Séance en hémicycle du 18 juin 2015 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • contentieux
  • d’impact
  • l’octroi
  • mer

Sommaire

La séance

Source

La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3 et Public Sénat.

(Applaudissements.), et de Mme Martine Pinville, dans ses fonctions de secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je tiens à saluer la première présence au banc du Gouvernement de Mme Clotilde Valter, dans ses fonctions de secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification §

Mesdames les secrétaires d’État, je vous adresse, en notre nom à tous, nos souhaits de cordiale bienvenue. Vous aurez une séance de répit, peut-être, mais pas plus…

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Monsieur le ministre de l’intérieur, l’affaire des migrants pose en réalité trois problèmes.

Tout d’abord, il y a un problème humanitaire. Sans revenir dessus en détail, il est clair que ce qui se passe actuellement en Méditerranée est inacceptable. La mort, la souffrance, le débarquement dans des conditions invraisemblables en Italie créent une situation qui s’impose à tous, et pas seulement aux Italiens.

Ensuite, se pose un problème matériel et financier. Je ne reviendrai pas sur les chiffres de la Cour des comptes, qui évalue à peu près à 2 milliards d’euros le coût pour notre pays de l’asile, déboutés compris, et de l’immigration clandestine, si l’on ajoute l’aide médicale de l’État, l’hébergement, l’allocation temporaire d’attente, la durée d’instruction de chaque dossier de demandeur d’asile. À défaut d’être certifié, ce chiffre apparaît quand même probable ; en ces temps de contraintes financières et matérielles, il ne peut que nous interpeller.

Enfin, un certain nombre de responsables, pas seulement de droite, disent que nous sommes à un point de rupture, l’acceptation de cette situation par notre société étant de plus en plus difficile. Il n’est qu’à voir les incidents qui se sont produits entre les CRS et certains migrants à Calais ou à Paris. D’aucuns proposent la création de centres, mais personne ne s’y retrouve.

Parallèlement, nous avons l’impression que l’Europe balbutie, et ce qui vient de se passer à Luxembourg n’est pas de nature à nous rassurer. Nous avons également le sentiment que vous souhaitez faire preuve de fermeté, mais que le cadre européen ne se prête pas à la prise de décision rapide et efficace qui s’impose au regard de ce qui se passe en Méditerranée.

Le système français n’a plus la capacité financière de suivre. D’un côté, nous intégrons mal ceux qui obtiennent le droit d’asile et, de l’autre, nous traitons massivement ceux qui sont déboutés et qui ne sont pas raccompagnés à la frontière.

Pour résumer, je dirai que nous subissons une pression considérable aux frontières, notamment celles du sud, avec l’Italie. Par ailleurs, le point d’acceptation dans la société française est dépassé, d’autant qu’on nous annonce 300 000 personnes supplémentaires dans l’année qui vient. Aussi, ma question est simple : concrètement, que fait le Gouvernement français ? Certes, vous avez annoncé hier un plan pour un meilleur accueil, qui contient d’ailleurs un certain nombre de mesures qui étaient déjà prévues, mais je suis désolé de vous dire que nous sommes loin du compte au regard de la pression que nous subissons à nos frontières.

Monsieur le ministre, le Gouvernement ayant la responsabilité de la sécurité intérieure et de l’unité de la nation, comment comptez-vous procéder ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je demande à chacun de respecter son temps de parole.

La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve

Monsieur Karoutchi, vous évoquez un problème extrêmement grave, à propos duquel je m’interdis tout commentaire, étant moi-même en situation de responsabilité. Pourtant, j’entends beaucoup de commentaires, y compris de la part de ceux qui ont, par le passé, exercé des responsabilités. Étant donné la gravité de la situation, chaque parole sur le sujet devrait être pesée et responsable.

Nous devons trouver les solutions les plus pertinentes à ce problème international. Vous pourrez dire tout ce que vous voulez sur le niveau d’acceptation en Europe, la réalité qui s’impose à nous est celle d’hommes et de femmes jetés sur les chemins de l’exode par les persécutions et les exactions perpétrées par des régimes sanguinaires et des groupes terroristes.

Faut-il que l’Europe assure l’accueil de ceux qui relèvent du statut de réfugié ? La réponse du Gouvernement est clairement oui ! Les cinq pays accueillant 75 % de ces réfugiés peuvent-ils continuer à le faire seuls ? La réponse est clairement non ! C’est la raison pour laquelle nous avons proposé un dispositif de solidarité. Il faut savoir que les propositions faites par l’Union européenne ont été inspirées par la France.

Le 30 août 2014, j’ai fait une tournée des capitales européennes en proposant à tous mes homologues d’accepter un dispositif introduisant non seulement plus de solidarité, mais également plus de responsabilité, ce qui implique trois choses.

D’abord, il faut que les migrants soient enregistrés dans le pays de première arrivée, pour qu’il soit possible de distinguer ceux qui relèvent du statut de réfugié de ceux qui relèvent de l’immigration économique irrégulière.

Ensuite, il faut que ceux qui relèvent de l’immigration économique irrégulière soient reconduits vers les pays de provenance. C’est pourquoi nous avons obtenu le triplement des moyens de Frontex et de passer d’une opération exclusivement humanitaire à une opération couplant l’humanitaire au contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne.

Enfin, nous devons travailler avec les pays de provenance – d’où mon déplacement au Niger voilà trois semaines –, pour qu’il y ait de véritables centres de réadmission et le maintien dans la bande sahélienne de populations auxquelles nous devons, par ailleurs, apporter des projets de développement.

En France, nous menons deux types d’action.

D’une part, nous proposons des dispositifs d’hébergement renforcés. Nous prévoyons en effet plus de places pour les réfugiés qui sont dans les CADA – les centres d’accueil pour demandeurs d’asile –, dans la rue ou les centres d’hébergement d’urgence, car ils doivent entrer dans le droit commun du logement, avec des dispositifs d’insertion. Nous ouvrons également de nouvelles places dans les centres d’hébergement d’urgence et dans les CADA.

D’autre part, nous faisons davantage preuve fermeté en mettant en place des dispositifs de reconduite à la frontière.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous avons éloigné 15 000 personnes l’an dernier ; c’est beaucoup plus que ce qui avait été fait auparavant. Sachez que nous continuerons à conduire cette politique de fermeté avec responsabilité et humanité.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Philippe Esnol, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Esnol

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Mardi, plus d’une centaine de taxis parisiens ont participé à des rassemblements du type « opération escargot » au départ des aéroports parisiens, avant de converger vers la capitale.

Hier, les organisations de taxis, regroupées en intersyndicale, ont appelé le Gouvernement à faire cesser au plus vite les applications mobiles organisant le transport entre particuliers, de type UberPop, faute de quoi elles envisagent, à partir du 25 juin, un mouvement d’ampleur nationale à durée illimitée.

Comment en est-on arrivé là, alors qu’en octobre 2014 a été promulguée une loi sur le sujet ? Ce texte réprime plus fortement l’activité clandestine de taxi et réglemente l’activité des voitures de transport avec chauffeur, les VTC.

Monsieur le ministre, à en croire les chauffeurs de taxi, cette loi ne serait que très peu appliquée. Les contrôles seraient nettement insuffisants, pour ne pas dire inexistants, notamment ceux qui sont destinés à vérifier que les VTC respectent l’obligation qui leur est faite de retourner à leur point d’origine entre deux courses.

Aujourd’hui, de nombreux litiges sont devant les tribunaux et des procédures ont été engagées contre des chauffeurs UberPop, mais la relaxe, la semaine dernière, de l’un d’entre eux a rallumé la colère des taxis, qui dénoncent cette concurrence déloyale et des pratiques de travail dissimulé sous couvert de covoiturage.

Sans approuver les menaces de blocage, il nous semble urgent que le Gouvernement prenne les mesures qui s’imposent et permette tout simplement à la loi de la République de s’appliquer. D’ailleurs, peut-on seulement attendre une autre position du pouvoir exécutif, et particulièrement de votre ministère ? Aussi, allez-vous donner des instructions pour intensifier les contrôles policiers et les procédures judiciaires à l’encontre des taxis non professionnels en infraction ?

Applaudissements sur les travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve

Monsieur le sénateur, vous m’interrogez pour savoir si nous sommes prêts à faire ce que nous faisons déjà. La réponse ne fait pas de doute, puisque tout ce que vous souhaitez nous voir mettre en œuvre est déjà appliqué, comme je vais vous le démontrer.

La loi du 1er octobre 2014 définit le cadre juridique dans lequel les activités de taxi et de VTC peuvent se développer. Deux acteurs économiques, à savoir les chauffeurs de taxi et ceux de VTC, sont aujourd’hui confrontés à l’activité totalement illicite, incontestablement illégale des véhicules UberPop, dont les chauffeurs se prêtent à ces activités sans acquitter la moindre charge sociale, contrairement à eux, qui évoluent dans un cadre concurrentiel extraordinairement contraint.

Un tribunal correctionnel s’est déjà prononcé, précisément parce que nous avons agi. Les conducteurs de ces véhicules en infraction s’exposent désormais à des peines d’amende de 1 500 euros. Par ailleurs, pour ceux qui organisent ces activités, comme l’entreprise UberPop, la loi a prévu des amendes de 300 000 euros et des peines d’emprisonnement, mesure qui fait actuellement l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Vous me demandez si nous agissons et si des procédures sont en cours. Sachez que nous avons diligenté un nombre incalculable de contrôles et que nous continuerons à le faire avec la plus grande fermeté. Plus de 420 procédures ont ainsi été engagées par mon ministère depuis la fin de l’année dernière, avec des suites pénales données par l’autorité judiciaire. Je me dois d’ailleurs de compléter votre information sur les décisions du tribunal correctionnel de Paris rendues la semaine dernière. Cette juridiction a condamné le même jour un conducteur à une peine de prison avec sursis, et le parquet a fait appel de la décision de relaxe que vous avez évoquée dans votre question.

Par ailleurs, le Premier ministre a saisi le délégué national à la lutte contre la fraude afin que des contrôles et des actions soient engagés en matière fiscale et sociale. Comme le prévoit un projet de circulaire interministérielle, les procédures seront transmises systématiquement aux URSSAF et aux services fiscaux pour mise en œuvre des redressements éventuels.

Nous faisons tout cela dans le respect du droit, avec détermination et une volonté absolue de transparence. J’ai totalement confiance dans les autorités judiciaires pour donner les réponses pénales les plus fermes à l’égard de ces actes inacceptables.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je le répète, comme nous l’avons fait jusqu’à présent, nous continuerons ces contrôles, et les préfets prendront des arrêtés d’interdiction de ces activités manifestement et incontestablement illicites.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Depuis la semaine dernière, j’accompagne avec mes collègues écologistes les expulsés de la rue Pajol. On n’y a pas vu beaucoup d’élus, mais des centaines de gendarmes mobiles. Curieux, n’est-ce pas ? Surtout face à ces êtres démunis, au regard vide, épuisés à force de dormir dehors. Ils ne parlent pas, on les dirait atteints d’un mutisme dénotant la souffrance. Par pudeur, je n’en dirai pas plus.

Des voisins, des jeunes gens et des moins jeunes apportent qui une couverture, qui un peu à manger ou à boire. Une modeste association de bienfaisance leur sert un plat chaud avec un peu de pain.

Monsieur le ministre, vous avez certes annoncé hier la création de quelques milliers de places pour les demandeurs d’asile entre la fin de l’année et la fin de 2016 et 5 000 places de plus d’ici à 2017 pour ceux qui ont déjà obtenu le statut de réfugié. Si nous saluons vos promesses d’hébergement, une question demeure : l’« humanité » affichée prévaudra-t-elle sur une « fermeté » parfois brutale ?

En 2014, notre pays a octroyé l’asile à 17 % des demandeurs, alors que, d’une manière générale, dans l’Union européenne, ce taux s’élève à 45 % !

Avant l’ouverture de vos hypothétiques grands chantiers, que ferez-vous dans l’immédiat des expulsés des campements que vous qualifiez d’illicites, des demandeurs d’asile sans logement ou en centre de rétention ? Ils ne vont quand même pas dormir dans la rue ou rester dans ces centres jusqu’à la fin de 2015 ! Des places d’hébergement doivent être ouvertes en urgence et accessibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! Quid des mesures privatives de liberté à la frontière pour les mineurs isolés demandeurs d’asile auxquelles le candidat Hollande avait promis de mettre fin ?

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Des actes, monsieur le ministre, nous voulons des actes, et pas des mots ni des promesses non tenues !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve

Madame Benbassa, je vous remercie pour votre question.

Vous aurez constaté avec moi que ceux qui commentent ces situations compliquées sur les plateaux de télévision ne sont pas au banc du Gouvernement en train d’agir pour trouver des solutions.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

D’une manière générale, ceux qui sont sur les plateaux de télévision, je ne les ai pas beaucoup vus auprès des migrants faisant acte de solidarité.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Je conviens que ce n’est pas votre cas, madame Benbassa. On ne peut pas en effet être à la fois discrètement auprès des migrants avec les qualités du cœur et dans un exercice narcissique de pur commentaire à la télévision. Je tenais à préciser les choses, car j’ai vu un cynisme total et assez peu d’humanité.

Vendredi, lorsque nous avons décidé avec des membres de l’OFII, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, et de l’OFPRA, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, de mettre à la disposition des migrants qui ont été évacués du camp de La Chapelle des solutions d’hébergement, il n’y avait pas un policier. Les migrants sont montés dans le bus tout à fait librement, car ils savaient que nous avions prévu des dispositifs d’urgence. Qui les en a fait descendre ? Ce sont des groupuscules, ces mêmes acteurs que l’on retrouve sur les plateaux de télévision, qui avec le plus pur cynisme ont conduit ces migrants dans une caserne qui menace de tomber en ruines.

Madame Benbassa, nous n’avons pas proposé hier quelques milliers de places d’hébergement, mais 11 000 places, qui permettront de créer 4 200 places d’hébergement en plus des 8 000 que nous avons déjà créées en centre d’accueil pour demandeurs d’asile. Nous voulons conduire une politique de l’asile qui permette à ceux qui ont le statut de réfugié d’être accueillis dignement.

Nous ouvrons aussi 1 500 places de plus en hébergement d’urgence afin qu’il n’y ait plus une personne vulnérable qui dorme dans la rue. La création de ces places d’hébergement supplémentaires nécessitera, non pas des commentaires, mais un travail qui sera difficile.

Enfin, nous offrons 5 000 places pour ceux qui dorment dans la rue, qui sont dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile ou les centres d’hébergement d’urgence et qui ont depuis longtemps le statut de réfugié, car ils ont le droit d’entrer dans un parcours d’insertion.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Vous appelez cela des mesurettes. Or c’est un travail extrêmement difficile que nous faisons avec un certain nombre d’associations et la ville de Paris, et que nous continuerons à faire.

J’aimerais sur ce sujet un peu moins de commentaires, de posture et de cynisme et plus de sobriété et de dignité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

L’hôpital public est en crise, il est malade des réformes successives dont il est victime depuis des années.

Les nouvelles restrictions budgétaires de 3 milliards d’euros d’ici à 2019 menacent 22 000 emplois, dont 4 000 à l’AP-HP, l’assistance publique-hôpitaux de Paris.

Un personnel épuisé, en sous-effectif, avec des salaires gelés depuis 2010 et à qui on demande toujours plus, est-ce ainsi que l’on pense assurer l’égalité d’accès aux soins et leur qualité ?

La loi HPST et la tarification à l’activité ont transformé l’hôpital en une entreprise, la gestion prenant le dessus sur le curatif.

L’annonce du projet de réforme des 35 heures de Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP, a mis le feu aux poudres. Les hospitaliers ne sont pas dupes de ces pseudo-réformateurs qui visent à « convertir des problèmes de moyens en problèmes d’organisation », comme le dit le sociologue Nicolas Belorgey, auteur de L’Hôpital sous pression.

Une nouvelle mobilisation d’ampleur à l’appel de l’ensemble des organisations représentatives des personnels a encore eu lieu ce matin, la quatrième en quelques semaines. Visiblement, le dialogue amorcé par le directeur général et la présentation de son document de travail n’ont pas suffi à calmer la colère des agents.

Diminuer le nombre de RTT reviendrait à réduire la durée quotidienne du travail et, donc, le temps de transmission entre les équipes de soins, indispensable à la bonne prise en charge des patients qui ont besoin d’un suivi permanent.

Si la colère gronde de Morlaix à Marseille, en passant par le centre hospitalier de Calais ou bien encore l’hôpital de Feurs dans la Loire, c’est parce que les personnels de santé savent bien que l’AP-HP sert de laboratoire d’expérimentation à toutes les réformes hospitalières. Sur l’ensemble du territoire national, on demande aux personnels toujours plus de sacrifices et, dans les faits, on assiste à un démantèlement de l’hôpital public. Des groupements hospitaliers de territoire à la promotion de l’ambulatoire, qui, sous couvert de modernité, devrait rapporter 1, 5 milliard d’euros d’économies et ouvrir un boulevard aux prestataires privés, c’est la recherche de productivité, et non celle de la qualité des soins, qui est visée.

Madame la ministre, dans l’intérêt des patients et des personnels de santé, allez-vous renoncer aux 3 milliards d’euros d’économies programmés pour l’hôpital public et intervenir auprès de Martin Hirsch pour qu’il retire définitivement son projet de réforme ? Comment le Gouvernement entend-il permettre aux hôpitaux publics de continuer à assurer dans de bonnes conditions leurs missions, améliorer les conditions de travail des personnels de santé, garantir une offre de soins et une qualité de prise en charge des patients, dont on constate tous les jours qu’elles se dégradent ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre des affaires sociales.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

L’hôpital public est une institution dont nous sommes fiers et à laquelle l’ensemble des Français sont attachés, car il est le cœur battant de la République sociale : il est ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre et accueille tous nos concitoyens lorsqu’ils en ont besoin.

Le Gouvernement s’est fortement engagé pour défendre, soutenir et développer l’hôpital public. Je ne vous laisserai donc pas dire, madame la sénatrice, que nous assistons à son démantèlement dans notre pays.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

En 2015, nous lui avons alloué 1, 5 milliard d’euros de plus qu’en 2014. Depuis 2012, nous y avons créé près de 30 000 emplois afin d’assurer un meilleur accueil des patients.

L’hôpital public est aussi un lieu d’innovation et d’adaptation. C’est pourquoi nous devons faire en sorte – c’est le sens des projets que je porte – qu’il travaille mieux avec la médecine de ville et que la recherche y soit toujours plus performante. Je me réjouis d’ailleurs que nous ayons eu l’occasion cette année de célébrer la centième première mondiale réalisée dans un centre hospitalier universitaire français. C’est une réelle fierté pour notre pays !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Je suis extrêmement attentive aux conditions de travail au quotidien des personnels de l’hôpital public, qui sont, je le sais, très attachés à leurs missions car profondément attachés à la solidarité.

L’hôpital public pour répondre aux défis qu’il a à relever doit évoluer et s’adapter dans le cadre d’un dialogue social. À cet égard, je veux dire ma confiance à Martin Hirsch. Je sais qu’il œuvre avec les organisations syndicales pour que les conditions de travail et l’organisation soient adaptées et pour relever le défi d’une meilleure prise en charge de nos concitoyens vingt-quatre heures sur vingt-quatre et trois cent soixante-cinq jours par an.

C’est en relevant les défis de manière résolue et en adoptant une politique d’innovation et de modernisation que nous parviendrons à maintenir les valeurs d’égalité et de solidarité au fronton de nos hôpitaux publics.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Bernard Lalande, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Lalande

Au nom de mon groupe, je salue la nomination au Gouvernement de Martine Pinville et de Clotilde Valter. Nous avons la certitude qu’elles serviront la République avec dévouement et avec talent dans leurs nouvelles fonctions.

Ma question s'adresse à Martine Pinville, secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.

Dès 2012, dans un contexte économique difficile avec une croissance en berne, le Gouvernement a eu la volonté de résoudre une équation complexe : accorder des incitations fiscales aux entreprises pour les pousser à investir sans dévier de la trajectoire de redressement des finances publiques.

En allégeant les coûts des entreprises de 20 milliards d’euros par an, via le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, en créant la Banque publique d’investissement, en développant des politiques de soutien à l’innovation, à la recherche et à l’économie numérique et, plus récemment, en créant un amortissement supplémentaire pour les investissements en matériels industriels, le Gouvernement répond aux attentes des entreprises et des entrepreneurs et, je tiens à le rappeler, obtient des résultats, puisque la croissance est de retour depuis le début de l’année 2015. Ces mesures énoncent un postulat : les résultats d’aujourd’hui font les investissements de demain et les emplois d’après-demain. L’objectif clairement annoncé par le chef du Gouvernement est de transformer la reprise d’activité en emplois non délocalisables.

Ainsi, pour lever les freins à l’emploi dans les TPE et les PME, tout en favorisant le développement de leur activité, le 9 juin dernier ont été annoncées un certain nombre de mesures dynamiques et adaptées qui devraient permettre à cette catégorie d’entreprise de bénéficier de la reprise de la croissance. L’une de ces mesures consiste à garantir des pratiques concurrentielles loyales en luttant contre les fraudes au détachement de travailleurs. Des mesures relatives à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal avaient d’ailleurs déjà été prises, en particulier à travers le décret du 30 mars 2015. Nous savons aussi que la France, par la voix du Gouvernement, agit en Europe sur le sujet.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer en quoi les mesures annoncées dans le plan « Tout pour l’emploi dans les TPE et les PME » amélioreront les dispositifs déjà existants et quel sera le calendrier de leur mise en œuvre ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce.

Bonne chance pour cette première réponse au Sénat !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Martine Pinville

La question que vous posez, monsieur le sénateur, c’est celle de la stratégie de l’État pour enrichir la croissance en emplois.

Les mesures présentées la semaine dernière par le Premier ministre concernent 99 % des entreprises qui emploient près de la moitié des salariés. Si nous parvenons à les aider à se sortir de la crise, alors la partie sera gagnée.

Ce plan comporte des mesures structurelles.

Tout d’abord, un mécanisme de plafond-plancher pour les prud’hommes en fonction de la taille de l’entreprise et de l’ancienneté de l’employé, afin de redonner de la visibilité aux entrepreneurs. Un petit patron a besoin, comme vous le savez, de savoir dès l’acte d’embauche ce qui se passera dans le pire des cas.

Ensuite, concernant les accords de maintien de l’emploi, le Gouvernement souhaite donner la possibilité à ceux qui sont confrontés à la difficulté de se mettre d’accord pour la surmonter.

Autres mesures structurelles : le recours à des travailleurs détachés doit devenir non seulement illégal, mais également impossible ; je pense aussi au renouvellement possible des CDD ou à l’accès des PME aux marchés publics.

Le Premier ministre a également annoncé des mesures plus ponctuelles, comme une aide à la première embauche. Pourquoi maintenant ? Parce qu’il faut battre le fer tant qu’il est chaud. Les petits patrons étaient hier résignés. Ils sont aujourd’hui hésitants. Nous devons les faire basculer dans l’action pour qu’ils embauchent.

Le Gouvernement prend aussi des mesures pour la formation, l’accompagnement et la simplification. Notre économie doit recréer des emplois, même lorsque la reprise est fragile, comme aujourd’hui. C’est le sens de notre action et l’objectif des mesures présentées hier.

Monsieur le sénateur, nous ne sommes pas condamnés à attendre de parvenir à 2 % de croissance pour que le chômage baisse. C’est l’ambition et la volonté du Gouvernement !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Valérie Létard, pour le groupe Union des démocrates et indépendants-Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Madame la secrétaire d’État Martine Pinville, je suis heureuse de vous saluer à mon tour à l’occasion de votre première intervention devant notre assemblée.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Ma question s’adressait à M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

Le groupe Vallourec, fleuron de l’industrie française et leader mondial des tubes acier sans soudure, est confronté à une baisse très forte de son activité, consécutive à la chute des investissements des groupes pétroliers.

Présent dans le monde entier avec 22 000 salariés, Vallourec a annoncé, le 29 avril dernier, la suppression de 1 500 emplois en Europe, dont 600 en France, principalement dans les tuberies, et la recherche d’un partenaire majoritaire pour reprendre l’aciérie de Saint-Saulve dans le nord de la France, mais environ deux cents entreprises sous-traitantes se trouvent également fragilisées.

À ma demande, ainsi qu’à celle de mes collègues élus du Valenciennois, M. Macron a mis en place un groupe de travail animé par le préfet de région, dont la mission consiste à rechercher les solutions acceptables pour assurer le maintien de l’activité et de l’emploi dans l’aciérie et les tuberies du nord de la France. Sont également concernées la Côte-d’Or et la Seine-Maritime.

Dans ce cadre, le ministre s’est engagé à ce qu’il n’y ait aucune fermeture de site, mais les perspectives d’activité présentées par la direction de Vallourec et sa volonté confirmée de céder la seule aciérie française du groupe renforcent mon inquiétude : inquiétude que le Nord-Pas-de-Calais et le Valenciennois, leurs salariés et leur population ne subissent un nouveau saccage de leur appareil industriel, alors que les acteurs locaux agissent sans relâche pour développer un pôle industriel d’excellence ; inquiétude que la cession de l’aciérie de Saint-Saulve ne préfigure en réalité sa disparition.

Le Gouvernement peut-il accepter qu’un groupe mondial, mais français, fragilise les sites situés dans le pays qui l’a vu naître et qui a assuré sa croissance ? Madame la secrétaire d’État, comment envisagez-vous l’intervention de l’État, actuellement actionnaire de Vallourec via Bpifrance, pour assurer la pérennité de l’aciérie de Saint-Saulve ? Pouvez-vous nous assurer que M. Macron demandera qu’aucun plan social ne soit engagé par Vallourec tant que les discussions du groupe de travail qu’il a pris l’initiative de réunir n’auront pas abouti ?

Si le Gouvernement, comme l’indiquait son ministre Emmanuel Macron, veut retrouver « l’esprit du capitalisme industriel », la situation de Vallourec lui offre une occasion d’en apporter la preuve concrète. Plus qu’une grande entreprise, Vallourec est un symbole, le symbole d’une industrie qu’un État acteur et stratège doit absolument soutenir.

Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce.

Debut de section - Permalien
Martine Pinville

Dès l’annonce par Vallourec de son projet de restructuration, Emmanuel Macron a rappelé l’attachement de l’État à la préservation des capacités industrielles de Vallourec et son souhait que cette restructuration soit menée sans fermetures de site et sans départs contraints en France. Le Gouvernement a retenu le choix de Vallourec de privilégier le dialogue social et une concertation avant d’engager le processus d’information et de consultation.

Dès le 6 mai, le ministre de l’économie a reçu les élus du Nord pour leur rappeler toute l’attention et la mobilisation de l’État au sujet de cette restructuration annoncée. Comme il s’y est engagé lors de cette rencontre, ses équipes travaillent avec Vallourec pour offrir des perspectives industrielles à l’aciérie de Saint-Saulve, outil qui a bénéficié d’investissements massifs ces dernières années et représente donc une capacité industrielle à haut potentiel.

Ainsi, nos cabinets, la direction générale des entreprises et notre agence de prospection à l’international, Business France, sont mobilisés dans la recherche d’un partenaire ou d’un repreneur pour cette aciérie. Des contacts ont déjà été pris avec plusieurs acteurs industriels de la sidérurgie connus de ces équipes et une prospection internationale sera lancée en juillet. Nous souhaitons que soit retenue la solution la plus ambitieuse industriellement ; cette solution ne doit évidemment pas avoir de conséquences négatives ailleurs sur notre territoire.

Toujours comme le ministre s’y est engagé le 6 mai, un groupe de travail réunissant Vallourec, des élus et des représentants de l’État a été mis en place sous la présidence du préfet de région. Ce groupe de travail s’est réuni une première fois le 15 juin dernier. Il doit permettre à tous de proposer et d’étudier toute solution permettant de préserver l’activité sur les sites du Nord et les emplois associés.

Par ailleurs, le Gouvernement est convaincu que, dans chaque dossier de restructuration, le regard, l’analyse et les propositions des salariés sont indispensables. Qui connaît en effet mieux l’outil industriel que ceux qui le mettent en œuvre tous les jours ? C’est pourquoi le préfet et son équipe recevront les salariés aujourd’hui pour évoquer tous les volets de ce projet de restructuration.

Enfin, comme il s’y est engagé, Emmanuel Macron se rendra sur les sites de Vallourec du département du Nord dès que possible.

Vous l’aurez compris, madame la sénatrice, nous sommes mobilisés, à tous les niveaux, sur ce dossier sensible.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Madame la ministre, les médecins de France vous lancent un cri d’alarme que le Gouvernement ignore. Après la mobilisation des médecins généralistes à Roanne, les médecins de Quimper ont lancé, ces deux derniers jours, un vaste mouvement de protestation contre le projet de loi de modernisation de notre système de santé. Demain, d’autres villes prendront le relais.

MG France, réuni en assemblée générale le week-end dernier, et les autres syndicats de médecins – la Fédération des médecins de France, la FMF, la Confédération des syndicats médicaux français, la CSMF, le Syndicat des médecins libéraux, le SML, Le Bloc – ont réaffirmé leur opposition au tiers payant obligatoire et généralisé.

Nous estimons, comme les professionnels de santé, que la mise en place du tiers payant obligatoire et généralisé n’est pas une bonne mesure, pour au moins trois raisons.

Premièrement, au nom de la liberté de choix des patients. Demain, les complémentaires santé orienteront les patients vers tel ou tel professionnel de santé, comme cela se fait déjà dans d’autres domaines, l’optique par exemple.

Deuxièmement, au nom de la liberté d’exercice. Demain, l’offre de soins va se réduire, les médecins se déconventionneront, pour le moins, ou ne s’installeront pas, pour le pire.

Troisièmement, au nom de la rupture du contrat moral qui lie les médecins et l’État. Demain, ce contrat sera rompu unilatéralement par l’État, et sans concertation.

Vous imposez une mesure dont l’application est, en plus, d’une rare complexité que tous les partenaires possibles dénoncent. À cause de cette complexité, vous avez d’ailleurs reporté la mise en œuvre de cette mesure à 2017.

Les multiples réactions d’opposition des médecins libéraux à cette mesure témoignent de leur attachement à des conditions d’exercice leur permettant de se consacrer totalement à la médecine et d’un refus des tâches administratives. Elles ne sont pas, comme certains peuvent l’affirmer, le produit d’un corporatisme, mais l’expression d’une volonté de sauver la médecine libérale, non adversaire de la médecine salariée et pilier de la santé publique dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

M. Alain Milon. Le Gouvernement fait mourir un système, sans avoir rien mis d’autre en place. Les médecins généralistes, principalement concernés par cette mesure, souhaitent le retrait de celle-ci. Les entendrez-vous enfin ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre des affaires sociales.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

Le projet de loi de modernisation de notre système de santé, qui a été adopté par l’Assemblée nationale et qui sera examiné dans votre hémicycle dans quelques semaines, comprend tout un ensemble de mesures : mesures de prévention, pour favoriser la prise en charge de la santé précoce des enfants et des jeunes adultes, mesures visant à lever les obstacles financiers que peuvent rencontrer nos concitoyens, mais aussi les obstacles géographiques comme les déserts médicaux, mesures destinées à renforcer le service public hospitalier, mesures de démocratie sanitaire.

