibre. Ses comptes sont certifiés par le cabinet Mazars, important cabinet d’expertise-comptable, sans qu’aucune réserve ait été formulée pour les années 2012, 2013 et 2014, ce qui n’est pas le cas de toutes les caisses de sécurité sociale métropolitaines. Je remercie d’ailleurs M. Olivier Cadic de l’avoir rappelé dans son intervention.

Par ailleurs, afin de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens expatriés, la CFE a su s’adapter en développant des partenariats avec les assureurs complémentaires. En effet, la CFE remboursant les soins dans la limite des tarifs français, l’intervention d’un assureur ou d’une mutuelle est souvent nécessaire. Notons que cette règle est aussi vraie sur le territoire français. Des partenariats ont donc été mis en place, fondés sur la création d’un guichet unique réunissant les deux intervenants pour éviter les multiplications des démarches des assurés.

J’en viens à la question de la gouvernance. Le conseil d’administration de la CFE est composé de 21 membres, dont 18 sont élus par l’Assemblée des Français de l’étranger – ce sont donc des femmes et des hommes de terrain connaissant personnellement les réalités de l’expatriation –, deux membres représentent les employeurs, le MEDEF – ces derniers représentent avec leurs salariés près de 50 % des adhérents de l’assurance maladie-maternité et encore plus pour les accidents du travail et maladies professionnelles ; nous sommes donc loin de la parité employeurs-salariés de certaines caisses métropolitaines–, et un dernier membre est désigné par la Fédération nationale de la mutualité française, la FNMF.

Permettez-moi, madame la secrétaire d’État, de faire une remarque liminaire. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 22 mai 2014, a indiqué que les dispositions relatives au renouvellement des membres des conseils d’administration des organismes de sécurité sociale ont un caractère réglementaire. Cela vous donne beaucoup de possibilités ; vous en avez d’ailleurs déjà saisi.

Par ailleurs, je tiens à souligner que j’ai sollicité à plusieurs reprises la modification des conventions bilatérales de sécurité sociale existantes, afin que l’adhésion à la CFE permette l’exemption d’affiliation au système de sécurité sociale de l’État d’accueil, lequel, dans de nombreux cas, ne convient pas à nos compatriotes.

Madame la secrétaire d’État, une mission menée conjointement par l’IGAS et l’IGF sur l’activité et les conditions d’intervention de la CFE est en cours. Les conclusions de cette mission pourraient avoir des conséquences substantielles sur le statut et les actions, voire sur la gouvernance de la CFE. Ces deux inspections sont en effet chargées d’étudier de façon prospective, sur la base d’un bilan de l’action menée par la CFE et d’une évaluation de ses performances, le rôle, la nature et le périmètre de ses missions.

Cette étude porte sur plusieurs axes : « clarifier le positionnement de la CFE au sein de la sécurité sociale, notamment au regard des règles des législations de sécurité sociale aux niveaux à la fois européen, dans le cadre des règlements [communautaires], et international, dans le cadre des accords de sécurité sociale » ; « tirer les conséquences de ce positionnement sur le plan du droit de la concurrence ainsi que sur la pertinence actuelle du modèle, à mi-chemin entre caisse de sécurité sociale et assureur privé » ; « étudier les axes d’amélioration de la gestion des risques financiers et du cadre législatif et réglementaire relatif à l’équilibre de la caisse » ; « vérifier si l’offre de la CFE est adaptée à l’environnement international » ; étudier l’opportunité et la pertinence, au regard de leur coût, de différentes mesures, comme l’élargissement des « conditions d’affiliation à l’assurance volontaire retraite pour les assurés maladie de la CFE n’ayant pas eu d’activité suffisante en France » ou encore la possibilité pour la CFE de rembourser des soins hospitaliers préalablement négociés et non plus sur la base d’un prix de journée.

Vous constatez comme moi qu’il s’agit d’une étude d’une très grande ampleur.

Mardi dernier, après avoir présidé le conseil d’administration de la CFE, nous avons inauguré le second bâtiment de cette caisse. Beaucoup de sénateurs représentant les Français établis hors de France y ont d’ailleurs participé, ce dont je les remercie. Dans son discours, la représentante du ministère des affaires sociales, d’ailleurs ici présente, a évoqué l’important rapport confié à l’IGAS et à l’IGF, lequel ne sera remis qu’à la fin du mois de juillet ou au début du mois d’août.

Il m’apparaît donc que cette proposition de loi est prématurée et que les importantes modifications qu’elle est susceptible d’apporter la rendent inopportune, en l’absence du rapport de l’IGAS et de l’IGF.

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements visant à supprimer les trois articles de ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la question de la représentation des Français de l’étranger est aussi ancienne que la Révolution française.

Elle a connu de nombreuses évolutions législatives. La dernière en date, la loi de juillet 2013, a réformé en profondeur – cela a été rappelé à plusieurs reprises – la représentation de nos concitoyens établis à l’étranger. Si, auparavant, ces derniers élisaient les 155 conseillers au sein de l’Assemblée des Français de l’étranger, la loi a créé les conseillers consulaires, au nombre de 443, élus au suffrage universel direct dans le cadre de 15 circonscriptions consulaires, afin de favoriser l’émergence d’élus de proximité. Le terme « proximité » requiert, dans ce cas, une vision des choses assez large… Ces conseillers élisent désormais, en leur sein, les 90 membres chargés de siéger au sein de l’AFE.

Cette évolution représente une réelle avancée démocratique. Je profite d’ailleurs de cette intervention pour saluer Kalliopi Ango Ela, qui fut la chef de file du groupe écologiste lors de l’examen de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cette réforme a eu comme conséquence indirecte de bouleverser l’organisation de la Caisse des Français de l’étranger. Cet établissement, créé par la loi du 31 décembre 1976, a pour but d’assurer et de protéger les Français de l’étranger en leur garantissant une couverture sociale. Elle est actuellement dirigée par un conseil d’administration composé de 21 membres, dont 18 sont élus par l’Assemblée des Français de l’étranger.

Avec l’adoption de la loi de 2013, ces membres du conseil d’administration de la CFE se retrouveront de fait élus au troisième degré, ce qui est assez peu démocratique, comme l’a peu ou prou reconnu M. Cadic. De plus, les représentants principaux des Français de l’étranger sont désormais les conseillers consulaires et non plus les membres de l’AFE ; il est donc illogique que ces derniers continuent à élire des représentants au sein de la Caisse des Français de l’étranger.

C’est pour répondre à ces questions que Jean-Yves Leconte présente cette proposition de loi. La mesure phare de ce texte est de donner pouvoir aux conseillers consulaires, et non aux membres de l’AFE, pour élire les administrateurs de la CFE.

Il s’agit d’une évolution logique et souhaitable, que les écologistes soutiendront.

En plus de cette mesure, il est également proposé de davantage intégrer le réseau des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger, en leur permettant de désigner des administrateurs au sein de la CFE. La proposition de loi introduit aussi la parité dans la constitution des listes de candidature à l’élection des représentants des assurés pour plus d’égalité entre les Françaises et les Français, même à l’étranger. Elle instaure, enfin, une limite d’âge pour les administrateurs et précise que le président du conseil d’administration est un assuré actif, élu au sein du conseil parmi les représentants des assurés.

Toutes ces mesures concrètes vont dans le sens de plus de démocratie et de plus de parité.

Il y a urgence à légiférer au plus vite puisque l’élection des représentants des assurés est prévue pour octobre 2015. Sans ce texte, la légitimité de ces élus s’en trouverait fortement amoindrie.

Quelle est la divergence ? Nous ne sommes pas convaincus par les amendements de suppression, déposés au motif qu’il nous faudrait attendre les résultats d’une mission de l’IGAS et de l’Inspection générale des finances sur le sujet. En effet, il nous semble que cette mission rendra son rapport uniquement sur les questions touchant à l’activité et non à la gouvernance de la CFE. Il suffit pour s’en assurer de consulter la lettre de mission signée par Bercy et par le ministère des affaires sociales en février de cette année. Comme visiblement il y a là une différence d’interprétation – l’orateur précédent l’a dit –, pourriez-vous, madame la secrétaire d’État, nous donner davantage d’informations sur ce point et préciser quelle est cette mission ?

En conclusion, le groupe écologiste salue le travail effectué par notre collègue Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Sa proposition de loi apporte les évolutions législatives indispensables pour que les Français de l’étranger soient correctement représentés au sein de leur caisse de sécurité sociale. Aussi, vous l’aurez compris, les écologistes voteront en faveur de ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi tendant à réformer les organes dirigeants de la Caisse des Français de l’étranger constitue, pour la plupart des membres de notre assemblée, l’occasion de constater qu’il existe un organisme dont la mission est de s’assurer de la couverture sociale de nos compatriotes – souvent au demeurant des binationaux – vivant à l’étranger.

Rappelons cependant rapidement que la Caisse des Français de l’étranger n’est pas un régime de sécurité sociale obligatoire et qu’elle procède, en grande partie, comme une société d’assurance maladie complémentaire.

Sa gestion est assurée par un conseil d’administration jusqu’à présent élu, sur listes, par les seuls membres élus de l’Assemblée des Français de l’étranger. Ceux-là mêmes qui désignent, une fois tous les trois ans, la moitié de nos collègues représentant les Français de l’étranger.

Mais les choses ont changé – nul ne l’ignore ! En effet, comme chacun le sait, le corps électoral élisant nos collègues sénateurs s’est singulièrement accru, puisque les délégués et conseillers consulaires, élus dans chaque circonscription, participent désormais à cette élection.

L’objectif de la proposition de loi est donc, en grande partie, de faire en sorte que le corps électoral désignant les membres de la caisse de sécurité sociale soit le plus proche possible de celui qui participe à l’élection sénatoriale. Un choix qui semble s’imposer d’autant plus que le renouvellement du conseil d’administration a pris du retard, en l’attente d’une « réforme » plus importante de l’organisme.

J’observe, et mon groupe avec moi, que nos collègues membres de la majorité sénatoriale semblent très bien s’accommoder de l’état des choses puisqu’ils nous proposent, au travers de leurs amendements, de ne rien changer à l’existant, dans l’attente de la remise du rapport conjoint IGF–IGAS sur cette caisse.

Notons, d’ailleurs, que la situation financière plutôt positive de la Caisse semble autant liée à la qualité de sa gestion qu’au nombre relativement réduit de ses cotisants et ayants droit.

Reconnaissons qu’un organisme de protection sociale dont les cotisations sont fixées en référence au montant des cotisations de couverture maladie volontaire du régime général de sécurité sociale ne peut être a priori dans une situation financière délicate, puisque les adhérents de la Caisse des Français de l’étranger ne présentent pas tout à fait la situation moyenne de nos compatriotes expatriés.

Par conséquent, pour nos collègues de la majorité, il est urgent d’attendre et de ne rien changer au mode de fonctionnement de la Caisse, la situation financière étant saine. Oc c’est précisément parce que la gestion semble saine et que la norme des choses veut que, de temps à autre, on accepte de voir cette gestion soumise à l’avis des électeurs qu’il nous paraît nécessaire d’adopter la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui.

Si nous ne sommes pas capables d’adopter, parce que le texte provient de la minorité du Sénat, une proposition de loi qui ne fait que traduire quant au fond un certain « parallélisme des formes » avec l’existant en matière de droit électoral, cela pose question.

Supprimer un à un les articles du texte qui nous est proposé aux fins de pousser à l’adoption d’une « coquille vide » en lui opposant, comme cela est encore le cas aujourd’hui, la loi implacable de la majorité, montre le peu de cas que l’on peut faire ici de l’activité parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Nous le regrettons, car le problème qui nous est posé dépasse la seule question des organes de direction de la Caisse des Français de l’étranger.

Sorte de « compagnie d’assurance exerçant des missions de service public », la Caisse est en effet appelée, dans les années à venir, à connaître des évolutions, ne serait-ce que parce que le mouvement du monde, l’interpénétration des économies, la grande qualité des salariés et des diplômés français sont autant de faits générateurs de mouvements plus ou moins importants de population.

L’expatriation de nombre de nos compatriotes ne repose d’ailleurs pas uniquement sur des motivations fiscales, les cieux de quelques pays prétendus plus cléments que les nôtres, selon des légendes assez répandues – allez en parler aux Français salariés résidant en Suisse, qui sont soumis à de lourds prélèvements !

Non, il s’agit d’abord de la reconnaissance de la qualité professionnelle de nombreux salariés et diplômés français – singulièrement les plus jeunes d’entre eux et le plus souvent issus des classes populaires –, qui passe de plus en plus par un séjour professionnel, plus ou moins long, à l’étranger.

Au demeurant, dans certains de nos grands groupes, le « stage » plus ou moins prolongé dans une filiale ou dans un établissement domicilié à l’étranger est un moment incontournable du déroulement de carrière.

Repenser et réformer la Caisse des Français de l’étranger nous paraît donc inévitable, et il n’y a pas lieu d’attendre.

S’opposer aujourd’hui à la réforme nécessaire de sa gouvernance augure mal de la capacité à entendre les évolutions ultérieures et indispensables de l’intervention de cet établissement.

Nous, les membres du groupe CRC, sommes favorables à cette évolution logique – du point de vue de l’évolution du droit électoral, comme il a été précisé, et même si ce n’est qu’une première étape, comme l’a souligné Mme la secrétaire d’État –, qui n’est qu’un préalable somme toute modeste au regard d’autres évolutions nécessaires que nous serons amenés à accompagner.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au cours de ces dernières années, la représentation de nos concitoyens résidant hors de France n’a pas échappé au chantier de la rénovation de la vie publique.

Plus particulièrement, la loi du 22 juillet 2013 a modifié le mode de désignation des conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger.

Naturellement, soucieux d’approfondir la démocratie représentative, notre groupe du RDSE avait approuvé ce texte.

Comme l’a souligné M. le rapporteur, la proposition de loi visant à réformer la gouvernance de la Caisse des Français de l’étranger est la conséquence de la loi relative à la représentation des Français établis hors de France.

En effet, depuis 2013, les membres de l’AFE, désormais élus par les conseillers consulaires, sont au nombre de 90, contre 155 auparavant. Les 15 représentants des assurés au conseil d’administration de la Caisse étant jusqu’à présent élus par les membres de l’AFE, il en résulte une réduction du corps électoral.

C’est pourquoi ce texte apporte une modification opportune en prévoyant, à l’article 2, l’élection des représentants des assurés directement par les 443 conseillers consulaires. Comme l’a également indiqué la commission, outre l’élargissement du corps électoral, la modification proposée entraîne la suppression d’un degré d’élection, rapprochant ainsi les assurés de leurs représentants.

La proposition de loi s’intéresse également à la composition du conseil d’administration qui comporte au total 21 membres. Si le droit régissant cette composition est assez proche de celui qui encadre en général les caisses de sécurité sociale, le caractère facultatif de l’adhésion à la CFE justifie certaines différences.

Aussi, l’article 1er concernant les différentes catégories de membres du conseil d’administration de la Caisse ainsi que les règles d’éligibilité de son président apportent des rééquilibrages qui maintiennent la spécificité de la Caisse tout en la rendant plus conforme aux catégories qu’elle représente.

Une gouvernance rénovée, plus de proximité : toutes ces mesures vont dans le bon sens. On ne peut que les approuver.

Certes, plusieurs de nos collègues relèvent qu’il serait prématuré de voter ce texte alors qu’une mission de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales a été lancée au début de l’année pour étudier les activités de la Caisse.

À mon sens, la proposition de loi étant limitée à la réforme du conseil d’administration, son adoption ne devrait pas handicaper une éventuelle réforme d’ampleur.

Sans préjuger les conclusions de la mission, il est en tout cas certain qu’il sera pertinent de revoir les conditions d’intervention de la Caisse des Français de l’étranger, ou tout au moins de les clarifier.

Si l’on se fonde sur un rapport de la Cour des comptes publié en 2010, le caractère équilibré de cette caisse destinée aux expatriés n’exonère pas une réflexion, notamment sur les pratiques avantageuses – c’est le moins que l’on puisse dire – et dérogatoires de la Caisse.

