Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, comme M. Pierre-Yves Collombat vient de l’indiquer, la proposition de loi organique qui a été déposée par le groupe du RDSE porte sur les dispositions de la loi organique de 2009 relative aux études d’impact. Elle a un objet manifeste et un objet latent.
L’objet manifeste est de prendre acte du fait que le Gouvernement est totalement libre d’entendre par « étude d’impact » ce qu’il veut. De ce point de vue, le Conseil constitutionnel ne se sent pas en mesure de contester la façon dont le Gouvernement interprète la notion d’étude d’impact.
L’objet latent est de constater que le contrôle donné au Parlement à travers les études d’impact n’existe pas en fait. Sous cet angle, la révision constitutionnelle de 2008 a totalement échoué.
La commission, après avoir examiné ce texte, l’a adopté et complété par des dispositions, afin d’encadrer davantage la façon dont le Gouvernement présente ses projets de loi et de permettre à la conférence des présidents d’avoir plus le loisir d’analyser les projets de loi et ce qu’il reste des études d’impact qui lui sont soumis.
Comme je viens de l’indiquer, la présente proposition de loi organique part d’un constat : le Gouvernement est totalement libre de mettre dans ces études d’impact ce qu’il veut.
Ainsi, après avoir élaboré à une vitesse accélérée le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, le Gouvernement y a ensuite joint un certain nombre de documents ; il a donc rempli les annexes, si je puis dire, en ajoutant notamment une étude d’impact. Or il a considéré, par exemple, que les effets de ce texte en matière d’emploi public ne figuraient pas parmi ses objectifs.
Comme vous le savez, mes chers collègues, la conférence des présidents a estimé que, dans ces conditions, il n’y avait pas lieu d’examiner le projet de loi puisqu’il ne comportait pas de véritable étude d’impact. Le Gouvernement a alors fait appel de cette décision et demandé au Conseil constitutionnel de statuer.
Le Conseil, le 1er juillet 2014, s’est prononcé lui aussi, en quelque sorte, en procédure accélérée : ayant d’autres dossiers à examiner, il n’avait pas beaucoup de temps à consacrer à l’examen de cette saisine, qui était la première effectuée en vertu de l’article 39 de la Constitution. Et il a validé la façon de procéder du Gouvernement. Celui-ci ayant affirmé que l’évaluation des effets du projet de loi en cause sur l’emploi public ne faisait pas partie de ses objectifs, le Conseil constitutionnel a considéré qu’il n’en fallait pas plus et qu’il n’y avait pas de raison de sanctionner le Gouvernement. Il a donc pris pour argent comptant cette attitude gouvernementale.
Une telle interprétation signifie qu’une étude d’impact n’est pas l’étude des effets objectifs d’un texte sur l’économie, les finances, l’emploi public, etc., quel que soit le point de vue de l’auteur du projet de loi, mais qu’elle consiste tout simplement à analyser la façon dont cet auteur interprète la loi et que l’on s’en tient purement et simplement à cette interprétation. La loi organique de 2009 et son article 39 n’ont évidemment pas été rédigés dans cette intention.
Cette interprétation pose donc un problème quant à la façon dont le Gouvernement travaille et dont le Conseil constitutionnel le contrôle.
Les auteurs de la proposition de loi organique ont tiré le bilan de cette situation : le Gouvernement a toute latitude pour appliquer ou non l’article 39 de la loi organique précitée et le Conseil constitutionnel n’a ni le temps ni peut-être l’envie d’examiner cette question, au motif qu’il n’est pas le juge d’opportunité, comme on nous l’a dit lors des auditions. Toutefois, en fait, il est bien juge d’opportunité, puisqu’il se range à l’opportunité telle que le Gouvernement l’entend !