Je constate que la question du tiers payant reste le seul sujet de discussion avec les professionnels, qui, pour le reste, affirment leur engagement en faveur de la prévention, souhaitent que l’organisation de leur profession sur le territoire soit mieux identifiée, que leurs relations avec l’hôpital soient plus solides et expriment, bien sûr, leur attachement à la démocratie sanitaire.

Monsieur le sénateur, le tiers payant, qui existe dans la plupart des pays européens, ne remet nullement en cause l’exercice de la médecine libérale. Nos concitoyens sont attachés au choix de leur médecin et les médecins sont, à juste titre, attachés à la possibilité d’exercer dans les conditions qu’ils souhaitent. Lorsque vous présentez votre carte Vitale dans une pharmacie, le pharmacien n’est pas plus inféodé aux assureurs privés que ne le seront demain les médecins, qui ne verront pas remettre en cause leurs conditions d’exercice.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Il s’agit de mesures de simplification, destinées à garantir à tous nos concitoyens l’accès aux professionnels de santé.

Pour rassurer, j’ai inscrit dans le projet de loi des mesures garantissant des délais de paiement rapprochés, une organisation simplifiée à partir de l’assurance maladie et une mise en place progressive à partir du 1er juillet prochain.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous le voyez, le débat est engagé, et je suis certaine qu’il se poursuivra dans les meilleures conditions possibles avec l’ensemble des professionnels.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Perol-Dumont

Ma question s’adresse à Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification, que je félicite chaleureusement pour sa nomination, tout comme Mme Martine Pinville.

À la suite de la création des nouvelles grandes régions, l’évolution de l’organisation territoriale de l’État est en phase de préparation. Selon les annonces faites par M. le Premier ministre le 22 avril dernier, l’objectif est de conforter l’État départemental dans la mise en œuvre des politiques publiques. Autant on ne peut que se féliciter de la volonté du Gouvernement de renforcer l’action de l’État à ce niveau, tant le besoin de proximité est une attente forte des administrés et des territoires, autant cette réforme suscite bien des inquiétudes, à ce stade, chez les agents concernés et, plus largement, chez nos concitoyens. Ainsi, des interrogations légitimes sont soulevées, par exemple, sur l’avenir de services, tels que les rectorats, les agences régionales de santé ou les services fiscaux, implantés dans les actuelles capitales régionales, qui craignent d’être dépouillées.

Dans le cadre de la mission interministérielle relative à l’organisation territoriale de l’État, un certain nombre d’hypothèses se dessinent, semble-t-il, d’ores et déjà. Afin de lever toute ambiguïté et de ne pas laisser les fantasmes s’alimenter, pouvez-vous nous indiquer, madame la secrétaire d’État, quelles sont les différentes pistes envisagées pour que l’évolution de l’implantation des services de l’État ne se fasse pas au détriment des actuelles capitales régionales qui perdront ce statut à partir du 1er janvier 2016 ? Pouvez-vous nous garantir que cette refonte de la présence territoriale de l’État prendra bien en compte la notion d’aménagement du territoire, qu’elle tiendra compte des spécificités locales et qu’elle n’engagera pas une spirale de concentration dans la seule métropole chef-lieu de la nouvelle grande région, ce qui serait contraire à l’esprit des annonces du 22 avril et, surtout, à la réalité des attentes de nos concitoyens ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État

Nous lui souhaitons également bonne chance pour sa première intervention.

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier de votre accueil.

Madame la sénatrice, vous interrogez le Gouvernement sur les effets de la création de treize grandes régions et faites état de l’inquiétude qui s’exprime dans certains territoires, comme celui de la Haute-Vienne dont vous êtes l’élue, quant au maintien des services de l’État dans les anciennes capitales régionales qui perdront ce statut à la fin de l’année 2015.

La réforme de l’État s’inscrit dans le prolongement de la réforme régionale, avec un objectif de montée en gamme des services publics, la volonté de conforter les territoires et de n’en laisser aucun sur le bord du chemin. Les principes de cette réforme ont été posés, comme vous l’avez dit, à l’occasion du conseil des ministres du 22 avril dernier. Ils consistent en la recherche d’un fonctionnement efficace des services, d’une juste association des territoires à la réforme pour permettre à chacun de trouver sa place et, enfin, d’un renforcement de la proximité de l’action de l’État dans une logique d’équilibre des territoires, avec une attention particulière portée à la situation des anciens chefs-lieux régionaux. Il revient aux préfets préfigurateurs de mettre en œuvre ces principes dans les propositions d’organisation qu’ils doivent remettre bientôt au Premier ministre.

Le préfet Dartout, préfigurateur de la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charente, conduit des consultations avec l’ensemble des acteurs, en particulier les élus locaux. Les enjeux sont importants quant à la taille de la future région, mais aussi en raison de la fusion des trois régions actuelles.

Soyez assurée que le Gouvernement est très attentif au respect de ces principes. L’équilibre des territoires ne signifie ni saupoudrage des services de l’État, ni statu quo, ni concentration dans une seule ville de l’ensemble des services. Les ministres sont allés à la rencontre des élus locaux et chacun se prépare de manière constructive à l’émergence des nouvelles régions, du côté de l’État comme de celui des collectivités locales.

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter, secrétaire d’État

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. C’est avec cette ambition d’équilibre que le Gouvernement continuera à travailler.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, et porte sur la crise de la viande bovine.

Après plusieurs jours de blocus des abattoirs, les éleveurs bovins, en situation de cessation de paiement ou en voie de l’être, viennent de suspendre leur action de protestation.

Monsieur le ministre, vous avez présidé hier une table ronde réunissant les différents acteurs de la filière. À l’issue de celle-ci, la grande distribution et les abatteurs ont consenti un prix revalorisé. Il est prévu de payer aux producteurs 5 centimes de plus par kilo de carcasse et d’incrémenter les prix d’un même montant toutes les semaines, jusqu’à ce que le prix d’achat aux éleveurs couvre les coûts de production.

D’autres mesures ont été annoncées : un projet de plateforme d’aide à l’exportation des viandes et une clause de revoyure afin de vérifier la réalité des engagements pris.

Mais voilà, le récent rapport au Parlement de Philippe Chalmin, qui préside l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, est clair : la baisse des prix des bovins a principalement profité à la partie aval, notamment en raison de la concentration des centrales d’achat, qui se retrouvent en position de force. Plus généralement, sur 100 euros de valeur alimentaire produite, 8 euros seulement reviennent au producteur. C’est donc un problème de fond.

Vous le savez, la filière bovine, et plus largement les éleveurs, ne sont pas du genre à se plaindre, et ils ont autre chose à faire que de défiler ou de mener des actions. Cette désespérance des éleveurs n’est donc pas qu’une simple montée de température. C’est la crise profonde d’une profession très fragilisée, qui ne peut accepter durablement d’être une variable d’ajustement.

J’ajoute que, en quelques années, la filière viande bovine a subi une baisse de 30 % des installations. En l’absence de revenu, les exploitations ne peuvent plus être transmises, ce qui empêche tout projet professionnel pour les jeunes qui veulent se lancer.

Tout cela est d’autant plus absurde que la France n’est pas autosuffisante en viande bovine, malgré une baisse de la consommation, et qu’elle doit chaque année importer des volumes importants de viande pour répondre à la demande des consommateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

M. François Bonhomme. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles mesures durables et fortes vous entendez prendre pour rétablir des prix rémunérateurs pour les producteurs et redonner un avenir à cette filière qui participe à notre modèle alimentaire ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, qui se trouve en ce moment même au Congrès national des jeunes agriculteurs, lesquels représentent l’avenir de notre agriculture.

M. Pierre-Yves Collombat applaudit.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl

Hier encore, de nombreux abattoirs de viande bovine étaient bloqués par des éleveurs qui, vous l’avez rappelé, font face à une situation très difficile. Les raisons de la crise sont multiples : l’embargo russe, l’arrivée de vaches laitières de réforme sur le marché, lequel en a été perturbé... Tout cela se traduit, vous avez eu raison de l’indiquer, par des prix trop bas par rapport aux coûts de production. Cette situation risque de mettre en péril l’avenir même des éleveurs, et donc de la filière. Or l’élevage bovin est d’une importance majeure pour l’économie de nombreux territoires.

La priorité pour l’élevage s’est traduite récemment dans les choix faits par la France pour la mise en œuvre de la PAC, la politique agricole commune.

Au-delà des aides, il faut aussi donner des perspectives économiques positives. C’est dans cet état d’esprit que Stéphane Le Foll a réuni les acteurs économiques de la filière, d’abord en mai dernier, puis hier, et qu’il a appelé l’ensemble de ces professionnels, en particulier les abatteurs et les distributeurs, à faire preuve de responsabilité.

Hier, un accord très important a été obtenu en vue d’une remontée progressive du prix d’achat des animaux, laquelle prendra effet dès cette semaine et sera répercutée par tous les maillons de la chaîne. Car c’est bien là l’enjeu ! En conséquence, les éleveurs ont accepté de débloquer les abattoirs partout en France.

Stéphane Le Foll a aussi annoncé le doublement de l’enveloppe débloquée en mai pour la prise en charge des cotisations sociales des éleveurs, la portant à 7 millions d’euros pour répondre aux situations urgentes de défaut de trésorerie.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d'État

Au-delà des problèmes conjoncturels, nous faisons face à des difficultés structurelles. C’est pourquoi le ministre de l’agriculture a défini hier une feuille de route pour y remédier. Il faut ainsi une plus grande transparence sur les prix à la production, mais aussi sur des produits emblématiques, comme le steak haché.

Par ailleurs, nous nous sommes engagés avec Stéphane Le Foll, dans le cadre de ce que nous avons appelé ensemble « la diplomatie des terroirs », à aider notre agriculture à exporter à l’international.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d'État

Nous avons d’ores et déjà obtenu des avancées, en particulier au Vietnam, à la suite de mon récent déplacement dans ce pays.

Stéphane Le Foll, moi-même et l’ensemble des membres du Gouvernement sommes totalement mobilisés aux côtés de cette filière, qui le mérite bien.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Martial Bourquin, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Le 15 juin dernier, le salon du Bourget a ouvert ses portes. Force est de constater que la filière aéronautique se porte bien : 180 000 salariés, un chiffre d’affaires de 50 milliards d’euros en 2014, des ventes de Rafale, des carnets de commandes pleins... Nous pouvons tous être fiers de cette réussite.

À cet égard, je ferai une première remarque : à chaque fois que l’industrie française fait le choix de l’innovation, de la technologie, du haut de gamme, à chaque fois qu’elle s’appuie sur ses territoires et ses savoir-faire, elle est capable du meilleur. Nous avons visité, avec mes collègues de la commission des affaires économiques, le site Airbus de Saint-Nazaire, et nous avons pu voir de près cette réussite. Celle-ci doit nous conduire à nous interroger sur l’ensemble des filières. En effet, à chaque fois que nous nous situons dans le bas de gamme, dans le low cost, nos entreprises sont en difficulté. Il nous faut donc à tout moment choisir l’innovation, favoriser la production industrielle sur notre territoire et créer des écosystèmes industriels capables de relever le gant de la concurrence au niveau international.

L’idéologie post-industrielle a fait de grands ravages dans notre pays. Il nous faut donc, j’y insiste, relever le gant de la réindustrialisation. Airbus, la filière aéronautique en général, ainsi que d’autres filières industrielles nous montrent le chemin.

Monsieur le secrétaire d’État, l’industrie aéronautique va recruter de nombreux salariés. Quelles mesures entendez-vous prendre pour l’aider à réaliser ces recrutements et à former ces personnels ? Notre pays connaît – c’est un problème récurrent – un chômage très important, mais je rappelle qu’il y a aussi 300 000 offres d’emploi qui ne sont pas couvertes.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

M. Martial Bourquin. Dans l’industrie automobile, en particulier, ce problème se pose avec une très grande acuité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Robert Hue applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies

Le salon du Bourget, plus grand salon aéronautique du monde, est une vitrine exemplaire pour notre filière aéronautique. Vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, cette filière a créé 10 000 emplois en 2014 et en créera à nouveau le même nombre en 2015. Sur les quatre dernières années, elle a créé en tout 50 000 emplois, dont 23 000 nets.

Sur le plan commercial, je puis vous dire que l’édition 2015 du salon sera également un succès. À l’heure où nous parlons, Airbus a enregistré 421 commandes fermes et intentions d’achat, ATR 46 commandes fermes, assorties de 35 options, avec une percée historique au Japon, et Airbus Helicopters 30 commandes fermes.

Le 22 mai dernier, avec Emmanuel Macron, nous avons réuni le comité stratégique de la filière aéronautique pour dresser le bilan des actions que nous avions engagées et pour nous inscrire dans la démarche d’innovation dont vous avez rappelé toute l’importance.

Je souhaite insister sur deux points importants.

Tout d’abord, le secteur aérien s’est fermement engagé dans la voie de la transition énergétique. Il représente en effet 2 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial et 12 % des émissions liées au transport. Ce secteur développe donc des solutions technologiques et opérationnelles pour réduire son empreinte écologique. Il se fixe ainsi comme objectif de réduire de 50 % les émissions de CO2 à l’horizon de 2050, et ce malgré la croissance continue du trafic.

Ensuite, et vous avez eu raison d’insister sur ce point, il est nécessaire de poursuivre les efforts de recherche, d’innovation et de développement. Plusieurs engagements, pris au titre des investissements d’avenir, vont soutenir des projets d’investissement, au premier rang desquels figurent le développement du nouvel hélicoptère lourd d’Airbus Helicopters, via des avances remboursables, des plateformes de démonstration technologique pour les PME, ainsi que des projets de recherche.

Par ailleurs, j’ai annoncé ce matin que le Gouvernement s’engageait à soutenir le lancement immédiat du programme « systèmes embarqués et fonctions avancées », dit aussi SEFA, et qu’il donnait son accord de principe au plan « Usine du futur ».

Il est vrai, monsieur Bourquin, que 2 000 emplois font défaut dans ce secteur. Or cette industrie d’avenir a besoin de recruter, notamment des jeunes chaudronniers. Il faut donc mettre en place des formations à ces métiers, car il y a des emplois pérennes à la clef.

Je voudrais adresser un message aux jeunes et à leur famille : l’aéronautique est une filière d’avenir, pour eux comme pour la France.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Robert Navarro, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Navarro

Depuis la fin de l’année 2013, je suis mobilisé, avec d’autres, afin de soutenir une PME innovante, l’entreprise Irrifrance, et ses 140 salariés. Située à Paulhan dans l’Hérault, cette société est spécialisée dans la fabrication de matériels d’irrigation. Elle est soutenue par OSEO, le FEDER – le Fonds européen de développement régional – et la région Languedoc-Roussillon. Particulièrement innovante, elle vient d’être récompensée pour son « pivot solaire » au salon international de l’eau.

Voulant exporter plus facilement et conquérir de nouveaux marchés, Irrifrance a néanmoins dû se battre pendant trois ans afin d’obtenir une « garantie assurance prospection » de la part de la COFACE – la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur – et un appui de la BPI, la Banque publique d’investissement ; trois années durant lesquelles le dossier a été bloqué, pour d’obscures raisons diplomatiques, et sans qu’un refus ait pour autant été motivé, trois années qui ont entraîné des difficultés pour cette entreprise.

La société demande un soutien de la BPI pour un contrat de développement participatif et une aide à l’innovation. Pourtant, malgré un soutien à l’échelon régional, la direction de la BPI à Paris refuse de se prononcer et n’accepte pas le moindre rendez-vous. Un tel blocage par l’administration est inadmissible !

De deux choses l’une : ou bien le dossier remplit les critères pour être soutenu, ce dont je suis convaincu, et, dans ce cas, il doit l’être ; ou bien, ce dossier n’est pas éligible, auquel cas la BPI doit se prononcer et motiver sa décision. En off, celle-ci aurait déclaré qu’« elle n’interviendrait en aucune façon dans la société tant que l’actionnaire actuel serait en place ».

Que faire ? Quelles que soient les raisons diplomatiques, la question des 140 emplois dans un territoire où ils sont indispensables est, à mon sens, prioritaire. Aussi, je demande au Gouvernement de s’engager sur deux points précis. Je souhaite, d’une part, que la BPI accorde enfin un rendez-vous aux dirigeants de la société et, d’autre part, qu’elle se prononce sur les dossiers déposés. Le Gouvernement est résolument engagé pour l’emploi. Néanmoins, si l’administration abuse de son pouvoir, les dispositifs en place menacent de rester lettre morte.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce.

Debut de section - Permalien
Martine Pinville

Monsieur le sénateur, vous l’avez indiqué, Irrifrance est une entreprise implantée depuis des années à Paulhan, en région Languedoc-Roussillon. Cette PME spécialisée dans la conception et la fabrication de matériels d’irrigation emploie près de 140 salariés.

Il est incontestable que cette société est reconnue dans son secteur et peut se prévaloir d’une renommée internationale. Elle s’est d’ailleurs vue remettre le trophée Hydro innovation 2015 pour le développement d’un nouveau concept de pivot autonome alimenté par énergie solaire. Il n’empêche que la société traverse aujourd'hui une période difficile.

Comme vous le savez, le Gouvernement travaille depuis plusieurs mois avec la direction de l’entreprise pour trouver des solutions aux difficultés que celle-ci rencontre. Le défi que doit relever Irrifrance consiste à trouver de nouveaux marchés et à compenser cette situation par un développement important de son activité à l’export. D’ailleurs, je tiens à le souligner, ses dirigeants et ses salariés ne ménagent pas leurs efforts pour conquérir les marchés à l’international.

Irrifrance sollicite également la COFACE pour l’octroi de garanties publiques sur les prospects à l’export dans les territoires où elle est positionnée. Les projets les plus aboutis ont d’ailleurs pu être accompagnés, d’autres sont en cours d’instruction.

Un tel développement, qu’il s’agisse du volet innovation ou du volet export, nécessite des moyens financiers. Des discussions sont à ce titre engagées entre l’actionnaire et le managementde l’entreprise.

La BPI n’a pas vocation à se substituer à l’actionnaire. C’est avant tout à ce dernier que revient la responsabilité de définir la stratégie de sa société. Il doit accompagner financièrement son développement, examiner éventuellement un adossement industriel ou créer des partenariats afin de renforcer l’entreprise dont le potentiel est important, tant la demande sur les marchés de l’irrigation s’intensifie. C’est dans ce cadre, avec une stratégie clairement établie et une vision de long terme, que la BPI pourrait s’inscrire.

Soyez certain que le Gouvernement reste entièrement mobilisé et est en contact fréquent avec l’entreprise afin de répondre aux besoins d’Irrifrance.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe du RDSE, de la proposition de loi organique visant à supprimer les alinéas 8 à 10 de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel du 1er juillet 2014, présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues (proposition n° 776, texte de la commission n° 510, rapport n° 509).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre-Yves Collombat, coauteur de la proposition de loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi, compte tenu de l’importance de l’assistance cet après-midi, de préciser de quoi il va être aujourd'hui question.

L'article unique auquel se résume la proposition de loi organique initiale du groupe du RDSE que j'ai l'honneur de présenter est ainsi rédigé : « Les huitième à dixième alinéas de l'article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution sont supprimés. » Il me semble qu’il demande quelques explications.

Aux termes de l'article 39, alinéa 3, de la Constitution, issu de la réforme du 23 juillet 2008, « la présentation des projets de loi déposés devant l’Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique », en l'espèce, la loi organique du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

L'article 8 de cette loi dispose que « les projets de loi font l'objet d'une étude d'impact », dont le contenu est défini aux alinéas 2 à 11, et que les documents rendant compte de cette étude d’impact doivent être exposés « avec précision », selon l'alinéa 3. Une étude d'impact ne saurait donc être un recueil de généralités et de banalités rassemblées à la hâte.

La proposition de loi organique que nous vous soumettons aujourd'hui, tout en conservant l'obligation d'informer le Parlement sur l'impact juridique des projets de loi, supprime les obligations prévues aux alinéas 8, 9 et 10 de l’article susvisé, soit « l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ; l’évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l’emploi public ; les consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d’État ».

Pour terminer, s’agissant de la procédure, je rappelle que l'article 39, alinéa 4, de la Constitution prévoit qu'un projet de loi ne peut être inscrit à l'ordre du jour du Parlement si « la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l’assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours. »

Après ce préliminaire, permettez-moi de vous présenter maintenant les motivations et les enjeux de la présente proposition de loi organique.

Si j'étais un disciple du père Malebranche, je dirais que la cause occasionnelle de ce texte est la décision du Conseil constitutionnel du 1er juillet 2014, après saisine du Premier ministre, validant l'étude d'impact annexée au projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

Cette saisine a fait suite au refus de la conférence des présidents du Sénat d'inscrire à l'ordre du jour ledit projet de loi, au motif que son étude d'impact était insuffisante au regard de la loi organique du 15 avril 2009.

M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Par ailleurs, la cause efficiente, le moteur de cette proposition de loi organique, après la décision particulièrement désinvolte – et je pèse mes mots – du Conseil constitutionnel, c'est le constat fait par M. le rapporteur de l'échec définitif de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 à imposer au Gouvernement des études d'impact dignes de ce nom. On peut lire dans son rapport : « On peut conclure de ce bilan d’étape après sept ans d’application de ce dispositif d’évaluation que ses effets sont loin d’être concluants. D’une part, il n’a nullement remédié à la crise de la production législative, tant sur le plan de la qualité des textes qui continue à se dégrader, que sur celui de leur inflation […] D’autre part, la désinvolture fréquente avec laquelle les études d’impact de nombreux projets de loi sont élaborées et leur contrôle par le Conseil constitutionnel effectué rend perplexe sur la nécessité de maintenir en l’état ce dispositif. »

On peut difficilement faire plus « bidon » que l’étude d’impact annexée au projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Une étude d'impact ne saurait être un recueil de généralités et de banalités rassemblées à la hâte, disais-je précédemment. Pourtant, le Conseil constitutionnel a validé toutes les arguties du Gouvernement permettant de passer outre cette analyse : ainsi, l’utilisation des données de l’INSEE, de la CNAF, la Caisse nationale des allocations familiales, ou de la DGCL, la Direction générale des collectivités locales, vaut exposé des méthodes de calcul ; l’addition de la population, du PIB, des budgets des anciennes régions composant une nouvelle région, puis la division du résultat ainsi obtenu par la population pour parvenir à des ratios par habitant sont des « éléments de nature à éclairer le Parlement » – il ne sait faire ni addition ni division ! – sur les effets démographiques de la réforme, en termes de richesse ou de gestion administrative.

Le Conseil constitutionnel va même jusqu'à considérer comme non significative l'inobservation de l'alinéa 9 de l’article 8 de la loi organique précitée, en l'espèce l’exposition avec précision de « l'évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l’emploi public », au motif que « le Gouvernement ne mentionne pas la modification [du] nombre [des emplois publics] dans les objectifs poursuivis par [le] projet de loi ». L'avenir est donc aux projets de loi dont l'exposé des motifs se résumerait à cette phrase : l’objectif de la loi est de réformer ! Circulez, il n’y a pas d’étude d’impact à faire ! C'est à de tels détails que l'on mesure le mieux le mépris dans lequel la haute bureaucratie tient députés et sénateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Aux termes de l’exposé des motifs du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, l'objectif de ce texte est, entre autres, « d'améliorer la gouvernance territoriale ainsi que l'efficacité et l'efficience des politiques publiques mises en œuvre dans les territoires » par un redécoupage des régions, afin de donner « à ces dernières une taille critique sur le plan géographique, démographique et économique. » Or l'étude d'impact évite soigneusement de poser la question de la pertinence de la notion de « taille critique » en matière d'économie, de développement, de gouvernance. Même en Allemagne, pays auquel on compare la France, les Länder sont très hétérogènes eu égard aux différents points de vue que j’ai exposés. Ainsi la Bavière, le plus grand Land, est-elle vingt et une fois plus peuplée que la Brême, le plus petit Land, dont le PIB est seize fois et demie inférieur au sien. S'il y a un succès économique allemand, il ne doit rien à la « taille critique » des collectivités territoriales du pays.

Évidemment, l'étude d'impact n’explique en rien le lien qui pourrait exister entre le rattachement du Cantal à la région Rhône-Alpes ou celui de la Somme à la région Champagne-Ardenne plutôt qu’au Nord-Pas-de-Calais d'abord envisagé et la dynamisation des territoires respectifs de ces entités.

Évoquant le regroupement de la région Languedoc-Roussillon et de la région Midi-Pyrénées, l’étude d’impact se borne à noter que la nouvelle région « deviendrait […] un lieu de convergence d'axes économiques importants, à la confluence des grands courants d'échanges. Elle disposerait d'atouts géostratégiques indéniables et d'infrastructures adaptées et qui confèrent à la fonction logistique et au transport un potentiel de développement ». Le Conseil constitutionnel a validé ce beau collier de banalités que ne rehausse aucun chiffrage sur les effets économiques et financiers de la future loi, région par région et globalement.

Pourquoi ne pas réunir la région Franche-Comté avec l'Alsace et la Lorraine, ce qui aurait pour avantage de mettre en valeur l'axe Rhin-Rhône et une cohérence historique ancienne ?

Pourquoi créer le « Poichenli », regroupement des actuelles régions Poitou-Charentes, Centre et Limousin, au lieu de prévoir un rapprochement avec d’autres collectivités ? Pourquoi constituer une grande région Rhône-Alpes-Auvergne ? Pourquoi les petits Pays de la Loire ont-ils été oubliés ? Ceux qui ont suivi les allers-retours entre l'Élysée et Matignon et l'évolution des cartes ont bien une idée sur la réponse, mais on n’en trouve nulle trace dans l’étude d’impact.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Selon l'étude d'impact, l’objectif de la loi est, en outre, d'appuyer le redressement financier et économique du pays « sur une réforme structurelle renforçant l'efficacité de l'action des collectivités territoriales. » Cette étude invoque des « économies d'échelles », lesquelles sont aussi célèbres que l'Arlésienne, mais n’en dit rien...

On comprend d’ailleurs le silence des auteurs de ce document, les chiffres les plus divers circulant. Selon le Gouvernement, les économies attendues de la réforme de l'organisation territoriale et communale varient entre 12 milliards d'euros et 25 milliards d'euros. L'OCDE, pour sa part, considère que, au stade actuel du processus, il n’est pas possible de le savoir. Quant à la Commission européenne, elle doute que, à moyen terme, la réforme ait le moindre effet positif. Elle juge même que, à court terme, elle pourrait avoir des effets négatifs.

Mais, me dira-t-on, n’est-ce pas faire preuve d’inconséquence que de demander la suppression de l'obligation pour le Gouvernement d'éclairer le Parlement sur les effets les plus importants des projets de loi en raison de l'insuffisance des études d'impact actuelles ? Ne faudrait-il pas, au contraire, exiger plus du Gouvernement, et mieux préciser ses obligations ? S'il existait un juge pour faire respecter les obligations actuelles comme les nouvelles, la réponse à ces questions serait : très certainement.

Puisque tel n'est pas le cas, mieux vaut appeler un chat un chat et dire clairement que les études d'impact ne sont pas des études, encore moins des études « d’impact » : elles sont un simple emballage rhétorique des projets de loi. Si l'on veut véritablement donner au Parlement les moyens de légiférer et de contrôler en toute connaissance de cause, il faut trouver autre chose, par exemple, lui octroyer des moyens propres, comme c'est le cas dans d'autres démocraties, où le parlementarisme n'a pas été encore « rationalisé ».

Maintenir la fiction actuelle, c'est interdire toute réforme, sérieuse celle-là, de notre démocratie.

J’en viens à mon dernier point.

La cause finale, …

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. … l'objectif de cette proposition de loi organique est d'en finir non seulement avec l’une de ces lois inutiles qui, selon le mot bien connu de Montesquieu, affaiblissent les lois nécessaires, mais également avec les trompe-l’œil démocratiques, les dispositifs décoratifs qui, années après année, ont été accrochés aux voûtes de la Constitution pour éviter d'avoir à affronter les blocages bien réels d'une Ve République vieillissante. Ce pourrait être la suite de ce texte, une fois adopté.

Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. le rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, comme M. Pierre-Yves Collombat vient de l’indiquer, la proposition de loi organique qui a été déposée par le groupe du RDSE porte sur les dispositions de la loi organique de 2009 relative aux études d’impact. Elle a un objet manifeste et un objet latent.

L’objet manifeste est de prendre acte du fait que le Gouvernement est totalement libre d’entendre par « étude d’impact » ce qu’il veut. De ce point de vue, le Conseil constitutionnel ne se sent pas en mesure de contester la façon dont le Gouvernement interprète la notion d’étude d’impact.

L’objet latent est de constater que le contrôle donné au Parlement à travers les études d’impact n’existe pas en fait. Sous cet angle, la révision constitutionnelle de 2008 a totalement échoué.

La commission, après avoir examiné ce texte, l’a adopté et complété par des dispositions, afin d’encadrer davantage la façon dont le Gouvernement présente ses projets de loi et de permettre à la conférence des présidents d’avoir plus le loisir d’analyser les projets de loi et ce qu’il reste des études d’impact qui lui sont soumis.

Comme je viens de l’indiquer, la présente proposition de loi organique part d’un constat : le Gouvernement est totalement libre de mettre dans ces études d’impact ce qu’il veut.

Ainsi, après avoir élaboré à une vitesse accélérée le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, le Gouvernement y a ensuite joint un certain nombre de documents ; il a donc rempli les annexes, si je puis dire, en ajoutant notamment une étude d’impact. Or il a considéré, par exemple, que les effets de ce texte en matière d’emploi public ne figuraient pas parmi ses objectifs.

Comme vous le savez, mes chers collègues, la conférence des présidents a estimé que, dans ces conditions, il n’y avait pas lieu d’examiner le projet de loi puisqu’il ne comportait pas de véritable étude d’impact. Le Gouvernement a alors fait appel de cette décision et demandé au Conseil constitutionnel de statuer.

Le Conseil, le 1er juillet 2014, s’est prononcé lui aussi, en quelque sorte, en procédure accélérée : ayant d’autres dossiers à examiner, il n’avait pas beaucoup de temps à consacrer à l’examen de cette saisine, qui était la première effectuée en vertu de l’article 39 de la Constitution. Et il a validé la façon de procéder du Gouvernement. Celui-ci ayant affirmé que l’évaluation des effets du projet de loi en cause sur l’emploi public ne faisait pas partie de ses objectifs, le Conseil constitutionnel a considéré qu’il n’en fallait pas plus et qu’il n’y avait pas de raison de sanctionner le Gouvernement. Il a donc pris pour argent comptant cette attitude gouvernementale.

Une telle interprétation signifie qu’une étude d’impact n’est pas l’étude des effets objectifs d’un texte sur l’économie, les finances, l’emploi public, etc., quel que soit le point de vue de l’auteur du projet de loi, mais qu’elle consiste tout simplement à analyser la façon dont cet auteur interprète la loi et que l’on s’en tient purement et simplement à cette interprétation. La loi organique de 2009 et son article 39 n’ont évidemment pas été rédigés dans cette intention.

Cette interprétation pose donc un problème quant à la façon dont le Gouvernement travaille et dont le Conseil constitutionnel le contrôle.