Définie comme un organisme de droit privé, dotée d’une autonomie financière, la CFE est toutefois tenue de suivre des règles figurant dans le code de la sécurité sociale. Or il semblerait que ce ne soit pas toujours le cas. Je pense, par exemple, à des arrangements dérogatoires permettant des adhésions tardives ou d’opportunités, le terme « opportunité » peut bien entendu recouvrir beaucoup de choses... Le contrôle sur la capacité contributive réelle des assurés devrait aussi être amélioré pour déterminer des assiettes de cotisations plus justes.

Je n’en dirai pas plus, car ces questions appartiennent à un autre débat, bien plus large que celui d’aujourd’hui ; mais sans méconnaître – je le répète – sa particularité, la CFE doit, conformément aux grands principes qui fondent notre régime général, s’approcher le plus possible des valeurs de solidarité et d’équité.

En attendant, et compte tenu de tous ces éléments, le groupe du RDSE votera cette proposition de loi.

MM. Richard Yung, Philippe Kaltenbach et Jean Desessard applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la CFE a été créée en 1985, par le gouvernement Fabius, avec Pierre Bérégovoy comme responsable des finances. Cette caisse a montré une très grande utilité pour les Français expatriés. Notre devoir est bien sûr de continuer à renforcer la CFE.

En dépit d’une tarification segmentée, par publics, et malgré la troisième catégorie aidée, instaurée par Lionel Jospin – qui a d’ailleurs glissé discrètement d’un financement de l’État vers un financement par la Caisse elle-même, ce qui donne lieu à quelques débats lors de l’examen du projet de loi de finances –, le service de la CFE n’est toujours pas accessible à nos expatriés. En effet, le nombre d’adhérents correspond à 11 % du nombre des Français recensés par les consulats et à environ 7 % du nombre total d’expatriés. Ce constat s’explique aussi par la concurrence des systèmes de sécurité sociale étrangers, en particulier au sein de l’Union européenne.

Du fait de l’évolution du profil des assurés, nous avons moins de jeunes, qui s’assurent autrement ou ne s’assurent pas, et plus d’assurés retraités. Ce déséquilibre fait peser un risque sur l’équilibre financier de la Caisse, qui est aujourd’hui assuré grâce aux adhésions des salariés et des entreprises. Nous devons donc faire évoluer ce système.

J’ajoute que nous avons de plus en plus de créateurs d’entreprise parmi les Français à l’étranger, deux sur dix, selon une étude de la Chambre de commerce internationale, la CCI. Nous nous en réjouissons. Pour ma part, je considère que c’est un grand progrès. C’est l’idée d’avoir quelqu’un de la CCI. Si cela pose des difficultés, si d’autres préfèrent le MEDEF, après tout, il existe une branche du MEDEF internationale, nous sommes prêts à débattre d’amendements en ce sens ; ce n’est pas une table de la loi !

Outre ces enjeux stratégiques, la CFE est régie par des règles de fonctionnement qui doivent être revues. C’est le constat de la Cour des comptes en 2010. Les magistrats de la Cour avaient recommandé une clarification du statut et des missions de la Caisse pour rendre son activité conforme au droit interne et aux principes communautaires. Le lien avec le droit communautaire est un autre volet que nous n’abordons pas.

La CFE doit donc impérativement s’engager dans la voie de la réforme. Je constate avec satisfaction qu’une première étape a été franchie avec la certification des comptes depuis 2010 et l’amélioration de la tutelle de l’État sur la Caisse grâce à la signature d’une convention de partenariat liant la CFE et l’État pour la période 2014–2016.

D’autres évolutions sont nécessaires. Je les rappelle brièvement, elles ont été évoquées à plusieurs reprises : la réforme des modalités de remboursement des soins à l’étranger, la création d’une nouvelle catégorie d’adhérents pour les retraités n’ayant jamais cotisé à la CFE, l’attribution de la qualité d’ayant droit, etc. Toutes ces mesures ont été recensées et figurent dans le mandat qui a été confié à l’Inspection générale des affaires sociales et à l’Inspection générale des finances. Nous verrons donc au mois de juillet ce qu’il en est.

C’est donc un vaste chantier qui attend la CFE. Mes collègues du groupe socialiste et républicain…

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Oui, c’est le nom de notre groupe, désormais, parce que nous sommes républicains !

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

M. Ladislas Poniatowski. Vous êtes les bienvenus !

M. Jean Desessard rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Avec mes collègues du groupe socialiste et républicain, disais-je, nous considérons que la réalisation de ce chantier doit être précédée de la réforme de la gouvernance – nous avons clairement un fort désaccord sur ce point.

C’est l’objectif que nous nous fixons par la présente proposition de loi. Je ne reviendrai pas sur la présentation de ses dispositions. Je rappelle simplement que la modification de la composition du conseil d’administration vise essentiellement à tenir compte de l’évolution de la population française à l’étranger. En proposant de substituer un représentant de CCI France International à un représentant du MEDEF, nous souhaitons tirer les conséquences de cette évolution.

L’élargissement du collège électoral des administrateurs représentant les assurés tend, quant à lui, à répondre à un impératif démocratique. Il serait pour le moins paradoxal de réduire ce collège de 155 à 90, alors même que nous avons récemment élargi celui qui est chargé d’élire les sénateurs représentant les Français établis hors de France. En proposant de faire participer au scrutin les 443 conseillers consulaires…

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Nous ne sommes pas figés sur les 443 : si vous voulez intégrer les délégués, qui sont environ 70, …

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

… qui sont 64, les sénateurs – des personnes de très grande qualité –…

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

–, nous pouvons en discuter et adopter des amendements en ce sens. C’est cela le débat législatif !

En faisant participer au scrutin les conseillers consulaires élus en mai 2014, nous souhaitons renforcer la légitimité démocratique du conseil d’administration. Cette question n’a pas de lien direct avec celle de la politique financière des cotisations, des adhésions ; ce sont deux thématiques différentes.

Je ne comprends pas, je vous le dis honnêtement, votre blocage sur cette question. Il faut lier les deux questions, avez-vous dit. Il n’y a pas de raison de les lier. Je vous rappelle que cela fait un an que ça dure ! Si nous n’avons pas tranché au mois d’octobre, nous devrons expliquer que ce sont les 90 membres de l’AFE qui constituent le corps électoral. Ce ne sera pas un message très positif envoyé à nos représentants des Français à l’étranger ; ce sera mal perçu.

Nous devons aller de l’avant : il ne faut pas procrastiner ; il ne faut pas être bloqué ; il ne faut pas être conservateur ; il ne faut pas être réactionnaire…

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Il faut aller dans le sens de l’histoire ! Pour ces raisons, nous voterons contre les amendements de suppression qui ont été déposés sur cette proposition de loi !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, avant toute chose, il me paraît bon de répéter ce que nos collègues ont dit, pour faire œuvre de pédagogie, à savoir que la Caisse des Français de l’étranger a la particularité heureuse d’être en équilibre. Cela peut paraître normal aux yeux de beaucoup d’entre vous, mais, quand on connaît les bilans des caisses nationales, ou devrais-je dire plutôt les déficits - la caisse des artisans en est un bel exemple –, on ne peut que se satisfaire de ce bilan positif de la CFE, tout le monde en convient.

Alors, tout va-t-il pour le mieux à la CFE ? Eh bien non, car malgré les efforts des dernières années, une catégorie de nos compatriotes ne peut toujours pas, nonobstant une réduction d’un tiers du montant des cotisations pour cette catégorie, profiter de cette caisse, et c’est fort regrettable. La Caisse a certes été élargie à cette catégorie aidée, ce qui a facilité les adhésions, mais nous sommes toujours loin d’une caisse de sécurité sociale pour tous comme sur le territoire national.

Passe encore en Europe, où réside la moitié des expatriés et où les services sociaux fonctionnent plutôt bien, mais cela devient bien plus difficile ailleurs, dans le reste du monde, pour l’autre moitié des 2, 5 millions de Français de l’étranger. On peut certainement apporter des améliorations pour faire taire la mauvaise rumeur d’une caisse pour riches…

J’ajoute que la modification des statuts concernant l’élection du conseil d’administration est l’une des conséquences de la loi sur la représentation des Français de l’étranger, qui a presque multiplié par quatre le nombre d’élus à travers le monde, lequel dépasse, avec les élus parlementaires, député compris, mon cher Richard Yung, les cinq cents personnes. Il faudra donc faire cette réforme !

Je voudrais tout de même rappeler que, lors des débats sur la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France, nous avions demandé que soit intégrée l’élection du conseil d’administration de la Caisse. Cela nous a été refusé !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Nous avions discuté avec le ministère à plusieurs reprises de la loi et nous l’avions demandé !

La proposition de loi que nous examinons ce jour traite donc de cet organisme fondamental pour les Français de l’étranger, et je tiens à saluer tout particulièrement Jean-Pierre Cantegrit pour son action au service de la protection sociale et de la CFE, dont il assure la présidence avec succès depuis de longues années. Il n’est pas interdit d’applaudir…

MM. Jean-Claude Luche et Henri de Raincourt applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Alors, où en est-on de cette proposition de loi, madame la secrétaire d’État ? Le texte proposé par nos amis socialistes, je dis bien « nos amis socialistes », …

Debut de section - Permalien
Claudine Lepage et

… et républicains !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

… n’a pas été adopté par la commission. D’autres avant moi ont pris la parole pour expliquer l’évidence : alors qu’une mission de réflexion sur l’activité et l’organisation de la CFE est en cours, alors que l’on en attend les conclusions dans un peu plus d’un mois, alors que les auteurs de la proposition de loi ne peuvent ignorer ces faits, ayant été auditionnés par l’IGAS et l’IGF, nous nous réunissons pour constater à quel point il est urgent d’attendre…

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

M. Robert del Picchia. J’aimerais insister également sur un autre point. Alors que les plus hautes instances de l’État comme le Conseil constitutionnel ou le Conseil d’État ne cessent de déplorer depuis des années la prolifération des règles législatives et l’encombrement du calendrier parlementaire, je ne peux que regretter l’impatience de mes collègues auteurs de la proposition de loi.

M. Jean Desessard rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Bien sûr, madame la secrétaire d’État, nous sommes pour la réforme de la CFE.

Ah ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Bien sûr, nous sommes d’accord pour réformer la parité de façon qu’elle soit respectueuse de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Mme Morales, qui en fait partie, le sait bien.

Bien sûr, nous sommes tous favorables à l’élargissement du collège électoral de la CFE.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

C’est, nous l’avons dit, la suite logique de la réforme de la représentation des Français de l’étranger. Les conseillers consulaires doivent évidemment pouvoir participer à l’élection des administrateurs de la Caisse, tout le monde en est d’accord.

Bien sûr aussi, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes favorables à la simplification de cette élection, dont les sous-catégories compliquent démesurément la constitution des listes. Plus généralement, je partage une bonne part des observations du rapporteur.

Toutefois, il me semble qu’il ne faut pas céder à l’impatience.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Une réforme de fond est en cours. La stabilité juridique est synonyme de sécurité. On ne compte plus les critiques sur la perte de qualité de la loi. Évitons donc une autre loi qui corrigerait dans quelques mois celle que l’on nous demande d’adopter maintenant. On pourra toujours voter une loi avant le mois de décembre prochain.

Et, puisqu’il s’agit de santé, ne nous précipitons pas, mes chers collègues, dans une médecine d’urgence, n’administrons pas un remède inutile et insuffisant à celle que j’ose qualifier de « malade imaginaire » ! Attendons le diagnostic avant que d’opérer ! §Nos docteurs de l’IGAS et de l’IGF sont en train de le faire, attendons l’ordonnance, madame la secrétaire d’État !

La Caisse attend une vraie réforme, j’attendrai avec elle. Elle sera mieux réussie, surtout si nous avons le temps pour réfléchir à l’application du traitement.

Et puis, de grâce, mes chers collègues, n’exagérons pas dans l’application de ce traitement…

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Je conclus, madame la présidente.

Je vous rappelle qu’à la quatrième représentation du Malade imaginaire, Molière, qui jouait le rôle d’Argan, était réellement en train de mourir sur scène. Sa femme pleura, dit-on, pendant des jours. Ne pleurons pas une Caisse des Français de l’étranger qui serait morte et réincarnée en une sorte de mutuelle inadaptée, voire handicapée.

Prenons notre temps, quelques mois, pour refaire, mes chers collègues, une vraie santé à la CFE !

MM. Jean-Pierre Cantegrit, Henri de Raincourt et Jean-Claude Luche applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Docteur Lepage, vous opérez ou vous n’opérez pas ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je me réjouis que le Sénat examine ce jour une proposition de loi évoquant la protection sociale des Français établis hors de France, sujet éminemment important pour nos compatriotes résidant à l’étranger. Nous avons déjà trop attendu.

Créée il y a quarante ans, la Caisse des Français de l’étranger est un outil essentiel pour assurer la protection sociale des Français établis hors de France. Assurant une continuité des droits avec les régimes français de sécurité sociale et évitant de fait une rupture entre le statut que l’on possède en France et celui d’expatrié, la Caisse des Français de l’étranger a répondu aux attentes de nombreux compatriotes. En ouvrant ses prestations, sous certaines conditions, aux ayants droit, la CFE a su renforcer son attractivité, notamment par rapport à des assurances privées.

Ce système, avec ses avantages donc mais également ses imperfections, a dans l’ensemble bien fonctionné pendant près de quarante ans.

Mais aujourd’hui une évolution est rendue nécessaire au regard des changements que connaît l’expatriation. Personne ne peut contester ici que la sociologie des Français de l’étranger a, au cours des années, profondément évolué.

Nous le constatons d’ailleurs à chacun de nos déplacements : plus de jeunes se rendent à l’étranger à la recherche d’une première expérience professionnelle, davantage de compatriotes franchissent les frontières de l’Hexagone pour passer leur retraite, de nombreuses PME ou TPE sont créées par des Français installés à l’étranger...

Nous constatons également que ces publics certes différents ont un point commun : ils ne trouvent pas à la CFE une offre correspondant à leurs besoins respectifs. C'est encore plus vrai pour les jeunes qui n’ont souvent pas les moyens financiers d’adhérer à la CFE et qui, lorsqu’ils le peuvent enfin, se trouvent freinés par l’obligation de rétroactivité. Il conviendrait à l’avenir de rendre la Caisse plus attractive pour ces jeunes, d’autant plus que leur prise en charge s’avère moins coûteuse que celle des retraités et de leurs, parfois nombreux, ayants droit.

Ces manquements actuels de la CFE sont, je crois, connus de tous. L’IGAS et l’IGF mènent d’ailleurs une mission commune sur « l’activité et les conditions d’intervention de la Caisse des Français de l’étranger ». Cette mission, qui ne porte donc pas sur la gouvernance, devra notamment indiquer si, compte tenu de l’évolution de l’expatriation, l’offre de la Caisse est toujours adaptée. Elle devra également clarifier le positionnement de la CFE au sein de la sécurité sociale, notamment aux niveaux européen et international.

Il nous faut, en effet, aussi prendre en compte le fait que de plus en plus de pays se dotent d’un système d’assurance maladie obligatoire pour l’ensemble de leurs salariés, quelle que soit leur nationalité, comme la loi « Obamacare » aux États-Unis.

Sur l’initiative de Barack Obama, les États-Unis ont mis en place un système de protection sociale obligeant toute personne qui réside aux États-Unis à souscrire une assurance santé reconnue par l’administration américaine. Cette mesure a eu des conséquences pour la Caisse des Français de l’étranger, car l’administration américaine a considéré que la CFE, seule, ne répondait pas aux conditions fixées par « Obamacare ».

Face à cette nouvelle réglementation, la CFE a clairement manqué de réactivité, de dynamisme et, surtout, de transparence, notamment dans la recherche d’un partenaire commercial de qualité et en mesure de respecter les nouveaux principes imposés par « Obamacare ». Ces manquements ont plongé pendant de nombreux mois les 5 000 Français résidant aux États-Unis et cotisant à la CFE dans une grande incertitude.

