Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 1er mars 2006 à 15h00
Égalité des chances — Article 3 ter

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques mois, nous avons vu émerger sur le devant de la scène une nouvelle sorte de travailleurs précaires : les stagiaires.

Jusqu'à présent, ils étaient ignorés, et il a fallu que le caractère dramatique de leur situation se généralise et se banalise pour que l'on commence à s'intéresser à eux.

Leur situation est une triste illustration de ce que produit la politique libérale du Gouvernement en matière d'emploi.

La concurrence acharnée qui fait rage sur le marché du travail conduit souvent les jeunes à accepter n'importe quel type de contrat afin d'entrer dans les entreprises. Dans l'espoir d'y être intégrés un jour, ils acceptent de travailler de longs mois, la plupart du temps sans aucune compensation financière et, surtout, sans aucune garantie en termes de droits et de protection.

Les stagiaires ne sont jamais considérés comme des salariés. Leur protection sociale relève de l'université. Ils n'ont pas de contrat de travail. En conséquence, ils ne bénéficient ni d'un salaire, ni d'une inscription dans le registre du personnel, ni d'une visite médicale et, cela va de soi, ils ne se voient pas appliquer les conventions et les accords collectifs de l'entreprise.

Le recours au stage crée de véritables situations de « non-droit », puisque rien de contractuel ne lie le jeune stagiaire à l'entreprise.

Le Conseil économique et social estime à 800 000 chaque année le nombre de stagiaires, ce qui signifie qu'un étudiant sur deux réalise un stage au cours de sa formation.

On constate, ces dernières années, un allongement de la durée des stages. Quant aux écoles de commerce ou d'ingénieurs, elles commencent à généraliser les stages d'une année.

Il est fréquent aujourd'hui que les stagiaires occupent de véritables emplois, dépourvus de toute dimension pédagogique. Confrontés à un fort taux de chômage - près de 25 % des jeunes actifs sont touchés par ce fléau -, les stagiaires préfèrent travailler gratuitement plutôt que de renoncer à leur insertion professionnelle.

De ce fait, ils ne participent pas au financement de la protection sociale puisqu'ils ne cotisent ni pour la retraite ni pour l'assurance chômage. Ils ne bénéficient ni des congés ni de la RTT. Ils n'ont pas le droit de saisir les conseils de prud'hommes ou de se syndiquer.

Enfin, un arrêté du 20 décembre 1996 permet d'exonérer de cotisations sociales les entreprises qui versent à leurs stagiaires effectuant un stage obligatoire conventionné une gratification dont le montant est inférieur à 30 % du SMIC. Cette disposition a donc créé un effet de seuil très important, et il est rare que les entreprises rémunèrent leurs stagiaires au-delà de ce montant.

Il était effectivement devenu urgent de légiférer dans le domaine des stages, et il est vrai que ce n'était pas aisé. Mais en procédant ainsi que vous le faites, vous allez une fois encore à l'encontre des revendications des stagiaires, ces jeunes qui mettent un masque sur leur visage lors des manifestations afin de ne pas avoir de problèmes dans les entreprises où ils sont en poste.

Nous sommes particulièrement méfiants face au risque de création, par le truchement des stages, de véritables « sous-SMIC » ou « SMIC jeunes », destinés à des étudiants en mal d'intégration professionnelle. Et nous resterons vigilants sur le respect de leurs droits et le maintien d'un statut de stagiaire de qualité.

De fausses bonnes solutions pourraient également voir le jour, comme l'intégration de ce statut dans le code du travail, qui permettrait la création automatique d'un nouveau contrat et même d'un sous-contrat, du fait des éléments que j'ai indiqués précédemment.

S'agissant de cet article 3 ter, en particulier, si nous nous accordons sur la nécessité de rendre obligatoires les conventions de stage, l'absence d'un contenu législatif plus précis et contraignant pour les entreprises nous conduira à rester méfiants, voire inquiets, trop habitués que nous sommes aux pratiques habituelles du Gouvernement pour régler ce type de problèmes.

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