Les auteurs de la proposition de loi organique ont tiré le bilan de cette situation : le Gouvernement a toute latitude pour appliquer ou non l’article 39 de la loi organique précitée et le Conseil constitutionnel n’a ni le temps ni peut-être l’envie d’examiner cette question, au motif qu’il n’est pas le juge d’opportunité, comme on nous l’a dit lors des auditions. Toutefois, en fait, il est bien juge d’opportunité, puisqu’il se range à l’opportunité telle que le Gouvernement l’entend !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Comme ni le Conseil constitutionnel, qui contrôle le Gouvernement, ni le Gouvernement, qui élabore les textes, n’appliquent les dispositions de la loi organique, celles-ci deviennent de facto obsolètes, ou du moins applicables uniquement à géométrie variable, lorsque le Gouvernement le décide.

Cette proposition de loi organique n’est pas originale puisqu’elle reprend mot pour mot les termes d’un amendement déposé par le groupe socialiste lors de l’examen de la loi organique de 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

À l’époque, l’UMP avait voté contre ! J’ai là le compte rendu des débats…

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Peut-être, mais tel n’est pas le sujet !

Cela étant, la commission des lois s’est rangée au constat dressé par les auteurs de la proposition de loi organique.

Mais à partir du moment où l’étude d’impact perd en grande partie de son sens, que reste-t-il ? Un certain nombre d’éléments de la loi organique demeurent. En effet, celle-ci prévoit, certes, que le Gouvernement doit exposer avec précision – ce qu’il ne fait pas – notamment les effets économiques, financiers, les conséquences sur l’emploi public des projets de loi, mais elle lui impose également d’autres obligations.

Ainsi, le Gouvernement doit étudier quels sont les effets du projet de loi en question sur le droit en vigueur, qu’il soit national, européen ou international – il s’agit tout de même du premier travail de l’exécutif. Il doit également exposer les consultations qui ont été menées avant le dépôt de ce texte. Enfin, il doit faire état de la façon dont le Conseil économique, social et environnemental a examiné celui-ci.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que la première mention des études d’impact date de 1958, avant même qu’on les réinvente en 2008, avec l’évaluation par le Conseil économique et social des projets de loi.

Par conséquent, si cette proposition de loi organique est adoptée, il reste un certain nombre de dispositions en matière d’étude d’impact.

Comme je l’ai mentionné au début de mon intervention, la commission des lois a adopté un certain nombre de dispositions complémentaires.

Premièrement, elle souhaite que la conférence des présidents dispose de plus de temps pour examiner les projets de loi et les études d’impact qui leur sont annexées. Actuellement, elle n’a que dix jours pour le faire, ce qui ne lui permet pas de travailler sérieusement. La commission propose donc que la conférence des présidents bénéficie d’un mois complet pour effectuer ce travail. En effet, même si la portée des études d’impact est réduite, celles-ci seront cependant assez fournies pour rendre ce laps de temps nécessaire si l’on veut qu’un travail effectif soit réalisé.

Deuxièmement, la commission est favorable à la publicité des avis du Conseil d’État sur les projets de loi que, je vous le rappelle le Président de la République, a souhaitée. La commission se rallie totalement à ce point de vue et le défendait d’ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

C’est d’autant plus important que, dès lors que le Conseil d’État saura que ses avis seront rendus publics, le contenu de ceux-ci sera différent. En effet, les avis du Conseil d’État tels qu’ils sont aujourd'hui rédigés ont un caractère confidentiel, parfois un peu ésotérique, puisqu’ils ne s’adressent qu’aux initiés. La publicité conduira à des avis davantage étoffés et permettra une meilleure connaissance de la façon dont le conseil juridique de l’exécutif envisage le texte qui lui est proposé.

Troisièmement, la commission demande que le Gouvernement motive le recours à la procédure accélérée. Ce point est important pour une raison très simple : la conférence des présidents est amenée à se prononcer sur le recours à la procédure accélérée, à donner son accord ou non. Même s’il est très rare, pour toutes sortes de raisons, que les conférences des présidents des deux assemblées s’accordent pour dire qu’elles refusent un tel recours, la procédure existe. Si le Gouvernement motivait sa décision, le débat s’engagerait sur des bases beaucoup plus solides.

Quatrièmement, la commission souhaite que les amendements déposés par le Gouvernement et qui modifient substantiellement le contenu d’un projet de loi fassent l’objet d’une étude d’impact.

Pour justifier cette requête, je vous donnerai un seul exemple, mes chers collègues. Lors de l’examen, en 2013, d’un texte concernant la fonction publique et dont j’étais le rapporteur, on a vu apparaître au cours du débat un amendement du Gouvernement tendant à rien moins qu’inverser la règle en matière de décision administrative : désormais, le silence de l’administration vaudrait acceptation. Or il s’agissait d’une modification fondamentale. La preuve en est que, depuis deux ans, on prend des mesures pour rendre cette disposition de moins en moins applicable parce qu’elle pose des problèmes considérables. Ainsi, une quarantaine d’exceptions qui concernent uniquement les décisions de l’administration centrale de l’État ont été proposées avant que ne soit étudié le cas des décisions administratives prises par les collectivités territoriales.

Si, à l’époque, cet amendement avait fait l’objet d’une étude d’impact, il est évident qu’il n’aurait jamais été déposé, ou alors beaucoup plus tard.

Tels sont, mes chers collègues, les points sur lesquels la commission des lois a débattu et les ajouts auxquels elle a procédé, pensant ainsi avoir un peu enrichi la proposition de loi organique.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE.

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter

Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d’abord à vous remercier du travail que vous avez accompli sur le présent texte.

Cela étant, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République a modifié l'article 39 de la Constitution aux termes duquel désormais « la présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique. » Sur ce fondement, comme vient de l’indiquer M. le rapporteur, l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 dispose : « Les projets de loi font l'objet d'une étude d'impact. » Ce même article précise le contenu de cette dernière.

L’intention du législateur était de renforcer les moyens du Parlement dans sa mission de contrôle et de vote des lois. Outre qu'elle constitue une exigence démocratique, l'obligation d'édicter des études d'impact contribue à une meilleure qualité de la loi alors que l'on reproche trop souvent à celle-ci d'être bavarde, avec toutes les conséquences que l'on connaît en termes d'insécurité juridique, d'instabilité du droit et, éventuellement, de contentieux.

Dans sa décision du 1er juillet 2014, le Conseil constitutionnel, saisi pour la première fois sur le fondement de l'article 39, alinéa 4, de la Constitution aux fins de contrôle d’une étude d'impact, a considéré « que [...] le contenu de cette étude d'impact répond à celles des autres prescriptions de l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 qui trouvent effectivement à s'appliquer compte tenu de l'objet des dispositions du projet de loi en cause ; qu'il ne saurait en particulier être fait grief à cette étude d'impact de ne pas comporter de développements sur l'évolution du nombre des emplois publics dès lors que le Gouvernement ne mentionne pas la modification de ce nombre dans les objectifs poursuivis par ce projet de loi ».

Par cette décision, le Conseil constitutionnel a ainsi consacré une vision pragmatique de l’obligation qui pèse sur le Gouvernement. Nous pensons nous aussi que cette obligation ne doit pas être artificiellement formaliste. Si dans une démocratie, le Gouvernement se doit d’éclairer la représentation nationale sur les choix qu’il lui soumet, on ne saurait toutefois accepter que lui soient imposées des contraintes de pure façade qui ne seraient pas respectées. Telle n’était pas la volonté du constituant de 2008 et tel n’est pas le souhait du Gouvernement aujourd’hui.

Déposée au Sénat le 23 juillet 2014, la présente proposition de loi organique a été transmise à la commission des lois, laquelle a adopté un texte le 10 juin dernier. Elle comprenait à l’origine un article unique ainsi rédigé : « Les huitième à dixième alinéas de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution sont supprimés. »

En supprimant les rubriques les plus significatives et porteuses de contenu de ce texte, notamment l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, cette disposition a pour effet de vider de sa substance l’obligation qui pèse sur le Gouvernement. Or cette obligation lui est assignée pour que soit impérieusement respecté l’objectif du législateur de 2009, lequel était très attaché à la transparence démocratique et à la qualité de la loi.

Pour ces motifs, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est défavorable à cette proposition de loi organique.

M. Jean-Pierre Sueur applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Le Gouvernement veut travailler ! Le Gouvernement veut faire des études d’impact !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons la proposition de loi organique présentée par l’éminent président du groupe du RDSE, Jacques Mézard. Il s’agit, comme cela a été expliqué, d’une réaction à la décision du Conseil constitutionnel saisi par le Gouvernement après que la conférence des présidents ait souhaité contester l’étude d’impact annexée au projet de loi qui portait redécoupage des régions. On peut tous s’interroger sur une réaction qui ressemble à un geste d’humeur. Je crois toutefois que, indépendamment de son aspect quelque peu provocateur, cette proposition de loi nous donne l’occasion de revenir sur le fond de l’affaire, c’est-à-dire l’intérêt des études d’impact pour le fonctionnement du Parlement

Lorsque la réforme constitutionnelle de 2009 a été adoptée, je n’étais pas parlementaire. J’ai donc relu attentivement les déclarations des uns et des autres au moment des débats qui ont eu lieu alors. Et je dois en donner acte au groupe du RDSE, il est complètement cohérent, car, dès cette époque, Michel Charasse avait défendu en son nom l’idée selon laquelle les études d’impact n’étaient pas utiles

La situation est un peu différente pour les membres de l’ex-UMP. À défaut de celles de M. le rapporteur, j’ai retrouvé les déclarations de MM. Hyest, Gélard et Karoutchi, qui défendaient les études d’impact et apportaient un soutien clair et entier au Gouvernement. Je relève donc une évolution importante et pour le moins notable dans la position de mes collègues de l’exemple-UMP ! Je ne sais pas si c’est le changement de nom du groupe qui produit cette évolution…

Vous pourriez me rétorquer, mes chers collègues, que le groupe socialiste et républicain a également évolué, et vous n’auriez pas tort ! Mais nous avons maintenant, six ans après, le recul nécessaire pour apprécier l’importance et l’intérêt des études d’impact.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Pendant six ans, tout le monde a pu le constater, même si l’étude d’impact n’est pas parfaite, même si elle peut toujours être sujette à critiques, elle est aujourd’hui un élément indispensable pour le travail des parlementaires. Pour ma part, j’en suis vraiment profondément convaincu.

Je ne suis parlementaire que depuis quatre ans. Chaque fois que je travaille sur un projet de loi, je suis très attentif à l’étude d’impact parce qu’elle est une mine d’informations. Bien sûr, nous le savons, l’étude d’impact est là pour accompagner le texte du Gouvernement. Cela n’empêche pas qu’elle fournit des informations et des chiffres qui peuvent d’ailleurs parfois être utilisés pour contrer le discours du Gouvernement.

L’étude d’impact annexée au projet de loi relatif au redécoupage des régions a été abondamment critiquée voilà quelques mois. Quoi qu’il en soit, le Conseil constitutionnel a tranché. Officiellement saisi, il a apporté dans sa décision des réponses également précises aux questions précises qui lui avaient été posées.

Dans une démocratie moderne, il faut que la loi fondamentale puisse être respectée, et nous avons besoin d’une justice constitutionnelle – j’y suis attaché – à laquelle nous devons nous plier.

Les auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel argumentaient sur le fait que l’étude d’impact n’aurait pas été assez précise, pas assez argumentée ni assez documentée. Ils considéraient qu’elle ne mentionnait aucunement le devenir des agents de la fonction publique territoriale concernés. Ils lui reprochaient enfin de ne pas exposer les consultations menées avant la saisine du Conseil d’État.

À tous ces arguments avancés pour contester l’étude d’impact – que ce soit par le groupe du RDSE, par l’ex-groupe UMP, devenu le groupe Les Républicains, par le groupe CRC –, le Conseil constitutionnel, contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire, n’a pas répondu par un soutien aveugle et sourd au Gouvernement, un soutien sans réflexion, un soutien purement opportuniste.

Non ! Le Conseil constitutionnel a complètement justifié sa décision, qu’il a articulée en trois points. D’abord, il a précisé que l’étude d’impact, qui comprend des développements relatifs à différentes options possibles sur les délimitations des régions, les élections régionales et départementales et la durée des mandats des membres des conseils régionaux et départementaux, expose les raisons des choix opérés par le Gouvernement et en présente les conséquences prévisibles. On le voit bien, le Conseil constitutionnel a jugé que l’étude d’impact est suffisante pour éclairer le choix des parlementaires.

Ensuite, le Conseil a précisé qu’il ne pouvait être fait grief à l’étude d’impact de ne pas comporter de développements sur l’évolution du nombre d’emplois publics dès lors que le Gouvernement ne mentionnait pas la modification de ce nombre dans les objectifs poursuivis par ce projet de loi.

Enfin, le Conseil a répondu aux auteurs de la saisine qu’il n’était pas établi que ce projet de loi ait été soumis à des consultations dans des conditions qui auraient dû être exposées dans l’étude d’impact.

On le constate bien, sur la forme, nous avons affaire à un texte d’humeur, qui traduit une réaction à une décision du Conseil constitutionnel, laquelle me semble totalement argumentée. Je ne considère pas que le travail du Parlement soit de contester une décision de la justice constitutionnelle.

Sur le fond, le groupe socialiste et républicain est maintenant favorable aux études d’impact. Je trouve quelque peu incohérent de contester l’étude d’impact au motif qu’elle n’est ni assez documentée ni assez précise tout en voulant en réduire le périmètre et la portée, bref, la réduire à néant !

Si on avait vraiment voulu renforcer l’étude d’impact, pourquoi ne pas nous avoir demandé de travailler ensemble à une meilleure définition pour inciter le Gouvernement à plus de précision ? Nous aurions pu vous rejoindre sur cette voie, mes chers collègues.

Dans cette réaction, je vois une forme de provocation. Du moins ouvre-t-elle le débat – et je sais gré au groupe du RDSE de nous permettre de discuter de nouveau de ce sujet.

Les membres du groupe socialiste et républicain restent, pour leur part, attachés à l’étude d’impact telle qu’elle figure aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement visant à supprimer la disposition qui affaiblit ce document.

Sur les différents amendements adoptés à la demande du rapporteur par la commission des lois, nous aurons des positions différenciées : autant, sur certains points, nous sommes d’accord et nous suivrons le rapporteur et la commission, autant, sur d’autres, nous aurons une approche plus mesurée. J’y reviendrai en présentant les amendements déposés par le groupe socialiste et républicain. Nous attendons de connaître la réaction et le vote de la Haute Assemblée sur l’amendement de suppression que je défendrai pour nous prendre position sur l’ensemble du texte.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les espaces réservés des groupes politiques sont toujours des moments intéressants de la vie de la Haute Assemblée. Ils révèlent ce qui fait vibrer les groupes, leurs aspirations politiques et l’usage qu’ils entendent faire de la possibilité de faire la loi.

Le groupe écologiste pense que l’initiative parlementaire est un levier majeur pour améliorer concrètement la vie quotidienne de nos concitoyens. Ainsi, nous essayons, aussi souvent que cela nous l’est permis, d’impulser, au sein de cette assemblée, une réflexion en profondeur sur la préservation de l’environnement et la protection de la santé de toutes et de tous. Ce sont là des préoccupations qui sont, en effet, le fondement même de notre engagement politique. Et c’est tout le sens que nous donnons aux dispositions législatives dont nous sommes à l’origine : la protection des lanceurs d’alerte ou encore l’interdiction de l’usage des pesticides. Toutefois, ce n’est manifestement pas un but que vous poursuivez, monsieur Mézard, puisque vous n’avez voté ni l’une ni l’autre !

Pour en revenir au débat qui nous occupe aujourd’hui, le groupe écologiste avoue sa grande surprise à la lecture de la proposition de loi organique qui nous est présentée.

En effet, mes chers collègues, vous n’avez manifestement pas accepté que, à la suite du différend entre le Premier ministre et la conférence des présidents du Sénat lors de la présentation du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 1er juillet 2014, ait considéré que la présentation de ce texte et, de ce fait, la validité de son étude d’impact étaient bien conformes à la Constitution. Il semblerait donc que la proposition de loi organique que vous nous proposez s’inscrive dans une logique bien particulière qui relève plus de la tactique politicienne que d’une réflexion de fond.

Effectivement, vous demandez la suppression des études d’impact, ou plus exactement, puisqu’il s’agit d’être précis, la suppression d’une partie substantielle de ces études qui accompagnent nécessairement chaque projet de loi.

Il s’agit là de votre droit, nous ne le contestons pas. Néanmoins, nous ne souhaitons pas ici juger le bien-fondé ou non des décisions du Conseil constitutionnel ni en tirer des conséquences, qui seraient d’ailleurs elles-mêmes inconstitutionnelles.

Nous ne pouvons, sous couvert de suivre les préceptes de l’ouvrage De l’esprit des lois cité dans l’exposé des motifs, souscrire à la suppression des études d’impact, qui, je le rappelle, évaluent les « conséquences économiques, financières, sociales et environnementales », ce dernier critère étant par nature, sans mauvais jeu de mot, particulièrement cher aux écologistes, mais pas seulement !

Pointant du doigt l’inefficacité des études d’impact et le peu d’éclairage qu’elles fournissent, selon vous, en amont du débat parlementaire, vous nous proposez de les vider de leur substance en retirant ce qui se rapporte aux « conséquences économiques, financières, sociales et environnementales » des projets de loi. J’emprunterai le raisonnement inverse : si vous jugez ces études d’impact incomplètes et imparfaites en la matière, pourquoi ne pas exiger au contraire leur renforcement au travers d’études plus approfondies sur ces différents points ?

En conclusion, je me permettrai, à mon tour, de citer Montesquieu qui affirmait : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »

Cette proposition de loi organique est pour nous une caricature du mésusage du temps parlementaire !

Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, le groupe écologiste votera contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi organique du président Mézard et du groupe du RDSE a au moins deux grands mérites.

Premièrement, elle nous rappelle l’extraordinaire inflation législative et l’immense difficulté du Parlement à faire face à la pression de l’exécutif sur le plan de l’élaboration de la loi.

Deuxièmement – est-ce tout à fait volontaire ?–, elle montre bien la fragilité, voire l’arbitraire, des décisions du Conseil constitutionnel, que beaucoup considèrent comme le sacro-saint gardien des normes.

Pour en revenir au premier point, il faut rappeler que l’étude d’impact qui doit accompagner les projets de loi, à l’exception d’un certain nombre d’entre eux – les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, par exemple –, avait pour finalité annoncée de limiter l’inflation législative.

Ce raisonnement avait toute sa logique. En effet, de nombreux textes législatifs sont des lois d’affichage, d’opinion, des lois qui, par médias interposés, doivent démontrer un certain volontarisme. Cet affichage explique que bien souvent – trop souvent ! – les décrets d’application ne suivent pas et que la loi devienne ainsi lettre morte.

Produire une étude d’impact dans les conditions prévues par la loi organique de 2009 devait logiquement conduire à écarter les projets de loi dépourvus d’objectifs réels et sérieux. Or, l’exécutif, dès 2009 et aujourd’hui encore, plutôt que de ralentir la cadence infernale, continue à appuyer sur l’accélérateur, au risque de faire exploser la machine institutionnelle. Les études d’impact sont négligées, voire, de fait, oubliées.

C’est aussi pour souligner ce fait, grave, que mon groupe a décidé, le 28 juin 2014, de saisir la conférence des présidents de la véritable provocation que constituait l’étude d’impact du projet de loi créant les nouvelles régions. Rien n’était mentionné, sinon un verbiage superficiel, sur les conséquences économiques, sociales et financières de la création de ces nouvelles régions. Rien n’était indiqué non plus sur les conséquences pour l’emploi public de cette évolution institutionnelle très importante.

Lorsque nous voyons où nous en sommes aujourd’hui avec le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, c’est-à-dire la création de répartitions incompréhensibles pour les citoyens – des citoyens qui, de surcroît, ont été écartés du débat –, mais aussi pour nombre d’élus, il aurait mieux valu prendre le temps de réaliser une étude d’impact sérieuse. Les membres de mon groupe et moi-même avons rappelé souvent, trop souvent sans doute, que l’une des sources essentielles des difficultés du travail du Sénat et du Parlement se situait dans l’avalanche des normes produites par l’exécutif, soumis lui-même à l’avalanche des normes bruxelloises et aux exigences de la mondialisation financière.

Il faut le dire au Gouvernement, la pression exercée sur le Parlement, rabaissé au simple rang de chambre d’enregistrement, est dangereuse pour la démocratie, l’efficacité et l’intelligibilité de la loi.

Il faut aller vite, réformer vite. Le débat serait archaïque et il conviendrait de bousculer les immobilismes et les conservatismes. Cette conception autoritaire du fonctionnement des institutions n’est pas acceptable, surtout pas du point de vue d’hommes et de femmes de gauche, qui porte en son cœur la confrontation des idées comme élément de construction démocratique.

Cette proposition de loi organique met ensuite en évidence – second mérite – la faiblesse de l’argumentation du Conseil constitutionnel.

Je ne rappellerai pas la critique historique que nous émettons sur un organisme dépourvu d’une réelle légitimité, qui se comporte comme une Cour suprême intouchable convaincue de sa puissance et de la justesse innée de son jugement, conviction qui provient de l’absence de contestation possible de ses décisions.

L’exposé des motifs de la présente proposition de loi organique est efficace, mais aussi effrayant par certains aspects.

Vous rendez-vous compte, mes chers collègues, que l’on a confié, par exemple, le jugement des questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, ce qui lui permet de faire et défaire la loi comme bon lui semble cinq, dix, vingt ou trente ans après son vote, alors que, sur un point pourtant aussi évident et flagrant que l’examen de l’étude d’impact du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, il a eu – il faut le dire ! – tout faux.

Cette proposition de loi organique pose donc indirectement, mais crûment, la question de la légitimité du Conseil constitutionnel. Nous proposons, pour notre part, d’autres pistes de contrôle de constitutionnalité, en particulier une commission parlementaire de contrôle de constitutionnalité qui permettrait d’apporter une garantie démocratique.

Si la proposition de loi organique soulève de vraies questions, la réponse qu’elle apporte nous paraît totalement contreproductive. Mais peut-être avons-nous mal compris… Il nous semble en effet que ses auteurs proposent en réalité de vider les études d’impact de leur sens en supprimant, en particulier, l’obligation d’évaluation non seulement des conséquences économiques, sociales et financières, mais aussi des conséquences sur l’emploi public d’un texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je comprends l’agacement du groupe du RDSE et de son président, et je le partage pleinement. Toutefois, cette forme de terre brûlée ne nous semble pas la bonne option.

Nous ne pouvons donc soutenir l’article unique de la proposition de loi organique initiale, et qui est aujourd’hui devenu l’article 1er du texte qui nous est soumis. En effet, M. le rapporteur, Hugues Portelli, et les membres de la commission des lois ont complété la proposition de loi organique par un certain nombre de dispositions que nous pouvons approuver, même si l’effet sera cosmétique face à la pression législative dont je parlais précédemment.

Justifier la procédure accélérée est une bonne chose, même si nous sommes, pour notre part, partisans de l’empêcher in concreto… Rendre public l’avis du Conseil d’État paraît évident. Enfin, réaliser une étude d’impact sur les amendements substantiels déposés par le Gouvernement est une idée pertinente, mais, me semble-t-il, très difficile à réaliser. Comment, en effet, définir les amendements substantiels ? Là aussi, nous avons proposé à maintes reprises une autre voie, à savoir empêcher le dépôt tardif des amendements du Gouvernement, quels qu’ils soient.

En conclusion, le groupe communiste, républicain et citoyen, sous réserve d’évolution de la proposition de loi organique, s’abstiendra sur ce texte modifié par la commission des lois, en rappelant toutefois fortement son souhait du maintien de l’exigence en matière d’étude d’impact.

M. Jacques Mézard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme le disait Portalis, « les lois ne sont pas de purs actes de puissance ; ce sont des actes de sagesse, de justice et de raison. Le législateur […] ne doit point perdre de vue que les lois sont faites pour les hommes, et non les hommes pour les lois ».

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je crains que le bon sens de cette formule n’ait été quelque peu oublié. La perte de qualité de la loi et l’inflation législative sont certes dénoncées de manière récurrente, mais les projets de loi continuent de s’entasser et les études d’impact continuent de les justifier de manière plus ou moins floue.

Introduites à l’occasion de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, les études d’impact constituaient pourtant un dispositif important et contraignant, puisque le non-respect des règles posées par l’article 39 de la Constitution pouvait être sanctionné par le refus d’inscrire un projet de loi à l’ordre du jour d’une assemblée.

Deux questions se posent. Premièrement, les études d’impact permettent-elles encore de satisfaire une évaluation approfondie des conséquences d’une législation en vigueur et des effets vraisemblablement produits par une nouvelle loi ? Deuxièmement, le contrôle de la conformité des études d’impact aux prescriptions organiques est-il encore effectif ? Les exemples détaillés par Pierre-Yves Collombat montrent que non, et les membres du groupe UDI-UC souscrivent à cette analyse.

Le premier constat de non-conformité d’une étude d’impact aux prescriptions organiques remonte à 2014 avec le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Nous nous rappelons tous cet épisode au cours duquel notre opposition à l’engagement de la procédure accélérée ne fut pas entendue et n’emporta pas l’adhésion à l’Assemblée nationale.

Mais il s’agit surtout d’un épisode qui constitue l’échec criant de la contestation par le Sénat d’une étude d’impact et de la méconnaissance par le Gouvernement des règles fixées par la loi organique du 15 avril 2009.

L’examen du projet en loi en séance publique fut retiré de l’ordre du jour, et le Premier ministre saisit le Conseil constitutionnel, conformément au quatrième alinéa de l’article 39 de la Constitution. Dans sa décision du 1er juillet 2014, le Conseil estima que le projet de loi avait été présenté dans des conditions conformes à la loi organique précitée, notamment à son article 8 relatif au contenu de l’étude d’impact, comme les orateurs précédents l’ont expliqué.

Malgré les observations du Sénat, le Conseil constitutionnel a rejeté le grief fondé sur le fait que cette étude d’impact ne comportait aucun développement sur l’évolution du nombre des emplois publics. Je dois avouer que la justification de cette décision nous laisse perplexes. Dès lors que le Gouvernement ne mentionne pas la modification de ce nombre dans les objectifs poursuivis par ce projet de loi, un tel développement ne serait-il pas nécessaire ? Il s’agit pourtant d’un texte lourd de conséquences pour nos collectivités et nos territoires !

Dans votre rapport, cher collègue Hugues Portelli, vous citez le professeur Jean-Marie Pontier, qui a réagi à cette décision en la qualifiant de « jurisprudence minimaliste ». Je le rejoins et, comme lui, je regrette que le Conseil constitutionnel n’ait pas saisi l’occasion d’opérer un meilleur contrôle de l’exigence des études d’impact.

Après sept ans d’application, les bénéfices de l’étude d’impact sont donc loin d’être évidents : le double aspect de l’élaboration des études d’impact et du contrôle exercé par le Conseil constitutionnel nous laisse dubitatifs.

Je le dis à regret, mais, au nom de mon groupe, je me permets d’affirmer que les études d’impact ressemblent de plus en plus à des coquilles vides...

Comme je l’ai indiqué précédemment, nous souscrivons au constat initial dressé par Pierre-Yves Collombat. Toutefois, la suppression d’une partie des études d’impact au motif que le Conseil constitutionnel n’en contrôle pas l’effectivité, suppression qu’il présente comme une conséquence logique de la décision du Conseil constitutionnel du 1er juillet 2014, ne nous paraît pas convaincante.

Vous proposez en effet, mon cher collègue, la suppression des alinéas 8 à 10 de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009, qui dresse la liste d’éléments que doit contenir l’étude d’impact, notamment l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ou encore les conséquences sur l’emploi public. Mais en quoi la suppression de ces alinéas résout-elle le problème ?

Réduire encore davantage les obligations imposées au Gouvernement et alléger celles qui pèsent sur les études d’impact ne changeront pas la donne ! Cela revient même à donner raison au Gouvernement et à lui accorder une solution de facilité sans renforcer en rien le pouvoir de contrôle des assemblées.

Autrement dit, le texte, dans sa rédaction initiale, tire une conséquence illogique d’un constat qui fait sens.

J’en viens maintenant aux modifications importantes introduites par la commission. Vous nous avez proposé, monsieur le rapporteur, de compléter les documents joints au projet de loi présenté, de prévoir l’obligation de motiver la procédure accélérée et la transmission de l’avis du Conseil d’État. Cela nous semble justifié : accélérer le processus législatif est lourd de conséquences ; le Gouvernement doit s’en expliquer.

Vous avez proposé également d’allonger le délai laissé à la conférence des présidents pour contester la conformité des conditions de présentation d’un projet de loi. La loi organique du 15 avril 2009 n’accorde en effet à la conférence des présidents de la première assemblée saisie du texte qu’un délai de dix jours pour constater éventuellement la non-conformité par l’étude d’impact des prescriptions organiques. Dans la pratique, ce délai est insuffisant; une période de trente jours nous semble plus appropriée pour cet exercice de contrôle.

Enfin, la commission a étendu l’obligation de l’étude d’impact aux amendements du Gouvernement. Je trouve l’idée très séduisante, surtout quand on se remémore certains exemples récents d’amendements gouvernementaux qui étaient tellement lourds et complexes qu’ils constituaient presque une réforme à eux seuls – je pense, par exemple, à l’amendement sur la métropole du Grand Paris. Dans ces hypothèses, une obligation d’étude d’impact serait la bienvenue.

Pour autant, appliqué sans distinction à l’ensemble des amendements gouvernementaux, ce dispositif ralentirait et alourdirait inutilement l’examen des textes. Pour qu’il puisse s’appliquer dans les faits, sans entraver ni la souplesse des travaux en séance ni la réactivité des parlementaires et des membres du Gouvernement à parvenir à des solutions consensuelles, ce mécanisme devrait être limité à certains amendements du Gouvernement, les plus lourds de conséquences.

En guise de conclusion, je voudrais remercier le groupe du RDSE d’avoir suscité ce débat sur un sujet pour lequel nous partageons tous un vif intérêt, et qui tend à la fois à contenir l’inflation normative et à améliorer l’efficacité de la production législative.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe UDI-UC s’opposera à la simplification du contenu des études d’impact prévu à l’article 1er, mais soutiendra les diverses dispositions introduites lors de l’examen du présent texte en commission sur l’initiative de M. le rapporteur.

MM. Philippe Kaltenbach et Jean-Pierre Sueur applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Madame la secrétaire d’État, je vous salue à l’occasion de votre première séance au Sénat, je vous souhaite bon courage et vous adresse tous mes vœux de succès.

Je tiens maintenant à saluer l’excellent rapport de M. Portelli, qui a accompli un travail de grande qualité, et très utile de surcroît.

Le groupe du RDSE a déposé cette proposition de loi organique non pas simplement pour le plaisir de débattre aujourd’hui, mais parce que la question des études d’impact et de leur utilisation par le Gouvernement pose un réel problème de démocratie parlementaire. Il n’est point besoin en effet de continuer à réaliser des études d’impact qui ne sont que des paravents ou des coquilles vides pour tenter de justifier une conformité strictement formelle à la loi.

