Certes !
Quoi qu’il en soit, il est de bon ton, dans les médias nationaux et chez les commentateurs politiques, qui cumulent leurs interventions depuis de longues années dans de multiples médias écrits ou télévisuels, d’imputer au Parlement la responsabilité de l’encombrement législatif et de l’accumulation de textes à l’application aléatoire. J’entendais encore ce matin, sur une chaîne d’information en continu, un brillant éditorialiste à écharpe écharper une nouvelle fois le Parlement qui bloquerait les réformes. Au plus haut niveau, l’exécutif considère que le Parlement ne va pas assez vite, qu’il parle trop. Une seule chambre, avec un usage hebdomadaire de l’article 49-3 de la Constitution, conviendrait davantage, sans doute…
Mais ne vaudrait-il pas mieux poser les questions de fond : pourquoi cette inflation législative et réglementaire, due d’abord au Gouvernement ? Qui en est à l’origine, l’élu ou l’administration ? Est-il bien raisonnable que chaque ministre ou secrétaire d’État veuille sa loi, raison d’être de son passage au Gouvernement ? Est-il bien raisonnable que, du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte au projet de loi de modernisation de notre système de santé, en passant par le projet de loi Macron et tant d’autres, le Parlement soit submergé de projets de loi catalogues, lesquels comportent parfois des centaines d’articles, mélangeant souvent le législatif et le réglementaire et s’infiltrant dans le détail du quotidien de nos concitoyens ? Est-il raisonnable que la plupart de ces projets de loi, écrits dans une langue administrative peu compréhensible pour les citoyens, soient mis en discussion devant le Parlement en utilisant de manière quasi systématique la procédure accélérée ?
Pensez-vous vraiment, mes chers collègues, que le souci de nos concitoyens soit de modifier constamment la législation, et que ceux-ci soient convaincus que c’est le bon moyen pour améliorer leur condition de vie et créer des emplois ? Je consacre ma vie au droit, et je suis chaque jour davantage convaincu que, moins il y a de textes, plus et mieux on les applique. C’est un fait que l’on pourrait rappeler aux exécutifs successifs.
Oui, la loi doit tenir compte de l’évolution de la société, des bouleversements technologiques et sociaux, et parfois précéder ou lancer ces évolutions, mais cela n’a rien à voir avec la fièvre législative dont sont atteints nos exécutifs successifs, inspirés par une fonction publique certes très compétente, mais dont la propension à fabriquer des textes est mondialement reconnue.
Quand la loi n’est que réactive et à effet médiatique, il est difficile qu’elle soit de qualité. Oui, le corpus des futures actions d’un exécutif devrait être ficelé dans le pacte des candidats à l’élection présidentielle. Il est sain de légiférer en amont plutôt qu’en aval.
Et les études d’impact dans tout cela ? Elles n’ont de sens que si ce sont de véritables études décrivant les conséquences possibles de l’application du projet de loi qui sera examiné et si le Parlement a le temps nécessaire pour les analyser et travailler sur leurs manques ou leurs failles.
L’expérience acquise depuis la révision constitutionnelle de 2008 démontre la faiblesse chronique des études d’impact : paravents des textes qu’elles accompagnent en annexe, elles sont le plus souvent réalisées à la va-vite sur commande tardive pour permettre au Gouvernement de dire qu’une étude d’impact a été effectuée.
Le cas de la loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral en a été l’illustration : urgence et étude d’impact indigente, ce que personne ne conteste sérieusement. À la demande des groupes du RDSE, Les Républicains et CRC, la conférence des présidents a réagi le 26 juin 2014 en constatant – c’était la première fois – « la méconnaissance des règles fixées par la loi organique du 15 avril 2009 », ce qui a obligé le Premier ministre à saisir le Conseil constitutionnel, lequel a balayé la position du Sénat dans une décision lapidaire que je ne commenterai pas ; d’autres viennent de le faire mieux que je ne le pourrais.
Je rappellerai simplement que le projet de loi et l’étude d’impact ont été déposés au Sénat le 18 juin 2014 pour un examen au fond quelques jours après. Cela démontre, s’il en était encore besoin, que ce type d’étude d’impact associé à l’urgence n’a strictement aucun intérêt, et que toutes les arguties pour soutenir le contraire relèvent d’un pur cynisme et d’un profond mépris du travail parlementaire.
Voilà pourquoi nous avons demandé l’inscription à l’ordre du jour de la présente proposition de loi organique. Qui ne dit mot consent, et le devoir du parlementaire, ce n’est pas de passer son temps sur les plateaux de télévision, c’est d’indiquer à l’exécutif, quel qu’il soit, son sentiment sur ses méthodes.
Nous nous sommes entretenus avec le rapporteur. Dans un souci d’efficacité, les membres de mon groupe se sont ralliés aux conclusions de son excellent rapport. Les mesures qu’il propose apporteront un plus à la vie parlementaire et donc à l’élaboration de la loi.
Je m’étonne que le groupe socialiste et républicain piétine ce qu’il avait essayé de faire adopter voilà quelques années. Je vous le dis souvent, mes chers collègues, avec toute l’amitié que j’ai pour vous : vous brûlez toujours ce que vous avez adoré, et vous adorez toujours ce que vous avez brûlé.