Mais, au-delà de cette nécessité de s’adapter, l’urgence aujourd’hui est bel et bien la gouvernance de la CFE, notamment l’élargissement du collège électoral procédant à l’élection du conseil d’administration. C’est d’ailleurs l’objet de cette proposition de loi initiée par les sénateurs socialistes représentant les Français établis hors de France et soutenue par le groupe socialiste et républicain du Sénat. Il ne faut pas oublier, bien entendu, de citer le travail fait en amont par les membres Français du monde du conseil d’administration de la CFE, dont l’expertise et l’engagement auront été très précieux.

Depuis sa création, la gouvernance de la Caisse des Français de l’étranger a malheureusement peu évolué ou n’a pas évolué ; elle n’est aujourd’hui plus en adéquation ni avec la représentation politique des Français établis hors de France ni avec la réalité de l’expatriation.

Selon les textes aujourd’hui en vigueur, les membres du conseil d’administration de la CFE sont élus par les membres de l’Assemblée des Français de l’étranger. Or, depuis la réforme de la représentation politique des Français de l’étranger introduite par la loi du 22 juillet 2013, leur nombre s’est réduit à 90, alors que, en même temps, étaient instaurés les conseillers consulaires.

Les modifications apportées par la réforme de la représentation des Français de l’étranger appellent un nécessaire changement. Et il y a, de surcroît, urgence puisque la prochaine élection du conseil d’administration doit avoir lieu dans quelques mois. Il est donc aujourd’hui indispensable d’inscrire dans le code de la sécurité sociale que ce sont désormais les 443 conseillers consulaires qui procèdent à l’élection des membres du conseil d’administration de la CFE, et non plus seulement les 90 membres de l’Assemblée des Français de l’étranger. Mais nous sommes bien sûr prêts à élargir ce collège aux délégués dont l’élection est concomitante de celle des conseillers consulaires.

Faut-il préciser, mes chers collègues, que ne pas procéder à l’élargissement du collège électoral reviendrait à ne pas reconnaître le rôle joué par les conseillers consulaires dans près de 130 circonscriptions électorales ? Il me semble que c’est un bien mauvais message que l’on adresserait à ces nouveaux élus...

Pour conclure, je souhaiterais préciser que cette proposition de loi n’a qu’un seul but : moderniser le fonctionnement de ce formidable outil qu’est la CFE pour la faire entrer pleinement dans le XXIe siècle et répondre aux attentes des Français de l’étranger. Je forme le vœu que, pour le bénéfice de tous, nous y parvenions.

Très bien ! et a pplaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

L’article L. 766-5 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Quinze administrateurs élus, représentant les assurés, dont :

« a) Dix au titre des assurés actifs ;

« b) Cinq au titre des assurés inactifs ; » ;

2° Au 3°, les mots : « deux représentants des employeurs, désignés » sont remplacés par les mots : « un représentant des employeurs, désigné » ;

3° Après le 4°, il est ajouté un 5° ainsi rédigé :

« 5° Un représentant désigné par le réseau des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger. » ;

4° Au douzième alinéa, après les mots : « en son sein » la fin de l’alinéa est ainsi rédigé : « parmi les représentants des assurés. Nul ne peut être président s’il n’est adhérent à la Caisse des Français de l’étranger en tant qu’assuré actif. »

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L'amendement n° 2, présenté par M. Cantegrit, Mme Deromedi, MM. Duvernois et Frassa, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann et M. del Picchia, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Cantegrit

Cet amendement, cosigné par les sénateurs représentant les Français de l’étranger du groupe Les Républicains, vise à supprimer l’article 1er.

À travers cet article, il est proposé, notamment, de modifier l'article L. 766–5 du code de la sécurité sociale qui fixe la composition du conseil d'administration de la Caisse. Comme nous l’avons largement indiqué, la mission conjointe de l'IGAS et de l'IGF a pour objet une évaluation des performances, du rôle, de la nature et du périmètre des actions de la Caisse des Français de l’étranger. Il n’est donc pas opportun d’apporter de telles modifications sans connaître les conclusions du rapport de cette mission.

Ce texte est prématuré et il pourra être repris, et nous en aurons tout à fait le temps en temps utile. Je précise, madame la présidente, que notre groupe demandera un scrutin public sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Eric Jeansannetas

La commission a émis un avis favorable sur cet amendement de suppression.

Permettez-moi tout de même d’observer que, telle qu’elle est décrite, la mission de l’IGAS et de l’IGF ne porte pas sur la gouvernance. Or c’est bien de la gouvernance que traite la proposition de loi, à l’exclusion de tout autre sujet.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à Mme Claudine Lepage, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Nos arguments sont connus, mais mieux vaut les répéter.

Cet amendement vise à supprimer purement et simplement l’article 1er de la proposition de loi au motif que les conclusions du rapport de la mission que mènent actuellement l’IGAS et l’IGF sur « l’activité et les conditions d’intervention de la Caisse des Français de l’étranger » ne sont pas encore connues.

Cet argument me paraît difficilement recevable étant donné que la lettre de mission adressée à l’IGAS et à l’IGF par le ministère des finances et par le ministère des affaires sociales et de la santé ne porte aucunement sur la gouvernance de la Caisse des Français de l’étranger. Dans cette lettre, que j’ai sous les yeux, ne figure d’ailleurs à aucune reprise le mot « gouvernance »...

Mes chers collègues, vous l’aurez bien compris, il n’est donc absolument pas nécessaire d’attendre les conclusions de cette mission pour examiner cette proposition de loi, et partant cet article, visant uniquement à réformer la gouvernance de la Caisse des Français de l’étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Le groupe écologiste votera contre l’amendement.

Monsieur del Picchia, puisque vous avez utilisé des images médicales, je vous inciterai à voter ce texte à doses homéopathiques ! §Vous l’avez dit, vous considérez qu’il faut changer le corps électoral, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… qu’il est normal d’aller vers la parité…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… et que d’autres dispositions sont intéressantes. Globalement, vous êtes donc favorable au contenu de cette proposition de loi.

La seule chose qui vous retient, c'est de penser qu’il sera possible d’aller plus loin quand le rapport sera rendu. On aurait pu tous acter ici que ce texte était déjà une bonne mesure et ensemble arrêter les modalités pour analyser, de façon sereine, les autres dispositions qu’il serait nécessaire de prendre. À ce moment-là, une proposition de loi aurait pu émaner d’une autre partie de l’hémicycle.

Alors que vous êtes d’accord sur son contenu, comme M. Cadic l’a dit plus ou moins et comme d’autres intervenants et vous-même l’avez confirmé, il serait dommage qu’il n’y ait pas de vote unanime sur ce texte, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… quitte à ce que, après le rapport, des dispositions complémentaires soient apportées.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

L’un des points fondamentaux de l’article 1er est l’apport des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger. Supprimer cet article reviendrait à les faire « sortir » du conseil d’administration, alors qu’il me semble essentiel de permettre au conseil d’administration d’être en adéquation avec le besoin des PME, lesquelles, et non les grandes entreprises, sont, j’ose le dire, la vache à lait de la Caisse des Français de l’étranger.

Je vous ai entendu dire qu’il n’y avait pas d’urgence. Pourtant, je pense à ceux qui ne peuvent se permettre de cotiser, à ceux – auto-entrepreneurs, indépendants – qui ne peuvent pas toujours payer leurs cotisations en raison de l’application de la rétroactivité, quelle que soit l’évolution de leurs revenus. Ces personnes ont besoin d’une évolution de la Caisse des Français de l’étranger, non pas vers plus de laxisme dans la gestion, mais vers davantage d’ouverture et d’adéquation aux besoins. Évidemment, si vous ne pensez pas à ces gens-là, il n’y a pas d’urgence !

L’argument est facile, monsieur Cantegrit. Lorsque j’avais dix ans, vous siégiez déjà dans cet hémicycle. Aussi, je comprends que vous soyez convaincu que l’éternité vous appartient, à vous et à la Caisse des Français de l’étranger. Mais ce n’est pas le cas, et il y a quelques urgences ! Il faut penser, mes collègues et moi-même l’avons dit, à ceux qui ne peuvent pas cotiser, à l’évolution des cotisants, et aux exigences du droit européen. Se mettre la tête dans le sable est totalement irresponsable eu égard à ces urgences et aux Français que nous représentons !

Je suis surpris qu’une personne comme vous, qui est sénateur depuis près de quarante ans, n’use même pas de son droit d’amendement pour faire des propositions et que M. del Picchia dise : il aurait été bien de faire telle réforme, mais, finalement, on ne l’a pas faite. §Quand on siège depuis plus de dix ans dans l’hémicycle, on sait tout de même utiliser son droit d’amendement !

Ensuite, il ne faut pas tout mélanger. Est-ce qu’on est dans une assemblée, est-ce qu’on croit à la démocratie ? Finalement, quand des gens sont élus depuis dix ans, peut-on dire : « Pourvu que ça dure ! », « C’est eux qui décident » ?

Il y aura des enjeux eu égard aux propositions que devra formuler la mission de l’IGAS et de l’IGF. Selon moi, il est de bonne politique que le conseil d’administration qui, à ce moment-là, devra prendre position soit un conseil d’administration élu selon des règles correctes, démocratiques et représentatives. C'est la raison pour laquelle il faut une première étape.

Monsieur del Picchia, avant d’opérer un patient, on l’emmène à l’hôpital, sinon ça ne marche pas ! §C’est pourquoi il est indispensable d’avoir un conseil d’administration renouvelé et représentatif avant de réfléchir aux autres aspects de la réforme.

Vous avez cité Molière, tout à l’heure, mon cher collègue. Eh bien, pour ma part, je dirai que les anciens sont les anciens et que nous, nous sommes les gens de maintenant !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Je ne comptais pas prendre la parole mais je souhaite tout de même répondre aux attaques qui me sont directement adressées.

Je comprends l’enthousiasme de notre ami Jean-Yves Leconte, sa verve…

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

M. Ladislas Poniatowski. Et son grand respect des idées des autres !

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

… et sa façon d’aborder le sujet ; c’est normal, il a travaillé pour sa proposition de loi et il regrette un peu qu’elle ne soit pas adoptée. Je le comprends, c’est humain ! Tout le monde s’est trouvé une fois dans cette situation ! Rappelez-vous, par exemple, les problèmes que j’ai moi-même eus pour faire adopter certaines propositions de loi, qui ont d’ailleurs été reprises ensuite par le groupe socialiste, et que nous avons votées ensemble.

Néanmoins, je veux souligner un point : nous ne disons pas que nous ne souhaitons pas cette réforme. Je le répète, nous allons la mener, mais nous le ferons lorsque nous disposerons de tous les éléments pour la conduire en profondeur, et lorsque l’IGAS et l’IGF auront rendu leur rapport. Il n’y a que quelques mois à attendre ! Nous avons attendu quarante ans, vous l’avez dit. Nous pouvons attendre encore trois mois, non ?

Mme Evelyne Yonnet s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Alors, pour filer votre métaphore, je veux bien procéder à cette opération ; néanmoins, dans certains cas, l’opération réussit mais le patient meurt !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Que de mauvaise foi ! Oui, que de mauvaise foi !

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

En effet, parler d’urgence, à quelques semaines de cette élection, alors que, lors de l’adoption de la réforme de la représentation des Français de l’étranger, que vous avez fait voter – et l’on se rappelle ici dans quelles conditions, avec quelle précipitation –, nous vous avions prévenu que cette difficulté émergerait et vous aviez rejeté cet argument !

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Puis, un an plus tard, vous avez décidé de proroger d’un an le conseil d’administration.

Or, maintenant, tout à coup, à quelques semaines de la prochaine élection, urgence de chez urgence : il faut s’occuper de ces assurés qui seraient à l’abandon ! Mais de qui se moque-t-on ? Je trouve vraiment que vous faites ici preuve d’une mauvaise foi extraordinaire…

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

… et que cette précipitation est gênante !

Concernant par ailleurs l’IGAS et l’IGF, cela a été dit, la mission qui leur est confiée a pour objet – c’est écrit en toutes lettres – une évaluation des performances, du rôle, de la nature et du périmètre des actions de la Caisse des Français de l’étranger. Or c’est bien de cela qu’il est question aujourd'hui ! Voilà l’enjeu ! Quand je dis que l’on ne met pas la charrue devant les bœufs, cela signifie qu’il faut d’abord décider si l’on conserve un organisme de sécurité sociale, si l’on s’oriente vers une mutuelle ou si l’on opte pour une assurance privée. Là est aujourd’hui l’enjeu ! Alors attendons que soit remis le rapport commun de l’IGAS et de l’IGF ; en outre, nous en sommes quasiment à la veille, cela doit avoir lieu le mois prochain !

D’ailleurs, franchement, quelle grande réforme ! Il s’agirait de retirer, au conseil d’administration de la Caisse, un siège au MEDEF au profit des CCI internationales ; mais de quoi parle-t-on ? Il faut être sérieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Cantegrit

J’ai soutenu lors de la discussion générale un texte sobre, par lequel j’indiquais qu’il ne me paraissait pas opportun, comme vient de le dire M. Cadic, alors qu’une double mission de l’IGF et de l’IGAS est en cours sur le sujet – pour laquelle j’ai d’ailleurs été, comme d’autres, auditionné –, de mettre tout de suite en œuvre une réforme et qu’il me semble au contraire souhaitable d’attendre.

Je suis pris à partie par M. Leconte, d’une façon qui n’est d’ailleurs pas très sympathique puisque j’ai bien compris que, selon lui, je suis resté trop longtemps à la présidence de cette caisse ! §Or, monsieur Leconte, il a été longuement indiqué tout à l’heure que les comptes de cette caisse sont à l’équilibre, qu’ils ont été certifiés sans réserve pendant trois exercices par un des premiers cabinets français d’audit, Mazars, et qu’ils ont fait l’objet de deux réserves mineures concernant le quatrième exercice ! Je crois donc que je n’ai pas à rougir de la gestion de cette caisse, cher collègue ! Je ne sais pas comment vous l’auriez personnellement administrée, mais quelques-uns de vos propos me laissent supposer que votre gestion serait peut-être plus aléatoire concernant l’équilibre des comptes ! Cela ne m’étonnerait pas, en tout cas !

Par ailleurs, votre position à propos du MEDEF – j’ai rappelé qu’il représente près de 50 % des adhérents pour l’assurance maladie et leur quasi-totalité pour les accidents du travail – est inopportune et blessante ! La représentante Mme Fauchois au conseil d’administration de la Caisse, s’est exprimée en ce sens avant-hier ; elle s’étonnait ainsi que l’on supprime l’un des membres représentant les employeurs, même si ce conseil n’ pas été renouvelé puisqu’il a été prolongé d’un an.

Par ailleurs, sur le fond, comme l’indiquaient précédemment MM. Cadic et del Picchia, il ne me paraît pas opportun de ne retenir que les conseillers consulaires comme électeurs. Pourquoi changer le corps électoral du conseil d’administration alors que celui des sénateurs représentant les Français établis hors de France a déjà évolué ?

Enfin, vous affirmez que l’on peut proposer maintenant des amendements ; mais vous pouviez vous-même présenter un texte rédigé différemment, monsieur Leconte !

Compte tenu du texte que vous nous avez soumis, nous demandons la suppression du présent article et nous sollicitons un scrutin public.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je mets aux voix l'amendement n° 2.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 206 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 1er est supprimé.

L’article L. 766-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « membres de l’Assemblée des Français de l’étranger » sont remplacés par les mots : « conseillers consulaires » ;

2° Après le premier alinéa, sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les membres du conseil d’administration doivent être âgés de dix-huit ans au moins et de soixante-cinq ans au plus à la date de leur élection ou de leur nomination, n’avoir fait l’objet d’aucune des condamnations mentionnées aux articles L. 6 et L. 7 du code électoral et ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation à une peine correctionnelle prononcée en application des dispositions du code de la sécurité sociale ou dans les cinq années précédant la date susmentionnée à une peine contraventionnelle prononcée en application de ce code.