L’actualité et l’ordre du jour du Parlement mettent chaque jour davantage en évidence les difficultés à réaliser un travail législatif de qualité. Or c’est la première mission du Parlement et donc de notre assemblée.

Madame Aïchi, il est malvenu que votre groupe donne des leçons de démocratie, surtout si vous fuyez immédiatement après les avoir données. Cela nous distingue fondamentalement, je ne suis pas un président de groupe qui passe son temps sur les plateaux de télévision et dans les sièges luxueux des avions gouvernementaux…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Certes !

Quoi qu’il en soit, il est de bon ton, dans les médias nationaux et chez les commentateurs politiques, qui cumulent leurs interventions depuis de longues années dans de multiples médias écrits ou télévisuels, d’imputer au Parlement la responsabilité de l’encombrement législatif et de l’accumulation de textes à l’application aléatoire. J’entendais encore ce matin, sur une chaîne d’information en continu, un brillant éditorialiste à écharpe écharper une nouvelle fois le Parlement qui bloquerait les réformes. Au plus haut niveau, l’exécutif considère que le Parlement ne va pas assez vite, qu’il parle trop. Une seule chambre, avec un usage hebdomadaire de l’article 49-3 de la Constitution, conviendrait davantage, sans doute…

Mais ne vaudrait-il pas mieux poser les questions de fond : pourquoi cette inflation législative et réglementaire, due d’abord au Gouvernement ? Qui en est à l’origine, l’élu ou l’administration ? Est-il bien raisonnable que chaque ministre ou secrétaire d’État veuille sa loi, raison d’être de son passage au Gouvernement ? Est-il bien raisonnable que, du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte au projet de loi de modernisation de notre système de santé, en passant par le projet de loi Macron et tant d’autres, le Parlement soit submergé de projets de loi catalogues, lesquels comportent parfois des centaines d’articles, mélangeant souvent le législatif et le réglementaire et s’infiltrant dans le détail du quotidien de nos concitoyens ? Est-il raisonnable que la plupart de ces projets de loi, écrits dans une langue administrative peu compréhensible pour les citoyens, soient mis en discussion devant le Parlement en utilisant de manière quasi systématique la procédure accélérée ?

Pensez-vous vraiment, mes chers collègues, que le souci de nos concitoyens soit de modifier constamment la législation, et que ceux-ci soient convaincus que c’est le bon moyen pour améliorer leur condition de vie et créer des emplois ? Je consacre ma vie au droit, et je suis chaque jour davantage convaincu que, moins il y a de textes, plus et mieux on les applique. C’est un fait que l’on pourrait rappeler aux exécutifs successifs.

Oui, la loi doit tenir compte de l’évolution de la société, des bouleversements technologiques et sociaux, et parfois précéder ou lancer ces évolutions, mais cela n’a rien à voir avec la fièvre législative dont sont atteints nos exécutifs successifs, inspirés par une fonction publique certes très compétente, mais dont la propension à fabriquer des textes est mondialement reconnue.

Quand la loi n’est que réactive et à effet médiatique, il est difficile qu’elle soit de qualité. Oui, le corpus des futures actions d’un exécutif devrait être ficelé dans le pacte des candidats à l’élection présidentielle. Il est sain de légiférer en amont plutôt qu’en aval.

Et les études d’impact dans tout cela ? Elles n’ont de sens que si ce sont de véritables études décrivant les conséquences possibles de l’application du projet de loi qui sera examiné et si le Parlement a le temps nécessaire pour les analyser et travailler sur leurs manques ou leurs failles.

L’expérience acquise depuis la révision constitutionnelle de 2008 démontre la faiblesse chronique des études d’impact : paravents des textes qu’elles accompagnent en annexe, elles sont le plus souvent réalisées à la va-vite sur commande tardive pour permettre au Gouvernement de dire qu’une étude d’impact a été effectuée.

Le cas de la loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral en a été l’illustration : urgence et étude d’impact indigente, ce que personne ne conteste sérieusement. À la demande des groupes du RDSE, Les Républicains et CRC, la conférence des présidents a réagi le 26 juin 2014 en constatant – c’était la première fois – « la méconnaissance des règles fixées par la loi organique du 15 avril 2009 », ce qui a obligé le Premier ministre à saisir le Conseil constitutionnel, lequel a balayé la position du Sénat dans une décision lapidaire que je ne commenterai pas ; d’autres viennent de le faire mieux que je ne le pourrais.

Je rappellerai simplement que le projet de loi et l’étude d’impact ont été déposés au Sénat le 18 juin 2014 pour un examen au fond quelques jours après. Cela démontre, s’il en était encore besoin, que ce type d’étude d’impact associé à l’urgence n’a strictement aucun intérêt, et que toutes les arguties pour soutenir le contraire relèvent d’un pur cynisme et d’un profond mépris du travail parlementaire.

Voilà pourquoi nous avons demandé l’inscription à l’ordre du jour de la présente proposition de loi organique. Qui ne dit mot consent, et le devoir du parlementaire, ce n’est pas de passer son temps sur les plateaux de télévision, c’est d’indiquer à l’exécutif, quel qu’il soit, son sentiment sur ses méthodes.

Nous nous sommes entretenus avec le rapporteur. Dans un souci d’efficacité, les membres de mon groupe se sont ralliés aux conclusions de son excellent rapport. Les mesures qu’il propose apporteront un plus à la vie parlementaire et donc à l’élaboration de la loi.

Je m’étonne que le groupe socialiste et républicain piétine ce qu’il avait essayé de faire adopter voilà quelques années. Je vous le dis souvent, mes chers collègues, avec toute l’amitié que j’ai pour vous : vous brûlez toujours ce que vous avez adoré, et vous adorez toujours ce que vous avez brûlé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Deromedi

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi organique de Jacques Mézard et plusieurs des membres du groupe du RDSE nous donne l’occasion d’évoquer le rôle du Conseil constitutionnel dans nos institutions.

Le Conseil a gagné ses lettres de noblesse grâce aux décisions qu’il a rendues dans le domaine des libertés publiques. L’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité, la QPC, a conforté sa mission en la matière. Toutefois, il ne faudrait pas oublier que la Constitution lui confie également des attributions particulières en termes de contrôle du bon déroulement de la procédure législative. La récente réforme constitutionnelle de 2008 a complété ces attributions en ce qui concerne la présentation des projets de loi.

La présente proposition de loi organique porte sur cette mission du Conseil constitutionnel. Qu’en est-il aujourd’hui du respect par le Conseil des compétences respectives du pouvoir exécutif et du Parlement ? Y aurait-il dans sa jurisprudence, comme l’affirment certains commentateurs, deux poids, deux mesures en faveur du pouvoir exécutif et au détriment du Parlement ?

L’une des difficultés que rencontre le Conseil constitutionnel est de devoir interpréter des règles constitutionnelles et organiques très générales. Il en donne des interprétations de plus en plus détaillées. Cette situation fait courir un risque : le Conseil pourrait être tenté de rendre des arrêts de règlement.

De fait, sa jurisprudence présente un certain contraste. Dans certains cas, il adopte des interprétations très rigoureuses, très formalistes des procédures légales : la toute récente démission d’office de quatre membres de la Haute Assemblée – elle a fait l’objet de critiques – en est un exemple probant. Dans d’autres situations, il émet une interprétation très souple, dégagée de formalisme, généralement au profit du pouvoir exécutif. Tel est le cas en matière budgétaire, lorsqu’il s’agit d’apprécier la sincérité des évaluations de recettes et de dépenses, ou encore pour les lois d’habilitation, dont les termes sont parfois extrêmement généraux ; le Conseil autorise cette généralité. Ce fut le cas, bien évidemment, dans la décision du 1er juillet 2014 sur les études d’impact qu’a critiquée Jacques Mézard

La loi organique du 15 avril 2009 dispose que les projets de loi doivent faire l’objet d’une étude d’impact et précise les informations que doit contenir chaque étude. L’an dernier, la conférence des présidents du Sénat a estimé que l’étude d’impact jointe au projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral n’était pas conforme à la loi organique précitée. Saisi par le Premier ministre, le Conseil constitutionnel a jugé, le 1er juillet 2014, que cette étude respectait au contraire les conditions fixées par cette loi.

Cette décision a été critiquée en doctrine. M. le rapporteur cite à juste titre le commentaire du professeur Pontier, selon lequel « la solution du Conseil constitutionnel paraît […] inconsistante, parce que l’occasion était donnée au Conseil d’opérer un contrôle de l’exigence d’études d’impact, et qu’il ne l’a pas saisie ». Le professeur Pontier regrette les « approximations » factuelles de l’étude d’impact et l’absence d’étude historique sérieuse, au point que l’étude « donne l’impression d’avoir été faite “à la va-vite”, sans véritable travail de réflexion ». Le contrôle du Conseil Constitutionnel est donc purement formel ; il contraste avec celui du Conseil d’État qui l’a conduit à demander trente-six fois au Gouvernement de compléter des études d’impact.

À la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 1er juillet 2014, la question qui se pose est de savoir si les études d’impact ont encore un sens. Nul doute que, malgré les insuffisances dont elles souffrent parfois, elles apportent des informations intéressantes et nécessaires au Parlement et l’aident à se prononcer en meilleure connaissance de cause. Il est donc préférable de les maintenir, quelle que soit l’analyse faite par le Conseil constitutionnel.

Je soutiens les mesures adoptées par la commission des lois. Elles imposent des contraintes supplémentaires au Gouvernement : il devra motiver l’utilisation de la procédure accélérée ; il devra joindre l’avis rendu par le Conseil d’État, lorsqu’il aura décidé de le rendre public ; les amendements du Gouvernement tendant à apporter une modification substantielle au texte initial devront faire l’objet d’une étude d’impact. Par ailleurs, la conférence des présidents disposera d’un délai de trente jours – contre dix actuellement – pour saisir le Conseil constitutionnel.

Le groupe Les Républicains soutient totalement les conclusions de la commission des lois, et il remercie son président, Philippe Bas, et son rapporteur, Hugues Portelli, de l’excellent travail qu’ils ont effectué. Nous voterons cette proposition de loi organique, persuadés qu’elle contribuera à renforcer les moyens d’action et d’information du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, « si Alexandre penche la tête, ses courtisans penchent la tête », écrivait Nicolas Malebranche, déjà cité, pour dénoncer le conformisme. Jamais je n’accuserai de conformisme Jacques Mézard et Pierre-Yves Collombat.

Pour m’inscrire dans cette tradition, je m’exprimerai à titre totalement personnel ; mes propos n’engageront en rien le groupe auquel j’appartiens.

J’étais hostile à l’obligation d’adjoindre une étude d’impact aux projets de loi lorsqu’elle fut instaurée. J’y reste défavorable. J’eusse aimé, cher Jacques Mézard, que vous nous eussiez présenté une proposition de loi constitutionnelle pour réformer la Constitution à cet égard. Je veux, madame la secrétaire d'État, m’en expliquer.

Je crois profondément que l’impact de la loi est justement l’objet du débat politique. Faire des choix politiques, c’est engager la conviction que l’on porte en soi pour telle ou telle réforme. Aucune étude d’impact ne peut prédire à l’avance, de manière incontestable et absolue, quel sera l’effet – ou la cause, mon cher Pierre-Yves Collombat, qu’elle soit accidentelle, essentielle ou finale – d’une loi.

Prenons un exemple très simple. Imaginons qu’un projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés, ou OGM, soit déposé. Je suis persuadé que, lors de son examen en séance publique, la première intervention serait une contestation de la validité de l’étude d’impact, car, selon ce que l’on pense du sujet, on estimera que l’étude est bonne ou qu’elle est mauvaise.

Autrement dit, l’étude d'impact obéit à une illusion, y compris d’ordre méthodologique et philosophique : celle de croire qu’il y aurait, sur l’impact de la loi, une vérité qui surplomberait le Gouvernement et le Parlement, la majorité et l’opposition, une vérité qui s’imposerait à tous. Une telle vérité n’existe pas ! Par définition, les études d'impact seront toujours contestées et contestables.

Par conséquent, et non sans une pensée pour les fonctionnaires des différents ministères chargés de ce pensum – vous pourrez bientôt constater, madame la secrétaire d'État, que leur rédaction est un exercice très long et très difficile et que le résultat est toujours jugé insuffisant –, je considère, pour ma part, qu’il faut éviter de se perdre dans des études d'impact et résister à cette idée toute faite qu’elles établiraient la vérité.

Il est préférable que le Gouvernement et le Parlement puissent tout simplement disposer des meilleurs moyens d’expertise et solliciter les experts et les scientifiques qu’ils souhaitent entendre sur un certain nombre de points, de textes, de projets. Cela suppose, naturellement, des moyens et, comme Jacques Mézard l’a dit très justement, une conception du temps législatif qui ne soit pas incompatible avec le débat parlementaire lui-même et avec l’analyse de la loi.

Il faut du temps pour faire de bonnes lois et pour les expertiser, mais ce qu’il faut, c’est que chacun – Parlement et Gouvernement – dispose des capacités d’expertise nécessaires.

Je ne crois donc pas à des études d'impact objectives. Hier soir, nous avons examiné une proposition de loi sur la fin de vie. Que vaut une étude d'impact sur un tel sujet ? Pour ce qui me concerne, je pense que, dans un tel débat, il faut procéder à de nombreuses auditions, entendre de nombreux praticiens, penseurs, scientifiques, analystes… Mais, en tant que parlementaires, il nous revient de nous battre pour la conception qui nous paraît la plus juste, la plus humaine, la plus conforme au droit et à l’intérêt général.

Je le répète, il ne me semble pas qu’une étude d'impact puisse dégager une vérité qui s’imposerait absolument à tout le monde. Il est inévitable que les études d'impact fassent l’objet de critiques, car elles ne peuvent pas répondre à l’objet qu’on leur assigne.

Ne restons pas au milieu du chemin ! Mon cher Pierre-Yves Collombat, vous qui enseignâtes avec tant de talent la philosophie, je veux vous rappeler que Nicolas Malebranche, qui a déjà été cité, disait fort justement : « Les préjugés occupent une partie de l’esprit et en infectent tout le reste. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Puisque nous sommes entre nous, je ne résiste pas au plaisir de vous faire part d’une autre citation de Nicolas Malebranche, qui est restée gravée dans mon esprit, car je la trouve très forte : « il faut toujours rendre justice avant que d’exercer la charité. »

MM. Pierre-Yves Collombat et Philippe Kaltenbach applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Après l’article 7 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, il est inséré un article 7-1 ainsi rédigé :

« Art. 7-1. – Est joint au projet de loi auquel il se rapporte un document motivant l’engagement de la procédure accélérée lorsque, au plus tard, le Gouvernement décide d’engager cette procédure au dépôt du projet de loi.

« Le précédent alinéa n’est pas applicable aux projets de révision constitutionnelle, aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale ainsi qu’aux projets de loi prorogeant des états de crise. »

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je tiens à intervenir avant que ne débute l’examen des amendements et, d’une certaine manière, de la substance du texte, parce que notre débat me semble assez révélateur de la façon dont fonctionnent nos institutions : le nombre de sénateurs présents dans l’hémicycle cet après-midi est significatif, en dépit des plaintes, en dépit des colonnes que l’on nous demande de remplir ; toutefois, il ne se passe rien !

Qu’est-ce qu’une démocratie qui fonctionne ? C’est une démocratie dans laquelle les changements de majorité se traduisent par des changements de politique sur l’essentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Or nous constatons que nous changeons régulièrement de majorité sans changer de politique sur l’essentiel. Ceux qui s’insurgeaient hier sont aujourd'hui d’accord… Ils auront bientôt l’occasion de s’insurger de nouveau !

Comment voulez-vous que l’on avance dans ces conditions ? Comment voulez-vous que le bon peuple ait confiance dans ses institutions ? Et l’on s’étonne après qu’il n’aille plus voter ou qu’il ait parfois des façons un peu surprenantes de s’exprimer…

De cela, nous avons un très bel exemple aujourd'hui.

De ce point de vue, accuser ceux qui n’ont pas changé de position sur cette question de se livrer à des tactiques politiciennes, c’est se moquer du monde !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Ce sont quasiment les seuls à demeurer constants ! Mais peut-être est-ce un compliment dans la bouche d’experts en la matière…

Bien évidemment, je conçois que l’on puisse discuter de la validité du moyen que nous proposons. Toujours est-il qu’il faut bien, de temps en temps, mettre un peu les pieds dans le plat et dire : « le roi est nu ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L'amendement n° 1, présenté par M. Kaltenbach et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Le présent amendement vise à supprimer une disposition introduite en commission, sur l’initiative de M. le rapporteur

Le texte prévoit désormais qu’il sera demandé au Gouvernement de joindre « au projet de loi auquel il se rapporte un document motivant l'engagement de la procédure accélérée ».

Bien évidemment, je ne remets pas en cause l’utilité de connaître les motivations du Gouvernement et je partage la volonté de M. le rapporteur d’en disposer.

Toutefois, j’ai noté, lors des travaux de la commission, que cette disposition pourrait avoir un effet pervers et être contreproductive. En effet, la mesure ne s’appliquerait que lorsque le Gouvernement décide d’engager la procédure accélérée au dépôt du projet de loi.

Une telle disposition pourrait inciter les gouvernements, qu’ils soient de gauche ou de droite, à recourir systématiquement à la procédure accélérée après le dépôt de leurs textes, puisque, dans ce cas, ils n’auraient plus à motiver leur décision d’y recourir. Tout cela serait de nature à nuire à la visibilité des parlementaires sur leurs travaux.

C’est ce constat qui a motivé le dépôt de cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

La commission émet un avis défavorable, pour une raison très simple : de son point de vue, cette disposition n’aura aucun effet pervers.

En effet, demander au Gouvernement de motiver le recours à la procédure accélérée ne limite en rien son pouvoir d’initiative en matière législative, qui demeure total. Cela permet simplement d’éclairer le Parlement. Les conférences des présidents des deux assemblées pouvant s’opposer conjointement à l’engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un texte, autant qu’elles puissent se prononcer en connaissance de cause !

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter, secrétaire d'État

L’article 1er A ajoute à la loi organique du 15 avril 2009 un article 7-1, qui oblige le Gouvernement à justifier du recours à la procédure accélérée.

Cette obligation pose une difficulté constitutionnelle, car les articles 42 et 45 de la Constitution qui régissent la procédure accélérée ne renvoient pas à une loi organique. Dès lors, le Parlement ne peut pas obliger le Gouvernement à motiver le recours à la procédure accélérée. Les renvois à la loi organique relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ne peuvent constituer un fondement suffisant.

En outre, nous pouvons redouter, à l’instar de Philippe Kaltenbach, que la nouvelle obligation issue de l’article 1er A n’ait un effet pervers. En effet, elle pourrait avoir pour conséquence d’inciter le Gouvernement à retarder l’annonce de l’engagement de la procédure accélérée après le dépôt du projet de loi. Or il n’est pas dans l’intérêt du Parlement qu’un tel engagement soit différé dans le temps.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Je veux juste apporter une précision, madame la présidente.

L’amendement adopté par la commission et qui est à l’origine de l’article 1er A est fondé non pas sur l’article 45, mais sur l’article 39 de la Constitution, c'est-à-dire sur les conditions de dépôt des projets de loi. Il ne porte donc nullement atteinte à la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Étant donné les objections qui nous sont faites dès à présent, j’ai quelques craintes sur le sort qui sera réservé à la demande que nous formulerons ultérieurement – que le Gouvernement motive en droit ses propositions.

Indépendamment de toute argutie juridique, il est élémentaire que le Gouvernement justifie des raisons pour lesquelles il engage la procédure accélérée. À moins qu’il n’ait pas de raison de l’engager… si ce n’est pour faire passer de nombreuses lois dont on puisse parler à la télévision !

Si l’on veut lutter contre l’encombrement législatif, la disposition figurant à l’article 1er A est la meilleure façon de procéder. En outre, une telle motivation est une politesse élémentaire à l’égard du Parlement !

Je trouve assez curieux que de grands chantres de la démocratie refusent ce qui est de bon sens !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Avec cet article, nous touchons au fond du débat sur le fonctionnement parlementaire. Certes, le sujet ne déchaîne pas l’intérêt des médias. Pourtant, il est fondamental.

Mme la secrétaire d'État nous dit que les dispositions de l’article 1er A ne seraient ni cohérentes ni compatibles avec la Constitution. C’est tout à fait inexact. M. le rapporteur vient de le rappeler. L’amendement qu’il a déposé en vue de l’élaboration du texte de la commission, auquel nous souscrivons totalement, est fondé sur l’article 39 de la Constitution.

Cela étant, je constate que certains peuvent, pendant des années, chanter les louanges de la démocratie parlementaire et appeler à son renforcement et nous dire aujourd'hui que le Gouvernement, quel qu’il soit, doit pouvoir utiliser la procédure accélérée quand il le veut et pour n’importe quel texte, parce que cela arrange sa communication. Ce n’est pas un exemple démocratique.

En tout état de cause, ceux qui s’associent à ce discours se souviendront, dans peu d’années, de ce qui s’est passé aujourd'hui : ils pourront compter sur Pierre-Yves Collombat et sur moi-même pour le leur rappeler... Je ne doute pas que, à ce moment, ils nous applaudiront chaleureusement !

Applaudissements sur les travées du RDSE.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1er A est adopté.

Après l’article 7 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, il est inséré un article 7-2 ainsi rédigé :

« Art. 7-2. – Est joint au projet de loi auquel il se rapporte l’avis rendu par le Conseil d’État en application du deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution, lorsque le Gouvernement a décidé de le rendre public. » –

Adopté.

(Non modifié)

Les huitième à dixième alinéas de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution sont supprimés.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L'amendement n° 2, présenté par M. Kaltenbach et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Avec cet amendement de suppression, nous revenons au cœur du sujet.

En effet, la proposition de loi organique déposée par les membres du groupe du RDSE avait pour seul et unique objet de réduire la liste des précisions demandées dans les études d'impact – l’article unique du texte est, depuis, devenu l’article 1er.

Il nous est ainsi proposé, dans cet article, de supprimer les huitième à dixième alinéas de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009, autrement dit, tout d’abord, « l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue », ensuite, « l’évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l’emploi public », enfin, « les consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d’État ».

Or les membres du groupe socialiste et républicain considèrent que ces alinéas sont indispensables pour rendre les études d’impact pleinement utiles au Parlement. C'est la raison pour laquelle, par cet amendement, nous proposons en quelque sorte de « supprimer la suppression » voulue par le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

La commission a émis un avis très largement défavorable sur cet amendement.

Il a été question, voilà quelques instants, du respect que nous devions tous à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Je rappelle toutefois que nous sommes ici dans une enceinte parlementaire. Or, le Parlement, lorsqu’il a estimé dans le passé – ce qui lui est arrivé assez souvent – qu’il n’était pas d’accord avec la façon dont le Conseil interprétait la Constitution ou une loi organique, ne s’est jamais senti gêné pour modifier la Constitution ou la loi organique, car le pouvoir constituant et le pouvoir législatif organique lui appartiennent en premier et dernier ressorts.

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter, secrétaire d'État

L’article 1er constitue le cœur de la proposition de loi organique. Il vise en effet à supprimer l’obligation, pour le Gouvernement, de présenter, à l’appui de ses projets de loi, des études d’impact comportant des éléments précis relatifs à l’évaluation des coûts et des bénéfices attendus, aux conséquences sur l’emploi public et aux consultations menées sur le texte.

Cet article a donc pour objet de vider de sa substance l’obligation qui pèse sur le Gouvernement d’éclairer le Parlement de la façon la plus complète possible, tout en maintenant suffisamment de souplesse pour ne pas créer un système basé sur un formalisme inutile.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel, sur laquelle se fondent les auteurs de cette proposition de loi organique pour justifier leur position, paraît conforme à la volonté du constituant, qui a entendu privilégier une approche souple de l’obligation faite au Gouvernement. Ce dernier ne souhaite pas revenir sur le contenu de la loi organique qui constitue une garantie démocratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

On nous dit – tout du moins ceux qui sont de bonne foi – que notre diagnostic est bon, mais que nos remèdes sont mauvais. Dès lors, je pose la question : quel autre choix s’offre à nous ? Faire une loi constitutionnelle, me dit M. Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Mais qui contrôlera cette loi, sinon le Conseil constitutionnel ? Cela ne changera donc rien ! L’évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l’emploi public, par exemple, est une obligation – que le Gouvernement l’ait inscrite dans le texte concerné ou non !

Vous pourrez avoir la loi constitutionnelle la plus complète possible, avec de nombreuses dispositions concernant l’environnement, la Lune et le Soleil

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Par ailleurs – je suis d’accord avec Jean-Pierre Sueur sur ce point –, la vérité ne tombera pas du ciel, mais surgira d’un débat informé. S’il est une solution, c’est de donner au Parlement les moyens d’obtenir ces informations.

Toutefois, pour arriver éventuellement, à l’avenir, à la mise en place d’un tel mécanisme, il faut déjà commencer par faire le vide, par nettoyer la place et par reconnaître que le dispositif actuel n’est pas bon, qu’il s’agit d’un leurre, d’une illusion. Ce n’est qu’en dissipant d’abord les illusions que l’on pourra peut-être espérer un jour arriver à un système qui fonctionne.

Mais les choses vont continuer leur train, dans la mesure où le Gouvernement peut faire exactement ce qu’il veut, le Conseil constitutionnel – par pragmatisme – soutenant tout ce qu’il fait, dit ou veut !

Tout se passe comme si nous étions encore en 1958, au moment où les institutions étaient menacées. Il s’agissait alors de protéger l’exécutif d’un pouvoir législatif envahissant. Comme le disait Alain Peyrefitte à l’époque, la Constitution a été faite pour gouverner sans majorité.

Aujourd’hui, l’exécutif gouverne avec des majorités « en béton » qui suivent ses directives, quoi qu’il se passe ! Se pose donc le problème inverse de celui auquel était confronté le constituant de 1958. Or les exégèses du Conseil constitutionnel sont encore les mêmes que celles de 1958, ce qui est tout de même un peu fort ! C’est de cela que nous sommes en train de mourir ! Il faudra bien que vous le réalisiez un jour !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Madame la secrétaire d’État, je vois que vous appréciez votre premier contact avec la Haute Assemblée, et je m’en réjouis.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Mes chers collègues, nous sommes au cœur d’un vrai débat parlementaire, que veulent bien évidemment éluder ceux qui sont aux responsabilités. Et ceux qui se disent qu’ils pourraient y revenir bientôt sont particulièrement prudents, car ils ont bien l’intention, madame la secrétaire d’État, de faire la même chose que ce que vous êtes en train de faire.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. Ce sera tout de même difficile !

Nouveaux sourires .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous sommes dans le cynisme. Que veut le Gouvernement ? Il souhaite pouvoir continuer à déposer des études d’impact réalisées à la va-vite, n’importe comment. Il est d’ailleurs amusant de constater – je l’ai dit à propos de la fusion des régions – que le Gouvernement fait travailler a posteriori France Stratégie pour connaître les vraies conséquences de la loi après qu’elle est votée. Mais pas avant, surtout pas ! C’est original !

Le Gouvernement veut pouvoir continuer à abuser de la procédure accélérée puisqu’il a été affirmé, au plus haut niveau de l’État, que le Parlement n’allait pas assez vite. Il faudra bientôt que nous votions la loi la veille du dépôt des textes ! Or on nous donne des catalogues que nous devons absorber en quelques jours. Et si ce n’est pas bien fait, on déclare devant l’opinion publique que le Parlement travaille mal, qu’il passe son temps à parler pendant des heures au lieu de voter sans discussion les excellents projets de loi qui lui sont soumis. C’est cela, la démocratie parlementaire ?

Oui, mon cher Philippe Kaltenbach, il s’agit bien de cynisme. Je vous le dis amicalement – d’ailleurs, vous le savez – notre texte reprend un amendement – on relevait des signataires éminents – que votre groupe avait déposé dans cette enceinte même voilà quelques années à peine.

Cela signifie que, une fois le parti auquel vous appartenez au Gouvernement, vous piétinez vos prises de position antérieures. Tant que les choses iront ce train sous le régime de la Ve République, ne vous étonnez pas que ça aille de plus en plus mal !

En 2009, vous disiez au gouvernement Fillon qu’il fallait limiter les études d’impact à tel ou tel aspect – au moins Jean-Pierre Sueur est-il cohérent sur ce point – et, aujourd’hui, vous revendiquez l’inverse. Vous faites le maximum que pour notre texte ne soit pas adopté, parce qu’il vous gêne ! Vous voudriez que j’approuve ce que vous faites ? Bien au contraire, je trouve que c’est très mal ! Non seulement c’est contraire au déroulement normal de l’examen d’un projet de loi devant le Parlement, mais cela permet au Gouvernement de faire ce qu’il veut en s’appuyant sur cette technocratie dont nous subissons les textes et les excès au quotidien.

Vous voulez vider notre proposition de loi organique de son contenu ? Nous l’avions compris. Ce n’est pas la première fois ; nous en avons l’habitude depuis deux ans et demi et cela continuera – je n’ai aucun doute là-dessus. Toujours est-il que ce que vous faites est contraire aux convictions et aux principes dont vous avez, dans le passé, été les premiers défenseurs. Et cela, ce n’est pas bien ! Je vous le dis en face, cela ne vous honore pas !

Monsieur Sueur, vous, vous êtes cohérent. Il faudrait déposer une proposition de loi constitutionnelle ? Mais que ne l’avez-vous fait ? Président de la commission des lois, vous aviez beaucoup de pouvoirs. Vous aviez, bien plus que nous aujourd’hui, les moyens de conforter l’action du Parlement.

À cause de tout cela, chaque jour, dans l’opinion, dans les médias, c’est le procès du parlementarisme, ce qui est dangereux pour la démocratie ! Et par ce que vous faites, monsieur Kaltenbach, vous y contribuez. Je suis aussi là pour vous le dire !

Applaudissements sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Dans la mesure où j’ai été mis en cause par Jacques Mézard, je tiens en fait à lui répondre, madame la présidente.

Mon cher collègue, rassurez-vous : si j’avais assez de poids politique pour remettre en cause à moi seul le parlementarisme, cela se saurait ! §Mais c’est loin d’être le cas.

J’en suis d’accord, le dispositif actuel n’est pas parfait. C’est évident ! Est-il inutile pour autant ? Nous ne le pensons pas.

Voilà sept ans, c’est vrai, le groupe socialiste du Sénat défendait d’autres positions. Depuis lors, nous avons pu pratiquer l’étude d’impact, avec ses aspects positifs, mais aussi ses insuffisances. Aujourd’hui, nous jugeons globalement qu’une étude d’impact la plus détaillée possible est utile au travail du Parlement.

Il est normal de pouvoir évoluer dans ses positions, mon cher collègue !

Oui, l’étude d’impact est un plus. Oui, elle pourrait être mieux faite - nous pouvons y travailler ensemble. Bien sûr, nous pourrions avoir une meilleure information, être avertis plus en amont et disposer de plus de moyens ! Le groupe socialiste est d’accord. Mais ce n’est pas à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi d’humeur, qui provoque le débat, que l’on réglera la question au fond.

Le groupe socialiste du Sénat, sur l’initiative de son président, Didier Guillaume, a lancé des consultations pilotées par Gaëtan Gorce, dans le cadre d’une réflexion portant sur une redéfinition du parlementarisme pour le XXIe siècle et un meilleur fonctionnement des institutions, de façon à aboutir à des propositions concrètes.

