Aux termes de l’exposé des motifs du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, l'objectif de ce texte est, entre autres, « d'améliorer la gouvernance territoriale ainsi que l'efficacité et l'efficience des politiques publiques mises en œuvre dans les territoires » par un redécoupage des régions, afin de donner « à ces dernières une taille critique sur le plan géographique, démographique et économique. » Or l'étude d'impact évite soigneusement de poser la question de la pertinence de la notion de « taille critique » en matière d'économie, de développement, de gouvernance. Même en Allemagne, pays auquel on compare la France, les Länder sont très hétérogènes eu égard aux différents points de vue que j’ai exposés. Ainsi la Bavière, le plus grand Land, est-elle vingt et une fois plus peuplée que la Brême, le plus petit Land, dont le PIB est seize fois et demie inférieur au sien. S'il y a un succès économique allemand, il ne doit rien à la « taille critique » des collectivités territoriales du pays.
Évidemment, l'étude d'impact n’explique en rien le lien qui pourrait exister entre le rattachement du Cantal à la région Rhône-Alpes ou celui de la Somme à la région Champagne-Ardenne plutôt qu’au Nord-Pas-de-Calais d'abord envisagé et la dynamisation des territoires respectifs de ces entités.
Évoquant le regroupement de la région Languedoc-Roussillon et de la région Midi-Pyrénées, l’étude d’impact se borne à noter que la nouvelle région « deviendrait […] un lieu de convergence d'axes économiques importants, à la confluence des grands courants d'échanges. Elle disposerait d'atouts géostratégiques indéniables et d'infrastructures adaptées et qui confèrent à la fonction logistique et au transport un potentiel de développement ». Le Conseil constitutionnel a validé ce beau collier de banalités que ne rehausse aucun chiffrage sur les effets économiques et financiers de la future loi, région par région et globalement.
Pourquoi ne pas réunir la région Franche-Comté avec l'Alsace et la Lorraine, ce qui aurait pour avantage de mettre en valeur l'axe Rhin-Rhône et une cohérence historique ancienne ?
Pourquoi créer le « Poichenli », regroupement des actuelles régions Poitou-Charentes, Centre et Limousin, au lieu de prévoir un rapprochement avec d’autres collectivités ? Pourquoi constituer une grande région Rhône-Alpes-Auvergne ? Pourquoi les petits Pays de la Loire ont-ils été oubliés ? Ceux qui ont suivi les allers-retours entre l'Élysée et Matignon et l'évolution des cartes ont bien une idée sur la réponse, mais on n’en trouve nulle trace dans l’étude d’impact.