« Toutefois la limite d’âge de soixante-cinq ans n’est pas applicable aux administrateurs s’ils sont pensionnés et cotisants à la caisse des Français de l’étranger. » ;

3° À l’avant dernier alinéa, les mots : « des articles L. 231-6 et » sont remplacés par les mots : « de l’article ».

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L'amendement n° 3, présenté par M. Cantegrit, Mme Deromedi, MM. Duvernois et Frassa, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann et M. del Picchia, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Cantegrit

Cet amendement est défendu, madame la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mes chers collègues, puis-je considérer, que le vote sur cet amendement est le même que sur l’amendement précédent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Pour le groupe socialiste et républicain aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Madame la présidente, le fait de considérer que cet amendement est adopté en se fondant sur le même vote que sur l’amendement précédent me pose problème. Il n’a pas été procédé à un scrutin public ; or il me semble que, quitte à aboutir à une loi incohérente, il y a une majorité dans l’hémicycle contre la suppression de l’article 2.

Il faut donc soit s’assurer des votes à main levée, soit redemander un scrutin public ; je ne vois en effet pas au nom de quoi on pourrait considérer que le même vote s’applique.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Madame la sénatrice, c’est la coutume. Mais puisque vous souhaitez que nous revenions au formalisme, il sera procédé à un scrutin public sur l’amendement n° 3 visant à supprimer l’article 2.

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Eric Jeansannetas

L’avis de la commission est favorable. À titre personnel, j’exprime la même réserve que précédemment. L’article que cet amendement vise à supprimer concerne l’élargissement du corps électoral. Sans doute allons-nous manquer une occasion.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je mets aux voix l'amendement n° 3.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 207 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 2 est supprimé.

L’article L. 766-7 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les listes de candidats sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe. » ;

2° Le deuxième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Le décret fixe également les modalités d’organisation de l’élection. En cas de vote par correspondance électronique, celui-ci se fait :

« 1° Dans le respect de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés et par correspondance ;

« 2° Au moyen de matériels et de logiciels de nature à respecter le secret du vote et la sincérité du scrutin. »

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mes chers collègues, je vous rappelle que si cet article n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les trois articles qui la composent auraient été supprimés. Il n’y aurait donc pas d’explication de vote sur l’ensemble.

L'amendement n° 4, présenté par M. Cantegrit, Mme Deromedi, MM. Duvernois et Frassa, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann et M. del Picchia, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Cantegrit

Les raisons pour lesquelles nous présentons cet amendement ayant déjà été exposées, je précise simplement que notre groupe demande un scrutin public sur celui-ci.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je prends acte de la détermination de la « minorité-majorité » sénatoriale – minoritaire en séance et donc obligée de recourir aux scrutins publics pour rester majoritaire. De la même manière, bien qu’il y ait quatre élus de gauche et huit de droite parmi les sénateurs représentant les Français de l’étranger, il faut tout de même recourir aux scrutins publics pour l’emporter !

Je regrette profondément que l’ensemble des conseillers consulaires – on aurait d’ailleurs pu proposer d’autres électeurs, mais il aurait fallu pour cela que vous exerciez votre droit d’amendement – ne puissent participer à l’élection du prochain conseil d’administration de la Caisse des Français de l’étranger. Telle est la responsabilité que portent les groupes Les Républicains et UDI-UC par leur vote sur l’article 2. Cela me semble profondément dommageable pour l’avenir de la Caisse et je pense que cela porte atteinte à la démocratie de proximité que nous avons voulu instaurer.

J’appelle aussi votre attention sur le fait que nous avons évoqué ce sujet au moment du vote de la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France ; vous pouviez aussi, alors, utiliser votre droit d’amendement !

En tout état de cause, il est regrettable de revendiquer et de maintenir le statu quo, alors qu’il est nécessaire d’évoluer à ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

En réponse à l’intervention de notre ami Jean-Yves Leconte, je le répète, nous voulons cette réforme et nous allons la faire. Cela demande simplement un peu de patience, c’est l’affaire de quelques mois.

Pourquoi dire que nous voulons empêcher les conseillers consulaires de voter, alors que nous sommes, au contraire, tout à fait pour ce vote ? Nous sommes même favorables à un élargissement du corps électoral qui comprendrait tous les électeurs – délégués, parlementaires – qui votent pour les sénateurs. Vous voyez bien que nous ne sommes pas contre, nous voulons simplement le faire le moment venu, lorsque nous aurons recueilli les éléments que nous fourniront l’IGAS et l’IGF.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Je vous prends au mot, mes chers collègues ! Lorsque nous débattrons d’une proposition de loi sur ce sujet – celle-ci ou une autre version améliorée – je la voterai si nous avons un vrai débat sur les bases qui nous seront fournies par l’IGAS et l’IGF – vous pouvez le noter. Je suis capable de le faire, et vous le savez.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous invite à prendre ma déclaration comme une forme d’humour dénuée d’agressivité.

Je croyais jusqu’à ce jour que les sénateurs représentant les Français de l’étranger étaient les membres d’un joyeux club de pinsonnets du dimanche. Je m’aperçois aujourd’hui que vous ressemblez davantage à « un vol de gerfauts hors du charnier natal » !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Mais non ! On veut seulement que ce club fonctionne correctement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C’est important, les citations littéraires !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je mets aux voix l'amendement n° 4.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 208 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 3 est supprimé, et l’amendement n° 1 rectifié n’a plus d’objet.

Toutefois, pour la bonne information du Sénat, j’en rappelle les termes.

L'amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Lepage, M. Yung et Mme Conway-Mouret, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le décret fixe également les modalités de l’élection organisée par la Caisse des Français de l’étranger.

« En cas de vote par correspondance électronique, la Caisse des Français de l’étranger doit s’assurer que celui-ci se fait :

Les trois articles de la proposition de loi ayant été successivement supprimés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire, puisqu’il n’y a plus de texte.

En conséquence, la proposition de loi visant à réformer la gouvernance de la Caisse des Français de l’étranger n’est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je rappelle que la commission des finances a proposé une candidature pour la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Maurice Vincent membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale, présentée par M. Yannick Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain (proposition n° 378, texte de la commission n° 508, rapport n° 507).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, afin que cette proposition de loi soit adoptée aujourd’hui, je vais délibérément écourter mon propos.

Je tiens tout d’abord à remercier la commission des lois, en particulier son président Philippe Bas, ainsi que le rapporteur Philippe Kaltenbach, qui ont réalisé un travail de précision juridique pour garantir la constitutionnalité de ce texte.

« Ce qu’il y a de scandaleux dans le scandale, c’est qu’on s’y habitue... » Ces mots de Simone de Beauvoir prennent une résonance toute particulière au moment où nous entamons l’examen de la proposition de loi visant à lutter contre la discrimination pour précarité sociale que j’ai l’honneur de vous présenter ce matin.

Oui, mes chers collègues, la pauvreté est un scandale !

La France, globalement, est un pays riche. Pourtant, 8, 5 millions de personnes y vivent sous le seuil de pauvreté fixé à 60 % du niveau de vie médian, soit 987 euros par mois. Nous en sommes malheureusement revenus aux niveaux constatés dans les années soixante-dix.

Plus scandaleux encore, un enfant sur cinq est pauvre. L’UNICEF le rappelait la semaine passée, cela correspond à 3 millions d’enfants dans notre pays. Dans les zones urbaines sensibles, c’est même le cas d’un enfant sur deux.

Il faut nous rendre à l’évidence : le système tel qu’il est actuellement conçu ne protège pas – ne protège plus – totalement contre l’exclusion.

Les chiffres que je viens de citer, fournis par l’INSEE sont peut-être les plus récents, mais, connus avec retard, ils portent en réalité sur l’année 2012. Nul doute que la situation, depuis trois ans, a empiré. Pour s’en convaincre, il n’est qu’à voir l’augmentation de plus de 12 %, dans le même laps de temps, du nombre d’allocataires au RSA socle.

Parce qu’elle a atteint des niveaux inédits, parce qu’elle s’est ancrée dans notre société et qu’elle s’y enracine, la pauvreté est une véritable humiliation pour notre République.

Je ne cesserai de le répéter, les personnes en situation de pauvreté et de précarité sont d’abord et avant tout des victimes. Des victimes qui subissent une forme de « double peine », puisque, à la pauvreté, s’ajoute la discrimination, et ce dans tous les domaines : santé, logement, emploi, formation, justice, éducation, vie familiale, exercice de la citoyenneté et, parfois, relations avec les services publics.

Il existe ainsi toute une partie de nos concitoyens à qui l’on dénie ses droits fondamentaux, à qui l’on interdit d’accéder à la citoyenneté de façon pleine et entière. Or trop peu, malheureusement, s’en soucient ! Serait-ce parce que les pauvres votent peu ou même ne votent pas du tout ? Serait-ce parce que vous ne les verrez jamais manifester, ou très rarement ? Ou tout simplement parce que nous ne les voyons pas ? En tout cas, ils demeurent, la plupart du temps, malheureusement, inaudibles.

Il n’est pas si loin le temps où un ministre de la République dénonçait les supposées « dérives de l’assistanat », « cancer, selon lui, de la société française ». Cette stigmatisation, c’est la culpabilisation, alors que les hasards de la vie – ce ne sont d’ailleurs pas toujours des hasards, car on constate une forme d’hérédité en la matière – ont pu provoquer aussi la pauvreté. Faut-il rappeler qu’être pauvre n’est pas un choix ? La précarité matérielle se double d’une stigmatisation organisée ou simplement tolérée, tant les préjugés sont ancrés dans notre société.

À cet égard, la stigmatisation peut s’analyser aussi bien comme une cause que comme une conséquence de la pauvreté. Combien de nos concitoyens préfèrent ne pas demander les prestations auxquelles ils ont droit et qui pourraient leur apporter un réel soutien, de crainte, justement, d’être stigmatisés ? « Le cancer » dont souffre la société française, il est là ! quand le pauvre se sent coupable de la situation dramatique dans laquelle il se trouve.

Le rapport de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale de décembre 2012 faisait état d’un taux de 35 % de non-recours au RSA socle et de 68 % de non-recours au RSA activité, soit plus de 5 milliards d’euros par an. Dans le même temps, la fraude au RSA est estimée à 60 millions d’euros par an.

Renforcer l’effectivité des droits des personnes en situation de pauvreté est l’un des points majeurs mis en lumière dans le rapport que j’ai publié en février 2014, au nom de la délégation à la prospective, sous le titre Comment enrayer le cycle de la pauvreté ? Osons la fraternité !

Mettre l’accent sur la pauvreté et la précarité, ce n’est pas seulement faire preuve de bons sentiments, c’est juste mettre le doigt sur une terrible réalité.

Je voudrais vous citer quatre exemples pour bien montrer le poids et la violence des discriminations qui touchent ces personnes, quatre exemples particulièrement choquants.

Envisageons cette famille, une mère avec ses sept enfants, vivant dans un logement reconnu insalubre de quatre pièces. Elle présente un dossier pour un logement décent et suffisamment grand pour l’accueillir. Deux semaines après avoir pourtant donné son accord, le bailleur revient sur son engagement. Il refuse de louer son bien à cette famille « parce qu’elle présente un risque d’insolvabilité élevé ».

Or le montant de l’aide personnalisée au logement couvre intégralement le montant du loyer, et la famille bénéficie en outre d’une garantie du Fonds de solidarité pour le logement. Voilà donc une discrimination bien réelle !

Le deuxième exemple a été constaté, cette fois, dans le domaine de la santé. Un enfant est suivi par un orthodontiste. Au début des soins, la famille bénéficie d’une mutuelle, et tout se passe très bien ; puis ses droits évoluent : elle relève désormais de la couverture maladie universelle complémentaire. Avant la consultation, la mère de l’enfant prévient logiquement le secrétariat de ce changement de situation. C’est alors que l’orthodontiste vient les trouver dans la salle d’attente et, devant les autres patients, leur explique qu’il ne peut poursuivre le traitement, qu’il arrête les soins et les renvoie en conséquence vers l’hôpital.

Et comment ne pas être scandalisé par l’exclusion du musée d’Orsay, au début de l’année 2013, d’une famille en grande précarité

Mme Evelyne Yonnet opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Un autre drame a ému l’opinion et fut largement médiatisé à l’époque : cet enfant évincé de la cantine de son établissement scolaire sous le prétexte que sa mère, qui venait d’être licenciée, pouvait désormais s’occuper du repas de midi.

Heureusement, notre société a gardé les capacités à s’indigner devant de telles décisions ! Je me réjouis, à ce propos, que l’Assemblée nationale ait adopté, le 12 mars dernier, la proposition de loi présentée par Roger-Gérard Schwartzenberg, visant à garantir le droit d’accès à la restauration scolaire. Je souhaite que le Sénat inscrive prochainement ce texte à l’ordre du jour de ses travaux, pour confirmer ainsi le vote de nos collègues députés.

Nous ne devons pas nous résigner à ce raz-de-marée de la misère, d’autant plus dramatique qu’il est particulièrement silencieux. Nous devons refuser la fatalité, avancer avec la volonté de faire reculer la pauvreté, de faire bouger les lignes, c’est notre responsabilité politique !

Nombreux sont ceux qui ne manquent pas une occasion, pour s’en flatter, d’évoquer le succès d’Esther Duflo, jeune économiste française travaillant aux États-Unis, spécialiste des questions liées à la pauvreté. Elle a été choisie pour conseiller le Président Obama sur ce sujet. Ceux qui se flattent de son succès oublient de rappeler ce qu’elle a maintes et maintes fois répété : c’est bien souvent par idéologie, par ignorance et par inertie – ce qu’elle appelle les « 3 i » – que nos politiques échouent.

Il n’est donc que temps de reconnaître sur toutes les travées de notre assemblée, sans idéologie, sans parti-pris, et parce que nous avons la volonté de peser sur les choses, oui, il est temps de reconnaître la réalité de la discrimination pour précarité sociale, et de la sanctionner. C’est tout le sens de la proposition de loi qui vous est aujourd’hui soumise, parce que je pense aussi que la République sans le respect, ce n’est pas la République !

Afin de lutter le plus efficacement possible contre ces cas de discrimination à l’égard des personnes pauvres, le choix des mots « précarité sociale » apparaissait indiqué, mais je ne mésestime pas les précisions juridiques apportées par la commission des lois par souci de constitutionnalité, et je les fais volontiers miennes.

En octobre 2013, Dominique Baudis, alors Défenseur des droits et auquel je tiens, ici, à rendre hommage, s’est adressé aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat pour attirer leur attention sur deux nouveaux critères de discrimination qui devraient être ajoutés à l’article 225–1 du code pénal : le critère de discrimination à raison du lieu de résidence et le critère de discrimination à raison de la pauvreté.

Le premier critère, la discrimination à raison du lieu de résidence, a été consacré dans la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

L’ajout du vingt et unième critère de discrimination émane d’une revendication très forte exprimée depuis de nombreuses années par l’Association ATD Quart Monde. À cet égard, je tiens à saluer leurs représentants, présents aujourd’hui dans les tribunes.

Par ailleurs, le protocole additionnel n° 12 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales interdit toute discrimination fondée sur la fortune et l’origine sociale. Il serait du reste urgent, madame la secrétaire d’État, que la France prenne le temps de le ratifier.

Plusieurs États ont également inscrit ce critère de discrimination dans leur droit. L’un des exemples les plus couramment cités concerne le Québec, où la discrimination fondée sur la « condition sociale » a été introduite dès 1975, dans la Charte des droits et libertés de la personne.

Dans le prolongement du rapport publié au nom de la délégation à la prospective, j’ai demandé aux services du Sénat d’établir une note de législation comparée sur cette question de la discrimination à raison de la pauvreté. Je tiens à les remercier pour le travail qu’ils ont réalisé.