Nous en sommes tous conscients, il convient de faire évoluer le fonctionnement de nos institutions, qui doivent devenir plus démocratiques, en associant davantage les citoyens et en faisant mieux travailler le Parlement. J’espère que ce travail de réflexion mené par Gaëtan Gorce débouchera sur des conclusions qui nous permettront de débattre dans cet hémicycle.

Quoi qu’il en soit, je le répète, on ne peut pas traiter les dysfonctionnements de la Ve République à l’occasion d’une proposition de loi qui, je suis désolé de devoir le dire, prend le problème par le petit bout de la lorgnette !

Vous avez en effet mis les pieds dans le plat, monsieur Mézard. Certes, il faut le poursuivre le débat que vous avez ainsi lancé, mais sans saboter pour autant les études d’impact. Il convient de réfléchir ensemble à un meilleur fonctionnement des institutions et du parlementarisme et à une démocratie qui permette de mieux associer les citoyens.

Le groupe socialiste travaille dans ce sens. À la suite des travaux menés par Gaëtan Gorce, nous formulerons des propositions, pour défendre le bicamérisme et le parlementarisme et renforcer notre fonctionnement démocratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je mets aux voix l'amendement n° 2.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 209 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 1er est supprimé.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Madame la présidente, je sollicite une suspension de séance de dix minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mes chers collègues, la demande étant de droit, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La séance est reprise.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je voudrais d’abord faire remarquer une chose : nos excellents collègues du groupe socialiste et républicain étaient tellement peu nombreux qu’ils ont dû recourir au scrutin public pour réussir à vider notre texte de sa substance. Quand on donne des leçons sur la présence des sénateurs en séance, quand on se répand sur la nécessité d’assister aux débats en plus grand nombre, il faut, mes chers collègues, essayer de joindre les actes à la parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Et nous vous en félicitons ! Cela illustre néanmoins parfaitement la pratique de certaines méthodes, méthodes que vous critiquez d’ailleurs à juste titre, étant tous deux souvent présents en séance.

Pour ce qui nous concerne, nous avons fait plus d’efforts cet après-midi ; c’est bien normal : il s’agit de l’ordre du jour réservé à notre groupe. Mais, de grâce, épargnez-nous à l’avenir vos discours itératifs sur le sujet.

Je souhaitais surtout prendre la parole pour retirer la présente proposition de loi, madame la présidente. Je ne suis aucunement dupe de ce qui se passe. Je le regrette néanmoins ; il s’agit là d’un débat de fond, qui a trait au fonctionnement du Parlement.

J’ai malgré tout été très heureux du travail réalisé par M. le rapporteur, sur le plan juridique, notamment constitutionnel. J’ai apprécié ce qu’il nous a indiqué à propos du rôle du Parlement, de sa capacité à s’exprimer en direction du Conseil constitutionnel.

D’aucuns l’oublient trop : nous passons de plus en plus du gouvernement de la République, traditionnel, au gouvernement des juges, ce qui n’est pas forcément le souhait de nos concitoyens.

Cela étant, continuer la discussion sur un texte privé de son article 1er n’a guère de sens. Le groupe socialiste et républicain aura réussi à contenter le Gouvernement ; c’est d’ailleurs son rôle principal. §Je n’en dirai pas plus, ce serait désobligeant, et je respecte trop l’ensemble de mes collègues sénateurs pour ce faire.

Quant au Gouvernement, il pourra continuer à produire des études d’impacts qui ne servent à rien, dans lesquelles on ne trouve strictement rien, pour des textes sur lesquels il choisit d’engager la procédure accélérée, ce qui lui facilite encore les choses.

Je vous le dis, madame la secrétaire d’État, chers collègues du groupe socialiste et républicain, le jour où vous rejoindrez les travées d’une opposition, je ne manquerai pas, si je suis encore là, de vous rappeler ces excès.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

En tout cas, nous ferons le maximum pour continuer à siéger ici !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ce n’est d’ailleurs pas toujours facile, notamment quand vous êtes au pouvoir, chers collègues socialistes…

Mais j’aurai au moins eu la satisfaction – et c’est déjà beaucoup – de dire ce que j’avais à dire.

Madame la présidente, je retire notre texte, ce qui clôt le débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La proposition de loi organique visant à supprimer les alinéas 8 à 10 de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel du 1er juillet 2014 est donc retirée.

Madame la secrétaire d’État, je salue votre première intervention dans notre hémicycle et vous souhaite une bonne continuation.

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter, secrétaire d'État

Je vous remercie, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre l’avenant n° 1 à la convention du 17 décembre 2014 entre l’État et BPI-Groupe, action « Fonds national d’innovation », « Partenariats régionaux d’innovation » et « Fonds d’innovation sociale ».

Acte est donné du dépôt de ce document.

Il a été transmis à la commission des finances, à la commission des affaires sociales et à la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au Conseil supérieur de la coopération.

La commission des affaires économiques propose la candidature de M. Jean-Jacques Lasserre, pour siéger comme titulaire, et celle de M. Marc Daunis, pour siéger comme suppléant au sein de cet organisme.

La commission des affaires sociales propose, pour sa part, la candidature de M. Jean-Pierre Godefroy, pour siéger comme titulaire, et celle de Mme Anne Emery-Dumas, pour siéger comme suppléante au sein du même organisme extraparlementaire.

Ces candidatures ont été publiées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 18 juin 2015, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel quatre décisions de renvoi de questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :

- les dispositions de l’article 1er de la loi n° 2010-729 du 30 juin 2010 (Produits à base de bisphénol A) (2015-480 QPC) ;

- les dispositions du IV de l’article 1736 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi de finances rectificative pour 2008 (Recouvrement de l’impôt – Infractions commises par les tiers déclarants) (2015-481 QPC) ;

- les dispositions du tableau du a) du A du 1 de l’article 266 nonies du code des douanes

Taxe sur les déchets non dangereux

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

- le a) du 3° du II de l’article L. 136 7 du code de la sécurité sociale (Contribution sociale sur les produits de placement) (2015-483 QPC).

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de ces communications.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Comment donner à la justice administrative les moyens de statuer dans des délais plus rapides ? », organisé à la demande du groupe du RDSE.

La parole est à M. Jacques Mézard, au nom du groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je voudrais avant toutes choses remercier vivement Mme la garde des sceaux. Nous savons en effet l’effort qu’elle fait pour être parmi nous ce jour, et nous l’apprécions d’autant plus que tous les ministres ne nous honorent pas souvent de leur présence…

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, dans l’ordre du jour réservé à notre groupe, nous avons souhaité aborder la question des délais de jugement devant les juridictions administratives et, par là même, les moyens de les rendre plus rapides. Nous avons le souhait de connaître la position du Gouvernement sur ce qui est devenu un problème.

Tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et bien sûr Conseil d’État : c’est le triptyque institutionnel qui constitue la justice administrative de notre pays, de la première instance en passant par l’appel, jusqu’à la cassation.

La justice administrative n’est pas, comme certains voudraient le laisser entendre, une exception française de plus. Il suffit de penser au Conseil d’État belge ou au Consiglio di Stato italien pour s’en convaincre ; il faut dire, et c’est le jour pour se le rappeler, que Napoléon était passé par là ! §Je ne parle même pas de l’Allemagne, qui ne connaît pas moins de cinq ordres juridiques distincts.

La justice administrative n’en est pas moins une caractéristique majeure de notre système juridique. Son organisation, son fonctionnement, son mode de recrutement par le biais de concours spécifiques, la porosité pouvant exister avec le corps préfectoral, notamment, ainsi que son droit d’origine jurisprudentielle la distinguent de l’ordre judiciaire classique, souvent plus familier à nos concitoyens.

Depuis quelques années, cette justice administrative, garante tant du respect des libertés face à la puissance publique – on nous l’a rappelé lors de l’examen du projet de loi relatif au renseignement – que de la protection des prérogatives de cette même puissance publique contre les intérêts particuliers, a vu son contentieux croître sans discontinuer, tandis que ses moyens financiers et humains restaient assez constants.

Ainsi, ce sont environ 200 000 décisions qui sont rendues chaque année dans ces juridictions, pour l’essentiel en première instance. Autant dire que l’engorgement des juridictions administratives est, non pas toujours, mais très souvent, une réalité. À cela s’ajoute, ce qui n’arrange pas les choses, la lenteur due à la multiplication des expertises, lenteur parfois programmée, qui soulève également la question de la qualité desdites expertises.

Si de louables efforts ont été réalisés par les juridictions afin de réduire les délais de jugement et de rajeunir le stock d’affaires pendantes, la situation pose toujours problème.

Je tiens à dire très clairement que ce débat n’a pas pour objet de critiquer les juridictions administratives. Si la durée des procédures, de plus en plus nombreuses et souvent systématiques, bloque le développement de ce pays, la responsabilité en incombe d’abord aux gouvernements successifs et à nous-mêmes, parlementaires.

À force de multiplier les lois, les règlements, les normes, les schémas - prescriptifs, ou non, mais sur lesquels on se fonde pourtant - et les documents d’urbanisme, notre législation est devenue un maquis dans lequel se réfugient tous ceux qui ont un intérêt, le plus souvent personnel, parfois politique – cela peut être dans le meilleur sens du terme, d’ailleurs –, à bloquer un dossier.

Constamment, le pouvoir exécutif et le législateur fabriquent des mines qui explosent à la figure des porteurs de projet. La loi dite « Grenelle de l’environnement », adoptée avec les meilleures intentions du monde, en est l’illustration : les fils des trames vertes et bleues sont en train d’enserrer de multiples initiatives, empêchant ainsi tout mouvement.

De la même manière, ce n’est point la faute des juridictions administratives si nous assistons à une inflation constante du contentieux, depuis les points du permis de conduire jusqu’aux nouveaux droits accordés aux citoyens par la puissance publique elle-même, sur le logement ou la sauvegarde de l’emploi, par exemple.

Quand l’exécutif et le législateur créent de nouvelles sources de contentieux, il paraîtrait judicieux et de bon sens de donner aux juridictions administratives les moyens suffisants pour y répondre dans des délais acceptables. Le contentieux administratif doit en effet permettre de résoudre des conflits et non de les créer, de donner à l’administration les moyens de faire retomber la pression par l’usure du temps, même si ce n’est pas non plus la meilleure solution.

Ce n’est pas davantage la responsabilité des juridictions administratives si gouvernements et législateur s’ingénient à créer une kyrielle d’organismes divers, autorités administratives indépendantes – nous nous en occupons dans une commission d’enquête dédiée –, commissions ou autres comités ayant qualité pour prendre des décisions susceptibles de recours, voire de prononcer des sanctions. Hier, lors de son audition par la commission d’enquête que je viens d’évoquer, et dont je suis le rapporteur, le président de l’Autorité de la concurrence nous indiquait avoir infligé 1 milliard d’euros d’amendes. Quelle juridiction pourrait se prévaloir d’un tel succès, madame la garde des sceaux ?

Tous ces organismes s’infiltrent par leurs décisions dans le processus juridictionnel. Cela complique encore le cheminement des dossiers et allonge considérablement la durée des procédures. On peut citer à l’appui de notre propos l’exemple de l’urbanisme commercial, avec ses commissions départementales et sa commission nationale. Certains membres de cette dernière instance, et parmi les plus éminents, reconnaissent d’ailleurs que, lorsqu’il y aura des SCOT partout, leur utilité sera moins évidente...

Il faut ajouter à cela le processus du traitement des dossiers par les juridictions administratives et le contentieux du permis de construire. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir certains dossiers de contentieux d’urbanisme, pour ne citer que ce domaine, s’étaler sur huit à dix ans.

Madame la garde des sceaux, vous êtes une ministre d’importance, dans le bon sens du terme. Le Gouvernement veut réformer, faire voter des lois dans tous les domaines. Ces réformes sont-elles simplificatrices ? C’est parfois le cas. Le plus souvent, cependant, elles viennent compliquer davantage encore le fonctionnement de nos institutions. Plus vous créez d’autorités administratives indépendantes, de hauts conseils – formule à la mode – ou autres comités Théodule, plus la situation devient compliquée et source de contentieux.

Il n’est guère de projet important pour une collectivité locale, pour une entreprise, pour l’État, qui ne suscite de recours, soit en vertu du principe du « NIMBY » – pas chez moi, mais chez le voisin, c’est toujours mieux ! –, soit pour préserver un intérêt strictement personnel ou corporatiste. Cela peut être aussi la déclinaison d’une idéologie.

Résultat ? Quand il faut trois ou quatre ans dans les pays voisins pour juger tous les recours, il faut souvent le double en France. Cela a des conséquences catastrophiques pour le développement économique de notre pays, pour la vie de nos territoires, pour la modernisation de nos équipements, pour l’emploi.

Dans une démocratie, il est naturel, il est juste que tout citoyen puisse exercer une voie de recours contre une décision lui portant grief ou que toute association justifiant d’un intérêt à agir puisse faire valoir ses droits. Il ne pourrait y avoir d’entrave à l’exercice de ce droit fondamental.

Dans une démocratie, il est aussi naturel, aussi juste que ceux qui exercent des recours abusifs, qualifiés comme tels par les juridictions, soient sanctionnés financièrement et parfois pénalement, comme cela a pu être le cas contre les auteurs de recours frauduleux s’agissant des permis de construire à Marseille.

Dans une conjoncture économique difficile, et durablement difficile, la durée de nos procédures constitue un handicap pour le pays. Il convient de mettre un terme à cette situation. Il s’agit non pas de faire obstacle aux recours, mais de pouvoir prendre des décisions plus rapides, quel que soit leur sens. Et quand les décisions sont rendues, madame la garde des sceaux, il est important que l’État fasse le nécessaire pour qu’elles soient appliquées dans les meilleurs délais, et non en fonction de la plus ou moins grande capacité des opposants à mobiliser les médias ou les équilibres politiques ! Quoi de pire pour un pays démocratique que de ne point avoir la capacité de faire exécuter les décisions de justice ?

Lors de l’examen du projet de loi Macron, un débat s’est instauré sur la fixation d’un délai maximum pour que les juridictions administratives statuent sur certains dossiers. Le ministre de l’économie a répondu en indiquant qu’une mission parlementaire pourrait travailler sur ce thème – il me semble d’ailleurs le lui avoir susurré…C’est une des pistes de réflexion. Cependant, madame la garde des sceaux, ce débat a pour objet d’attirer de nouveau l’attention du Gouvernement sur ces questions d’une cardinale importance.

Face à une situation qui suscite tant de difficultés pour notre pays en période de crise économique, quelles sont les réponses du Gouvernement ? Il importe non pas d’agir à tort et à travers, mais de rendre des décisions justes et rapidement.

Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que, pour reprendre les termes du Conseil d’État dans son arrêt Magiera de 2002, les « principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives » posent l’exigence du délai raisonnable de jugement.

Malgré une diminution sensible, et appréciable, visant à une meilleure prise en compte de ce principe, le délai moyen constaté pour les affaires ordinaires, c’est-à-dire hors référés, procédures d’urgence, ordonnances et affaires dont le jugement doit intervenir dans des délais particuliers, s’établissait devant les tribunaux administratifs en 2013 à un an, dix mois et deux jours. Il s’agit du délai le plus évocateur, puisque ces tribunaux traitent l’essentiel du contentieux administratif.

En effet, la justice administrative, en soumettant la puissance publique au droit, est l’une des principales garanties d’un État de droit digne de ce nom. Or, lorsqu’une décision intervient aussi longtemps après l’acte administratif litigieux, sa portée effective s’en voit diminuée.

Certes, depuis la loi du 30 juin 2000, des procédures de référé efficaces qui permettent au juge administratif de se prononcer en temps utile ont été mises en place. Toutefois, elles ne concernent que certains contentieux et s’inscrivent par nature dans le provisoire, les ordonnances de référé étant dépourvues de l’autorité de la chose jugée. Bien que l’efficacité de ces procédures mérite d’être saluée, je m’intéresserai donc ici uniquement au juge administratif en tant que juge du fond.

La préoccupation de célérité de la justice administrative a suscité des réformes récentes, concernant notamment les contentieux dits « de masse », parmi lesquelles le recours élargi à un juge unique ; la possibilité élargie de statuer par ordonnance, à juge unique, sans conclusions du rapporteur public et sans audience, notamment pour des requêtes mal étayées ou relevant d’une série ; la possibilité de dispenser le rapporteur public de prononcer ses conclusions devant les tribunaux administratifs et cours administratives d’appel ; la suppression de l’appel pour certains contentieux.

Compte tenu de l’augmentation du flux contentieux et des moyens finis dont dispose la collectivité, le principe de réalité justifie de tels aménagements.

Il convient cependant d’être prudent : la logique gestionnaire ne doit pas l’emporter sur les valeurs et les spécificités de la justice. Le contentieux de masse ne doit pas être synonyme de justice à la chaîne. De telles réformes conduisent, en effet, à priver le justiciable de certaines garanties, comme l’examen collégial, le prononcé public des conclusions qui offrent une analyse développée du litige, le possible réexamen en appel par des juges plus expérimentés ou encore l’audience publique.

Compte tenu des litiges concernés, ces réformes risquent fort de se faire au détriment des justiciables les plus fragiles, d’autant que leurs effets tendent à se conjuguer, puisqu’elles concernent essentiellement les mêmes contentieux. L’extension de telles procédures ne me semble donc pas souhaitable, et l’évaluation de leur incidence sur la qualité des jugements apparaît nécessaire.

À l’égard de ces aménagements, je rejoins les préoccupations de Mme Elsa Costa, juge administratif, qui, dans un article au titre évocateur, Des chiffres sans les lettres, publié à l’AJDA en octobre 2010, s’inquiète des conséquences de telles réformes sur la qualité de la justice administrative et l’application de la logique de performance au travail des juridictions.

Intervenir en amont, par l’élargissement des recours administratifs préalables obligatoires, nous semble être une voie intéressante. Elle offre à l’administration une possibilité de revoir sa position. C’est une solution peu coûteuse pour le justiciable, qui ne le lie aucunement quant aux moyens qu’il développera au cours d’un éventuel recours contentieux. Il nous semblerait donc opportun d’engager une réflexion sur l’extension des matières où est exigé un recours administratif préalable.

Toutefois, chers collègues, le principal levier pour accélérer les délais de traitement du contentieux est bien évidemment l’octroi de moyens supplémentaires, notamment en personnel.

En tendance longue, le nombre de recours augmente fortement, 20 000 au début des années soixante-dix contre environ 200 000 aujourd’hui. Des efforts ont été consentis en termes de recrutement, qu’il s’agisse d’agents ou de magistrats, de nouvelles juridictions ont été créées, mais ce mouvement ne suit que difficilement l’augmentation du flux contentieux. Le recrutement d’assistants de justice, au demeurant mal rémunérés et sans possibilités d’évolution, ne saurait être une solution viable dans la mesure où ces personnels ne disposent d’aucune garantie d’indépendance et n’ont évidemment pas vocation à se substituer aux magistrats.

Il semble ainsi nécessaire d’intensifier l’effort de recrutement de magistrats, notamment dans le corps des conseillers des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel, corps qui traite l’essentiel du contentieux, puisque le Conseil d’État n’a plus que des compétences limitées en première instance, et est désormais essentiellement un juge de cassation. En ce sens, augmenter le nombre de personnes recrutées à l’occasion du concours annuel dédié, qui est le mode principal de recrutement du corps, serait de nature à apporter une solution pérenne à l’encombrement du prétoire du juge administratif.

Il n’est en effet pas possible d’augmenter indéfiniment la productivité des magistrats sans remettre en cause la logique de la justice, à savoir l’examen dépassionné, impartial et collégial d’un litige.

Nous sommes conscients du cadre budgétaire contraint qui est le nôtre. Il faut toutefois rappeler que la France accorde à sa justice un budget moindre que ses partenaires, et ce qu’il s’agisse de l’ordre administratif ou de l’ordre judiciaire, d’ailleurs : 61 euros par an et par habitant en 2012, contre 89 euros en Belgique, 114 euros en Allemagne et 125 euros aux Pays-Bas.

L’État de droit n’est pas qu’un coût, c’est avant tout la condition de notre liberté. La justice administrative étant l’une des garanties essentielles de cette construction, il importe de ne pas sacrifier ce qui fait son office même à une logique purement comptable et quantitative occultant les valeurs de justice et de démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le débat inscrit à l’ordre du jour par le groupe du RDSE aujourd’hui nous amène à nous interroger sur la question de la justice administrative, de ses moyens et de son efficacité. Vaste programme qui mériterait sans doute plus qu’un débat ! Je vis cependant tenter d’apporter quelques réflexions dans le temps qui m’est imparti.

La maîtrise des délais de jugement, alliée au maintien de la qualité des décisions rendues, demeure la préoccupation majeure de la juridiction administrative, bien que l’objectif de ramener à un an les délais de jugement devant le Conseil d’État, les cours administratives d’appel et les tribunaux administratifs, fixé par la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, ait été pour la première fois atteint en 2011seulement. Cependant, ces résultats demeurent fragiles.

La poursuite de la montée en puissance des contentieux de masse – droit au logement opposable, DALO, revenu de solidarité active, RSA, ou droit des étrangers – qui ont respectivement crû de 44 %, de 77 % et de 25 % entre 2010 et 2013 – ils continuent d’ailleurs à augmenter – ont contribué à alimenter l’engagement du contentieux dans les juridictions administratives.

Face à cette progression du contentieux administratif, force est de constater que la juridiction manque de moyens pour statuer dans des délais plus rapides. Alors que les gains de productivité dus notamment à l’informatisation des procédures ont atteint leur limite, d’autres solutions doivent être discutées.

Lors de son audition au Sénat par la commission des lois en octobre 2012, Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, avait bien exposé la situation : « Nous avons épuisé les mesures de simplification envisageables. Se pose à présent la question de la réduction des contentieux. »

Le préalable incontournable ici réside bien évidemment dans l’accroissement des moyens humains et budgétaires alloués à la juridiction. Un rapport du Sénat notait déjà en 1991 que « l’administration ne dispose pas toujours des moyens de sa politique contentieuse ».

La juridiction administrative représente un petit corps du ministère de la justice : les 1 133 magistrats pourraient être augmentés de quelques dizaines de recrues. À cet égard, nous resterons attentifs à la création annoncée de trente-cinq emplois en 2015, ce qui reste malgré tout très faible.

Cependant, aujourd’hui, alors que les marges de manœuvre budgétaires sont limitées, se pose la question des outils procéduraux ou organisationnels qui peuvent être mis en place pour éviter la dégradation de la situation de la juridiction administrative.

À ce titre, les procédures de règlement alternatif des litiges, par exemple les « recours administratifs préalables obligatoires », apparaissent comme de bons moyens de résorption du contentieux.

Pourtant, instaurées en 2000, soit il y a déjà quinze ans, les commissions de recours administratifs préalables obligatoires n’ont jamais été mises en place, la loi du 30 juin 2000 censée renouveler profondément les procédures d’urgence devant le juge administratif n’ayant, elle-même, jamais été appliquée, à l’exception des recours formés par les militaires.

Le Conseil d’État a rendu dans le courant de l’année 2008, à la demande du Premier ministre, un rapport destiné à envisager les possibilités de développement de ces recours préalables. Ses réserves viennent confirmer les difficultés qu’éprouve depuis toujours le droit public français à concevoir la nature et la fonction juridiques exactes des recours exercés par les particuliers devant les autorités administratives.

Pourtant, de plus en plus, les citoyens saisissent la justice administrative, comme en témoigne la montée en puissance des contentieux de masse. Par exemple, dans mon département, la délivrance de cartes de stationnement pour personnes en situation de handicap a entraîné en une seule année plus de 150 recours.

Ces recours exercés par les justiciables seuls, sans avocats, sont, hélas, souvent « mal ficelés » et contribuent à l’engorgement des tribunaux administratifs.

Or, dans deux tiers des cas, il est de l’intérêt du justiciable que ces contentieux se règlent à l’amiable, sans passer par le tribunal administratif.

Dans ce contexte, nous défendons l’idée de la création des commissions de médiation. D’ailleurs, certains dispositifs existent déjà, mais ne sont pas toujours mis en application. À l’instar de la gestion du contentieux du RSA, la médiation entre le département et la caisse d’allocations familiales devrait être systématisée. J’ai moi-même mis en place, dans le Val-de-Marne, une médiation pour résoudre en amont des contentieux entre nos concitoyens et notre administration départementale.

Bien entendu, ces recours amiables ne doivent en aucun cas empêcher les justiciables de poursuivre au contentieux si la solution ne les satisfait pas.

Dès lors, cet outil procédural apparaît potentiellement efficace pour réduire les délais de la justice administrative, désengorger les tribunaux et, surtout, donner une réponse effective aux justiciables.

En parallèle, l’idée d’un outil organisationnel peut être avancée pour mieux répartir les charges de travail entre les tribunaux administratifs. Car le problème n’est pas tant que tous les tribunaux administratifs soient engorgés, mais que certains d’entre eux le sont réellement – je pense à celui de Montreuil –, quand d’autres connaissent une activité moindre – celui de Clermont-Ferrand, par exemple.

Se pose ainsi la question d’une forme de péréquation des moyens humains, avec la mise en place d’un système de « magistrats volants » dans une zone géographique donnée. Des remplacements ponctuels pourraient ainsi être mis en place, tout en assurant, en parallèle, des garanties pour les magistrats, notamment à travers une souplesse accrue en matière de détachement, par exemple.

Il est important de souligner que ces outils procéduraux ou organisationnels ne doivent être mis en œuvre ni au détriment des magistrats ni au détriment des justiciables.

L’efficacité de la justice administrative, comme celle de la justice judiciaire, d’ailleurs, ne réside pas uniquement dans la diminution des contentieux ou dans la réduction des délais. Il s’agit là de moyens pour parvenir finalement à rendre une justice « profitable » aux citoyens.

En ce sens, il faut faire preuve d’une extrême vigilance quant à la tendance à expédier les dossiers. La réforme du droit d’asile en cours d’examen au Parlement en est l’illustration parfaite : la multiplication des procédures accélérées souhaitée par le Gouvernement se fera malheureusement, nous le savons, au détriment des demandeurs d’asile.

La demande tacite de passer de moins en moins de temps sur les dossiers en première instance sous prétexte que le recours se chargera de l’étude approfondie, n’est pas acceptable, pas plus que les rejets par ordonnance, de plus en plus fréquents, avant que la requête ne soit jugée irrecevable. L’évacuation des dossiers pour satisfaire à des statistiques ne peut évidemment devenir la règle. Je vous rappelle, à cet égard, que l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose que tout citoyen a droit à un « procès équitable ».

S’il est nécessaire de réduire les délais de traitement, cela doit se faire avec l’objectif d’améliorer la qualité de la décision et, bien entendu, dans le strict respect des droits des justiciables.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.- M. François Bonhomme applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, permettez-moi de m’inscrire dans la suite logique de l’excellente présentation du président Mézard et d’insister plus particulièrement sur certains points qu’il m’apparaît important d’aborder.

En effet, les délais de jugement administratifs ne sont pas qu’une question théorique destinée à satisfaire la curiosité intellectuelle des spécialistes de droit public, dont les compétences reconnues sont par ailleurs respectées. C’est une préoccupation éminemment concrète pour nos concitoyens et pour nos élus, qui se trouvent parfois confrontés à des situations locales délicates, voire dramatiques, sans être nécessairement bien armés pour faire face à leur dimension technico-juridique. Parfois, des enjeux propres aux territoires, notamment des enjeux de développement économique, ne peuvent supporter des délais de jugement excessivement longs.

Bien qu’elles soient amenées à statuer sur des affaires qui engagent des projets aux retombées potentiellement importantes en termes d’aménagement, d’activité et d’attractivité, les juridictions administratives peuvent apparaître relativement éloignées de ces préoccupations, déjà occupées comme elles le sont, il est vrai, par d’autres sujets réputés plus urgents.

Les retards pris dans le jugement d’affaires à caractère économique ou industriel peuvent avoir des conséquences bien réelles et lourdes pour des régions entières lorsqu’elles conduisent à différer de plusieurs années, voire de faire échouer, à force d’usure et de découragement, qui, un projet de nouvelle infrastructure, qui, un projet d’aménagement commercial, qui, la création d’activités agricoles ou industrielles…

Trop d’entrepreneurs et de maires ont renoncé à mener à bien des projets à cause d’une procédure administrative trop longue, donc coûteuse en temps et en moyens financiers ! Ce n’est un secret pour personne, les lenteurs administratives peuvent parfois être utilisées dans une intention dilatoire, afin de faire échouer des projets pourtant utiles aux habitants, notamment dans les territoires ruraux et enclavés.

Faut-il que les habitants de tel ou tel département ou commune renoncent aux bienfaits d’une société et d’une économie avancées à cause d’une lenteur excessive, par manque de moyens de la justice administrative ?

Loin de moi l’idée de souhaiter la disparition de l’escargot breton, du scarabée pique-prune, du crapaud sonneur à ventre jaune ou de tel ou tel oiseau rare. §Mais enfin, il faut savoir raison garder ! Savez-vous que, pour réaliser la déviation de Figeac, dans le Lot, il a fallu installer des clôtures permettant aux fameux crapauds sonneurs à ventre jaune de quitter le chantier sans pouvoir y revenir ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

M. Jean-Claude Requier. Coût pour le conseil général ? Près de 100 000 euros !

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Chers collègues, sur ces sujets, gardons-nous des émotions excessives. Regardons plutôt avec discernement les situations concrètes sur le terrain afin de déterminer où réside le véritable intérêt des populations. Ne soyons pas complaisants, mais ne soyons pas suspicieux non plus. Posons simplement les questions dans les bons termes.

Ainsi, la justice administrative est compétente dans le jugement de projets d’aménagement importants, tels que le Center Parcs de l’Isère. Cette affaire oppose les acteurs économiques chargés de la réalisation du projet de parc de loisirs, avec un certain nombre de retombées attendues en termes d’activité, d’emploi et d’attractivité, à des groupes de défense de l’environnement qui considèrent ce projet au contraire comme un repoussoir néfaste pour le territoire, son écosystème, et donc in fine pour son attractivité.

Cela nous amène à une question de fond : la véritable attractivité réside-t-elle dans une nature revenue à l’état sauvage ou bien dans les aménagements réalisés par l’homme ?

On voit bien le lien avec le juge administratif et le rôle que ce dernier doit jouer dans ce domaine. Cependant, a-t-il en la matière les capacités matérielles et les outils juridiques pour statuer dans des délais raisonnables ? Ne faudrait-il pas revoir certaines procédures et en permettre l’accélération ?

Nous le voyons, madame la ministre, mes chers collègues, ici non plus, l’enjeu n’est pas mince. Il s’agit, au fond, de savoir ce que nous voulons pour le futur de nos territoires et comment nous envisageons leur développement. Le juge administratif, dans ce domaine, a un grand rôle à jouer. En a-t-il la pleine conscience ? En a-t-il les moyens ? Saura-t-il instaurer un dialogue constructif avec les élus, à la fois pour les accompagner, en amont, en matière juridique et pour rendre des décisions qui correspondent aux réalités du territoire ?

