Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je me réjouis que le Sénat examine ce jour une proposition de loi évoquant la protection sociale des Français établis hors de France, sujet éminemment important pour nos compatriotes résidant à l’étranger. Nous avons déjà trop attendu.
Créée il y a quarante ans, la Caisse des Français de l’étranger est un outil essentiel pour assurer la protection sociale des Français établis hors de France. Assurant une continuité des droits avec les régimes français de sécurité sociale et évitant de fait une rupture entre le statut que l’on possède en France et celui d’expatrié, la Caisse des Français de l’étranger a répondu aux attentes de nombreux compatriotes. En ouvrant ses prestations, sous certaines conditions, aux ayants droit, la CFE a su renforcer son attractivité, notamment par rapport à des assurances privées.
Ce système, avec ses avantages donc mais également ses imperfections, a dans l’ensemble bien fonctionné pendant près de quarante ans.
Mais aujourd’hui une évolution est rendue nécessaire au regard des changements que connaît l’expatriation. Personne ne peut contester ici que la sociologie des Français de l’étranger a, au cours des années, profondément évolué.
Nous le constatons d’ailleurs à chacun de nos déplacements : plus de jeunes se rendent à l’étranger à la recherche d’une première expérience professionnelle, davantage de compatriotes franchissent les frontières de l’Hexagone pour passer leur retraite, de nombreuses PME ou TPE sont créées par des Français installés à l’étranger...
Nous constatons également que ces publics certes différents ont un point commun : ils ne trouvent pas à la CFE une offre correspondant à leurs besoins respectifs. C'est encore plus vrai pour les jeunes qui n’ont souvent pas les moyens financiers d’adhérer à la CFE et qui, lorsqu’ils le peuvent enfin, se trouvent freinés par l’obligation de rétroactivité. Il conviendrait à l’avenir de rendre la Caisse plus attractive pour ces jeunes, d’autant plus que leur prise en charge s’avère moins coûteuse que celle des retraités et de leurs, parfois nombreux, ayants droit.
Ces manquements actuels de la CFE sont, je crois, connus de tous. L’IGAS et l’IGF mènent d’ailleurs une mission commune sur « l’activité et les conditions d’intervention de la Caisse des Français de l’étranger ». Cette mission, qui ne porte donc pas sur la gouvernance, devra notamment indiquer si, compte tenu de l’évolution de l’expatriation, l’offre de la Caisse est toujours adaptée. Elle devra également clarifier le positionnement de la CFE au sein de la sécurité sociale, notamment aux niveaux européen et international.
Il nous faut, en effet, aussi prendre en compte le fait que de plus en plus de pays se dotent d’un système d’assurance maladie obligatoire pour l’ensemble de leurs salariés, quelle que soit leur nationalité, comme la loi « Obamacare » aux États-Unis.
Sur l’initiative de Barack Obama, les États-Unis ont mis en place un système de protection sociale obligeant toute personne qui réside aux États-Unis à souscrire une assurance santé reconnue par l’administration américaine. Cette mesure a eu des conséquences pour la Caisse des Français de l’étranger, car l’administration américaine a considéré que la CFE, seule, ne répondait pas aux conditions fixées par « Obamacare ».
Face à cette nouvelle réglementation, la CFE a clairement manqué de réactivité, de dynamisme et, surtout, de transparence, notamment dans la recherche d’un partenaire commercial de qualité et en mesure de respecter les nouveaux principes imposés par « Obamacare ». Ces manquements ont plongé pendant de nombreux mois les 5 000 Français résidant aux États-Unis et cotisant à la CFE dans une grande incertitude.
Mais, au-delà de cette nécessité de s’adapter, l’urgence aujourd’hui est bel et bien la gouvernance de la CFE, notamment l’élargissement du collège électoral procédant à l’élection du conseil d’administration. C’est d’ailleurs l’objet de cette proposition de loi initiée par les sénateurs socialistes représentant les Français établis hors de France et soutenue par le groupe socialiste et républicain du Sénat. Il ne faut pas oublier, bien entendu, de citer le travail fait en amont par les membres Français du monde du conseil d’administration de la CFE, dont l’expertise et l’engagement auront été très précieux.
Depuis sa création, la gouvernance de la Caisse des Français de l’étranger a malheureusement peu évolué ou n’a pas évolué ; elle n’est aujourd’hui plus en adéquation ni avec la représentation politique des Français établis hors de France ni avec la réalité de l’expatriation.
Selon les textes aujourd’hui en vigueur, les membres du conseil d’administration de la CFE sont élus par les membres de l’Assemblée des Français de l’étranger. Or, depuis la réforme de la représentation politique des Français de l’étranger introduite par la loi du 22 juillet 2013, leur nombre s’est réduit à 90, alors que, en même temps, étaient instaurés les conseillers consulaires.
Les modifications apportées par la réforme de la représentation des Français de l’étranger appellent un nécessaire changement. Et il y a, de surcroît, urgence puisque la prochaine élection du conseil d’administration doit avoir lieu dans quelques mois. Il est donc aujourd’hui indispensable d’inscrire dans le code de la sécurité sociale que ce sont désormais les 443 conseillers consulaires qui procèdent à l’élection des membres du conseil d’administration de la CFE, et non plus seulement les 90 membres de l’Assemblée des Français de l’étranger. Mais nous sommes bien sûr prêts à élargir ce collège aux délégués dont l’élection est concomitante de celle des conseillers consulaires.
Faut-il préciser, mes chers collègues, que ne pas procéder à l’élargissement du collège électoral reviendrait à ne pas reconnaître le rôle joué par les conseillers consulaires dans près de 130 circonscriptions électorales ? Il me semble que c’est un bien mauvais message que l’on adresserait à ces nouveaux élus...
Pour conclure, je souhaiterais préciser que cette proposition de loi n’a qu’un seul but : moderniser le fonctionnement de ce formidable outil qu’est la CFE pour la faire entrer pleinement dans le XXIe siècle et répondre aux attentes des Français de l’étranger. Je forme le vœu que, pour le bénéfice de tous, nous y parvenions.