Sur huit pays étudiés, il ressort que quatre d’entre eux ont institué une interdiction explicite de la discrimination à raison de la pauvreté, entendue au sens large. Parmi les États membres de l’Union européenne, la Belgique fait décidément figure de modèle, puisqu’elle prévoit cette interdiction depuis 2007, poursuivant le mouvement engagé par l’Afrique du Sud en 2000 et auquel se sont ralliés, plus récemment, la Bolivie en 2010 et l’Équateur en 2014.

Pour toutes ces raisons, l’article unique de la présente proposition de loi tend donc à ajouter le critère de discrimination à raison de la précarité sociale ou, pour être plus précis juridiquement et tenir compte du travail de la commission des lois, « de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique apparente ou connue de son auteur ».

Ajoutons donc ce nouveau critère au code pénal, au code du travail, ainsi qu’à la loi n° 2008–496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai évoqué le rapport du Conseil économique, social et environnemental publié en 1987 et l’engagement de longue date de l’Association ATD Quart Monde. Comment ne pas saluer, en cet instant, la mémoire de Geneviève de Gaulle-Anthonioz et son inlassable combat pour le respect de la dignité humaine ? Le 27 mai dernier, la République lui a rendu, ainsi qu’à trois autres héros de la Résistance, un hommage ô combien mérité.

Je ne peux que faire miennes ces phrases que le Président de la République a prononcées à cette occasion devant le Panthéon : « Parce qu’elle voulait, cette grande dame, porter son combat sur le terrain du droit. Parce qu’elle entendait sortir son peuple de l’ombre par la lumière de l’expression de la volonté générale. Parce qu’elle estimait que la pauvreté n’est pas une fatalité individuelle mais une défaillance collective. Parce qu’elle voulait inscrire le respect de la dignité de tous dans le marbre de la République. Elle savait bien qu’il ne suffit pas d’une loi pour éradiquer la pauvreté et assurer l’accès de tous aux droits fondamentaux. »

Le Président de la République poursuivait ainsi : « En près de vingt ans, hélas ! le nombre d’enfants pauvres, de familles pauvres, n’a pas diminué. Alors il nous revient d’agir encore pour que le droit au travail, à la santé, au logement, à la culture, ne soient pas des mots pieusement conservés dans les journaux officiels de la République française mais soient d’ardentes obligations que seul un sursaut de l’ensemble de notre pays pourra réussir à honorer. Pour que la solidarité ne soit pas regardée comme de l’assistance. Pour que les pauvres ne soient pas soupçonnés de vouloir le rester et pour en finir avec la stigmatisation de l’échec. Pour que nous ne soyons pas indifférents. »

À ce moment de mon propos, je tiens à rendre hommage, à travers l’engagement de Geneviève de Gaulle-Anthonioz, à l’ensemble des associations caritatives et humanitaires, dont le formidable et indispensable travail ne doit en aucune manière nous exonérer de nos propres responsabilités.

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, disons-le clairement : la pauvreté est une violation des droits humains. Sa tragique banalisation dans notre pays et ce déterminisme inacceptable qu’est l’hérédité de la pauvreté, sa transmission, trop souvent, de génération en génération, constituent un échec patent de notre société.

En ce sens, la reconnaissance de la discrimination, au sens commun, pour précarité sociale est une manière forte d’adresser un message de vraie considération et de fraternité à toutes celles et tous ceux, nombreux dans notre pays, qui se sentent mis de côté.

Dans le cadre des auditions que j’ai menées pour préparer le rapport d’information sur la pauvreté, le témoignage d’un membre d’ATD Quart Monde m’a particulièrement marqué.

Placé enfant, comme tous ses frères et sœurs, dans une famille d’accueil, balloté de foyer en foyer, il s’est retrouvé à dix-huit ans à la rue, car, désormais majeur, il était considéré comme capable de se débrouiller seul. Alors qu’aucun droit ne lui était ouvert, toutes les portes se sont refermées.

Confronté depuis toujours à une situation de grande pauvreté, pas un instant au cours de son audition il n’a évoqué ses problèmes financiers. Il a au contraire insisté sur les notions de respect, d’écoute et d’attention.

Qu’il me soit permis, avec beaucoup d’humilité en ce jour chargé d’histoire, de lancer, au travers de la présente proposition de loi, un appel au respect de la personne humaine, de sa dignité et à la grandeur d’âme de notre démocratie.

« Certains jours il ne faut pas craindre de nommer les choses impossibles à décrire », écrivait René Char.

Dire la réalité de la pauvreté, des discriminations qui y sont liées, pour mieux les dénoncer et les sanctionner, tel est, mes chers collègues, l’objet de cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – Mme Esther Benbassa et M. François Fortassin applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi de Yannick Vaugrenard, visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale.

Le présent texte vise à inscrire dans la législation un vingt et unième critère définissant les discriminations : celui de la précarité sociale ou, pour employer un langage plus direct, celui de la pauvreté.

Il s’agit d’inscrire ce critère non seulement dans notre droit pénal, mais aussi dans le code du travail et dans la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Cette proposition de loi reprend l’une des nombreuses préconisations formulées par Yannick Vaugrenard, dans le rapport qu’il a rédigé au nom de la délégation sénatoriale à la prospective et intitulé Comment enrayer le cycle de la pauvreté ? Osons la fraternité !

Force est, hélas ! de l’admettre : notre pays reste confronté au problème de la pauvreté. Selon l’INSEE, la France compte entre 4, 9 et 8, 5 millions de personnes considérées comme pauvres, selon que l’on prend pour seuil 50 % ou 60 % du niveau de vie médian. Quoi qu’il en soit, la pauvreté touche un nombre considérable de nos concitoyens. Ce constat a, récemment encore, été rappelé : notre pays dénombre 3 millions d’enfants pauvres, ce qui représente un enfant sur cinq.

De plus, les personnes en situation de pauvreté font l’objet d’une importante stigmatisation. Malheureusement, certains responsables politiques n’hésitent pas à verser dans la caricature, en dénonçant « l’assistanat » et en pointant du doigt les personnes en difficulté, assimilées à des fainéants dont le seul but serait de profiter du système. Ces personnes seraient responsables de tous les maux de la société. De tels propos ne peuvent qu’aggraver les choses.

Cette mise au ban, que subissent les personnes en situation de précarité sociale, est loin d’être sans conséquence. Aussi, il fallait réagir fortement. À cet égard, je me félicite de l’initiative prise par Yannick Vaugrenard, avec le soutien de tous les sénateurs socialistes, en vue d’ajouter un vingt et unième critère pour lutter contre les discriminations, en tenant compte des discriminations liées à la pauvreté.

En effet, les personnes en situation de précarité sociale peuvent faire l’objet de perceptions négatives et d’un traitement différencié.

Toute rupture dans l’égalité de traitement ne constitue pas, en soi, une discrimination. Toutefois, de telles discriminations, fondées sur les critères de pauvreté, mettent en cause les fondements mêmes de la République.

Cela étant, la notion de précarité sociale répond à une définition qui demeure approximative. Juridiquement parlant, elle présente toujours une forme d’incertitude.

Aussi, tout le travail que j’ai mené, en tant que rapporteur, avec la commission des lois, a consisté à redéfinir les termes de « précarité sociale », pour apporter une garantie juridique et prévenir une éventuelle censure de ce texte de loi par le Conseil constitutionnel.

Le premier enjeu de cette proposition de loi est d’apporter une forme de reconnaissance symbolique.

Bien sûr, la France doit mener la lutte contre les discriminations, en faisant confiance aux juridictions. In fine, le nombre de condamnations prononcées pour ce motif reste très faible : on n’en dénombre qu’une petite vingtaine chaque année. Mais reconnaître ce phénomène, c’est déjà assurer un affichage politique. Symboliquement, les Français prennent conscience de ces discriminations, et l’ensemble des acteurs peuvent se mobiliser, pour éviter qu’elles ne persistent.

Au-delà, il s’agit de permettre un exercice effectif de la reconnaissance des droits par les personnes en situation de précarité.

Yannick Vaugrenard l’a clairement expliqué : souvent, les personnes en grande difficulté ne font pas usage des droits qui leur sont reconnus. Un chiffre assez parlant permet de l’illustrer. Il porte sur le revenu de solidarité active, le RSA : un tiers des personnes susceptibles de bénéficier du RSA socle n’entreprennent aucune démarche pour l’obtenir.

La pauvreté est ressentie comme une double peine : la précarité matérielle se renforce d’une stigmatisation. Or ce sentiment d’humiliation entretient les phénomènes de discrimination.

Yannick Vaugrenard et moi-même, pour préparer ce rapport, avons auditionné un grand nombre de représentants d’associations. Ces derniers témoignent du ressenti des personnes en situation de grande pauvreté, de la violence qu’elles éprouvent. Malheureusement, nombre d’entre elles préfèrent ne pas demander les prestations auxquelles elles ont droit, de peur d’être stigmatisées.

Inscrire aujourd’hui dans la loi le critère de la discrimination à raison de la pauvreté, c’est donc également émettre un message fort en direction de toutes ces personnes, pour leur dire : vous êtes dans votre droit. Vous avez des droits. Il faut les faire valoir pleinement, en luttant contre le regard des autres. Nous sommes à vos côtés pour que vous puissiez exiger le respect de vos droits.

Il s’agit aussi de faire évoluer les mentalités : nous avons la capacité, à travers la loi pénale, d’énoncer clairement ce qui est interdit. Aujourd’hui, nous devons dire qu’il est interdit de montrer du doigt une personne du fait de sa précarité sociale, de sa pauvreté, de la vulnérabilité découlant de sa situation économique. Il faut, à ce titre, prendre en compte le pouvoir dissuasif de la loi pénale.

Le but est bien de réduire les comportements discriminatoires et tous les abus stigmatisants dans le langage ou l’attitude.

De plus, dans la conjoncture économique que nous connaissons, il semble nécessaire de réaffirmer la solidarité et la fraternité comme les éléments fédérateurs de la société française.

De surcroît, il faut renforcer toutes les actions de sensibilisation : bien entendu, il faut que tous ceux qui luttent contre les discriminations puissent communiquer sur ce sujet, faire œuvre de pédagogie et sensibiliser nos concitoyens aux réalités actuelles de la précarité et de la pauvreté, en insistant sur la nécessaire solidarité dont la société tout entière doit faire preuve.

Tout le travail de la commission a été d’élaborer la bonne définition, pour renforcer le dispositif juridique proposé. En effet, il fallait définir le critère juridique opérant répondant aux exigences du droit pénal.

Mes chers collègues, vous le savez, il faut respecter le principe de légalité des délits et des peines, lequel revêt une valeur constitutionnelle. Ce principe a été confirmé clairement, et à plusieurs reprises, par le Conseil constitutionnel. En résulte une exigence de précision de la loi pénale, laquelle fait l’objet d’un principe d’interprétation stricte.

En conséquence, le législateur a obligation de fixer lui-même, et précisément, le champ d’application de la loi pénale, afin de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis.

La « précarité sociale », que mentionnait la proposition de loi initiale et que soutenaient de nombreuses associations, est une notion subjective, regroupant une grande diversité de situations. Il aurait été difficile, pour le juge pénal, de la définir par sa jurisprudence. En aurait découlé un risque de fragilité, que le Conseil constitutionnel aurait pu sanctionner, soit à l’occasion d’une saisine directe, soit, plus probablement, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, ou QPC.

Voilà pourquoi la commission a choisi de se fonder sur une notion figurant d’ores et déjà dans le droit français. Elle a, sur mon initiative, retenu la détermination d’un critère fondé sur la vulnérabilité résultant de la situation économique.

Constituerait ainsi une discrimination toute distinction opérée entre des personnes à raison de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de l’auteur de la discrimination.

Avant d’aboutir à la définition qu’elle vous propose aujourd’hui, la commission a exploré diverses pistes. Elle a, notamment, examiné des termes qui auraient pu résulter du droit international et qui figurent dans diverses conventions ou déclarations.

Les textes internationaux dont il s’agit font référence à la fortune ou à l’origine sociale. Mais ces deux concepts sont datés et, en droit français, ils n’auraient qu’une portée juridique extrêmement étroite et peu opératoire. C’est la raison pour laquelle nous les avons écartés.

Au fil des auditions, nous avons par ailleurs été orientés vers la prise en compte d’un seuil, par exemple le seuil de pauvreté défini par l’INSEE, ou encore les seuils applicables aux minima sociaux. Néanmoins, à nos yeux, le choix de ce critère aurait provoqué un effet couperet : on serait considéré dans une situation de précarité sociale si l’on gagne 850 euros par mois, et ce ne serait plus le cas avec un revenu mensuel de 870 euros. Cet effet couperet aurait, de facto, écarté des personnes en situation de pauvreté, qui, dès lors, n’auraient plus pu être protégées contre les discriminations. Aussi, nous avons également écarté cette piste.

Nous avons abouti à la définition, inscrite dans le présent texte, de la « précarité sociale » comme critère fondé sur « la vulnérabilité de la personne à raison de sa situation économique ». Ce faisant, nous répondons aux exigences constitutionnelles de précision de la loi pénale.

Au demeurant, cette définition a déjà été employée à plusieurs reprises. Elle figure dans la jurisprudence pénale et a été utilisée récemment, en 2012, dans la loi relative au harcèlement sexuel, au titre des facteurs aggravants. Nous aboutissons donc à une définition juridiquement garantie.

Par ailleurs, la commission s’est employée à renforcer la sécurité des droits et l’efficacité du dispositif.

Nous avons veillé à ne pas introduire cette forme de discrimination dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, laquelle vise plus particulièrement les discriminations et les injures racistes et antisémites. En effet, les propos méprisants ou condescendants prononcés à l’encontre d’une personne en situation de pauvreté sont d’ores et déjà sanctionnés par le délit d’injure. Il n’est donc pas nécessaire d’aggraver cette peine, en recourant à la loi sur la liberté de la presse.

Enfin, nous avons souhaité compléter le chapitre du code du travail relatif aux différences de traitement autorisées, afin de ne pas faire obstacle à des actions positives, ce que l’on appelle « la discrimination positive », en faveur des personnes en situation de grande précarité.

À mes yeux, nous pouvons nous féliciter de l’initiative prise par Yannick Vaugrenard et, plus généralement, par nos collègues socialistes, pour introduire ce vingt et unième critère de discrimination. Nous le savons, un nombre toujours croissant de personnes se heurtent à des difficultés matérielles, auxquelles s’ajoutent les obstacles liés à la stigmatisation à raison de la pauvreté.

Modifié dans le sens que je viens d’indiquer, le présent texte a été adopté à une large majorité de la commission des lois. Quelques-uns de ses membres se sont abstenus, mais aucun d’entre eux n’a voté contre. L’ensemble des travaux effectués, le travail mené par Yannick Vaugrenard, au sein de la délégation sénatoriale à la prospective, la rédaction, par ses soins, de cette proposition de loi, puis son examen par la commission, doivent nous permettre, à présent, de nous rassembler largement, sur toutes les travées de cet hémicycle.

Madame la secrétaire d’État, parallèlement, nous ne pouvons qu’inviter le Gouvernement à poursuivre son action contre la précarité sociale. Cet objectif figure dans le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. À ce titre, je salue les diverses initiatives engagées, comme les rendez-vous des droits, qui permettent une meilleure appropriation des droits par les personnes en situation de grande fragilité. Nous devons, collectivement, encourager les pouvoirs publics à poursuivre des actions de cette nature, pour lutter contre la pauvreté et contre les stigmatisations.

Mes chers collègues, à travers ce texte de loi, le but est bien de réhabiliter les valeurs d’assistance, de solidarité et de fraternité, qui sont aujourd’hui indispensables à la qualité du vivre-ensemble, et qui forment le fondement de la République !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur Yannick Vaugrenard, mesdames, messieurs les sénateurs, l’entrée au Panthéon de quatre grandes figures de la Résistance, parmi lesquelles Geneviève de Gaulle-Anthonioz, ancienne présidente d’ATD Quart Monde, a été l’occasion, pour le Président de la République, de rappeler les valeurs qui font la France. Ces valeurs, celles d’humanité, de fraternité, d’égalité et de solidarité, nous rappellent chaque jour la force de notre République, mais aussi sa fragilité, et partant l’impérieuse nécessité de les cultiver, de les préciser, de les renforcer.