C’est au politique et au législateur qu’il appartient de faire évoluer les choses. C’est pourquoi, madame la garde des sceaux, nous attendons de connaître votre appréciation et les éventuels remèdes envisagés par l’exécutif. Si nous déplorons le trop grand nombre de procédures accélérées au Parlement, madame la ministre, nous vous demandons, en revanche, d’accélérer les procédures devant les tribunaux administratifs !

Sourires et applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « Ce qui, à l’heure actuelle, déconcerte le plaideur et déconsidère la justice, c’est la lenteur. Il y a une lenteur nécessaire pour que le procès soit sérieux, mais il y a aussi une lenteur abusive ». Tel était déjà le constat dressé par le professeur Jean Rivero, voilà plus de vingt-cinq ans.

La question des délais de jugement n’est donc pas neuve. L’accroissement de la capacité de jugement des juridictions administratives reste l’un des objectifs affichés dans le rapport de notre confrère Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l’État » de la loi de finances pour 2015.

L’enveloppe budgétaire de cette mission a crû cette année de moins de 1 % par rapport à 2014, mais le programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » a vu ses crédits progresser de 2, 2 %, pour se porter à 383, 3 millions d’euros.

Si l’objectif principal de ce programme en matière de performance est bien la réduction des délais de jugement, pourtant, aux yeux de beaucoup, la justice administrative reste compliquée et, en tout cas, bien trop lente.

Cette réduction des délais de jugement est encouragée par la Cour européenne des droits de l’homme, qui exige « un délai raisonnable de jugement ». Ce principe a d'ailleurs été repris par le législateur dans la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice ; l’objectif était alors de ramener ce délai à un an maximum.

Cet objectif peut être considéré comme atteint, en 2014, avec un délai moyen de huit mois et quinze jours devant le Conseil d’État, de six mois et dix jours devant la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, de onze mois devant les cours administratives d’appel, et de dix mois devant les tribunaux administratifs.

Pour 2015, des délais moyens de dix mois sont envisagés tant pour les tribunaux administratifs que pour les cours administratives d’appel, ce qui correspondrait à une stabilisation pour les premiers et à une diminution d’un mois pour les secondes.

Certes, des efforts ont été faits en matière de renforcement des moyens humains, avec la création, en 2015, de trente-cinq emplois supplémentaires, principalement en faveur des tribunaux administratifs, avec quatorze postes de magistrats administratifs, et à destination de la CNDA. C’est un bon début !

Cette maîtrise globale des délais est une ambition d’autant plus nécessaire que l’on observe une augmentation du nombre d’affaires enregistrées devant toutes les juridictions administratives. Cette progression s’est établie, pour les seuls tribunaux administratifs, à 15, 6 % au premier semestre 2014.

De même, la charge de travail du Conseil d’État a augmenté avec le traitement des questions prioritaires de constitutionnalité.

Bien évidemment, comme les autres juridictions, les juridictions administratives ont été, surtout ces dernières années, victimes d’un engorgement en raison de la judiciarisation de notre société, qui conduit à une multiplication du nombre de litiges portés devant les tribunaux. Il y a donc une forte pression contentieuse qui fragilise les juridictions.

Par ailleurs, parce que cet indicateur de délai de dix mois agrège la totalité des affaires en stock, il ne reflète pas la réalité. Cette présentation est donc quelque peu biaisée. En effet, ces dix mois correspondent à une moyenne entre des contentieux très disparates.

Certains contentieux administratifs sont contraints par des délais très brefs, comme les référés ou le contentieux électoral.

À ce sujet, madame la ministre, si nous n’avions pas eu un redécoupage des cantons aussi baroque et, pour tout dire, un peu incohérent, il est vraisemblable que cela n’aurait pas nourri un contentieux d’une si grande ampleur en 2014. Je le dis d’autant plus facilement, madame la ministre, que vous n’y êtes pas pour grand-chose, puisque ce génial découpage provenait du ministre de l’intérieur. Ma foi, il a produit un résultat assez remarquable, en tout cas sur le plan électoral…

D’autres, contentieux administratifs, portant sur des questions très sensibles et pourtant ordinaires qui intéressent nos concitoyens et les élus, tels l’urbanisme, le tracé des lignes à grande vitesse, les déclarations d’utilité publique, les travaux publics et les permis de construire, sont traités bien plus lentement que la moyenne affichée ne le laisse supposer.

Quel projet n’a pas été compromis par la lenteur des procédures ? Il en va de même pour les dossiers relevant du contentieux fiscal. C’est cette réalité que dénoncent régulièrement nos concitoyens.

Or, force est de le constater, particulièrement en matière de droit de l’urbanisme, un grand nombre de recours abusifs, voire malveillants, sont recensés, qui font obstacle à l’exécution des travaux et alourdissent le travail des juridictions.

De fait, l’introduction d’un recours contentieux suffit, dans la généralité des cas, à bloquer des projets, alors même que rien dans le code de l’urbanisme ne confère un caractère suspensif aux recours. Cette situation trouve sa source notamment dans le refus des financeurs de s’engager sur un projet tant qu’il n’est pas purgé de tout contentieux. C’est même devenu, pour certains, une stratégie de blocage à part entière.

Or, lorsqu’un recours est déposé, il faut bien souvent attendre dix-huit mois pour obtenir un avis. On voit bien que tout cela n’est pas favorable aux projets de nature économique.

À la suite du rapport remis en 2013 à la ministre du logement par M. Daniel Labetoulle, une ordonnance de juillet 2013 apporte des solutions intéressantes contre ces recours abusifs. Elle encadre l’intérêt du requérant à agir dans le temps et dans l’espace, et permet surtout au juge de condamner le requérant de mauvaise foi à verser des dommages et intérêts au bénéficiaire d’un permis de construire s’il estime que celui-ci a subi un préjudice excessif.

Pour réduire les délais de traitement du contentieux, l’ordonnance prévoit qu’un porteur de projet d’urbanisme pourra désormais régulariser son permis de construire en cours d’instance. C’est une amélioration importante.

Ces procédures de simplification contentieuse ont permis à la juridiction administrative de faire face à l’augmentation du contentieux et de réduire quelque peu ses délais de jugement.

Pour autant, il semble que le nombre de recours n’ait pas faibli et, aujourd’hui, les professionnels de l’immobilier estiment qu’ils bloquent la création de près de 35 000 logements sociaux. Tout le monde y perd, qu’il s’agisse de l’impact direct sur le secteur de la construction et de l’impact indirect sur l’emploi.

La question centrale ne tient-elle pas à la complexité de notre droit, à la qualité déclinante de son écriture, qui offre toujours matière à recours ?

Qu’en est-il, madame la ministre, du permis environnemental, qui pourrait contribuer à réduire le nombre des autorisations exigibles et, de ce fait, les possibilités de contentieux ?

De manière générale, ne convient-il pas de redéfinir la fonction et l’objet même du procès administratif, et le considérer non pas seulement comme un procès fait à un acte, mais selon une conception plus triangulaire, où l’intérêt propre du requérant serait examiné ?

Enfin, les requérants seraient sans doute moins nombreux si les risques liés à l’introduction de leurs recours étaient plus prégnants. Il y a là un point d’équilibre qui me semble avoir été parfois perdu de vue, et il n’est pas sûr que l’État de droit en soit le grand gagnant.

Applaudissements sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence de Jacqueline Gourault, qui m’a demandé de vous délivrer son message.

Derrière ce véritable sujet de dissertation, qu’il aurait été intéressant de soumettre directement à nos étudiants, parfois plus pragmatiques et sans doute plus imaginatifs, se cache un problème qui n’est pas nouveau, mais qui, en effet, mérite que l’on s’y attarde.

La lenteur de notre justice est un enjeu d’autant plus important que le nombre d’affaires explose, comme l’atteste le dernier rapport du Conseil d’État, du 21 mai dernier : on observe une hausse du nombre de recours de 2, 8 % devant les tribunaux administratifs, de 3, 2 % devant les cours administratives d’appel, mais, surtout, de 26, 8 % devant le Conseil d’État.

Oui, c’est un problème lorsque le droit et la morale nous imposent de garantir à tous un procès équitable. Et oui, c’est un problème quand il s’agit de garantir la confiance de nos concitoyens envers la justice et, par extension, envers notre système républicain et démocratique.

La justice administrative ne fait pas exception et apparaît comme une priorité, tant elle traite du quotidien des Français et de leurs relations avec les administrations et avec l’État.

Le vice-président du Conseil d’État, Jean-Marc Sauvé, lors de son audition au Sénat par la commission des lois, en octobre 2012, avait considéré que « nous avons épuisé les mesures de simplification envisageables ». Pour autant, ne nous résignons pas !

En effet, face à ce phénomène, plusieurs leviers s’offrent encore à nous.

Premier levier, il faut améliorer en interne le délai de traitement de chaque affaire, notamment en accompagnant davantage l’introduction des nouvelles technologies au sein de nos juridictions administratives.

Deuxième levier, sûrement le plus important, il faut faire baisser le nombre de recours pour offrir plus de temps de traitement à chaque affaire. Cette dernière option nécessite une révision globale de notre modèle économique et social.

L’instillation du juge unique, qui représente non plus une exception mais le modèle dominant, du moins en première instance, a été une première réponse à ces enjeux. Face à l’explosion du contentieux administratif, ce recours croissant au juge unique répond directement à la volonté de désencombrer le prétoire des juges administratifs.

D’autres moyens existent pour désengorger les juridictions, comme les nouvelles technologies. Encore faut-il les utiliser !

Le recours aux outils informatiques s’est bien entendu généralisé au sein des juridictions, qui sont aujourd’hui en train d’adopter la dématérialisation des procédures juridictionnelles, permettant d’éviter le maniement du papier et accélérant l’instruction des affaires.

Télérecours, l’application informatique qui permet de gérer la communication dématérialisée des requêtes, des mémoires et des actes de procédure entre les juridictions administratives et les parties, est en effet une avancée majeure. Introduit dans un décret du 21 décembre 2012, ce service est ouvert à l’ensemble des juridictions de France métropolitaine et est accessible à tous les avocats et à toutes les administrations pour l’ensemble des contentieux, quels que soient leur objet et le type de la procédure.

Néanmoins, le travail est encore long, et de nombreuses et nécessaires mesures n’ont pas été prises pour accompagner au mieux la généralisation de ce dispositif.

D’abord, les justiciables sans conseil n’ont pas encore accès à cette application. Ils devraient pouvoir y accéder.

Ensuite, l’utilisation du dispositif par les professionnels n’est pas obligatoire et les formations sont inadaptées. Il nous faut déterminer un calendrier pour que cet usage devienne rapidement obligatoire, et ce dans les meilleures conditions.

Enfin, se pose la question de l’archivage électronique. Il n’a tout simplement pas été prévu !

Vous l’aurez compris, le groupe UDI-UC porte l’ambition d’un « système judiciaire 2.0 », dans lequel serait introduit un mécanisme généralisé de signature électronique, qui garantit, lui aussi, un traitement rapide des dossiers et surtout des économies certaines pour nos juridictions.

Je vois un autre levier pour désengorger notre justice administrative dans la simplification des liens entre l’administration et les administrés afin de réduire les recours. L’illisibilité et la complexité de notre système économique et social sont responsables aujourd’hui des délais de traitement des affaires.

Dans le cadre du débat sur l’application des lois qui se tenait la semaine dernière, l’intervenant du groupe UDI-UC appelait à se poser la question de l’utilité de la loi et des conséquences de chacune des dispositions sur le terrain.

Le constat est ici sans appel : la complexité de notre modèle social et économique a aujourd’hui ouvert des brèches dans lesquels certains s’engouffrent qui freinent considérablement l’efficacité de notre justice.

Ainsi, de nombreuses dispositions ont fait – inutilement, avouons-le ! – exploser le nombre de recours. C’est d’abord le cas du droit opposable au logement, le DALO, introduit en France par la loi du 5 mars 2007, à l’origine de près de 100 000 recours en 2014, dont une grande partie devant le juge administratif. L’année dernière, cette tendance à l’augmentation s’est plus spécialement concentrée sur certains contentieux en première instance. Par exemple, les contentieux sociaux ont bondi de 22 %, du fait d’une hausse de 31 % du contentieux du DALO et de 26, 5 % du contentieux du RSA.

Les raisons de cette hausse sont limpides : on laisse parfois croire aux Français que la justice réglera leurs problèmes, et on continue de voter des textes législatifs souvent imprécis qui deviennent autant de nids à contentieux.

J’insiste, la réduction des délais de traitement des affaires doit être considérée comme une priorité, à l’heure où la confiance des Français en notre système démocratique se délite.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’engorgement des juridictions administratives françaises est un phénomène ancien et, malgré des efforts pour l’endiguer, notre pays s’est vu condamné par la Cour européenne des droits de l’homme à de nombreuses reprises sur le fondement du nécessaire caractère raisonnable de la durée de la procédure.

Depuis une vingtaine d’années, le nombre d’affaires enregistrées a augmenté en moyenne de 6 % par an dans les tribunaux administratifs et de 10 % dans les cours administratives d’appel, atteignant en 2014 un niveau exceptionnellement élevé.

Cette hausse s’est particulièrement concentrée sur certains contentieux de masse, tels que ceux qui ont trait au droit au logement opposable, au revenu de solidarité active ou encore aux étrangers. Ce phénomène s’est observé partout sur le territoire, y compris en outre-mer. Vous ne m’en voudrez donc pas si je m’appesantis un instant sur la situation au sein de mon département.

En 2014, on comptait à Mayotte 800 contentieux, ce qui peut sembler dérisoire au regard des moyennes nationales, mais représente tout de même une augmentation de 20 % par rapport à l’année précédente.

Je ne vous étonnerai pas si je vous annonce que plus d’un tiers des dossiers traités par le tribunal administratif de Mayotte concerne les droits de personnes étrangères. Ce département est, vous le savez, soumis à une insoutenable pression migratoire. Un autre tiers des requêtes est relatif à la fonction publique. Enfin, un dernier tiers, et c’est relativement nouveau, porte sur les contentieux fiscaux, de permis de construire, de marchés publics et électoraux.

Le délai moyen de jugement est de sept à huit mois. Là encore, si nous semblons faire office de bon élève, il faut garder en tête que ce chiffre a vocation à augmenter, le recours au juge administratif étant assez récent à Mayotte

De manière générale, les causes de cette lenteur excessive en France sont connues : elles proviennent à la fois de la prolifération et de l’enchevêtrement des lois, de l’accroissement du contentieux en raison notamment d’une plus forte judiciarisation des relations ente le public et les administrations, de la complexification de la procédure, ou encore du comportement dilatoire de certaines parties, qui jouent sur la longueur des délais.

Les juridictions administratives sont parvenues jusqu’à présent, grâce aux efforts budgétaires consentis et à la forte mobilisation des magistrats et des personnels, à maintenir leurs performances à un niveau satisfaisant, et à réduire de manière significative les délais de jugement et le stock des affaires pendantes, et ce malgré la pression contentieuse à laquelle elles doivent faire face.

Cependant, en raison du contexte économique actuel, force est de constater que les marges de manœuvre budgétaires sont limitées.

Nous sommes réunis ici pour examiner les différents outils organisationnels et procéduraux qui ont été mis en œuvre, et ceux qui pourront l’être pour éviter la dégradation de la situation.

Face à l’accroissement de la demande de justice, les juridictions administratives ont cherché à adapter leur mode de fonctionnement et à améliorer leur accessibilité. La dématérialisation de l’instruction, telle que l’application Télérecours, qui permet aux parties et aux juridictions d’échanger par voie électronique, a suscité un réel gain d’efficacité. Dans les tribunaux administratifs, Télérecours est utilisée pour 56, 2 % des recours éligibles et pour 63, 4 % dans les cours administratives d’appel. La question de rendre obligatoire l’usage de cette application est clairement posée, mais il y a un certain nombre de préalables, notamment techniques, qui doivent faire l’objet de vérifications, selon Jean-Marc Sauvé.

Nul doute que cette technique connaîtra, lorsqu’elle y sera développée, un franc succès en outre-mer, où la distance constitue bien souvent une cause de lenteur supplémentaire. Les tribunaux administratifs de Saint-Denis de La Réunion et de Mayotte ont d’ailleurs ouvert la voie en l’adoptant depuis le 8 juin dernier.

Des moyens procéduraux pour réduire les délais contentieux ont également montré leur efficacité à court terme.

Je pense notamment à la multiplication des hypothèses de recours au juge unique, au lieu de la formation collégiale, réservées aux matières caractérisées par leur facilité, ou encore aux procédures enserrées dans des délais extrêmement contraints, comme c’est le cas en droit des étrangers où le juge administratif statue dans les 72 heures sur la légalité des mesures d’éloignement.

J’ai également en tête la compétence donnée aux tribunaux administratifs en premier et dernier ressort pour les contentieux sociaux, le contentieux du permis de conduire et pour les affaires concernant les permis de construire dans la trentaine d’agglomérations où les besoins en logement sont les plus forts.

Il a été également jugé important de lutter contre les recours abusifs, qui prolifèrent particulièrement en matière d’urbanisme.

Recours abusifs ? Cette sémantique cache plusieurs cas de figure : celui où un recours initialement introduit pour des raisons compréhensibles est, par la suite, mis en œuvre avec une forme d’acharnement qui ralentit la procédure ; celui où l’apparence d’un intérêt pour agir dissimule mal une véritable volonté de nuire ; enfin, le recours qui est introduit non pas pour obtenir l’annulation du permis de construire, mais pour permettre d’en monnayer le retrait auprès de son titulaire.

Au final, on estime à 25 000 le nombre de logements qui ne peuvent pas sortir de terre chaque année à cause de ces pratiques.

En 2013, le groupe de travail présidé par Daniel Labetoulle s’est notamment penché sur la problématique de ces recours malveillants et a présenté, dans un rapport intitulé Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre », plusieurs propositions pour y mettre un terme, telles que la possibilité pour le juge administratif de fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne pourraient plus être invoqués devant lui.

Par ailleurs, à l’occasion de l’examen au Sénat du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, présenté par Emmanuel Macron, la discussion qui s’était engagée en séance autour d’un article visant à encadrer le droit de recours en matière d’installations d’élevage montrait que nous nous trouvions face à un véritable sujet, qui dépassait le champ de la construction.

Les mesures mises en place en matière d’urbanisme sont-elles transposables à d’autres matières ?

Pour conclure, l’ensemble de ces procédures de simplification contentieuse a permis à la juridiction administrative de faire face à l’augmentation du contentieux et de réduire ses délais de jugement.

Néanmoins, Michel Delebarre, dans son rapport pour avis sur les deux programmes de la mission « Conseil et contrôle de l’État » craint que le levier budgétaire ne soit pas suffisant pour préserver ces bonnes performances et que les réformes procédurales entreprises n’aient, à terme, un impact sur la qualité de la justice rendue. Compte tenu de l’entrée en vigueur récente de ces mesures, il ne lui a pas été possible de réaliser un bilan de l’application de ces dispositions. Le taux d’annulation des décisions rendues par le juge administratif n’ayant pas connu d’augmentation notable pourrait constituer un indice positif.

Dans une allocution prononcée lors de la réunion annuelle des présidents des juridictions administratives, M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, soutenait l’idée que d’autres leviers d’efficacité et de qualité, encore insuffisamment exploités, pouvaient être actionnés. Le développement des modes alternatifs de règlement des litiges afin de canaliser en amont les flux d’entrées constitue, selon lui, une piste d’évolution intéressante. Le projet de loi Justice du XXIe siècle comportera-t-il des dispositions en ce sens ?

En tout état de cause, la modernisation de la juridiction administrative est nécessairement liée à des exigences démocratiques. Pour juger vite, il faut s’en donner les moyens. Toute la difficulté est alors de trouver l’équilibre entre la qualité de la justice administrative et l’amélioration de la rapidité de la juridiction administrative, afin que la seconde élément n’exclue pas la première.

Mes chers collègues, le débat est ouvert. Les interventions des uns et des autres montrent l’immensité du chantier et les difficultés qui y sont attachées. Il nous appartient d’y donner une suite, faute de quoi ce débat n’aurait servi à rien. Notre commission des lois serait dans son rôle si elle décidait de s’atteler à ce dossier et de prendre des initiatives.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Jacques Mézard et le groupe du RDSE de nous avoir donné l’occasion d’un débat sur ce sujet, qui est très important dans la vie concrète de nos concitoyens et pour l’ensemble de nos institutions.

Cette question est ancienne et des initiatives ont déjà été prises. Tout d’abord, la loi du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, qui donne au juge administratif le pouvoir d’adresser des injonctions aux administrations. Ensuite, la loi du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives, qui instaure une procédure pour les cas d’urgence. Enfin, le décret du 24 juin 2003, d’ailleurs quelque peu critiqué, qui autorise le président du tribunal administratif à statuer en qualité de juge unique dans un certain nombre de circonstances.

Cette question reste toutefois pleinement d’actualité puisque chacun sait que la croissance du contentieux administratif est une tendance structurelle. Selon Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, depuis vingt ans, le nombre d’affaires enregistrées augmente chaque année en moyenne de 6 % dans les tribunaux administratifs, ou TA, et de 10 % dans les cours administratives d’appel, ou CAA. En 2014, le nombre d’affaires nouvelles a atteint un niveau exceptionnellement élevé, qui a représenté une augmentation de 11, 3 % pour les tribunaux administratifs et de 30, 8 % pour le Conseil d'État.

Néanmoins, il faut aussi souligner les efforts accomplis. Le délai prévisible moyen de jugement est ainsi inférieur à un an, alors qu’il a été beaucoup plus élevé par le passé. En 2014, il était de dix mois et un jour devant les TA, de onze mois et un jour devant les CAA et de huit mois au Conseil d'État. La part des affaires datant de plus de deux ans dans le stock a par ailleurs diminué, pour passer, en 2014, sous 11 % dans les TA, 3 % dans les CAA et 4, 5 % au Conseil d'État.

Que faire pour améliorer les choses ? Plusieurs de nos collègues, comme Thani Mohamed Soilihi à l’instant, ont présenté un certain nombre de pistes de réflexion. À mon tour, je veux en citer six.

En premier lieu, l’application Télérecours, dont a aussi parlé Thani Mohamed Soilihi, permet aux parties et aux juridictions d’échanger par voie électronique ; elle est en vigueur, mais il convient de la consolider et d’étendre le recours à cette procédure. En effet, au moment où l’on réfléchit à la justice du XXIe siècle, madame le garde des sceaux, on ne comprendrait pas que l’on n’utilise pas pleinement les facultés offertes par l’informatique.

En deuxième lieu, les nouvelles rédactions expérimentées au Conseil d'État pour certaines décisions se sont révélées probantes ; elles sont d’ailleurs aussi mises en œuvre dans certains TA et certaines CAA. Il s’agit d’une procédure de nature à simplifier les choses et à rendre plus claires les décisions de justice, ce qui est demandé par beaucoup de nos concitoyens.

En troisième lieu, je veux mentionner la procédure de cristallisation des moyens, qui permettrait de décourager les recours abusifs. Il s’agirait d’éviter que les auteurs d’un recours n’invoquent en cours de procédure de nouveaux moyens pour retarder la décision de justice.

En quatrième lieu, dans le cas de recours abusifs, la possibilité donnée à la victime du recours de formuler une demande reconventionnelle à caractère indemnitaire devant le juge pourrait constituer une arme dissuasive et efficace ; je ne sais pas si cela vous paraît réaliste, madame la ministre. Dans ce cas, ce serait la victime, et non l’État, qui percevrait les sommes versées au titre de l’amende.

En cinquième lieu – on en parle souvent, mais pourquoi ne pas le mentionner dans le débat qui nous occupe ? –, les procédures de conciliation et de médiation doivent être développées, car elles permettent d’éviter un certain nombre de contentieux. Je sais, madame la ministre, que vous y êtes attachée.

Enfin, en sixième lieu, il est nécessaire de développer, de généraliser le recours administratif préalable, pour en faire une habitude chez nos concitoyens. En effet, beaucoup d’entre eux ne savent pas qu’avant que de saisir le tribunal administratif on peut évidemment introduire un recours gracieux devant l’autorité qui a pris telle décision ou rédigé tel acte. Si cela était connu, un certain nombre de recours contentieux pourraient être évités. Il faut donc organiser une meilleure communication sur cette possibilité auprès des justiciables.

Madame la ministre, j’emploierai les vingt secondes qui me restent pour rendre hommage aux magistrats et à l’ensemble du personnel des tribunaux administratifs, des cours administratives d’appel et du Conseil d'État. Nous sommes en effet souvent témoins de l’ampleur de leur tâche et de la conscience professionnelle qu’ils mettent à l’assumer.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, avec votre autorisation, je souhaite faire le choix de la proximité en m’exprimant du banc des ministres plutôt que de la tribune.

Sourires et assentiment.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira

Je veux d’abord remercier M. Jacques Mézard de cette initiative ; vous avez eu raison de la saluer, monsieur Sueur. Comme vous l’avez dit vous-même, monsieur le sénateur, la justice administrative est mal connue en tant qu’ordre de juridiction ; pourtant, c’est paradoxal, elle est bien connue de nos concitoyens, qui savent en général saisir les juridictions administratives, notamment de première instance.

Je ne vais pas dresser un nouveau tableau de la justice administrative ; cela serait superflu puisque vos interventions ont montré à quel point vous connaissez le sujet et combien vous avez préparé ce débat. Toutefois, vous avez dû observer comme moi que les chiffres mentionnés peuvent diverger d’un orateur à l’autre. Je m’autorise donc à vous livrer les miens, …

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Dans la mesure où je prends la parole après vous, je me propose de répondre individuellement aux interrogations que j’ai relevées dans vos interventions.

M. Jacques Mézard, que j’ai remercié au début de mon propos, n’a évidemment pas pu s’empêcher de déplorer la création d’autorités administratives indépendantes.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je lui rappelle néanmoins que le Gouvernement a supprimé certaines de ces AAI. Il en a certes créé aussi, et encore récemment, dans le cadre du projet de loi relatif au renseignement. Je sais d’ailleurs à quel point cela vous a agacé, monsieur le sénateur, vous l’avez dit explicitement. Cela étant, depuis trois ans, le Gouvernement s’est fixé comme règle de réduire le nombre d’agences ou d’autorités administratives indépendantes. Nous avons donc plutôt orienté notre action en ce sens, dans le cadre de la modernisation de l’action publique, ce qui peut objectivement être vérifié : nous le mesurons régulièrement.

Je veux également vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, parce que vous avez quasiment tous rendu hommage aux personnels des juridictions administratives, que ce soient les tribunaux administratifs, les cours administratives d’appel ou le Conseil d'État lui-même. Le travail fourni par les magistrats, les greffiers, les assistants de justice et les assistants du contentieux est en effet de très grande qualité ; il me semble donc juste de leur rendre hommage.

Si nous considérons les données chiffrées, on peut effectivement constater, d’une part, avec M. Sueur, qu’il y a eu de réels progrès en matière de délais – cela peut se mesurer objectivement et j’y reviendrai quand j’aborderai l’évolution sur une dizaine d’années – mais on peut aussi observer, d’autre part, avec M. Mézard, un accroissement du contentieux. Celui-ci peut être engendré tant par le législateur lui-même que par le mouvement de « judiciarisation » de la société, souligné par M. Kern ; les citoyens appellent en effet de plus en plus à leur secours la justice, souvent judiciaire mais aussi administrative. Le champ contentieux s’est ainsi élargi, le recours au juge administratif s’est développé, et, malgré les efforts incontestables des magistrats et des greffiers, une surcharge pèse aujourd’hui sur les juridictions administratives.

En 2004, le délai moyen de traitement d’une affaire devant la justice administrative était de trois ans. Aujourd'hui, comme vous l’avez rappelé, monsieur Sueur, le délai moyen est bien de huit mois devant le Conseil d'État, de onze mois devant les cours administratives d’appel, de dix mois devant les tribunaux administratifs et de six mois devant la Cour nationale du droit d’asile. L’amélioration est donc absolument incontestable, même s’il est vrai que le contentieux est devenu plus massif.

Par ailleurs, des contentieux particuliers pèsent aussi sur les juridictions administratives. Ainsi, le droit des étrangers représente 31 % des affaires traitées. M. Soilihi le mentionnait spécifiquement pour Mayotte, mais telle est la moyenne nationale, dans laquelle Mayotte prend bien sûr sa part. Le contentieux du droit opposable au logement, cité par M. Kern, a crû de 44 %, quand le contentieux social sur le revenu de solidarité active, vous le disiez, monsieur Favier, a augmenté de 77 % entre 2010 et 2013, ce qui est considérable.

Tout cela pèse donc ! Il y a ainsi eu 240 000 requêtes devant la juridiction administrative en 2014, ce qui est très important. Sur les vingt dernières années, le nombre de requêtes présentées a augmenté en moyenne annuelle de 6 % devant les tribunaux administratifs et de 10 % devant les cours administratives d’appel !

Les délais de jugement se sont donc améliorés, grâce au travail des personnels – magistrats et greffiers –, mais les volumes croissent : en 2014, ils ont augmenté, par rapport à 2013, de 30, 8 % devant le Conseil d'État, de 3, 4 % devant les cours administratives d’appel et de 11, 3 % devant les tribunaux administratifs.

J’ai évoqué les contentieux massifs, mais on se rend aussi compte que, qualitativement, les interventions des juridictions administratives sont de plus en plus diversifiées, en raison de l’initiative du législateur, bien sûr. Quelques affaires très médiatisées nous rappellent ainsi la variété des sujets traités. Dans la lutte contre l’antisémitisme, par exemple, on se souvient d’une affaire particulièrement emblématique l’année dernière.

En ce qui concerne la dignité de la fin de vie, s’agissant d’une affaire qui est dans tous les esprits, il est bon, reconnaissons-le, que le juge prenne son temps, non pas trop de temps, mais le temps nécessaire à la réflexion.

En effet, il est des sujets qui concernent profondément la société, qui sont extrêmement sensibles, sur lesquels il n’y a pas de réponse arithmétique, binaire.

Ces affaires, qui nous interrogent tous, qui nous interpellent tous, chargent le juge d’une mission très lourde. Il est donc bon qu’il prenne le temps d’un examen approfondi.

Enfin, il y a bien d’autres contentieux, notamment sur le travail dominical ou les taxis, à propos desquels la justice administrative est saisie.

J’en viens plus précisément à vos interventions et à vos interrogations.

Monsieur Mézard, vous avez parlé de délais pouvant aller jusqu’à huit ou dix ans en matière d’urbanisme. Je ne doute pas que vous ayez eu à connaître d’affaires ayant nécessité de tels délais absolument insupportables pour tout le monde, mais je puis vous dire que la moyenne des délais en matière de contentieux d’urbanisme est beaucoup plus rassurante, puisqu’elle est de un an et cinq mois, d’après les chiffres fournis par les différents échelons de la justice administrative. Bien évidemment, il s’agit d’une moyenne, ce qui n’exclut pas que quelques affaires aient pu effectivement durer huit ou dix ans.

En la matière, vous le savez, nous devons composer avec l’ordonnance de juillet 2013 et le décret d’octobre 2013, qui a réparti les contentieux, notamment pour les logements ayant une surface supérieure à 1 500 mètres carrés dans les zones où il y a une tension entre l’offre et la demande de logements. En l’espèce, c’est le tribunal administratif qui juge en premier et dernier ressort, sous le contrôle du Conseil d’État, juge de cassation. Cette disposition vise à réduire les délais de jugement.