Nous sommes ici réunis pour examiner une proposition de loi déposée par les sénateurs du groupe socialiste et républicain. Ce texte vise à rendre illicite un nouveau type de discrimination qui se propage dans notre pays, une forme de mise à l’écart des plus fragiles, des plus vulnérables, de ceux qui, précisément, ont le plus besoin d’aide à un moment donné.

La réalité, c’est que nos vies ne sont pas rectilignes. Elles sont faites de va-et-vient successifs, de petits pas, de grands bonds en avant parfois, mais aussi de périodes difficiles, d’accidents de parcours, de séparations, de ruptures. Pour celles et ceux qui traversent ces moments difficiles, l’important, c’est de ne pas se sentir seul, c’est de ne pas se sentir isolé.

Geneviève de Gaulle n’a cessé de le dire tout au long de sa vie : la véritable force est dans la solidarité humaine, et il n’y a pas de courage s’il n’est pas partagé.

C’est la raison pour laquelle la lutte contre la pauvreté, ce n’est pas seulement l’affaire des familles précaires, des institutions chargées de l’action sociale ou des travailleurs sociaux, c’est bien l’affaire de toute la société française. En effet, prévenir l’exclusion, c’est un investissement, c’est ce qu’on appelle « l’investissement social ».

Le plan de lutte contre la pauvreté était un engagement de campagne du Président de la République, repris par le Premier ministre dans son discours de politique générale le 3 juillet 2012, et il a été officiellement adopté le 21 janvier 2013, lors d’un comité interministériel de lutte contre l’exclusion.

Ce plan comportait à l’origine plus de soixante mesures destinées à permettre à chacun d’accéder à une vie digne sur le plan matériel, mais aussi à l’emploi, à la formation, au logement, aux soins et aux services de santé. Il a été enrichi de cinquante nouvelles actions le 3 mars dernier par le Premier ministre.

Ces nouvelles actions ont pour objectif de répondre à de nouveaux besoins, identifiés par l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, lors de son évaluation du plan, mais aussi, et surtout, par les associations de lutte contre l’exclusion et par les personnes elles-mêmes en situation de pauvreté, représentées au sein du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, ou CNLE.

Ce plan est d’abord conçu comme une forme de « bouclier social », qui protège ceux qui font face à des difficultés plus ou moins temporaires. Il a également été conçu pour être un « tremplin social », afin de permettre aux personnes de rebondir.

Le principe d’accompagnement des personnes, qui a été réaffirmé par le Premier ministre, vise précisément à redonner confiance à ceux qui ont subi un accident de parcours, afin de leur donner les moyens d’agir par eux-mêmes et de retrouver la liberté de choix.

Le plan est bâti sur un principe essentiel, qui mérite d’être renforcé : l’objectivité, qui consiste à ne pas porter de jugement sur les situations de pauvreté et d’exclusion, mais à les regarder en face, telles qu’elles sont. Ces situations concernent désormais plus de 8 millions de nos concitoyens, jeunes et moins jeunes, adultes et enfants, chômeurs et salariés.

De ce principe fondamental d’objectivité découle un second principe dit de « non-stigmatisation », consistant à ne plus considérer la pauvreté comme un phénomène qui ne concernerait que quelques malchanceux, pour lesquels on ne pourrait rien faire, car ils seraient en partie, sinon pleinement, responsables de leur situation.

Rendre celles et ceux qui sont en difficulté coupables de leur situation, c’est avant tout se rendre coupable d’inhumanité, c’est aussi ignorer ou mépriser, volontairement, les valeurs républicaines.

Celles et ceux qui connaissent des difficultés sociales sont encore aujourd’hui trop souvent perçus comme responsables de leur situation. Trop souvent, il est considéré qu’ils pourraient s’en sortir s’ils le voulaient vraiment. Je vous le dis de façon directe : ces accusations sont scandaleuses !

Il est scandaleux de stigmatiser celles et ceux que l’on qualifie d’« assistés », comme pour se prémunir soi-même du risque d’en être, comme si pointer du doigt permettait de se distinguer et d’éloigner le danger.

Il est temps d’affirmer que si ces personnes sont dans ces situations, c’est précisément parce que, très souvent, elles n’osent même plus faire valoir leurs droits ou y renoncent de peur d’avoir à essuyer un refus, synonyme de honte, de peur d’avoir à affronter un système devenu tellement complexe qu’il semble que l’on ait volontairement érigé des barrières pour les mettre à l’écart.

C’est pour cette raison que Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et moi-même agissons chaque jour pour simplifier les démarches et pour faciliter l’accès aux aides et aux prestations sociales. C’est pour cela que nous avons mis en place, avec la caisse d’allocations familiales, les rendez-vous des droits. C’est pour cela que nous mettons en place le simulateur en ligne des droits sociaux, qui va permettre à chacun de connaître en quelques clics l’ensemble de ses droits. C’est pour cela que nous simplifions l’ensemble des procédures et les mots employés dans les courriers de toutes les institutions.

Malgré cela, la peur du stigmate continue d’alimenter le non-recours aux droits et le renoncement aux aides : ces personnes qui abandonnent, qui renoncent à croire que l’on veut réellement les aider ; ces personnes qui ne souhaitent plus qu’une chose, se faire oublier pour qu’on ne leur renvoie plus leur propre image ; ces personnes qui, bien sûr, ne votent même plus, qui ne croient plus en la capacité de l’État et de la société à les protéger et à les aider. Eh bien, ces personnes sont nos concitoyens et ils ont les mêmes droits que chacun et chacune d’entre nous, et nous avons le devoir de leur garantir le droit à la citoyenneté et le droit à la dignité.

Face à ce constat, mesdames, messieurs les sénateurs, je crois qu’il est temps d’aller plus loin.

Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement a agi dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Nous avons ainsi introduit dans le code pénal, dans le code du travail, ainsi que dans la loi de 2008 sur les discriminations, un vingtième critère relatif au lieu de résidence, afin que le fait de vivre dans un quartier défavorisé, qui est déjà souvent synonyme de situations de précarité, ne s’accompagne pas de phénomènes supplémentaires d’exclusion.

Avant d’entrer au Gouvernement, j’avais moi-même participé, en tant que parlementaire, à faire ajouter dans la loi sur le harcèlement sexuel une circonstance aggravante en cas de vulnérabilité économique de la personne victime de harcèlement, afin que l’abus de faiblesse soit puni plus sévèrement dans ce domaine.

Aujourd’hui, il apparaît nécessaire d’aller plus loin. Le texte de loi que vous proposez poursuit un objectif louable à double titre : il vise tout à la fois à lutter contre la stigmatisation des personnes en situation précaire et à renforcer leurs possibilités d’accéder à leurs droits, en rendant illégales les pratiques discriminatoires fondées sur la situation économique réelle ou supposée de ces personnes.

Ce texte, en réalité, vise à agir sur les stéréotypes, en établissant une nouvelle norme permettant de faire évoluer les représentations et donc les pratiques discriminatoires. Elle vise à faire prendre conscience à chacun que la pauvreté n’est pas une fatalité et qu’une situation n’est jamais irréversible.

Avant toute chose, elle vise à redonner confiance aux personnes qui ont perdu espoir, afin qu’elles sachent que, désormais, le droit est avec elles, et qu’il est donc possible de postuler pour un logement, un emploi ou une place en crèche sans craindre de se voir renvoyer à sa situation, comme s’il n’était pas permis d’espérer en sortir. Les attitudes que ces personnes subissent étaient contraires à nos valeurs, elles seront désormais contraires à nos lois !

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

Malgré l’arsenal juridique dont nous disposons déjà, nos lois ne suffisent plus à couvrir toutes les situations dont nous parlons aujourd’hui. Quelles sont précisément ces situations ? C’est la difficulté principale que vous deviez résoudre afin de respecter le principe de légalité des peines, sans lequel la justice ne peut rien.

Il s’agissait d’abord d’être concret et de partir de situations objectives bien définies. C’est ce travail que vous avez fait, mesdames, messieurs les sénateurs, qui a permis d’aboutir à ce texte.

Mais la difficulté était également de trouver une formulation de ce critère qui ne soit pas elle-même stigmatisante, comme l’aurait été, par exemple, le fait de bénéficier de prestations sociales, auxquelles certaines personnes renoncent, précisément pour ne pas être stigmatisées : il s’agissait en effet d’éviter que le dispositif ne se retourne contre les personnes visées.

Je salue en ce sens le travail de la commission des lois du Sénat, qui a su proposer une formulation équilibrée. Le chemin était étroit, entre un critère parfaitement objectif mais par trop restrictif, et un critère extensif qui risquait la censure constitutionnelle.

Nous sommes, selon moi, à un moment capital pour notre pays. Cette proposition de loi souligne l’importance, sinon la nécessité absolue, de protéger et de renforcer nos valeurs de solidarité, de fraternité, et d’unité face aux divisions qui nous menacent, face au risque du repli sur soi et de haine de l’autre.

Cette loi ne doit donc pas seulement constituer un simple étendard que l’on brandirait pour se donner bonne conscience. Il s’agit bel et bien de nous doter d’un nouvel arsenal juridique qui devra donner lieu à des peines, afin qu’il puisse pleinement jouer son rôle de sanction, mais aussi de dissuasion des comportements qui s’écarteraient de la norme.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit en définitive : ériger un point de repère, une norme permettant à chacun de prendre conscience que notre société ne peut plus se permettre de considérer la pauvreté et l’exclusion sociale comme une fatalité contre laquelle il est inutile de se battre. Il s’agit de prendre conscience collectivement que nous participons à créer et à renforcer l’exclusion sociale et que nous en sommes donc en quelque sorte tous responsables.

C’est bien de cela qu’il s’agit : faire évoluer et élever notre conscience collective afin d’éviter que l’individualisme ne prenne le pas sur le sens du collectif. Car la solidarité, le Président de la République lui-même l’a rappelé à plusieurs reprises, ce n’est pas un supplément d’âme, mais ce lien invisible qui nous protège collectivement. C’est en réalité ce que nous avons de plus précieux, ce qui nous fait nous sentir plus forts, ce qui nous donne confiance dans l’avenir et ce qui fait notre capacité collective à rester unis.

C’est pourquoi, vous l’aurez compris, le Gouvernement est favorable à cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Esther Benbassa et M. François Bonhomme applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mes chers collègues, je vous incite à respecter le temps de parole imparti afin que nous puissions achever l’examen de cette proposition de loi à treize heures trente au plus tard.

La parole est à M. Didier Mandelli.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis 2008, la situation de pauvreté en France s’est aggravée. Selon le délégué général de la Fondation Abbé Pierre, nous assistons à une massification de la pauvreté. La France compte 3, 5 millions de chômeurs – en prenant en compte les chômeurs ayant une activité réduite, on dépasse les 5 millions –, 3, 5 millions de mal-logés et 8, 5 millions de ménages pauvres. Ces chiffres sont inquiétants. D’après le dernier rapport de l’UNICEF en date du 9 juin 2015, 3 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté, soit un sur cinq.

La pauvreté touche les enfants, les familles monoparentales, les jeunes, les personnes âgées... Elle nous indigne, nous choque, nous déstabilise, nous révolte.

Dans son rapport de février 2014 intitulé Comment enrayer le cycle de la pauvreté ? Osons la fraternité ! mon collègue et voisin Yannick Vaugrenard et la délégation à la prospective soulignent qu’« en dépit […] d’une multitude de propositions formulées, d’une protection sociale considérée comme l’une des meilleures au monde, de toutes les mesures qui ont déjà été mises en place, il faut se rendre à l’évidence : le système tel qu’il est actuellement conçu ne protège plus contre l’exclusion ».

Ce rapport très éclairant, qui s’inscrit dans une démarche prospective sur le thème de la pauvreté, nourrit notre réflexion pour changer les mentalités en profondeur.

Comment lutter contre la pauvreté ? La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui, issue des travaux de la délégation à la prospective du Sénat, prévoit d’ajouter la « précarité sociale » comme un vingt et unième critère de discrimination, à la liste des discriminations invocables comme préjudice au regard de l’article 225–1 du code pénal et de l’article L. 1132–1 du code du travail.

Une discrimination est une inégalité de traitement fondée sur un critère interdit par la loi – sexe, âge, état de santé, etc. – et dans un domaine cité par la loi – accès à un service, embauche… Actuellement, vingt critères de discrimination – « critères prohibés » – sont fixés par la loi.

Ainsi, défavoriser une personne en raison de ses origines, de son sexe, de son âge, de ses opinions est formellement interdit par la loi comme par les conventions internationales approuvées par la France.

Les discriminations pour précarité sociale sont une réalité. Une enquête de l’IFOP réalisée en 2013 pour le Défenseur des droits révélait que 37 % des chômeurs se déclaraient victimes d’une discrimination à l’embauche.

À titre d’exemple, les candidats à un emploi qui résident en centre d’hébergement et de réinsertion sociale ou sont passés par une entreprise d’insertion ont moins de chance que d’autres d’obtenir un emploi.

De nombreux organismes, comme ATD Quart Monde ou la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, travaillent depuis quelques années à faire reconnaître cette discrimination dans notre droit pénal.

Faut-il cependant modifier le dispositif législatif contre les discriminations ? Nous nous interrogeons.

En effet, des personnalités auditionnées par le rapporteur ont émis des réserves sur la pertinence et la portée normative de l’introduction de ce nouveau critère.

C’est le cas de Jérôme Vignon, président de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, qui considère que les discriminations sont souvent fondées sur une multiplicité de critères et que l’ensemble des situations discriminatoires est aujourd’hui appréhendé par le droit en vigueur.

Par ailleurs, l’actuel Défenseur des droits, Jacques Toubon, relève dans un avis du 9 juin 2015 que « la précarité sociale est une situation, temporaire ou chronique, […] mais n’est pas une caractéristique pérenne de la personnalité ».

Par conséquent, la question se pose : quelle est l’utilité d’introduire ce critère de discrimination, au-delà de la valeur symbolique ?

Alors que le Gouvernement prône le choc de simplification, créer un nouveau critère de discrimination dans notre droit pénal et dans notre droit du travail aura pour effet de contribuer à l’inflation normative tant décriée par tous. Cette proposition de loi n’a pas été assortie d’une étude d’impact évaluant les conséquences de l’introduction de ce nouveau type de discrimination.

Alors que les tribunaux sont engorgés par les contentieux et ont déjà du mal à faire face, on peut s’interroger sur les conséquences de ce texte quant à l’activité de nos juridictions, auxquelles nous confions toujours plus de travail sans toujours leur accorder les moyens nécessaires.

Interdire la discrimination à l’égard des pauvres n’aboutira pas à éradiquer la pauvreté, nous le savons bien. Si c’était le cas, nous aurions dû voter un tel texte beaucoup plus tôt.

La valeur symbolique de la proposition de loi est importante, nous en convenons, mais est-elle suffisante ? Je répondrai par la négative pour deux raisons.

Tout d’abord, pour lutter contre la discrimination liée à la précarité sociale, nous devons faire évoluer les mentalités et éviter la stigmatisation. À cette fin, nous devons intensifier les actions de sensibilisation auprès du grand public et des organismes publics.

Ensuite, mener une réflexion globale sur l’origine des discriminations, leurs manifestations et leurs traitements paraît plus judicieux que d’accumuler les critères de discrimination pénalement répréhensibles.

Voilà pourquoi le groupe Les Républicains s’abstiendra sur cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, être pauvre n’est pas uniquement un problème économique, c’est aussi un phénomène multidimensionnel qui englobe le manque de revenus et l’inexistence des capacités de base nécessaires pour vivre dans la dignité.