Par ailleurs, force est de constater non seulement une réduction des délais, mais également une amélioration incontestable de la qualité des jugements. Un élément chiffré corrobore ce constat : en dix ans, sur 125 affaires enregistrées au Conseil d’État pour absence de délai raisonnable dans une procédure devant le juge administratif, seule une soixantaine ont donné lieu à condamnation, ce qui est toujours trop non seulement pour les victimes, mais également pour les autres parties, mais vraiment peu au regard du nombre d’affaires qui sont soumises à la justice administrative chaque année.

Madame Aïchi, vous avez rappelé, à bon droit, d’ailleurs, que la justice administrative soumettait la puissance publique au respect du droit. Il s’agit d’une mission extrêmement importante, qui répond au besoin de limiter tous les pouvoirs.

À cet égard, M. Mézard a cité quelques pays qui connaissent également une structure administrative comparable à la nôtre, mais je dois dire que, au Royaume-Uni, notre justice administrative est une véritable curiosité : les missions du Conseil d’État sont un mystère absolument insondable pour nos voisins d’outre-Manche.

Rires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur Favier, je vous remercie de votre engagement en faveur de la médiation. Nous avons là une voie alternative qui permet de construire une réponse dans le domaine administratif. En matière judiciaire, nous connaissons déjà ce type de procédures, qui ouvrent un véritable espace de dialogue pour que les parties construisent ensemble la réponse au différend qui les oppose. Dans le cadre de notre projet de loi Justice du XXIe siècle, réforme que nous allons présenter en conseil des ministres le mois prochain et au Parlement dès la rentrée, nous entendons développer la voie de la médiation en matière administrative, ce qui devrait être une autre source d’amélioration.

Vous vous êtes également interrogé sur la façon de réduire les délais et de faire en sorte que les personnes qui ne sont pas représentées à l’audience aient tout de même accès aux débats. À ce sujet, je vous informe que nous nous efforçons de développer la procédure orale, notamment avec le décret du 13 août 2013, et nous allons continuer à travailler sur ces aspects.

(Sourires.) Cela montre surtout que nous avons pris des initiatives pour améliorer le droit de l’environnement, même si ce n’est pas ce que demandent les crapauds !…

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur Requier, j’avoue que je ne m’attendais pas à entendre parler des crapauds à ventre jaune dans un débat sur la justice administrative… §

Nous allons également introduire le préjudice écologique, …

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

… mais je bataille depuis des mois pour obtenir une date dans l’agenda parlementaire, très chargé. Si nous n’y arrivons pas par le biais d’un projet de loi, je suis disposée à passer par une proposition de loi, après vous avoir transmis l’étude d’impact et les dispositions déjà rédigées.

En effet, la Haute Assemblée a déjà adopté à l’unanimité la proposition de loi de M. Retailleau, dont nous étions convenus, à l’époque, qu’elle était incomplète, inachevée.

À la suite de cet épisode, j’avais moi-même mis en place un groupe de travail, qui a remis son rapport deux mois après. Je m’étais engagée à enrichir le texte et à vous le soumettre. Ce projet de loi est prêt, mais il y a juste un problème d’agenda parlementaire. Aussi, je le répète, je suis prête à vous donner et le texte et l’étude d’impact, pour que nous puissions avancer sur le préjudice écologique, qu’il est temps de faire entrer dans le code civil.

Monsieur Bonhomme, vous avez évoqué la judiciarisation de la société, en rappelant que les moyennes que nous évoquons recouvraient des réalités très disparates.

Vous avez précisé qu’un surcroît de contentieux était dû au découpage, mais je ne suis pas sûre que ce soit le cas. Je dirais plutôt que du contentieux a été produit pour obtenir ce que certains n’avaient pu obtenir dans l’hémicycle. Je ne dis pas cela pour remettre en cause des procédures judiciaires, car elles existent pour être utilisées. Il s’agit d’une pratique tout à fait légitime, mais il faut savoir qu’il y a eu une saisine massive du Conseil d’État à cette occasion, ce qui prouve bien, comme le vice-président de cette juridiction me l’a expliqué, qu’il s’agissait d’une action politico-judiciaire.

Je le répète, c’est tout à fait légitime, mais, pour autant, on ne peut pas dire que c’est le découpage en lui-même qui a produit du contentieux.

Il se trouve juste que des parlementaires ont choisi de porter au-delà de l’hémicycle le débat sur le découpage, ce qui a produit du contentieux. Ce phénomène n’a pas vraiment fait le bonheur du Conseil d’État, qui a néanmoins examiné les recours avec rigueur et scrupuleusement, comme il le fait pour tous les contentieux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je transmettrai vos compliments, sans faire état de la tonalité qui l’accompagnait…

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Je vous remercie, madame la garde des sceaux !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur Kern, vous avez évoqué la dématérialisation, comme MM. Favier, Mézard et Sueur.

L’application Télérecours a été expérimentée et généralisée depuis 2013. Elle est arrivée dans les outre-mer de l’océan Indien et sera disponible à la rentrée dans les outre-mer des Amériques.

Cette procédure est très utilisée. Vous avez donné des chiffres pour Mayotte, monsieur Soilihi, qui sont représentatifs de ce qui se passe ailleurs : 60 % pour les tribunaux administratifs et 90 % pour le Conseil d’État.

Cet outil dématérialisé est donc maintenant entré dans la panoplie des justiciables, qui s’en sont emparés et se sont familiarisés avec l’application.

La seule question qui se pose aujourd’hui est de savoir si nous allons rendre obligatoire cet outil pour l’ensemble des contentieux et des procédures. Un groupe de travail s’est penché sur la question et remettra son rapport à la fin du mois de juillet. Nous évaluerons alors la pertinence de cette généralisation, mais, compte tenu de l’usage qui est fait de l’application aujourd’hui, il n’y a pas d’obstacle important à envisager ce développement.

D’une manière générale, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais faire étudier le compte rendu de cette séance, afin de tirer le bénéfice de toutes vos observations et de toutes les suggestions que vous avez formulées pour améliorer le fonctionnement de la justice administrative. Bien entendu, ce travail sera mené de concert avec nos juridictions.

J’ai évoqué les dispositions relatives au contentieux de l’urbanisme qui sont contenues dans l’ordonnance et le décret de 2013. Je dois également mentionner la loi du 16 février 2015 et le décret du 27 février 2015, qui ont réformé le Tribunal des conflits. Cette réforme permet de traiter de manière plus rapide, plus souple et plus massive, aussi, les questions préjudicielles, et donc la répartition des contentieux entre les deux ordres de juridiction.

Enfin, plusieurs d’entre vous ont évoqué l’élargissement des compétences du juge unique. Le souci de réduire les délais, d’accélérer les procédures et de répondre le plus vite possible aux requêtes ne doit pas jouer au détriment des droits des justiciables. Vous l’avez dit vous-mêmes, nous devons améliorer le fonctionnement de la justice administrative, mais sans pour autant sacrifier les justiciables.

Par exemple, un certain nombre des dispositions du décret du 13 août 2013, qui reprennent des propositions et des réflexions émanant de l’ordre administratif lui-même, sont aujourd’hui mises en œuvre et méritent à ce titre d’être évaluées pour s’assurer que le justiciable n’est pas pénalisé et que le plus vulnérable n’est pas exclu du fait de la suppression de la procédure d’appel et de l’intervention plus large et plus fréquente du juge unique. D’ailleurs, pour certains contentieux, nous avons, à l’inverse, rétabli le jugement par une formation collégiale.

Je vous ai déjà parlé de la médiation. Nous allons également développer l’action de groupe, dans le cadre de la réforme de la justice du XXIe siècle. Le développement de l’action de groupe est de nature à améliorer la situation, puisque nous avons vu que, parmi les contentieux massifs, certains, de nature sérielle, peuvent faire l’objet d’un traitement de ce type. Or l’action de groupe est une procédure très démocratique et très protectrice des justiciables, notamment des plus vulnérables. La réforme de la justice du XXIe siècle comportera donc des dispositions relatives à l’action de groupe.

Mesdames, messieurs les sénateurs, mon intervention a été un peu hachée, mais je tenais à répondre à chacun d’entre vous, plutôt que de dresser un tableau d’ensemble d’une justice administrative que vous connaissez déjà fort bien. Je vous remercie d’avoir contribué à cette réflexion, d’être toujours aussi exigeants à l’égard de cette justice moins visible, mais néanmoins efficace, qui mobilise des personnels de grande qualité et très dévoués.

Cette justice devra nous prouver qu’elle est à la hauteur des nouvelles missions que nous lui confions, puisque, comme le rappelait M. Mézard, le projet de loi relatif au renseignement la charge de la protection des citoyens, tâche d’une importance et d’une exigence extrêmes, qui sera sans doute parfois délicate à assumer. Nous avons veillé à ce que les magistrats soient habilités « secret défense » et à ce qu’ils puissent statuer dans ces contentieux en toute indépendance et souverainement. Ces mesures étaient nécessaires pour rassurer nos concitoyens sur la capacité de la puissance publique à garantir leur sécurité, mais aussi son attachement à la préservation des libertés individuelles.

Mille mercis, mesdames, messieurs les sénateurs, pour ce débat de grande qualité que j’ai écouté avec attention et qui enrichira encore nos réflexions et nos initiatives pour améliorer le fonctionnement de la justice administrative.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste, du RDSE et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à vous remercier pour la qualité de vos interventions.

Nous en avons fini avec le débat sur le thème « Comment donner à la justice administrative les moyens de statuer dans des délais plus rapides ? ».

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Par lettre en date du 18 juin 2015, M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat une décision rendue le même jour, par laquelle le Conseil constitutionnel a rejeté une requête concernant les opérations électorales auxquelles il a été procédé, le 28 septembre 2014, pour l’élection de deux sénateurs dans le département de l’Aveyron.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La commission des affaires économiques et la commission des affaires sociales ont proposé des candidatures pour le Conseil supérieur de la coopération.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame MM. Jean-Jacques Lasserre et Jean-Pierre Godefroy membres titulaires de cet organisme extraparlementaire, ainsi que M. Marc Daunis et Mme Anne Emery-Dumas, membres suppléants.

Mes chers collègues, avant de passer à la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt heures quinze.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer (texte de la commission n° 516, rapport n° 515).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici enfin parvenus au terme de l’examen du projet de loi modifiant la loi du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer.

La commission mixte paritaire, qui s’est réunie jeudi dernier, est parvenue à un accord. Sur les sept articles restant en discussion, six ont été adoptés par la commission mixte paritaire dans la rédaction de l’Assemblée nationale et un a fait l’objet d’une modification rédactionnelle.

Je rappelle que, compte tenu des délais dans lesquels ce texte devait être adopté, le régime de l’octroi de mer actuel arrivant à expiration le 30 juin 2015, le Gouvernement avait engagé la procédure accélérée.

Dans sa version initiale, le présent projet de loi comportait trente-sept articles. En première lecture, le Sénat en a modifié vingt et un, supprimé un et introduit deux nouveaux.

Prenant acte du travail réalisé par notre assemblée et de la nécessité d’adopter ce texte dans les meilleurs délais afin d’éviter tout vide juridique, la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale avait adopté sans modification le présent projet de loi au cours de sa réunion du 27 mai 2015.

Au cours de sa séance du 1er juin 2015, l’Assemblée nationale a toutefois adopté neuf amendements. Les députés ont tout d’abord modifié six articles afin d’en préciser la rédaction. L’Assemblée nationale a en outre adopté trois autres amendements, dont deux méritent d’être plus précisément présentés.

À l’article 6, nos collègues députés ont adopté un amendement du Gouvernement visant à élargir le champ des productions pour lesquelles le droit commun s’appliquera dans le cadre des échanges entre la Guyane et le marché unique antillais. Le Sénat avait adopté un amendement du Gouvernement tendant à exclure de l’application des règles dérogatoires du marché antillo-guyanais huit positions tarifaires, dont la référence 4818 10. Les députés ont inclus dans cette liste trois positions tarifaires supplémentaires : 4818 2091, 4818 2099 et 4818 9010. Si les élus guyanais demandaient initialement l’inscription de l’ensemble de la position 4818, le texte ainsi modifié satisfait toutes les parties, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

À l’article 7, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à préciser que les exonérations de certaines importations doivent être accordées par position tarifaire. Cette précision permettra de rassurer certains acteurs économiques, qui craignaient des exonérations trop larges.

L’Assemblée nationale a enfin précisé, à l’article 6, la mission de la commission tripartite créée par un amendement du Gouvernement adopté au Sénat.

Mes chers collègues, un travail important a été fait sur ce texte, dans le cadre d’un dialogue fructueux avec le Gouvernement, notre collègue député Dominique Baert, rapporteur de ce texte, à qui je souhaite un prompt rétablissement, et M. René Dosière, qui l’a remplacé. Si des interrogations demeurent encore, je crois que ce projet de loi apporte des réponses qui étaient attendues dans les outre-mer, s’agissant notamment de la question des échanges entre la Guyane et le marché unique antillais.

Vous l’aurez compris, le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire préservant la totalité des modifications introduites par le Sénat, je vous proposerai donc de l’adopter. Contrairement à ce que je vous avais annoncé, madame la ministre, il n’y aura pas d’amendement !

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin

monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la commission mixte paritaire qui s’est réunie la semaine dernière a adopté, sans réserve, le texte aujourd’hui soumis à votre approbation.

Nous voici donc à la fin du processus législatif concernant ce projet de loi modifiant la loi relative à l’octroi de mer. Chacun mesure bien l’importance de ce texte pour les territoires ultramarins.

D’une part, l’octroi de mer constitue une ressource indispensable pour le financement des collectivités territoriales puisque, en 2014, son produit s’est élevé à 1, 146 milliard d’euros, soit environ 40 % des ressources fiscales des collectivités locales ultramarines.

D’autre part, le présent texte entérine la prolongation jusqu’en 2020 de ce dispositif si essentiel pour le développement économique des productions locales et pour l’emploi outre-mer. Ce texte assure donc une visibilité et une lisibilité tant aux entreprises qu’aux collectivités locales.

Je tiens à souligner la qualité des travaux conduits par le Parlement, notamment au Sénat, sous la houlette de M. Doligé, pour enrichir positivement le texte malgré les contraintes de temps importantes qui pesaient sur son examen.

Je me félicite que ce projet de loi puisse être voté avant la date couperet du 30 juin 2015, qui marque la fin de prorogation de l’ancien dispositif. En effet, il fallait qu’il n’y ait pas de rupture juridique dans la transition entre les deux dispositifs, comme le Gouvernement l’a toujours soutenu et comme je m’y étais totalement engagée. C’était l’une des principales préoccupations des acteurs socioéconomiques et des élus locaux ; l’engagement est désormais tenu.

Le texte aujourd’hui soumis à votre approbation met également fin à de nombreux mois de discussion avec la Commission européenne.

Je ne peux que constater que cette discussion, débutée il y a plus de deux ans et demi, a été fructueuse. Les demandes de la France ont été entendues, s’agissant notamment de l’augmentation du nombre de positions douanières bénéficiant d’un différentiel de taxation et des spécificités propres aux territoires ultramarins. Cela permet de préserver les grands équilibres du régime dans le cadre de cette réforme co-construite entre les autorités françaises et les autorités européennes.

La prolongation du dispositif permettra de consolider davantage les filières productives locales, dont les parts de marché sont en constante progression depuis 2005. Certes, le régime d’octroi de mer ne suffit pas, seul, à accompagner le développement économique de nos territoires, mais il est un maillon essentiel de celui-ci. S’il ne faut en aucun cas relâcher nos efforts dans le domaine du développement, de l’innovation et du soutien à la croissance, cette réalité démontre, s’il en était encore besoin, que le bénéfice du différentiel de taxation permet de soutenir activement la création de richesses et d’emplois.

Le projet de loi clarifie et modernise la mise en œuvre de cette taxe. Ainsi, partant de l’évaluation de l’ancien dispositif, nous avons fait le choix de procéder à l’abaissement du seuil d’assujettissement afin de répondre aux demandes de simplification formulées par de nombreuses entreprises, de taille moyenne notamment. Cet abaissement du seuil d’assujettissement de 550 000 à 300 000 euros, largement concerté avec les élus à l’hiver 2013, permet, en fonction des géographies, de placer hors du champ de l’octroi de mer de 75 % à 87 % des entreprises productrices.

Quant aux autres opérateurs, ceux dont le chiffre d’affaires est compris entre 300 000 et 550 000 euros et qui étaient auparavant assujettis mais exonérés, ils restent soumis aux mêmes obligations déclaratives, mais ne seront plus automatiquement exonérés. Néanmoins, ils auront deux ans pour déduire la taxe d’amont ayant grevé leurs investissements.

Au-delà de l’abaissement du seuil, plusieurs autres dispositions peuvent être soulignées. C’est le cas de l’encadrement des taux que les conseils régionaux et, à Mayotte, le conseil départemental sont autorisés à fixer, que nous avons introduit dans le texte à la demande, notamment, du Conseil d’État.

Les collectivités territoriales voient également le champ des exonérations élargi. Elles pourront désormais choisir d’exonérer ou non les établissements de santé, de recherche, d’enseignement ou relevant d’organismes caritatifs ou philanthropiques.

Lors de son examen du texte, le Sénat avait également fait le choix d’élargir le champ des bénéficiaires de ces exonérations aux personnes morales exerçant des activités scientifiques de recherche et d’enseignement, ainsi qu’aux établissements et services sociaux et médico-sociaux. Ce choix n’a été remis en cause ni lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale ni lors des travaux de la commission mixte paritaire. Ces avancées consolident largement les marges de manœuvre données aux collectivités régionales pour construire de réelles stratégies de développement économique et de soutien aux filières productives sur leurs territoires.

Lors des débats à l’Assemblée nationale, les modalités d’exonération ouvertes aux conseils régionaux ont été complétées. Les collectivités territoriales pourront choisir d’exonérer soit par secteur d’activité, soit par nomenclature douanière. C’est une avancée notable qui permet l’introduction d’une plus grande souplesse.

Le rééquilibrage des échanges et des flux commerciaux entre le marché unique antillais et la Guyane a occupé une part importante de nos débats. C’était nécessaire. Le dialogue constructif que nous avons eu a permis d’aboutir à une situation que l’ensemble des acteurs reconnaît être équilibrée.

C’est ainsi que nous avons introduit une liste de dix « produits préservés », qui feront l’objet, dans le cadre des relations commerciales entre le marché unique antillais et la Guyane, d’une application du droit commun. Je ne peux que me féliciter de ces échanges, parfois nourris et même très spécialisés, et souligner le sens du compromis et des responsabilités qui a présidé aux discussions entre les élus et nous a permis d’aboutir.

Pour l’avenir, la commission de concertation que nous avons créée analysera les flux d’échanges entre la Guyane et le marché unique antillais et pourra proposer, si nécessaire, la modification de la liste de produits préservés, sur la base, notamment, d’un état statistique des flux d’échanges. Le décret d’application précisant les missions et la composition de cette commission est en cours d’élaboration. La finalisation de ces écritures se fait en lien étroit avec l’ensemble des parties concernées.

Enfin, le décret d’application de la loi – hors les dispositions relatives à la commission interrégionale Guadeloupe, Martinique et Guyane, qui fera l’objet d’un décret spécifique – est désormais finalisé, après une longue période de concertation informelle avec les exécutifs régionaux. Il sera transmis pour consultation aux collectivités dès la fin de cette semaine, afin de permettre un examen du projet de décret lors du comité des finances locales de juillet.

La conformité de notre régime à l’encadrement communautaire des aides d’État est le dernier point à examiner pour parachever la révision de notre dispositif.

Comme vous le savez, j’ai fait procéder à la notification de ce régime à la Commission européenne en mars dernier. La commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, que j’ai reçue lundi dernier, m’a indiqué que cette notification ne pourrait aboutir dans les délais impartis. Je le regrette profondément. Néanmoins, elle nous a rassurés : le dispositif d’octroi de mer sera pleinement opérationnel au 1er juillet prochain.

En effet, la commissaire européenne s’est engagée envers la France à ce que l’ensemble des éléments permettant d’attester la pleine conformité du régime d’octroi de mer au droit communautaire lui soient communiqués par écrit dans les délais impartis, c'est-à-dire avant le 1er juillet prochain. Notre dispositif d’octroi de mer restera donc placé, comme il l’est aujourd’hui, sous le règlement général d’exemption par catégorie, ou RGEC, qui est le règlement de droit commun pour les régimes d’aides d’État. La Commission européenne prendra par ailleurs en compte les spécificités de nos régimes d’aides, en rehaussant de quinze points les seuils applicables de cumuls d’aides afin de sécuriser pleinement les opérateurs économiques.

Ces avancées pragmatiques obtenues avec la Commission européenne nous permettent de consolider l’ancrage de nos régimes d’aides d’État au sein du RGEC grâce à une prise en compte appropriée de nos spécificités concernant tant les secteurs exclus que les seuils d’aide pour l’ensemble de nos régimes d’aide au fonctionnement. Bien évidemment, cela ne nous empêche pas de plaider en faveur d’une révision dans les meilleurs délais de ce régime général, qui n’est manifestement pas adapté aux réalités des outre-mer. Nous avons obtenu de la commissaire européenne l’engagement que cette révision serait mise en œuvre dès que possible. En attendant, ce projet de loi permet d’assurer la continuité des régimes d’aide afin qu’aucune rupture juridique ne vienne fragiliser notre tissu économique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier de votre investissement dans ces travaux et du soutien que vous avez apporté au Gouvernement tout au long de l’élaboration du texte et que vous lui apporterez encore aujourd’hui en adoptant ce projet de loi.

Mme Aline Archimbaud et M. Philippe Esnol applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme en première lecture et pour les mêmes motifs, nous nous abstiendrons sur ce projet de loi. Non seulement ce texte traduit en droit interne les décisions prises par le Conseil de l’Union européenne, mais surtout la question de l’octroi de mer ne peut être abordée sans que l’on parle de fiscalité.

La réforme de la fiscalité sera très probablement l’un des sujets que les outre-mer mettront en avant lors de l’examen du futur projet de loi pour l’égalité réelle entre l’outre-mer et la métropole.

Le défi que les outre-mer ont à relever est considérable. Pour cette seule problématique de la fiscalité, il faut imaginer des solutions afin que le rapport entre fiscalité directe et fiscalité indirecte soit plus équilibré. Je rappelle que, dans les outre-mer, la fiscalité directe représente 20 % des ressources et la fiscalité indirecte 80 %. Cette dernière est acquittée par tous, y compris par les ménages les plus défavorisés, à l’instar des 42 % de foyers réunionnais vivant sous le seuil de pauvreté monétaire.

Alors que, jeudi dernier, une séance de questions cribles thématiques a été consacrée à la dotation globale de fonctionnement et à sa préalable réforme, nous nous devons de nouveau de signaler que la structure de financement des collectivités locales d’outre-mer repose sur des bases fragiles et qu’elles ne sauraient se satisfaire d’une réforme pensée pour des collectivités locales de France métropolitaine, sans réelle prise en compte des réalités ultramarines.

Mon collègue Paul Vergès le rappelle souvent : près de soixante-dix ans après la loi de 1946, il est indispensable d’ouvrir une nouvelle étape pour le développement des outre-mer et il faut en finir avec la situation d’« apartheid social » dans laquelle vivent les populations d’outre-mer.

Pour ce faire, il faut tirer le bilan des soixante-dix ans d’application de la loi de 1946, à commencer par celui de l’octroi de mer, et avoir le courage politique de remettre en cause certains dispositifs mobilisés jusqu’à présent dans les outre-mer. Le texte que nous allons voter aujourd’hui s’appliquera pendant dix ans, mais le dispositif repose sur un fondement dérogatoire dont l’avenir reste, malgré tout, incertain.

La vraie problématique est donc la suivante : à l’horizon de vingt ans, fixé par le Président de la République, la construction de l’égalité réelle doit conduire les outre-mer à s’interroger sur leur stratégie de développement et à relever le défi de leur double intégration à la France – donc à l’Europe – et à leur environnement géoéconomique. L’octroi de mer est l’un des paramètres à prendre en compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Esnol

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons ce soir est apparu soudainement dans l’ordre du jour des travaux de notre assemblée en raison de son caractère à la fois urgent et stratégique, le dispositif de l’octroi de mer actuellement en vigueur devant expirer d’ici à quelques jours, très exactement le 30 juin prochain.

Cette taxe héritée du colbertisme, applicable en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à Mayotte et à La Réunion, avait été initialement mise en place pour frapper les marchandises importées afin de soutenir les productions locales et de stimuler le développement économique. À partir de la fin des années quatre-vingt, cet outil fiscal adapté aux spécificités de l’outre-mer, assimilable à un droit de douane dans le marché unique européen, a dû être mis en conformité avec les règles communautaires de libre circulation des marchandises et de non-discrimination.

Le Conseil de l’Union européenne avait accepté de faire perdurer le dispositif à condition que les productions locales y soient aussi assujetties et qu’il soit fortement encadré, les exonérations, totales ou partielles, pour motif de développement économique étant uniquement accordées à des productions dites « sensibles », limitativement énumérées. Le déficit de compétitivité pouvait, quant à lui, demeurer compensé au moyen d’un différentiel de taxation entre produits locaux et produits importés, prenant la forme d’une surtaxe sur ces derniers, dont les collectivités décidaient de l’importance en fonction des réalités locales.

La loi du 2 juillet 2004, que le présent texte tend à modifier, avait consolidé ce régime pour dix ans. Par une décision en date du 17 décembre dernier, le Conseil de l’Union européenne en a autorisé la reconduction pour cinq nouvelles années, sous réserve de quelques modifications.

La principale modification consiste en l’exonération de plein droit pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 300 000 euros. C’est assurément une bonne nouvelle pour les très petites entreprises, en ce qu’il s’agit d’une véritable mesure de simplification. En effet, celles-ci seront désormais exemptées de déclaration, laquelle constituait pour elles une charge administrative très contraignante. Toutefois, en contrepartie, le seuil d’assujettissement à l’octroi de mer, qui s’élevait jusqu’à présent à 550 000 euros de chiffre d’affaires, est abaissé dans le même temps à 300 000 euros. Cet élargissement de l’assiette devrait permettre de dégager 2, 5 millions d’euros de ressources supplémentaires pour les collectivités bénéficiaires.

Si le projet de loi a pour objet la transposition en droit interne de ces dispositions communautaires, le Gouvernement a également cherché à aller plus loin dans la modernisation du dispositif, en proposant des mesures que nous approuvons : d’une part, l’extension du champ des exonérations aux activités de recherche, d’enseignement et de santé, aux organismes à caractère caritatif, aux marchandises destinées à l’avitaillement des aéronefs et des navires ainsi qu’aux carburants utilisés pour l’agriculture et la pêche ; d’autre part, l’ouverture de la possibilité, pour les entreprises nouvellement assujetties, de déduire le montant de taxe ayant grevé les biens d’investissement.

Par ailleurs – cela n’aura échappé à personne –, si l’objectif premier de l’octroi de mer était le soutien à la production locale des outre-mer, il s’est aujourd’hui, dans un contexte de baisse drastique des dotations de l’État, doublé d’un objectif accessoire de financement des collectivités territoriales. Pour tout dire, l’enjeu financier est même considérable, quand on sait qu’il s’agit de la première recette fiscale des communes dans les départements et régions d’outre-mer. Le produit de l’octroi de mer peut représenter jusqu’à 45 % de leur budget et s’élève, pour les cinq départements et régions d’outre-mer confondus, à près de 1 milliard d’euros.

Aussi le groupe du RDSE salue-t-il le volontarisme du Gouvernement, qui a permis d’obtenir la prolongation de ce dispositif et de faire fléchir Bruxelles, qui veille scrupuleusement au respect du principe de l’interdiction des aides d’État. En effet, pour toutes les raisons qui viennent d’être évoquées, il apparaît clairement que sa reconduction était essentielle, et même indispensable.

Cependant, madame la ministre, nous tenons également à attirer votre attention sur la nécessité de réfléchir dès à présent sérieusement à un système alternatif plus pérenne, dans la mesure où le dispositif n’est reconduit que jusqu’en 2020 et, surtout, parce qu’il est fondé sur cette contradiction flagrante : on impose les productions locales afin de pouvoir continuer à les soutenir ! En outre, il pénalise injustement les consommateurs et contribue à renchérir le coût de la vie, alors même que la lutte contre la vie chère et la préservation du pouvoir d’achat des Français sont hissées au rang de priorités.

En conclusion, le groupe du RDSE se réjouit qu’un consensus soit spontanément apparu sur un sujet aussi important pour nos territoires ultramarins. Les désaccords entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur les sept articles qui restaient en discussion ont pu être levés en commission mixte paritaire, puisqu’ils portaient essentiellement sur des aspects rédactionnels, et non sur le fond. Nous nous félicitons que la commission mixte paritaire ait abouti et nous voterons bien sûr ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le Conseil de l’Union européenne a autorisé la prolongation du dispositif de l’octroi de mer pour cinq ans, à condition qu’il soit procédé à quelques aménagements avant la fin de ce mois. Nous sommes donc conduits à voter dans l’urgence un régime fiscal sans pouvoir le transformer en profondeur. En effet, voilà moins de trois mois, le 25 mars dernier, le Gouvernement engageait la procédure accélérée pour modifier la loi du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer, et nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 11 juin dernier.

La commission mixte paritaire a adopté dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale les articles définissant les importations et les livraisons, les extensions du champ des exonérations, les bases d’imposition pour l’octroi de mer, la déductibilité de l’octroi de mer ayant grevé certains biens d’investissement, la possibilité, pour les entreprises franchissant le seuil d’assujettissement à l’octroi de mer, de déduire la taxe supportée par certains biens d’investissement et l’octroi de mer régional.

Enfin, la commission mixte paritaire a supprimé l’exonération de plein droit pour certaines entreprises, en fixant des modalités de détermination du chiffre d’affaires de référence au regard de l’assujettissement.

Ainsi, la loi du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer est modernisée. C’est une très belle avancée ! Il s’agit d’une première évolution après la grève générale de 2009 en Guadeloupe et en Martinique, conduite par Élie Domota et le LKP au nom de la lutte contre la vie chère qui pénalise les ultramarins. Pour autant, il manque à mon sens une étape majeure, dont nous devrons rapidement envisager le franchissement et qui consisterait à étudier objectivement les conséquences sociales et économiques de l’octroi de mer.

L’adoption de ce texte permettra, dans l’immédiat, de répondre aux besoins de financement des collectivités ultramarines, en conformité avec les exigences européennes. Nous sommes bien conscients des limites de ce mode de fiscalité. Si l’insularité, l’éloignement et les différentes contraintes géographiques imposent aux services publics ultramarins des adaptations particulières, il faudra cependant trouver de nouvelles solutions. Nous avons cinq ans pour engager un véritable débat sur la fiscalité des outre-mer et le financement des collectivités ultramarines. L’octroi de mer pose question en matière de justice sociale et représente un enjeu pour le fonctionnement des services publics en outre-mer. Au terme de nos travaux, nous n’avons pas remis en cause les équilibres et le fonctionnement de cet impôt, eu égard à l’enjeu financier pour les collectivités d’outre-mer.