La discrimination et l’exclusion sont parmi les principales causes et conséquences de la pauvreté. Les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées, les migrants, les réfugiés, les demandeurs d’asile et les personnes vivant avec le VIH sont les catégories les plus exposées à l’extrême pauvreté et aux discriminations qui en découlent. Celles-ci contribuent à aggraver leur situation et à accroître leur exclusion sociale.

Des enfants interdits de cantine parce que leurs parents sont chômeurs, des médecins qui n’accordent pas de rendez-vous à des malades parce qu’ils sont bénéficiaires de la CMU, des CV ignorés parce que le postulant vit dans un centre d’hébergement : voilà ce qu’est être discriminé parce qu’on est pauvre !

Le traitement défavorable et inégalitaire que subissent parfois les personnes pauvres découle de la perception négative dont elles sont l’objet. Aussi nous est-il proposé d’ajouter, à l’article 225-1 du code pénal, un vingt et unième critère de discrimination : celui de la précarité sociale.

Dans le rapport intitulé La lutte contre les discriminations : de l’incantation à l’action, que j’ai rédigé, au nom de la commission des lois, avec mon estimé ancien collègue Jean-René Lecerf, la proposition n° 2, parmi les onze principales propositions que nous y formulions, recommandait d’ajouter la précarité sociale à la liste des critères de discrimination figurant à l’article 225-1 du code pénal afin d’harmoniser la législation et son application jurisprudentielle. Tel est l’objectif visé par le texte qui nous réunit aujourd’hui, ce dont je me félicite.

Je veux saluer ici l’initiative de notre collègue Yannick Vaugrenard et le travail de notre rapporteur Philippe Kaltenbach, qui s’est attaché, afin que la proposition de loi ne soit pas qu’une déclaration de principe, à définir un critère juridique opérant et répondant aux exigences du droit pénal. Reste encore à trouver un mot pour désigner cette discrimination, similaire au terme anglais « povertyism ». Cette absence de dénomination dénote encore plus fortement le déni dont elle est l’objet.

La proposition de loi constitue un message fort, qui dit aux victimes de discriminations que leur préjudice est reconnu et à leurs auteurs que leur comportement et leurs discours ne sauraient être tolérés dans un État de droit. Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste la soutient avec conviction. Encore faut-il, après les symboles, passer aux actes pour combattre la pauvreté, parfois extrême, qui touche un nombre croissant de nos concitoyens en ces temps de crise économique. Il y a urgence !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, dès 2012, la commission d’experts de l’Organisation internationale du travail a demandé au gouvernement français, dans le cadre de la convention n° 111, de « fournir des informations sur toute mesure prise aux fins d’introduire “l’origine sociale” dans la liste des motifs de discrimination interdits par le code du travail ». En 2013, un avis adopté par la Commission nationale consultative des droits de l’homme recommandait d’ajouter la précarité sociale aux critères de discrimination existants.

Issue de ces recommandations, la proposition de loi qui nous est présentée s’inscrit dans le prolongement de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale de décembre 2012. Il s’agit d’alerter sur la recrudescence de situations discriminantes à l’encontre de personnes les plus pauvres et, pour citer l’avis de la CNCDH, de « l’image négative et culpabilisante dont [elles] pâtissent [et qui] pèse dans les démarches qu’elles entreprennent pour l’accès à la santé, au logement, à l’emploi, à la formation, à la justice, à l’éducation, à la vie familiale, à l’exercice de la citoyenneté ou encore dans leur relation aux services publics ». Des personnes qui se voient refuser un logement à celles qui se voient refuser l’accès à certains soins parce qu’elles sont bénéficiaires de la couverture maladie universelle, de nombreux exemples ont été cités ; je n’en ajouterai pas.

Ces discriminations, bien souvent, vont de pair avec d’autres, comme notre collègue Esther Benbassa vient de le rappeler. Elles contribuent ainsi à aggraver la situation de ces personnes dans le besoin et à accroître leur exclusion sociale. Pour faire prendre conscience à la société tout entière de la gravité de certains comportements discriminatoires qui stigmatisent les personnes pauvres, ce critère de discrimination doit être inscrit dans la loi.

L’association ATD Quart Monde fait également depuis de nombreuses années avec force une telle recommandation. L’objectif est de garantir l’accès des plus pauvres à l’exercice de leurs droits et d’avancer, de fait, vers l’éradication de l’extrême pauvreté.

Cependant, l’introduction de ce vingt et unième critère de discrimination laisse entière la question de sa mise en œuvre effective. En effet, comme cela a été rappelé, les personnes en situation de précarité sont souvent celles qui vont le moins réclamer l’application de leurs droits. Tout comme la CNCDH, nous sommes donc inquiets de la diminution du budget de l’accès au droit et à la justice qu’entraînera la démodulation prévue de l’indemnité allouée aux avocats dans le cadre de l’aide juridictionnelle.

L’examen de ce texte nous invite aussi à mettre en lumière les questions sous-jacentes qu’il ne résout pas. Certes, la notion de « précarité sociale » peut être inscrite dans la liste des motifs de discrimination punis par la loi, mais ne faudrait-il pas plutôt déterminer l’origine de cette précarité sociale et ce qui la favorise ? En tout cas, ces questions laissent poindre toute l’ironie que renferme ce texte : alors même que le Gouvernement met en œuvre des mesures d’austérité, vous nous proposez d’adopter, mesdames, messieurs les sénateurs socialistes, une loi pour lutter contre l’exclusion des plus précaires. Il serait pourtant facile de faire la liste de toutes les lois, qu’elles soient votées ou en cours d’examen au Parlement, qui étendent la précarité, voire l’aggravent. Mais l’heure est trop grave, je ne le ferai donc pas.

Nous soutiendrons cette proposition de loi, car elle est plus que jamais nécessaire, même si elle ne pourra suffire. En effet, nous ne devons pas seulement renforcer la lutte contre les discriminations ; il nous faut sortir des postures moralisatrices et nous attaquer à la racine du mal.

Sur le fond du texte, je souhaiterais mettre en exergue deux interrogations.

Premièrement, il nous est proposé d’inscrire la « précarité sociale » dans la liste des critères de discriminations. Or les critères existants, hormis la grossesse et l’état de santé, sont des caractéristiques permanentes. Une fois ancrée dans la liste des discriminations, on peut craindre que la précarité sociale ou la « vulnérabilité résultant de la situation économique » devienne également une caractéristique propre à certaines personnes, qui relèverait d’un état permanent, voire insoluble. On ne peut pas limiter notre combat politique à accepter le pauvre ; il s’agit de combattre la pauvreté !

Deuxièmement, en creux, une disposition ajoutée par M. le rapporteur nous interpelle. Il s’agit de l’introduction d’un nouvel article dans le code du travail, qui dispose : « Les mesures prises en faveur des personnes vulnérables en raison de leur situation économique et visant à favoriser l’égalité de traitement ne constituent pas une discrimination. » Cette disposition a pour objet de permettre des mesures d’action positive en faveur des personnes vulnérables en raison de leur situation économique. Autrement dit, il est question de mettre en œuvre une discrimination positive à l’égard des plus pauvres au travail. Il est donc plus facile d’accorder une discrimination positive que de mettre un terme aux discriminations.

Pour conclure, je dirai que, une fois sortie de son contexte, cette proposition de loi n’est pas contestable. Comme l’indique son auteur, il s’agit d’adresser un message de vraie considération et de fraternité à l’égard de celles et ceux qui se sentent mis de côté dans notre pays à raison de leur précarité sociale. C’est pourquoi, malgré les réserves que nous avons émises, les sénateurs et sénatrices du groupe communiste républicain et citoyen la voteront. Nous combattons la précarité et, comme plus de quarante associations et syndicats qui se sont exprimés le 10 juin dernier, nous ne pouvons accepter que les victimes de cette précarité et, plus généralement, de la pauvreté soient également les victimes stigmatisées d’une exclusion sociale.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comme on nous a appelés à réduire la longueur de nos interventions, je serai particulièrement bref.

La lutte contre la précarité constitue un devoir moral de tout élu, quelle que soit sa sensibilité. C’est aussi un devoir légal. Lorsque j’étais président de conseil général, j’ai dû me coltiner ces problèmes, qui sont toujours extrêmement délicats.

Beaucoup de choses ont déjà été dites. Je ne pourrais que les répéter, peut-être plus mal. Je vous dirai simplement que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a la passion de la fraternité et de la solidarité. C’est pourquoi nous voterons le texte.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mes chers collègues, je ne me serais jamais permis de vous demander de raccourcir vos interventions ; je vous ai simplement incités à respecter votre temps de parole.

La parole est à M. Olivier Cadic.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il est légitime de chercher à briser le cercle vicieux de la précarité. Nous pouvons aujourd’hui contribuer, un peu, à mettre un terme à cette double peine : la précarité sociale qui entraîne la discrimination, qui entraîne à nouveau la précarité. Dans cet objectif, je soutiens à titre personnel la proposition de loi, qui vise à renforcer la protection des personnes les plus démunies et les plus vulnérables à la discrimination.

Les travaux de la commission et ceux de M. le rapporteur sont allés dans le bon sens. Abandonner les termes vagues de « précarité sociale » permet de renforcer notre arsenal juridique et, ainsi, de protéger les Français victimes de telles discriminations.

La reconnaissance de la discrimination en raison de la pauvreté s’inscrit dans la logique de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. En effet, celle-ci a traité la question de la discrimination à raison du lieu de résidence de telle sorte que les habitants issus des quartiers défavorisés, en particulier les jeunes, sont désormais protégés.

On nous propose aujourd’hui de modifier notre code pénal en ajoutant un nouveau critère aux vingt qui existent à ce jour. Dans le prolongement des propos de M. le président Bas en commission des lois, permettez-moi, chers collègues, de constater l’aspect caricatural que notre législation commence à prendre. Avec la précarité sociale, la liste des discriminations répréhensibles par la loi s’allonge : vingt et un critères de discrimination en droit pénal ! Jusqu’où allons-nous donc allonger cette liste ? Plutôt que d’ajouter sans cesse de nouveaux critères, ne serait-il pas plus pertinent de prendre le temps d’engager une réflexion globale sur la question des discriminations ? Ne pourrions-nous pas réfléchir à une nouvelle formulation plus générique et plus synthétique, qui permettrait d’éviter cet inventaire à la Prévert ?

Vingt et un critères ! Au reste, est-ce suffisant ? Qu’avons-nous malheureusement oublié ? Si vous cherchez des idées, j’en ai. J’ai rencontré un patron qui n’embauche pas les personnes empruntant une certaine ligne de RER pour venir travailler. Il m’a confié : « Les salariés ne sont jamais là ! Sur la ligne, il y a constamment des problèmes techniques, des travaux, quand ils ne sont pas en grève ». Dès lors, devons-nous ajouter le critère du mode de transport ?

Vingt et un critères, disais-je ! Puisqu’on ajoute des critères, cela pourrait laisser à penser que cette politique est efficace.

À l’heure où les pauvres désespèrent de trouver un emploi, nous nous contentons de leur envoyer un signal de sympathie. Comme l’a relevé M. le rapporteur, ce texte a un côté symbolique. Nous serions plus inspirés de créer un environnement économique vraiment propice à la croissance et créateur d’emplois.

Nous légiférons ici pour ne pas discriminer en raison de la pauvreté. Mais qui pourrait s’opposer à une telle démarche ? Soyez un peu logiques ! Il y a deux semaines, j’ai regretté, ici même, que la mise en accessibilité prévue en 2015 soit renvoyée aux calendes grecques. Lorsqu’une entreprise n’est pas accessible, une personne handicapée ne peut même pas se rendre à l’entretien d’embauche. Comment peut-on affirmer qu’on ne fait pas de discrimination quand une entreprise n’est pas accessible ?

Au-delà de cette remarque, j’aimerais que nous n’oubliions pas l’essentiel. La proposition de loi protège-t-elle mieux les personnes en difficulté ou ajoute-elle, une fois de plus, de la complexité ? Ne rendons-nous pas la loi encore plus difficilement lisible et compréhensible ? Peut-être passons-nous même à côté du problème.

Comme le précise le rapport d’information, fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, intitulé Comment enrayer le cycle de la pauvreté ? Osons la fraternité !, l’un des principaux problèmes posés par la précarité sociale est l’autodiscrimination, conséquence du stigmate social que peut représenter la pauvreté. Un nombre toujours plus élevé de personnes éligibles aux aides sociales ne réclament pas ces aides. Vont-ils, dans ce cas, engager un recours en justice pour discrimination ? Ne devrions-nous pas plutôt réfléchir à la question de l’autodiscrimination ?

J’aimerais ne pas clore mon propos sur une note grave. En dépit du bien-fondé de la proposition de loi, il ne faut pas occulter le problème de fond qui se cache derrière. En effet, je vous invite, mes chers collègues, à ne pas vous tromper de cible : c’est bien l’étendue de la précarité sociale qu’il faut combattre et qui est le véritable problème de notre pays. C’est bien l’existence d’une armée de chômeurs, dont une politique que je regrette fait grossir les rangs, qui autorise le choix et, donc, la discrimination. Celle-ci n’en est qu’une de ses conséquences désastreuses. Il faut donc s’inquiéter de cette loi et non s’en réjouir. Si nous devons aujourd’hui légiférer sur cette forme de discrimination, c’est bien parce que la précarité sociale devient endémique.

Cette proposition de loi arrive à un moment où notre pays est durement touché par le chômage et la pauvreté. La pauvreté concerne aujourd’hui, en France, 8, 7 millions de personnes, soit 14, 3 % de la population. Je rappelle également qu’un enfant sur cinq est touché. Ne l’oublions pas, notre combat doit être avant tout de vaincre la précarité sociale !

Le groupe UDI-UC s’abstiendra sur cette proposition, mais quatre de ses membres, dont je suis, la voteront.

Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens, au nom du groupe socialiste, à saluer l’initiative forte de notre collègue Yannick Vaugrenard, qui fait suite au remarquable rapport d’information qu’il a publié voilà quelques mois sur le sujet, un rapport très parlant, très vivant et très vrai.

Vous l’avez dit, cher collègue, il y a 8, 7 millions de personnes pauvres en France, soit 4 millions de ménages. Le cri lancé avec tant de fermeté et d’autorité, mais aussi tant de douceur et de tendresse par Geneviève de Gaulle-Anthonioz, désormais entrée au Panthéon, mérite d’être entendu. C’est ce que vous faites avec cette proposition de loi.

On a dit que de nombreux critères de discrimination étaient déjà inscrits dans la loi. Certes, on pourrait peut-être simplifier, mais, voyez-vous, mes chers collègues, ils sont tous nécessaires, parce qu’il est profondément inacceptable qu’un être humain soit discriminé en raison de son origine, son sexe, sa situation de famille, sa grossesse, son apparence physique, son patronyme, son lieu de résidence, son état de santé, son handicap, ses caractéristiques génétiques, ses mœurs, son orientation ou son identité sexuelle, son âge, sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

À cette liste, il est proposé d’ajouter, après le lieu de résidence, la précarité sociale, la pauvreté. Pour ma part, je pense que tous ces critères sont justifiés. C’est bien de parler en général des droits de l’homme et de la femme, mais c’est encore mieux de les appliquer très précisément.

Comme je tiens, à l’instar de nombre d’entre vous, à ce que la proposition de loi soit adoptée, je m’en tiendrai là, conformément à ce qui m’a été, à juste titre, demandé.

Permettez-moi cependant de prendre le temps de saluer notre collègue rapporteur Philippe Kaltenbach. La commission des lois a fait du bon travail. Elle a souhaité que la loi de 1881 ne soit pas modifiée. Nous aurons l’occasion d’en reparler, mais chacune des dispositions de cette loi est très importante pour défendre la liberté de la presse.

Par ailleurs, je me félicite, monsieur le rapporteur, que vous ayez remplacé le critère de « précarité sociale » par celui de « particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur » pour d’évidentes raisons tenant aux exigences de clarté évoquées à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel, en vue d’une bonne interprétation de la loi.

Mon cher collègue Yannick Vaugrenard, merci d’avoir élaboré ce texte, de nous l’avoir présenté. Je tiens également à remercier toutes les associations œuvrant sur le terrain qui portent ce texte avec vous, et avec nous.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la pauvreté est un fléau qui touche plus de 8 millions de personnes en France.

La proposition de loi visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale est effectivement issue des travaux de la délégation sénatoriale à la prospective, menés entre 2013 et 2014 sous la présidence de Joël Bourdin.

Les auteurs de cette proposition de loi ont décidé d’introduire un vingt et unième critère et, ainsi, d’allonger la liste des discriminations invocables comme préjudices au regard de l’article 225-1 du code pénal, de l’article L. 1132-1 du code du travail, de la loi de 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations et de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Ce vingt et unième critère est celui de la « précarité sociale », qui pourrait donc justifier des sanctions pénales. Aux termes de l’exposé des motifs, « cette reconnaissance est une manière forte d’adresser un message ». C’est en tout cas ce qu’espèrent les auteurs de la proposition de loi. Nous sommes très clairement en train de débattre d’une proposition de loi symbolique, d’une proposition de loi « prise de conscience », si je puis dire, mais, finalement, cette proposition de loi ne fera pas, hélas ! avancer les choses.

Nous devrions plutôt réfléchir à autre chose qu’à une simple prise de conscience. La pauvreté progresse en France ; ce phénomène n’est pas nouveau. En témoigne le rapport d’information de la délégation sénatoriale à la prospective : « Loin de diminuer, la pauvreté est un phénomène qui se durcit, s’intensifie, se transforme et s’étend à de nouvelles populations. » Ce même rapport d’information en appelait d’ailleurs à des changements profonds sur un certain nombre de sujets fondamentaux. Il se voulait « lanceur d’alerte », mais j’ai l’impression que nous n’en sommes, encore aujourd'hui, avec cette proposition de loi, qu’au stade du lancement d’alertes.

Ce n’est pas le sujet que je dénonce, bien au contraire, mais bel et bien la manière de l’aborder. L’un des trois objectifs recherchés dans le rapport d’information de la délégation sénatoriale à la prospective était : « prendre conscience ». Nous débattons ici d’une proposition de loi visant effectivement à aider à prendre conscience. Cela signifie-t-il qu’il faudra, dans un an, voire plus, déposer une proposition de loi traitant du deuxième objectif, à savoir « instaurer la confiance », puis, dans deux ou trois ans, d’une dernière concernant le troisième objectif, « oser la fraternité » ?

Nous légiférons beaucoup, mais il nous faut aller plus loin et plus vite, surtout pour ce qui concerne cette question dramatique de la pauvreté. À mon sens, il ne suffit pas d’engager une action symbolique pour se donner bonne conscience. Le véritable débat devrait être celui de la pauvreté. Ce qui a poussé Yannick Vaugrenard à écrire son rapport d’information, c’est le constat que la pauvreté devient héréditaire : la pauvreté se transmet de génération en génération, comme une malédiction. Si des enfants sont pauvres, c’est parce qu’ils vivent dans des familles pauvres, lesquelles sont de plus en plus souvent monoparentales.

Au cours de ces dernières années, on a noté un changement notable dans la constitution sociale des ménages pauvres en France. Désormais, le nombre de personnes pauvres vivant dans des familles monoparentales est bien supérieur au nombre de personnes pauvres vivant dans des familles nombreuses. Aussi, il serait opportun de réfléchir à cette question sur le fond, afin de trouver les moyens de ralentir cette augmentation.

De plus, à la tête de ces familles monoparentales, on trouve essentiellement des femmes. Celles-ci subissent une double précarisation, parce qu’elles occupent très souvent des emplois peu qualifiés, qu’elles subissent des temps partiels contraints, peu rémunérés. J’entends par là que la lutte contre la pauvreté, la précarité sociale, ne peut s’exonérer d’une réflexion sur les inégalités, d’autant que celles-ci ne sont pas uniquement financières.

Le rapport de 2013 sur l’état de la pauvreté en France était une nouvelle occasion de proposer des mesures concrètes, afin d’essayer d’améliorer le quotidien de ces femmes, de ces hommes et de ces enfants qui ont des difficultés à satisfaire leurs besoins fondamentaux tels que se nourrir, se loger, se faire soigner, s’éduquer ou encore payer ses factures. À mon sens, ce n’est pas en ajoutant simplement un critère pénalement répréhensible que nous avancerons.

Nous sommes des responsables politiques. Il est donc de notre devoir, ici, au sein de la Haute Assemblée, non seulement de réagir, mais également d’agir, en formulant des propositions concrètes, afin d’éviter que les victimes ne s’enfoncent un peu plus encore. Engager une réflexion plus large et répondre globalement aux problématiques soulevées dans le rapport de M. Vaugrenard me paraîtraient participer d’une démarche plus cohérente et plus judicieuse. C’est pourquoi je m’abstiendrai sur ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie à mon tour notre collègue Yannick Vaugrenard d’avoir pris cette initiative. Cela nous permet de nous intéresser une fois encore à la situation de nos concitoyennes et de nos concitoyens qui souffrent et qui, trop souvent, perdent l’espoir de voir leurs conditions de vie s’améliorer.

Inscrire dans la loi l’interdiction de toute forme de discrimination liée à la situation économique et sociale de la personne constitue un geste fort. Une telle démarche s’appuie sur des situations vécues qui témoignent du caractère indigne de comportements qu’il convient donc de sanctionner et d’interdire. Même s’il ne sera pas toujours aisé de démontrer la volonté de nuire de l’auteur d’une discrimination et donc de le poursuivre – comme c’est le cas, aujourd’hui, pour les autres types de discriminations –, l’ajout du critère de « vulnérabilité » sociale au fondement d’une discrimination fixe des limites positives qui viennent renforcer le pacte républicain.

Je ne rappellerai pas les statistiques qui ont déjà été évoquées : ces chiffres sont tout à fait insupportables, notamment concernant les 3 millions d’enfants pauvres.

C’est au nom de l’engagement républicain qu’ont été mis en place, après-guerre, notre sécurité sociale, puis les nombreux dispositifs de redistribution qui existent dans notre pays. Ils représentent autant de remparts contre l’exclusion et la grande pauvreté. Cependant, c’est aussi le rôle du droit commun de favoriser l’intégration de toutes les personnes, y compris lorsqu’elles vivent en situation de précarité et de pauvreté. Je pense notamment au droit au logement, à la santé, à la formation et à l’emploi, ainsi qu’à l’accès aux modes de garde ou à la cantine pour les enfants. Sur ce dernier point, je constate avec regret que la ville de Toulouse envisage de mettre fin à la gratuité des cantines scolaires, décision qui affecterait près de 7 000 familles.

La loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, votée en 2014, permet déjà de limiter les inégalités touchant les femmes de notre pays. La réforme de l’éducation, quant à elle, contribuera à fournir à chacune et à chacun, quel que soit son milieu social d’origine, les mêmes chances de se construire. Enfin, l’action individualisée de la protection de l’enfance cherche à prendre en compte, le plus en amont possible, les difficultés des familles et tente d’y remédier.

Il nous faut maintenir ces efforts de solidarité, sans stigmatiser ou discriminer celles et ceux qui en bénéficient. Il importe même d’aller plus loin dans cette volonté de donner une chance à toutes et à tous, dès le plus jeune âge, en imposant des indicateurs de suivi régulier dans tous les domaines des politiques publiques pour les moins de dix-huit ans et en fixant des objectifs précis de progrès.

Nous ne pouvons plus tolérer que la société accepte les discriminations subies par une partie de ses enfants, du fait des difficultés économiques et sociales de leurs parents et de leur famille. Comme vous l’avez indiqué, madame la secrétaire d’État, il n’y a pas de fatalité. Il est de notre devoir d’aider ces futurs adultes à surmonter leurs difficultés. Tel est le sens de ce texte !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la présente proposition de loi s’inscrit dans le long – trop long – combat mené pour lutter contre les discriminations. Trop longtemps, notre pays a négligé les conséquences que celles-ci entraînent, refusant de considérer qu’elles sont souvent des morts sociales. Aussi, les pratiques discriminatoires, parce qu’elles n’ont longtemps suscité que de l’indifférence, ont profondément entamé l’adhésion aux valeurs égalitaires, méritocratiques et solidaires de notre République.

Le texte présenté par notre collègue Yannick Vaugrenard, dont je salue l’engagement pour cette belle cause marquée par la fraternité, propose l’ajout d’un vingt et unième critère constituant une discrimination, celui de la précarité sociale.

Le chômage ou le RSA sont des épreuves économiques, des moments difficiles de la vie auxquels nous devons faire en sorte de ne pas ajouter l’indignité, les vexations et les humiliations. Il nous revient, à tout le moins, de faire en sorte que cette double peine ne soit pas considérée avec indifférence ou, pis, avec de la condescendance. La pauvreté est une situation subie, et non pas choisie !

La proposition de loi offre donc une protection bienvenue. Néanmoins, il faut signaler que peu de plaintes pour discrimination connaissent une issue satisfaisante, tant le chemin est semé d’embûches et de difficultés. Si les tribunaux sont mal équipés pour traiter des questions de discrimination, il nous incombe de leur donner des instruments plus adaptés, et non de renoncer à l’action. Préciser les critères de discrimination et mieux armer les juges doivent constituer un impératif. L’évolution des consciences et la réduction des discriminations n’interviendront d’ailleurs qu’à la condition de maintenir une attention constante.

Dans son avis du 9 juin 2015, le Défenseur des droits a souligné que le critère de précarité sociale était discutable, parce qu’il constituait « une situation, temporaire ou chronique » et non « une caractéristique pérenne de la personnalité ». Cet argument me semble avoir ses propres limites, car il suffit de passer en revue la liste des critères pour identifier d’autres situations temporaires, comme la grossesse, la situation de famille, l’état de santé ou le lieu de résidence. Adopté sur l’initiative de la commission des lois, le changement sémantique de « précarité » en « vulnérabilité » sociale, terme dont la définition légale existe, est donc tout à fait judicieux.

L’état de pauvreté ne relève pas de la responsabilité individuelle mais résulte d’un contexte économique et social, sur lequel nous avons la mission d’agir. Toutefois, je fais le pari que l’ajout d’un tel critère intensifiera le combat pour la justice et le progrès social.

Mes chers collègues, pour faire vivre le troisième pilier de notre devise, celui d’une « fraternité » qui symbolise le lien de solidarité qui devrait unir tous les membres de la famille humaine, le groupe socialiste et républicain votera cette proposition de loi, qui contribue à franchir un degré supplémentaire dans le combat contre les discriminations.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

I. – L’article 225-1 du code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après les mots : « de leur apparence physique, », sont insérés les mots : « de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, » ;

2° Au second alinéa, après les mots : « de l’apparence physique, », sont insérés les mots : « de la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, apparente ou connue de son auteur, ».

II. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° À l’article L. 1132-1, après les mots : « de ses caractéristiques génétiques, », sont insérés les mots : « de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, » ;

« Art. L. 1133 -6. – Les mesures prises en faveur des personnes vulnérables en raison de leur situation économique et visant à favoriser l’égalité de traitement ne constituent pas une discrimination. »

III. –

Supprimé

IV. – La loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations est ainsi modifiée :

1° Au premier alinéa de l’article 1er, après les mots : « ses convictions, », sont insérés les mots : « la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, » ;

2° L’article 2 est ainsi modifié :

a)

Supprimé

b) Au 2°, après le mot : « sexuelle », sont insérés les mots : «, la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, apparente ou connue de son auteur, ».

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 1 rectifié est présenté par M. Mohamed Soilihi.

L'amendement n° 2 est présenté par M. Kaltenbach, au nom de la commission.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :

... – Le code du travail applicable à Mayotte est ainsi modifié :

1° À l'article L. 032-1, après les mots : « de ses caractéristiques génétiques, », sont insérés les mots : « de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, » ;

2° Après l'article L. 033-4, il est inséré un article L. 033-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 033 -5. – Les mesures prises en faveur des personnes vulnérables en raison de leur situation économique et visant à favoriser l'égalité de traitement ne constituent pas une discrimination. »

... – Le I est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

... – Le IV est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises, dans les matières relevant de la compétence de l'État.

L’amendement n° 1 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Cet amendement vise à corriger un oubli des auteurs de la proposition de loi initiale, que la commission des lois n’a pas pensé à réparer. Heureusement, notre collègue Thani Mohamed Soilihi a remarqué que le texte de la commission ne permettrait pas l’application de la loi dans les collectivités d’outre-mer. Pour pallier l’éventuelle absence de notre collègue aujourd’hui, la commission des lois a déposé un amendement identique au sien, que je vous invite à adopter, mes chers collègues.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

Favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Si j’interviens à ce moment du débat, ce n’est pas pour rappeler l’aggravation récente des situations de détresse sociale que rencontre la société française en raison, d’une part, du chômage de masse et, d’autre part, du glissement d’un certain nombre de nos concitoyens dans les différents régimes de minima sociaux, après l’épuisement de leurs droits aux allocations chômage. Je laisserai donc de côté toutes les considérations de politique générale sur la lutte contre la pauvreté. Je souhaite me concentrer sur le thème de la proposition de loi, à savoir la lutte contre les discriminations au titre de la pauvreté.

Je me suis longuement interrogé sur cette approche. La question qui nous est posée est en réalité très profonde, car il convient d’aborder le problème de la pauvreté sous un autre angle que l’angle strictement matériel. Nous devons non seulement nous interroger sur le regard porté par chacun de nos concitoyens sur celui ou celle qui est en situation de pauvreté, mais aussi nous interroger sur le regard que les pauvres portent sur eux-mêmes. Bien souvent, ces deux regards coïncident et aboutissent à la dévalorisation des personnes en détresse, ce qui représente peut-être le premier obstacle sur le chemin d’un retour à l’estime de soi, étape pourtant indispensable pour retrouver les capacités, les ressources et le ressort qui permettent à ces personnes au fond du trou de commencer à en sortir.

Tout ce qui, dans le débat public, peut contribuer à accorder davantage de considération à nos concitoyens en situation de pauvreté, indépendamment de la nécessité du traitement matériel de la pauvreté – qui est un enjeu politique majeur sur lequel j’ai moi-même dressé un certain nombre de constats –, me paraît aller dans la bonne direction. Toutefois, la commission des lois a relevé que le critère de « vulnérabilité » constituerait le vingt et unième motif de sanction pénale pour fait de discrimination, menant ainsi l’analyse juridique qui lui revient. Or je crains qu’un tel cumul de critères au fil des années n’ait pas beaucoup de sens et ne soit pas réellement efficace dans le cadre de la lutte contre les discriminations. En réalité, nous devrions réfléchir à une refonte complète de cette approche qui, faite d’ajouts successifs, se révèle beaucoup trop ponctuelle.

Laissons cependant de côté ces considérations juridiques, tout comme les considérations économiques que j’évoquais précédemment. Admettons donc que cette proposition de loi est une main tendue et qu’elle mérite à ce titre, malgré tous ses défauts – pardon à son auteur ! –, de recevoir une sanction positive de la part du législateur. C’est pourquoi, à titre personnel, et après avoir beaucoup hésité, je voterai le texte, non sans avoir rappelé que l’ensemble de mon groupe a décidé de s’abstenir.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Luche

Il a été rappelé à plusieurs reprises ce matin que nos concitoyens pouvaient bénéficier de prestations sociales, notamment du RSA. Or, en tant que président d’un conseil départemental, je souhaiterais vous demander, madame la secrétaire d’État – ce n’est pas à proprement parler de votre compétence, mais vous êtes chargée de la lutte contre l’exclusion –, comment puis-je faire savoir aux bénéficiaires potentiels du RSA qu’ils y ont droit. Reste que je n’ai pas d’argent pour le payer… Il faut donc que le Gouvernement donne aux départements les moyens de contribuer à la diminution de la pauvreté et de l’exclusion, par l’insertion, à laquelle conduit notamment le RSA.

Pour ma part, je m’abstiendrai sur cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.