L’octroi de mer constitue une part importante des ressources des communes et des collectivités territoriales. À l’heure où la situation financière de ces dernières est de plus en plus fragile du fait de la baisse des dotations de l’État, nous avons pu mesurer à quel point l’octroi de mer est crucial, en particulier pour le financement de l’action publique locale, cet impôt représentant la première recette fiscale des collectivités, d’un montant de près de 1, 146 milliard d'euros par an. C’est une ressource très difficilement substituable, qui peut représenter jusqu’à 40 % des recettes fiscales.

Bien sûr, les spécificités perdurent, par exemple sur le marché antillo-guyanais, instance de concertation inter-régionale vouée à se développer. Les discussions et les accords entre les trois régions de Guyane, de Guadeloupe et de Martinique montrent que les conseils régionaux continuent d’œuvrer ensemble pour une meilleure application du dispositif d’octroi de mer et souhaitent qu’une véritable dynamique perdure. Dans cette région, le rôle de la commission inter-régionale qui sera mise en place est précis. Elle permettra la concertation sur la mise en œuvre de l’octroi de mer et l’évaluation de l’ensemble des échanges de biens sur les marchés de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique. La rotation de sa présidence a fait l’objet d’échanges vifs et sincères avec le Gouvernement, tant au Sénat qu’à l'Assemblée nationale.

Je salue le travail accompli par les parlementaires, qui a permis de mieux préciser le cadre dans lequel les régions des Antilles et de la Guyane inscriront leurs échanges mutuels. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir pris l’engagement de rendre plus souples les relations avec les douanes, notamment en ce qui concerne les contentieux et la transmission des données essentielles à l’élaboration des différentiels par les conseils régionaux.

L’octroi de mer suscite aussi bien des convoitises. En Guyane, cette recette, censée être reversée intégralement aux communes, est pourtant ponctionnée chaque année de 27 millions d’euros au profit du conseil général. Il s’agit d’une exception locale contestée par les communes, qui sont déjà classées parmi les plus démunies.

Cette très vieille taxe avait pour objectif de protéger la production locale et de soutenir les filières de production. Or, les taux de chômage étant très élevés, il apparaît clairement que les productions locales ne décollent pas.

Ce constat nous conduit à nous interroger sur les conséquences de l’adoption de ce projet de loi, qui aboutira à la taxation de centaines d’entreprises de production agricole ou industrielle dont le chiffre d’affaires est compris entre 300 000 et 550 000 euros. Certes, ces entreprises bénéficieront de contreparties et pourront en particulier déduire une partie de leurs dépenses d’investissement du montant de leurs impôts.

De plus, ce modèle économique fondé sur l’importation est complexe, compte tenu de l’application de taux différents en fonction des particularités et des politiques locales. Surtout, c’est un impôt inéquitable, qui frappe d’abord les consommateurs, notamment les plus pauvres d’entre eux. Les familles ayant le plus d’enfants sont pénalisées par le surcoût de leurs achats. Une convergence avec la TVA est évoquée de façon récurrente ; cette question devra un jour être abordée.

Le développement économique même est touché. L’octroi de mer me semble être une mauvaise TVA sociale. Taxer les importations pour favoriser la production locale est une chose, mais taxer ce qui ne peut pas être produit localement est injuste. Consacrer cette recette au financement du service public et, par conséquent, à celui de son fonctionnement représente une déperdition pour le financement de l’économie réelle. L’octroi de mer ne saurait être utilisé comme l’instrument d’une forme de protectionnisme éducateur ; trop souvent, il étouffe l’économie locale et fragilise le développement des services publics de l’État.

Si l’article 7 du texte élaboré par la commission paritaire contribue à clarifier les champs d’exonération, l’exonération n’est pas systématique. Indépendamment de la capacité de l’État à payer l’impôt, quel que soit son montant, les gestionnaires locaux rationnent les consommables et ajustent leurs commandes de matériel à l’impôt, et non l’inverse. J’avais défendu ici un amendement visant à exonérer les importations nécessaires au bon fonctionnement des services publics de l’État, par exemple celles d’équipements nécessaires aux forces de sécurité.

Les demandes d’exonération aux collectivités territoriales aboutissent de plus en plus difficilement dans un contexte tendu de baisse des dotations de l’État. Soit l’État adapte son budget à l’inflation des coûts d’entretien et d’approvisionnement de ses services dans les outre-mer, soit on exonère et on soulage les gestionnaires et les services publics nationaux de la contrainte exercée par cet impôt.

Le projet de loi modifiant la loi du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer procède au toilettage de l’octroi de mer qu’il était urgent d’accomplir pour répondre aux exigences du Conseil de l’Union européenne. Je partage à cet égard les conclusions de notre rapporteur. Ce texte nous fait prendre conscience des enjeux, des atouts, des bénéfices et des résistances sur le sujet. Nous devons définir de nouvelles ressources pour les territoires ultramarins afin de favoriser leur développement économique, dans le respect des populations les plus fragiles et de l’autorité de l’État.

Ces débats confirment que le sujet est complexe et que nos échanges en vue de trouver d’autres solutions doivent se poursuivre. Un important travail conduit en concertation avec les élus ultramarins est nécessaire afin de faire évoluer ce mode de recette ancestral, qui compte, reconnaissons-le, parmi les plus atypiques de notre administration.

Une réflexion approfondie doit être menée pour refondre la fiscalité et, plus globalement, répondre aux besoins de financement du développement des territoires ultramarins. Il nous reste cinq ans pour proposer un nouveau modèle juridiquement sécurisé. Je tiens toutefois, madame la ministre, à saluer le rattrapage du retard qu’avait pris l’élaboration de ce texte. La sagesse et l’expertise des parlementaires ont permis d’aboutir à une loi fruit de la synthèse des travaux des deux chambres, que nous validerons ce soir.

Afin de respecter le droit européen et de préserver une ressource vitale pour les collectivités locales et territoriales, le groupe UDI-UC unanime votera le texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Applaudissements sur les travées de l'UDI -UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, le projet de loi modifiant la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer était très attendu dans les départements d’outre-mer et a suscité un vif intérêt, à la hauteur de l’importance que revêt cette taxe dans ces territoires. L’octroi de mer est vital non seulement pour le développement de leurs productions locales, mais aussi pour leurs collectivités locales. Sans cette ressource, qui représente un peu plus de 1 milliard d’euros, ces dernières seraient encore plus fragilisées financièrement qu’elles ne le sont déjà.

Le texte soumis à notre vote aujourd’hui est le fruit de longs débats et négociations entre tous les acteurs concernés. Son adoption mettra un terme à un processus législatif qui a débuté voilà plusieurs années. En tant que membre de la commission des affaires européennes, j’ai eu à défendre ce dispositif auprès des instances de l’Union européenne, aux côtés du Gouvernement.

Je tiens à cet égard à saluer votre action, madame la ministre, celle de vos collaborateurs et de vos services. Elle a été déterminante pour que nous puissions aboutir à ce texte de compromis. Il vous a fallu faire preuve de patience et d’opiniâtreté pour arriver à ce résultat en respectant l’échéance impérative du 30 juin 2015, qui marque la fin de la prorogation de l’ancien dispositif. Le nouveau dispositif prendra effet le 1er juillet prochain, ce qui est de nature à rassurer les acteurs socioprofessionnels et les collectivités locales.

Je me félicite des avancées que contient ce texte.

Le projet de loi prévoit d’abord l’extension des exonérations à un certain nombre d’activités, notamment dans les domaines de la recherche, de l’enseignement, de la santé, des organisations caritatives.

En matière de gouvernance, l’instauration d’une présidence tournante – chacun des exécutifs régionaux l’assurera à tour de rôle – de la commission de concertation sur la mise en œuvre de l’octroi de mer est plus que salutaire. Je me réjouis de l’introduction par le Sénat de cette disposition par le biais d’un sous-amendement que j’avais déposé.

En ce qui concerne les échanges entre le marché unique antillais et la Guyane, les négociations ont été âpres – à juste titre, la Guyane étant pénalisée –, mais finalement constructives, puisqu’elles ont permis d’aboutir à l’établissement d’une liste de dix produits préservés. À cet égard, je me réjouis que l’Assemblée nationale y ait inscrit le papier essuie-mains – au titre de la nomenclature 4810 –, alors que l’amendement que j’avais présenté à cette fin avait été repoussé par le Sénat. Pour autant, il appartiendra à la commission de concertation de veiller à assurer un équilibre entre les Antilles et la Guyane. Je rappelle que celle-ci avait établi une liste d’une vingtaine de produits.

Par ailleurs, les points suivants restent en suspens.

À votre demande, madame la ministre, j’avais retiré, lors de l’examen du projet de loi au Sénat, mon amendement portant sur l’instauration d’une clause de reversement entre la Guyane et le marché unique antillais, à l’instar de celle qui existe déjà entre la Guadeloupe et la Martinique. Les conseils régionaux de ces deux territoires ont indiqué qu’ils ne seraient pas opposés à la mise en place d’une clause de reversement entre la Guyane et le marché unique antillais. Ce point devra donc être prioritairement inscrit à l’ordre du jour de la première réunion de la commission de concertation.

Concernant la répartition du produit de l’octroi de mer et le prélèvement de 27 millions d’euros par an au profit du conseil général de la Guyane, je ne reviendrai pas sur les raisons de cette spécificité guyanaise, « anomalie liée à des considérations d’opportunité politique et financière », comme l’a souligné le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, M. Dominique Baert, mais j’insisterai de nouveau sur la nécessité d’y mettre fin. Depuis mon entrée au Sénat, j’ai déposé plusieurs amendements tendant à la suppression immédiate ou progressive de ce prélèvement, mais ils ont systématiquement été rejetés. M. Éric Doligé, conscient de la réalité du problème, avait souhaité que cette question soit traitée par la délégation sénatoriale à l’outre-mer dans les plus brefs délais. De même, M. Baert, lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, a proposé la création d’une mission d’information au sein de la commission des finances. Qu’en est-il, madame la ministre ?

En tant que membre du Comité des finances locales, j’ai également alerté Mme Pires Beaune à ce sujet, car le rapport d’étape sur la réforme des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales est plus que lacunaire concernant la situation des communes d’outre-mer. Je vous ai d’ailleurs transmis, madame la ministre, une copie du courrier que l’intergroupe parlementaire des outre-mer, que j’ai l’honneur de présider, a adressé à Mme Pires Beaune. Vous le savez, le Gouvernement ne pourra pas éternellement éluder cette question. L’association des maires de Guyane a décidé d’ester en justice pour réclamer les 108 millions d’euros perdus au cours des quatre dernières années, si aucun règlement amiable n’est trouvé avec l’État. Il est inutile de vous rappeler que les besoins en Guyane sont criants, en raison des retards importants constatés dans tous les domaines et d’un fort taux de croissance démographique, supérieur à 4 %, soit le plus élevé de France et l’un des plus forts au monde. Il est urgent d’agir !

Malgré ces points cruciaux restant en suspens, je voterai le texte élaboré par la commission mixte paritaire, madame la ministre, car il est le fruit d’une réelle concertation avec les acteurs concernés. Comme d’autres, je ne peux que regretter que la prorogation ne soit que de cinq années. Il nous faudra tous réfléchir à une évolution du dispositif. En effet, au cours des entretiens auxquels j’ai participé en qualité de vice-président de la commission des affaires européennes du Sénat, à Bruxelles en juillet 2012, la Commission nous avait encouragés à anticiper la fin du régime en vigueur, rappelant l’incompatibilité de l’octroi de mer avec l’esprit du marché unique. Les services de la Direction générale fiscalité et union douanière de la Commission européenne avaient insisté sur le fait qu’un tel régime ne pouvait être que transitoire et qu’il devrait bientôt disparaître. Nous ne devons donc pas attendre pour préparer la transition vers un autre système, qui ne reposerait plus sur une taxation discriminatoire. L’horizon étant dégagé jusqu’en 2020, profitons-en pour anticiper la prochaine échéance.

Nous devons analyser l’octroi de mer sous tous les aspects : soutien au développement économique local, autonomie financière des collectivités d’outre-mer, incidence sur le coût de la vie outre-mer. Il nous faut ouvrir très en amont un débat de fond sur le meilleur moyen d’assurer le développement économique outre-mer sans fragiliser les recettes fiscales des collectivités territoriales. Je vous invite donc, madame la ministre, à ne pas rester passive, au cours des prochaines années, sur ce dossier important pour les outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à notre tour, nous nous félicitons que les travaux de la commission mixte paritaire aient débouché sur un accord et nous remercions tous ceux qui ont permis cette issue positive.

La commission mixte paritaire a adopté plusieurs articles dans le texte de l’Assemblée nationale et élaboré une nouvelle rédaction pour l’article 6, qui prévoit désormais la création d’une commission de concertation ayant pour mission d’analyser les échanges de biens entre la Guyane et le marché unique antillais. Nous nous réjouissons de cette avancée.

Pour le groupe écologiste du Sénat, l’octroi de mer, qui constitue une ressource très importante pour les collectivités des outre-mer, devra continuer de faire l’objet d’un débat, y compris après l’adoption du présent projet de loi, sans pour autant mettre en péril la situation financière déjà fragile de ces collectivités. Parmi les pistes qui nous tiennent à cœur, j’évoquerai la nécessaire poursuite du dialogue avec l’Union européenne afin d’envisager les moyens de pérenniser cette ressource au-delà de 2020, sans pénaliser les collectivités ultramarines.

Au-delà du débat qui aboutit aujourd’hui, contraint par l’échéance impérative du 30 juin, nous demandons de nouveau avec force au Gouvernement que se poursuive une réflexion à plus long terme sur la définition d’une stratégie de développement économique locale robuste, afin de pouvoir élaborer, par exemple, des propositions visant à encourager l’investissement dans des filières économiques locales et innovantes, dans les domaines de l’agriculture, de l’aquaculture, de la pêche, de la transformation des produits locaux, de l’écotourisme, des services aux personnes, des énergies nouvelles, etc.

Dans cette perspective, il faut mettre en place ou renforcer les actions en matière de recherche-développement, de formation, initiale et continue, des populations et des cadres, ainsi qu’encourager l’investissement dans des réseaux locaux. Le renforcement de l’économie locale créerait des conditions propices à une évolution de la fiscalité. Il nous paraît important de travailler sur cette dimension économique. Nous sommes prêts à prendre notre part à la réflexion, en vue à la fois de répondre à la grave crise sociale qui frappe les territoires ultramarins comme l’ensemble de la France et de mettre en valeur les ressources variées et spécifiques de ces derniers, à commencer par leur biodiversité terrestre et marine. Si nous savons protéger et développer ces ressources, elles pourront constituer une base très intéressante pour le développement économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici donc arrivés au terme du processus législatif relatif à la modification de la loi sur l’octroi de mer.

Le texte soumis à notre approbation vise d’abord et avant tout à entériner la prorogation de ce dispositif jusqu’en 2020. Outre qu’il met notre droit en conformité avec nos engagements européens, il tend à clarifier et, pour ainsi dire, à moderniser le régime de l’octroi de mer.

Cet instrument fiscal qui, depuis 1992, concerne à la fois les livraisons et les importations de biens, revêt pour les départements ultramarins une importance capitale, en matière tant de développement économique que de financement.

Les collectivités devenues depuis 2012 des « pays et territoires d’outre-mer », comme Saint Barthélémy, sont considérées comme situées hors du territoire douanier de l’Union européenne. Elles bénéficient ainsi d’une large autonomie en matière douanière. La seule taxe qui s’applique aux marchandises entrant sur notre territoire est le droit de quai, fixé à 5 % pour toutes les marchandises, à l’exception des véhicules, pour lesquels le taux est plus élevé. L’octroi de mer et l’octroi de mer régional ne sont donc pas applicables dans les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

Les départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane, de La Réunion et de Mayotte, où s’applique le système de l’octroi de mer, ont vu l’an dernier leurs recettes fiscales atteindre, grâce à cette taxe, un niveau supérieur à 1, 4 milliard d’euros, ce qui représente en moyenne 40 % de leurs ressources.

Dans un environnement local hautement concurrentiel, où les difficultés à faire émerger de nouvelles productions sont de plus en plus grandes, nous comprenons l’importance de ce mécanisme protecteur pour ces départements.

La nouvelle mouture du dispositif comprend les modifications substantielles suivantes.

D’abord, le choix a été fait d’abaisser de 550 000 à 300 000 euros le seuil d’assujettissement, de sorte que les entreprises locales dont le chiffre d’affaires est supérieur à 300 000 euros seront désormais redevables de l’octroi de mer.

En revanche, les entreprises insulaires dont le chiffre d’affaires est inférieur à 300 000 euros seront, elles, exonérées de plein droit. Ce nouvel étiage tend à satisfaire les demandes de simplification émises par nombre d’entreprises de taille moyenne.

Nous devons ensuite nous féliciter de l’extension du champ des importations susceptibles d’être exonérées de l’octroi de mer. Lors de l’examen du texte au Sénat, il a opportunément été décidé d’étendre le champ des exonérations que les assemblées territoriales peuvent accorder aux établissements et services sociaux et médico-sociaux notamment, ainsi qu’aux établissements exerçant des activités scientifiques, de recherche et d’enseignement.

Cet élargissement du champ des bénéficiaires est de nature à accroître les marges de manœuvre des collectivités d’outre-mer, et devrait in fine leur permettre de bâtir des stratégies de développement économique adaptées aux caractéristiques de leurs territoires.

Par ailleurs, nous devons, mes chers collègues, nous féliciter de l’aménagement du régime particulier de territorialité auquel sont soumis les échanges de biens entre la Guyane et les Antilles.

Désormais, dans le cadre des relations commerciales entre le marché unique antillais et la Guyane, certains produits « préservés », tels les alcools, seront taxés dans la collectivité de destination. Discuté en amont avec les élus territoriaux, cet aménagement vise à résorber les déséquilibres observés dans les échanges commerciaux.

Rappelons enfin qu’une commission de concertation chargée d’analyser les flux commerciaux entre la Guyane et le marché unique antillais va être mise en place. Elle aura pour mission de faire évoluer les règles d’échanges et de taxation et, en tant que de besoin, d’amender la liste des produits préservés arrêtée par le présent projet de loi.

Autre motif de satisfaction, le texte prévoit, suivant la proposition formulée en ce sens par le Sénat, que le Parlement sera destinataire du rapport qui devra être transmis avant la fin de l’année 2017 par le Gouvernement à la Commission européenne, destiné à évaluer les effets économiques du nouveau régime d’octroi de mer. L’association de la représentation nationale est à saluer.

Il y a lieu de se réjouir de l’équilibre trouvé et du compromis élaboré avec succès par la commission mixte paritaire.

Compte tenu de l’ensemble de ces considérations, le groupe Les Républicains approuvera le texte établi le 11 juin par la commission mixte paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je salue votre présence dans cet hémicycle afin d’adopter les conclusions de la commission mixte paritaire, dont les travaux ont permis d’aboutir à un texte prorogeant de cinq ans le dispositif de l’octroi de mer.

Chacun l’a rappelé, ce régime constitue un enjeu fondamental pour nos économies ultramarines, en raison de sa double fonction : stimuler le développement économique et assurer le financement des collectivités locales. En Martinique, l’octroi de mer représente près de 50 % du budget des communes et plus de 16 % du budget régional. Les collectivités elles-mêmes, par la commande publique, jouent un rôle majeur pour l’emploi dans les départements d’outre-mer.

Il faut donc saluer le travail de longue haleine du Gouvernement, qui a réussi à mener la négociation avec Bruxelles en respectant la date butoir du 30 juin 2015 fixée par les instances européennes. Il faut se féliciter de ce que l’encadrement communautaire du régime de l’octroi de mer soit opérationnel au 1er juillet prochain et qu’aucune rupture juridique ne vienne fragiliser l’équilibre économique de nos départements, déjà compromis par la baisse des dotations de l’État.

Je salue également les avancées introduites par nos collègues députés sur la question du marché unique antillais et de la prise en compte des spécificités soulignées par la Guyane. Le passage de six à sept du nombre des productions guyanaises bénéficiant d’un mécanisme de taxation au titre de l’octroi de mer spécifique dans le cadre des échanges entre le marché unique antillais et la Guyane est le signe d’un dialogue constructif, qui doit perdurer, entre Martiniquais, Guadeloupéens et Guyanais. La commission tripartite interrégionale à présidence tournante aura pour mission de mettre en œuvre l’octroi de mer dans sa globalité. Son action permettra, sur la durée, le respect des intérêts de chacun et la poursuite du processus de discussion, en fonction des réalités du marché.

Enfin, revenant sur les propos que j’ai tenus lors de l’examen du projet de loi par le Sénat, je souhaite vous alerter, madame la ministre, sur la nécessité d’engager dès que possible une réflexion sur la définition d’un système alternatif plus pérenne, qui pourrait se substituer à l’octroi de mer.

En effet, ce régime a beau remplir des fonctions essentielles pour nos économies, il demeure un outil imparfait. Son instabilité, le manque de visibilité à long terme, encore renforcées par une prorogation de cinq ans seulement, son impact sur le coût de la vie et son influence indirecte sur le taux d’emploi en témoignent de façon criante.

De plus, les deux missions de l’octroi de mer, à savoir assurer le financement des collectivités et stimuler le développement économique, me paraissent difficilement conciliables. En effet, plus les importations en provenance de l’Hexagone ou de l’étranger augmentent, plus les ressources des collectivités croissent. En d’autres termes, plus notre dépendance à l’égard de l’extérieur se renforce, plus le niveau de l’activité locale, et donc de l’emploi, se détériore. Plus on encourage la production régionale en mettant en place des exonérations partielles ou totales, plus le manque à gagner en termes de recettes budgétaires est important… On le voit, il faudra trouver une alternative afin de rompre ce cercle vicieux.

L’horizon 2020 est très proche : j’appelle tous les parlementaires ultramarins à se mobiliser autour de vous, madame la ministre, afin d’ouvrir ce chantier commun à tous les départements d’outre-mer, d’une importance primordiale pour le financement des collectivités et l’équilibre de nos économies. Nos intérêts et nos spécificités étant toujours à défendre et à valoriser auprès des instances européennes, il me semble que c’est un travail que nous devons engager au plus vite.

Je voterai bien sûr ce texte.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin

Je voudrais remercier l’ensemble des parlementaires du travail accompli et de leurs interventions constructives.

Je comprends tout à fait qu’ils soulignent les limites du système de l’octroi de mer et la nécessité de réfléchir tous ensemble à une amélioration de la fiscalité dans les outre-mer. Il faudra notamment examiner les moyens de procéder à un rééquilibrage entre fiscalité indirecte et fiscalité directe, en tenant compte toutefois du fait que le produit de cette dernière est nécessairement quelque peu réduit, les populations ultramarines étant souvent pauvres. Je compte lancer rapidement cette réflexion.

Enfin, les travaux que nous entamons pour promouvoir l’égalité réelle entre les outre-mer et l’Hexagone ont été évoqués. Là encore, il s’agit d’un grand chantier : l’égalité est un principe républicain que nous nous efforçons de mettre en œuvre au travers des politiques concernant les outre-mer, tout en étant bien conscients que des progrès restent encore à faire. Tel est le sens de la mission qui a été confiée à Victorin Lurel. J’appelle tous les parlementaires à nous aider à définir les moyens d’établir cette égalité réelle que nous appelons tous de nos vœux. Ce sera la prochaine étape de notre travail commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte élaboré par la commission mixte paritaire, en ne retenant que les amendements ayant reçu l’accord du Gouvernement.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

L’article 3 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer est ainsi rédigé :

« Art. 3. – Pour l’application de la présente loi :

« 1° Est considérée comme importation d’un bien :

« a) Son entrée sur le territoire d’une collectivité mentionnée à l’article 1er.

« Par dérogation au premier alinéa du présent a, l’entrée en Guadeloupe d’un bien en provenance de la Martinique et l’entrée en Martinique d’un bien en provenance de la Guadeloupe ne sont pas considérées comme des importations ;

« b ) Sa mise à la consommation sur le territoire d’une collectivité mentionnée à l’article 1er si, lors de son entrée sur le territoire, il a été placé :

« – sous l’un des régimes suivants prévus par les règlements communautaires en vigueur : entrepôt d’importation, perfectionnement actif, transformation sous douane, transit et admission temporaire en exonération totale, ou magasin de dépôt temporaire. Il en est de même si le bien a reçu la destination douanière de l’entrepôt franc ou de la zone franche ;

« – ou sous le régime suspensif mentionné au a du 2° du I de l’article 277 A du code général des impôts ;

« 2° Est considérée comme livraison d’un bien le transfert du pouvoir de disposer d’un bien meuble corporel comme un propriétaire. »

L’article 5 de la même loi est ainsi rédigé :

« Art. 5. – I. – Pour les biens relevant des positions tarifaires 2208 40, 2208 70, 2208 90, 3208 90, 3209 10, 4818 10, 4818 2091, 4818 2099, 4818 9010, 7214 20 et 7214 99 et par dérogation à l’article 4 :

« 1° Les livraisons mentionnées au 1° de l’article 4 dans une collectivité du marché unique antillais de biens expédiés ou transportés par l’assujetti, par l’acquéreur qui n’est pas établi dans cette collectivité ou pour leur compte à destination de la Guyane et les livraisons en Guyane de biens expédiés ou transportés par l’assujetti, par l’acquéreur qui n’est pas établi dans cette collectivité ou pour leur compte à destination du marché unique antillais sont exonérées de l’octroi de mer ;

« 2° Les importations en Guyane de biens dont la livraison a été exonérée dans le marché unique antillais et les importations dans le marché unique antillais de biens dont la livraison a été exonérée en Guyane sont soumises à l’octroi de mer.

« II. – Il est créé une commission de concertation sur la mise en œuvre de l’octroi de mer et d’évaluation de l’ensemble des échanges de biens sur les marchés de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique.

« Elle est chargée :

« 1° D’analyser les flux d’échanges entre la Guyane et le marché unique antillais ;

« 2° De proposer des évolutions des règles d’échanges et de taxation ;

« 3° De proposer, si nécessaire, la modification de la liste de produits mentionnée au I du présent article, notamment sur la base d’un état statistique des flux d’échanges entre la Guyane et le marché unique antillais. Cette proposition intervient au plus tard le 1er septembre.

« La présidence de la commission est assurée à tour de rôle par le président du conseil régional de Guadeloupe ou son représentant ou par le président de l’assemblée de Guyane ou son représentant ou par le président du conseil exécutif de l’assemblée de Martinique ou son représentant.

« La commission est composée d’élus du conseil régional de Guadeloupe, de l’assemblée de Guyane et de l’assemblée de Martinique.

« Les services de l’État compétents apportent leur expertise technique sur demande de la commission.

« Les acteurs socioprofessionnels peuvent être consultés sur proposition de la commission.

« Un décret fixe les conditions d’application du présent article. »

L’article 6 de la même loi est ainsi modifié :

1° Les cinq premiers alinéas sont ainsi rédigés :

« Les conseils régionaux de Guadeloupe et de La Réunion, l’assemblée de Guyane, l’assemblée de Martinique et le conseil départemental de Mayotte peuvent exonérer l’importation :

« 1° De biens destinés à une personne exerçant une activité économique, au sens de l’article 256 A du code général des impôts. Les exonérations sont accordées par secteur d’activité économique et par position tarifaire, dans des conditions fixées par décret ;

« 2° De biens destinés à des établissements ou à des personnes morales exerçant des activités scientifiques, de recherche ou d’enseignement ;

« 3° De biens destinés à l’accomplissement des missions régaliennes de l’État ;

« 4° De biens destinés aux établissements et centres de santé, ainsi qu’aux établissements et services sociaux et médico-sociaux publics ou privés ; »

2° Il est ajouté un 6° ainsi rédigé :

« 6° De biens destinés à des organismes mentionnés au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts. »

L’article 9 de la même loi est ainsi modifié :

1° Au 1°, le mot : « marchandises » est remplacé par le mot : « biens » ;

2° Le 3° est ainsi rédigé :

« 3° Le prix payé ou à payer au prestataire situé en dehors de la collectivité, pour les biens qui sont expédiés temporairement hors d’une collectivité mentionnée à l’article 1er et réimportés dans cette collectivité, après avoir fait l’objet d’une réparation, d’une transformation, d’une adaptation, d’une façon ou d’une ouvraison. Le présent 3° ne s’applique pas aux biens dont l’importation est exonérée conformément au 2° de l’article 4. »

L’article 19 de la même loi est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. – L’octroi de mer qui a grevé un bien d’investissement est déductible en totalité lorsque le bien est affecté à hauteur de plus de 50 % à des opérations ouvrant droit à déduction et l’octroi de mer n’est pas déductible lorsque le bien est affecté à hauteur de 50 % ou moins à des opérations ouvrant droit à déduction. » ;

2° Le premier alinéa du II est ainsi modifié :

a) La première phrase est ainsi modifiée :

– au début, sont ajoutés les mots : « L’octroi de mer qui a grevé » ;

– à la fin, les mots : « n’ouvrent pas droit à déduction » sont remplacés par les mots : « n’est pas déductible » ;

b) La seconde phrase est ainsi rédigée :

« Il en est de même de l’octroi de mer qui a grevé les éléments constitutifs, les pièces détachées et les accessoires de ces véhicules et engins. »

Après l’article 19 de la même loi, il est inséré un article 19-1 ainsi rédigé :

« Art. 19 -1. – Les personnes qui, au cours d’une année civile, franchissent le seuil d’assujettissement mentionné à l’article 2 peuvent, dans les conditions prévues à l’article 19, déduire l’octroi de mer qui a grevé les biens d’investissement acquis durant cette année civile et durant l’année civile précédente. Le montant de l’octroi de mer dont la déduction est ainsi ouverte doit être mentionné de façon distincte sur la première déclaration trimestrielle. L’octroi de mer dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures, dans les conditions prévues au second alinéa de l’article 16. »

L’article 37 de la même loi est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– le début est ainsi rédigé : « Les conseils régionaux de Guadeloupe et de La Réunion, l’assemblée de Guyane, l’assemblée de Martinique ou le conseil départemental de Mayotte peuvent... §(le reste sans changement). » ;

– le mot : « région » est remplacé par le mot : « collectivité » ;

b) Au deuxième alinéa, après le mot : « application », est insérée la référence : « du I » ;

c) Le troisième alinéa est ainsi modifié :

– les mots : « au titre des articles 6 et 7 » sont remplacés par les mots : « en vertu des articles 6 à 7-1 » ;

après les mots : « les conseils régionaux », sont insérés les mots : « de Guadeloupe et de La Réunion, l’assemblée de Guyane, l’assemblée de Martinique et le conseil départemental de Mayotte » ;

2° Au III, le mot : « région » est remplacé par le mot : « collectivité » et les références : « aux articles 28 et 29 » sont remplacées par la référence : « à l’article 28 ».

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi modifiant la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.

Le projet de loi est définitivement adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 22 juin 2015, à seize heures et le soir :

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au dialogue social et à l’emploi (476, 2014-2015) ;

Rapport de Mme Catherine Procaccia, fait au nom de la commission des affaires sociales (501, 2014-2015) ;

Texte de la commission des affaires sociales (n° 502, 2014-2015) ;

Avis de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (490, 2014-2015) ;

Avis de M. Alain Dufaut, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (493, 2014-2015).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt et une heures quinze.